II. LONDRES ET STOCKHOLM, DEUX EXEMPLES DE TARIFS DE CONGESTION DÉSORMAIS BIEN ACCEPTÉS PAR LEUR POPULATION EN RAISON DE LEUR EFFICACITÉ
A. LES « CONGESTION CHARGES » DE LONDRES ET DE STOCKHOLM, EN DÉPIT DE LEURS SIMILITUDES, SE DISTINGUENT SUR PLUSIEURS POINTS CLEFS
1. À Londres comme à Stockholm, la « congestion charge » a fait l'objet d'un fort portage politique au niveau local et d'un soutien appuyé de l'État central
À la fin des années 1990, le centre de Londres était victime d'une congestion automobile très forte , sans équivalent ailleurs au Royaume-Uni, et ce, alors même que 85 % de la population empruntait les transports publics.
On estime que 185 000 voitures entraient quotidiennement dans cet espace restreint, créant des embouteillages tout au long de la journée, les voitures ne pouvant circuler qu'à une vitesse moyenne de 15 kilomètre-heure . Selon les études des experts, le coût pour l'économie et pour la société de cette congestion s'élevait à quelque 4 milliards de livres sterlings .
En 1998, le Gouvernement a donc demandé à une commission d'experts baptisée ROCOL (pour « Road charging options for London ») d'étudier l'hypothèse de la mise en place d'un péage urbain dans le centre de Londres 19 ( * ) .
Dans son rapport rendu en l'an 2000, cette commission a estimé que l'instauration d'un tel dispositif était réalisable d'un point de vue technique et qu'elle pourrait présenter u ne réelle efficacité pour lutter contre les embouteillages . Dès le mois de novembre de la même année, l'adoption par le Parlement de la loi « Transport Act 2000 » a donné la possibilité aux collectivités territoriales anglaises d'instaurer un péage urbain dans le cadre de leurs plans de transport locaux pour lutter contre la congestion.
Anticipant quelque peu sur l'adoption de la loi, le nouveau maire travailliste de Londres Ken Livingstone a repris à son compte dès mai 2000 les conclusions de la commission ROCOL et a chargé l'agence Transport for London de préparer la mise en oeuvre opérationnelle d'une « congestion charge » tout en menant des consultations publiques pour recueillir le point de vue de la population et des entreprises .
Après que le projet a obtenu l'aval du Gouvernement , la mairie de Londres a lancé une vaste campagne de communication pour présenter le dispositif aux Londoniens puis celui-ci est entré en vigueur le 13 février 2003 .
En Suède , l'idée de mettre en place une « congestion charge » était relativement ancienne puisque plusieurs rapports officiels avaient étudié le sujet au début des années 1990.
C'est finalement au début des années 2000 que l'idée a abouti lorsque les Verts ont obtenu, à la suite des élections législatives de 2002, la mise en place à titre expérimental d'un péage urbain à Stockholm dans le cadre du contrat de coalition avec les sociaux-démocrates.
Les objectifs assignés à ce nouvel outil financier étaient en premier lieu de réduire la circulation automobile dans le centre-ville de Stockholm , en particulier aux heures de pointe du matin et du soir, mais également de lutter contre la pollution de l'air , objectif qui avait été moins mis en avant à Londres.
Le péage urbain de Stockholm a été mis en place en 2006 pour une période de test de six mois , qui a été conduite de janvier à juillet, date à laquelle il a été suspendu dans l'attente d'une consultation de la population.
Alors que le dispositif était à l'origine rejeté par la quasi-totalité des partis politiques et par une majorité des Stockholmois, ceux-ci ont finalement largement voté pour son rétablissement , qui a eu lieu en août 2007, après un an d'interruption.
À Londres comme à Stockholm, la création d'un péage urbain a été rendue possible par la détermination de la municipalité à mener le projet à bien mais également par le soutien appuyé apporté par l'État central , qui a défini le cadre législatif de la « congestion charge » et a contribué financièrement à sa mise en oeuvre : l'État suédois a ainsi versé une somme de 1 milliard de couronnes suédoises (SEK) à la municipalité de Stockholm en 2006 pour contribuer au développement des alternatives à la voiture.
Recommandation n° 1 : mettre en place un tarif de congestion nécessite un très fort portage politique au niveau local ainsi que le soutien de l'État . |
2. Des « congestion charges » adaptées au centre-ville des très grandes agglomérations que sont Londres et Stockholm
La taille de la zone soumise à la « congestion charge » à Londres, si elle comprend plusieurs quartiers emblématiques de la capitale britannique, est très réduite , puisqu'elle ne s'étend que sur 21 kilomètres carrés , soit seulement 1,4 % de la superficie totale de l'agglomération londonienne et 1,3 % de sa population .
Cette zone a connu une extension de 17 kilomètres carrés à l'ouest entre 2007 et 2010 à l'initiative de la municipalité travailliste de Ken Livingstone mais le maire suivant, le conservateur Boris Johnson, a fait le choix de revenir aux limites de la zone initiale à compter du 4 janvier 2011.
La zone soumise à la congestion charge à Londres
Source : Transport for London
La zone soumise à péage à Stockholm, accessible par 26 entrées, couvre quant à elle 47 kilomètres carrés et compte 350 000 habitants , soit environ 15 % de la population de la région capitale .
La zone soumise à la « congestion charge » à Stockholm
Source : Transportstyrelsen
Chacune de ces deux zones correspond au centre-ville , voire à l'hyper-centre d'une grande métropole . Elles sont l'une comme l'autre très denses en terme de population et riches en activités économiques .
En outre, ces deux zones souffraient toutes les deux d'une congestion automobile provoquant retards et pollution atmosphérique . Ces deux phénomènes étaient particulièrement dommageables pour l'économie de la ville ainsi que pour la qualité de vie de ses habitants .
Point très important pour la réussite du tarif de congestion : dans les deux cas, ces villes étaient pourvues avant même la mise en service de leur dispositif de péage de réseaux de transports publics très performants à même de fournir une véritable alternative à la voiture individuelle. Ils étaient en outre très utilisés , puisque 85 % des Londoniens fréquentaient par exemple les transports en commun .
Il paraît nécessaire que ces trois éléments soient réunis pour que la mise en place d'un péage urbain soit opportune.
Lors de son déplacement en Suède, votre rapporteure spéciale a du reste était sensibilisée aux difficultés du péage de Göteborg , deuxième ville de Suède dont la population rejette le système de péage car elle estime qu'il n'est pas adapté aux dimensions limitées de la ville . C'est du reste pour la même raison que Malmö, troisième ville de Suède, a renoncé à mettre en place à son tour une « congestion charge », après avoir conduit des travaux socio-économiques dont les résultats se sont révélés négatifs.
Au total, ainsi que tendent à le montrer les conclusions de la littérature économique ainsi que les comparaisons conduites par la direction générale du Trésor et l'Ademe, la mise en place d'un péage urbain ne constitue un outil pertinent de politique publique que si il est utilisé dans de grandes agglomérations , dont la taille minimale est estimée à 300 000 habitants .
Recommandation n° 2 : un tarif de congestion n'a de sens que dans le centre-ville congestionné des grandes agglomératio ns et à la condition que celles-ci disposent dès le départ de transports en commun performants . Recommandation n° 3 : conserver le seuil minimal de 300 000 habitants , prévu à l'article 1609 quater A du code général des impôts, à partir duquel les autorités organisatrices de la mobilité d'une agglomération peuvent instaurer un tarif de congestion. |
3. Des systèmes de reconnaissance optique automatique des plaques d'immatriculation efficaces, l'émergence de nouvelles technologies encore plus performantes
Les technologies utilisés à Londres et à Stockholm pour assurer le fonctionnement opérationnel de la « congestion charge » sont très proches, puisqu'il s'agit dans les deux cas de systèmes de reconnaissance optique automatique des plaques d'immatriculation par des caméras installées sur des bornes qui se trouvent aux différents points d'accès de la zone soumise à péage.
À Londres, quelque 646 caméras sont ainsi installées sur 197 bornes présentes dans 175 sites correspondant aux entrées de la zone soumise à la « congestion charge ». Selon Transport for London , ces caméras enregistrent et analysent 650 000 images de plaques minéralogiques par jour .
Le système vérifie la nuit qui suit l'entrée d'un véhicule dans la zone soumise à péage que son propriétaire s'est bien acquitté de sa « congestion charge » en identifiant son numéro d'immatriculation grâce à une base de données centrale des véhicules et de leurs propriétaires baptisée « Automatic number plate recognition (ANPR) ».
À Stockholm, le droit de péage est appliqué automatiquement grâce à la lecture de la plaque minéralogique qui intervient lors du franchissement d'un point d'accès au centre-ville. Ce système paraît efficace, puisque 95 % des plaques sont lues sans difficultés , en dépit de la neige qui nuit l'hiver à la visibilité.
Chaque mois, le propriétaire du véhicule reçoit une facture 20 ( * ) correspondant au coût de tous ses passages du mois précédent, dont il doit s'acquitter avant la fin du mois .
Le coût total du système mis en place à Londres en 2003, y compris les mesures complémentaires et les travaux de reporting , a représenté 160 millions de livres sterling , soit environ 180 millions d'euros .
Le coût total de départ du système à Stockholm a représenté pour sa part quelque 200 millions d'euros d'investissements pour la municipalité, ses coûts d'exploitation s'élevant à environ 15 millions d'euros par an . Selon Gunnar Söderholm, responsable de la politique environnementale de la municipalité, le coût d'un système équivalent ne représenterait toutefois plus désormais que 100 millions d'euros environ d'investissements de départ.
Les systèmes technologiques équivalents à ceux de Londres et de Stockholm sont désormais très bien maîtrisés et leur coût va décroissant . Il serait donc envisageable de les utiliser en France .
Pour autant, il semblerait que le système technologique utilisé par Singapour depuis 1998 et décrit par la direction générale du Trésor dans son document de travail « Péages urbains : quels enseignements tirer des expériences étrangères » soit encore plus efficace , pour un coût total probablement inférieur .
Ce système de contrôle et de paiement automatiques baptisé « Electronic road pricing » fonctionne à l'aide de cartes prépayées et rechargeables automatiquement ( cashcard ) insérées dans un équipement électronique embarqué (IU-In-vehicle unit) que tous les automobilistes doivent emporter dans leur véhicule lorsqu'ils souhaitent accéder à la zone soumise à péage.
Grâce à une technologie de radiocommunication à ondes courtes (DSRC) , les IU communiquent avec les portiques installés à chaque entrée de la zone, et le montant du péage est déduit automatiquement lors du passage du véhicule .
Toujours selon la direction générale du Trésor, il semblerait que le coût de ce système en 1998 se soit limité à 130 millions d'euros , y compris le coût d'équipement et d'installation des équipements embarqués, qui ont été pris en charge par les finances publiques. Ce coût serait assurément inférieur aujourd'hui .
Troisième type de technologie, enfin, l'utilisation de systèmes GPS qui géolocaliseraient les véhicules , là encore grâce à des équipements embarqués. Ce type de dispositif permettrait une tarification entièrement dématérialisée , qui pourrait s'adapter à la distance parcourue. Elle aurait en outre le grand avantage de permettre la disparition des portiques et des caméras .
Cette technologie d'avenir représente toutefois un coût important puisque Singapour, qui a décidé de l'utiliser pour remplacer son système actuel à compter de 2020, a lancé en février 2016 un marché public dont le montant s'élève à 556 millions de dollars singapouriens , soit quelques 360 millions d'euros .
Il serait donc préférable qu'une agglomération française qui prendrait la décision d'instaurer un péage urbain dans un avenir proche s'appuie sur des technologies parfaitement maîtrisées et moins coûteuses .
En tout état de cause, et quels que soient les choix technologiques qui pourraient être opérés, la suppression de la disposition de l'article 1609 quater A du code général des impôts qui prévoit qu'un péage urbain ne peut être mis en place en France qu'à titre expérimental , et ce pour une durée de trois ans au maximum , constituera un préalable indispensable, dans la mesure où les systèmes techniques nécessaires ne peuvent raisonnablement être amortis qu'au bout de huit ans selon la direction générale du Trésor (voir supra ).
Recommandation n° 4 : supprimer le caractère expérimental et la limitation à trois ans de la durée de mise en oeuvre des tarifs de congestion actuellement prévus à l'article 1609 quater A du code général des impôts. |
4. Alors que le péage forfaitaire londonien est fixe, les tarifs de la « congestion charge » de Stockholm varient en fonction des heures pleines et des heures creuses, ce qui le rend plus incitatif
Les questions des horaires de perception de la « congestion charge » et de son montant conditionnent très largement sa capacité à faire évoluer les comportements des automobilistes en les incitant à privilégier des alternatives à la voiture ou à l'utiliser à des moments où elle engendre moins d'externalités négatives .
La « congestion charge » de Londres est perçue du lundi au vendredi de 7h00 à 18h00 . Elle n'est perçue ni le week-end, ni les jours fériés, ni le soir et la nuit de 18h00 à 7h00, périodes où le trafic automobile est spontanément plus fluide.
Le tarif de la « congestion charge » est fixe quelle que soit l'heure de la journée : aucune distinction n'est faite entre heures creuses et heures pleines.
Il est en outre forfaitaire, ce qui signifie qu'un automobiliste ne s'acquitte du péage qu'une seule fois par jour , qu'il n'entre dans la zone protégée qu'une fois dans la journée ou qu'il y pénètre à plusieurs reprises. On qualifie ce type de péage, également en vigueur à Rome, de péage « de zone » (voir supra ).
Le montant de la « congestion charge » est actuellement de 11,50 livres sterlings (£) , soit environ 13 euros, ce qui constitue un montant élevé au regard des autres systèmes de péages qui existent ailleurs dans le monde. Il est toutefois possible de ne payer que 1 £ par jour en s'inscrivant au système Auto Pay .
Les amendes en cas d'absence de paiement de la « congestion charge » s'élèvent à 160 £ , un montant qui peut être ramené à 80 £ en cas de régularisation dans les 14 jours.
T-Charge et Ultra Low Emission Zone (ULEZ) Le péage de Londres devrait prochainement connaître une profonde évolution en raison de la volonté de son maire actuel, le travailliste Sadiq Kahn, de renforcer les mesures en faveur de la qualité de l'air, à laquelle il entend consacrer 875 millions de livres au cours des 5 années de son mandat. Il a ainsi annoncé qu'une surtaxe (la T-Charge) de 10 livres sterlings par jour sera appliquée au sein du périmètre de la congestion charge actuelle pour les automobiles et les poids lourds qui ne répondent pas aux standards Euro 4 à compter du 23 octobre 2018. Cette mesure sera remplacée à partir du 8 avril 2019 par l'Ultra Low Emission Zone (ULEZ) qui imposera une surtaxe de 12,50 livres sterlings par jour aux véhicules essence qui se sont pas au moins Euro 4 et aux véhicules diesels ou poids lourds Euro 6 dans le centre de Londres. Source : services économiques de l'ambassade de France au Royaume-Uni |
Le péage qui ceinture le centre-ville de Stockholm est pour sa part un péage « cordon » : les automobilistes doivent s'acquitter du péage à chaque fois qu'ils accèdent au centre-ville (les deux-roues, en revanche, ne sont pas concernés), même si cela se produit plusieurs fois dans la même journée . Il existe toutefois un plafond journalier qu'un même automobiliste ne saurait dépasser et qui s'élève à 10 couronnes suédoises (SEK) , soit environ 11 euros par jour .
La « congestion charge » de Stockholm est perçue du lundi au vendredi de 6h30 à 18h30 . Aucun péage n'est en revanche prélevé en dehors de ces horaires, ni le week-end, ni au mois de juillet, qui correspond aux grandes vacances en Suède.
Comme le montre le tableau ci-dessous, le tarif de l'accès au centre-ville varie tout au long de la journée : il est plus élevé aux heures pleines pour inciter les automobilistes qui le peuvent à se déplacer aux heures creuses.
Tarif de la « congestion charge » de Stockholm en fonction des heures
Heures |
06h30-
|
7h00-7h29 |
7h30-8h29 |
8h30-8h59 |
9h00-9h29 |
9h30-14h59 |
15h00-15h29 |
15h30-15h59 |
16h00-17h29 |
17h30-17h59 |
18h00-18h29 |
Montant de la taxe (en euros) |
1,6 |
2,7 |
3,7 |
2,7 |
1,6 |
2,3 |
1,6 |
2,7 |
3,7 |
2,7 |
1,6 |
Source : Transportstyrelsen
Ces tarifs sont les mêmes pour tous : il n'existe pas de tarif préférentiel pour les résidents de la zone soumise à péage, ni de dégressivité en fonction des revenus des ménages, qui ne perçoivent par ailleurs aucune mesure compensatoire. Il convient toutefois de noter que le coût d'un franchissement du péage de Stockholm est nettement inférieur au montant journalier dont doivent s'acquitter les véhicules qui payent la « congestion charge » à Londres.
Chaque mois, le propriétaire du véhicule reçoit une facture 21 ( * ) correspondant au coût de tous ses passages du mois précédent, dont il doit s'acquitter avant la fin du mois, sous peine de devoir payer une amende de 500 SEK , soit environ 53 euros .
La « congestion charge » mise en place à Stockholm est à bien des égards plus élaborée que celle de Londres , ce qui explique peut-être en partie pourquoi ses résultats soient encore plus visibles , tant en termes de réduction de la congestion que d'amélioration de la qualité de l'air (voir infra ).
Si les horaires où le péage est perçu sont largement les mêmes, le fait de prévoir une différenciation tarifaire selon les heures creuses et les heures pleines permet d'inciter les automobilistes à décaler leurs déplacements lorsqu'ils le peuvent et de mieux prendre en compte les coûts pour la société engendrés par la congestion aux heures de pointe .
En deuxième lieu, les études économiques citées par la direction générale du Trésor dans son document de travail précité tendent à montrer qu'un péage de zone est nettement moins efficace qu'un péage cordon pour réduire la congestion , dans la mesure où les déplacements d'un véhicule qui est entré une fois dans la zone ne donnent plus lieu à paiement d'un péage, ce qui n'incite dès lors plus son utilisateur à réduire ses allers retours entre l'intérieur et l'extérieur de la zone. La transformation en 1998 du péage de zone de Singapour en péage cordon a ainsi permis de réduire dès la première année le trafic automobile de - 15 % .
Ses interlocuteurs londoniens comme stockholmois ont insisté auprès de votre rapporteure spéciale sur l'importance de disposer de tarifs simple s, lisibles et relativement stables dans le temp s, afin que les automobilistes puissent pleinement les intégrer dans les calculs économiques susceptibles de conditionner leurs choix de modes de déplacement.
Prévoir que le tarif de congestion ne s'applique ni la nuit , ni les week-ends ni les jours fériés est également essentiel pour le rendre plus acceptable auprès des habitants de la ville.
Recommandation n° 5 : prévoir une tarification simple , lisible et stable , modulée selon les horaires de la journée , avec un paiement à chaque entrée dans la zone mais plafonné quotidiennement . Recommandation n° 6 : garantir la gratuité du tarif de congestion la nuit , les week-ends et les jours fériés . |
5. Des exonérations beaucoup plus étendues à Londres qu'à Stockholm, au risque de fragiliser l'efficacité du dispositif ?
Tous les systèmes de péages urbains prévoient des exonérations au tarif de congestion pour les véhicules d'intérêt général (police, ambulances, militaires, etc.).
Pour les autres types de véhicules en revanche, chaque péage urbain présente des systèmes plus ou moins étendus d'exonération , totale ou partielle, ou de déduction des impôts s'appliquant à certaines catégories de véhicule.
À Londres, les autorités ont fait le choix de prévoir de nombreuses exonérations à la « congestion charge » . En sont ainsi exemptés les cars et autobus, les taxis ainsi que les véhicules utilisés par les personnes handicapées.
Depuis janvier 2011, sont également exonérés de la taxe les véhicules électriques et hybrides, ainsi que les véhicules qui émettent moins de 75 g/km de CO 2 .
Surtout, elles ont prévu une réduction de 90 % du tarif de la « congestion charge » pour les résidents de la zone soumise à péage.
Les exonérations sont nettement plus limitées à Stockholm .
La principale exonération que prévoit la « congestion charge » de Stockholm concerne les véhicules des personnes en situation de handicap , à la condition qu'ils disposent d'une autorisation de stationnement spéciale et qu'ils en fassent la demande auprès de l'Agence suédoise des impôts.
À noter que les véhicules verts étaient exemptés du péage de Stockholm jusqu'au 1 er août 2012 et que les voitures immatriculées dans un autre pays que la Suède 22 ( * ) n'étaient pas non plus tenu de s'y conformer jusqu'au 1 er août 2015 mais que ces deux catégories de véhicules sont désormais soumis à la « congestion charge » .
À la différence ce celui de Londres, le péage urbain de Stockholm est déductible des impôts pour trois catégories d'automobilistes qui seraient pénalisés de façon excessive par le péage.
Ainsi, les automobilistes qui gagnent plus de deux heures par jour en prenant leur voiture pour se rendre à leur travail au lieu de prendre les transports en commun peuvent demander à déduire de leurs impôts la part des coûts liés à ces déplacements (y compris le péage) qui est supérieure à 10 000 SEK par an, soit environ 1 070 euros.
Il s'agit là d'une mesure destinée à lutter contre de potentiels effets anti-redistributifs du péage en s'assurant que les ménages, et en particulier les ménages modestes qui n'auraient par la possibilité d'utiliser les transports en commun, ne paieront pas un montant annuel excessif au titre du péage .
Un mécanisme analogue est prévu pour les automobilistes qui roulent plus de 3 000 km par an dans le cadre de leur travail .
Enfin, la taxe est déductible pour les véhicules de société , qui représentent environ un quart des passages de véhicules à Stockholm. Il s'agissait là d'une revendication forte des milieux économiques , qui évoquaient le risque d'une délocalisation massive de leurs activités hors de la zone soumise à péage si cette déductibilité n'avait pas été mise en oeuvre.
Ces différents dispositifs de déductibilité ont représenté en 2015 environ 10 % des recettes de la taxe .
La direction générale du Trésor a fait valoir auprès de votre rapporteure spéciale qu'il était souhaitable de limiter au maximum les exonérations pour un péage urbain car elles amoindrissent son efficacité et peuvent susciter des phénomènes de concurrence entre populations qui s'estimeront plus légitimes que d'autres pour en bénéficier. Pour appuyer ce point de vue, elle a notamment cité l'exemple de Singapour, qui a mis fin à la plupart des exonérations qui avaient été mises en place par le passé.
Si ce raisonnement est assurément pertinent d'un point de vue économique, il n'en demeure pas moins qu'il peut être utile , voire indispensable, de prévoir des exonérations ou des systèmes de déductibilité des impôts pour certaines catégories de la population qu'il ne serait pas juste de faire payer la congestion charge à son plein tarif alors qu'elles sont contraintes d'utiliser leur voiture et ne peuvent recourir à d'autres modes de transport.
Votre rapporteure spéciale plaide donc pour que des exonérations et des systèmes de déductibilité soient mis en place pour les populations les plus vulnérables , les automobilistes qui ne peuvent pas bénéficier d'alternatives efficaces à la voiture ainsi que pour les acteurs économiques qui pourraient voir leur compétitivité affectée de manière excessive par le péage.
Recommandation n° 7 : prévoir des exonérations ou des déductions d'impôt pour les populations les plus vulnérables , les automobilistes qui ne peuvent se voir offrir une alternative pertinente à la voiture et les acteurs économiques dont la compétitivité serait excessivement impactée par le tarif de congestion. |
* 19 Plusieurs rapports administratifs avaient déjà plaidé pour l'instauration d'un péage urbain dans les années 1960 (rapport Buchanan en 1963, rapport Smeed en 1964) mais leurs préconisations n'avaient pas été suivies d'effets.
* 20 Depuis fin 2010, le système e-avis permet au conducteur de recevoir, s'il le souhaite, une facture sous forme électronique par l'intermédiaire de sa banque.
* 21 Depuis fin 2010, le système e-avis permet au conducteur de recevoir, s'il le souhaite, une facture sous forme électronique par l'intermédiaire de sa banque.
* 22 2,25 % des passages en 2015.