EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 11 juillet 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur les maisons de l'emploi.
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Je concentrerai mon intervention sur les principaux constats qui figurent dans notre rapport, avant de laisser ma collègue corapporteure, Sophie Taillé-Polian, vous présenter nos recommandations.
L'initiative de ce contrôle part d'une interrogation : comment expliquer l'écart entre le regard positif porté par les élus locaux sur les maisons de l'emploi, qui s'est traduit par le dépôt de nombreux amendements tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances, et la méconnaissance de ces structures par le grand public, voire par l'État, lequel prévoit de se retirer de leur financement dès l'année prochaine ?
Nous avons donc souhaité nous forger notre propre opinion, en établissant un bilan de leur action. Quatre constats s'imposent.
Premier constat : le champ d'intervention des maisons de l'emploi a énormément évolué au cours du temps.
Ces structures ont été créées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, avec l'objectif, notamment, d'accueillir et d'orienter les demandeurs d'emploi. Cette fonction a perdu de son intérêt lors de la fusion de l'ANPE et des Assedic, qui a abouti à la création de Pôle emploi en 2008. Depuis lors, l'État n'a cessé de s'interroger sur la place des maisons de l'emploi au sein du service public de l'emploi. Leur champ d'intervention s'est ainsi considérablement réduit, le nombre d'axes ouvrant droit à un financement étatique passant de quatre en 2009 à deux en 2013.
Deuxième constat : depuis cette date, le champ de compétence des maisons de l'emploi semble néanmoins clarifié et accepté par les autres acteurs du service public de l'emploi, qui ont unanimement salué l'action de ces structures. Celle-ci se décline autour d'un triptyque : fédérer, anticiper et innover.
Premier axe d'action : fédérer. Il s'agit du plus petit commun dénominateur des maisons de l'emploi. Ces dernières jouent un rôle d'« ensemblier » des différents intervenants en matière de politique de l'emploi. La coordination s'effectue non seulement au niveau de la gouvernance, qui réunit au minimum l'État, les collectivités territoriales et Pôle emploi, mais aussi dans le cadre de la mise en oeuvre d'actions partenariales.
Deuxième axe d'action : anticiper. La gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences territoriale, la GPECT, est ainsi devenue le coeur de métier des maisons de l'emploi.
Troisième axe d'action : innover. Les maisons de l'emploi ont développé une expertise en ingénierie de projets. Elles sont également des acteurs incontournables en matière de promotion des clauses sociales, qui permettent d'insérer, au sein des marchés publics, des obligations en matière de développement social ou environnemental. Ces clauses rencontrent un succès croissant, le nombre de bénéficiaires ayant crû de plus de 50 % entre 2013 et 2016.
Le troisième constat que nous avons pu dresser, c'est que le suivi par l'État de l'activité et des moyens des maisons de l'emploi au niveau agrégé est succinct.
Si un contrôle d'intensité variable est exercé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les Direccte, dans le cadre du conventionnement liant ces structures à l'État, en revanche, au niveau national, les seules données dont nous disposons sont celles qui sont produites par l'Alliance villes emploi.
Les informations présentées dans ces « consolidations » réalisées à partir de réponses à des questionnaires sont utiles, mais nécessairement imparfaites, puisque déclaratives, non exhaustives et non annuelles. En 2016, une grille d'évaluation nationale, sur laquelle s'est appuyée la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) pour la répartition des financements de l'État en 2017 et 2018, a, certes, été établie, mais celle-ci n'a été actualisée qu'à la marge en 2017.
Le quatrième et dernier constat à souligner tient au fait que les maisons de l'emploi souffrent d'une absence de visibilité sur leur financement. Entre 2009 et 2018, les crédits du budget de l'État consacrés aux maisons de l'emploi sont passés de 75 millions à 12 millions d'euros, soit une diminution de près de 87 %. Si la diminution progressive de la part de l'État dans le financement des maisons de l'emploi, entamée par la précédente majorité, a été annoncée dès 2013, l'ampleur de la baisse annuelle n'est connue qu'au moment du dépôt du projet de loi de finances. Cette incertitude, conjuguée à des modalités de financement reposant de plus en plus sur des appels à projets, nuit à la visibilité dont ont besoin ces structures pour lancer des actions de moyen-long terme.
Mes chers collègues, au terme de nos travaux, nous dressons donc un bilan globalement positif de l'action des maisons de l'emploi, constat, semble-t-il, partagé par l'ensemble des personnes que nous avons entendues. C'est pourquoi il n'est pas injustifié d'envisager le maintien d'un financement de ces structures.
Sophie Taillé-Polian et moi-même avons cependant un désaccord sur le montant qui doit leur être alloué. Je considère, pour ma part, que la participation financière de l'État pourrait être modulée en fonction du nombre et des performances de ces structures, tout en prenant en compte la nécessité de maîtriser la dépense publique, quand Sophie Taillé-Polian demande le maintien des crédits à leur niveau actuel.
C'est là notre seul point de divergence sur les maisons de l'emploi.
Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Il me revient de vous présenter nos recommandations. Notre rapport en comprend huit, qui s'appuient sur trois axes.
Premier axe : assurer la pérennité des maisons de l'emploi.
Comme vient de l'indiquer Emmanuel Capus, nous appelons tout d'abord au maintien d'un financement étatique en faveur de ces structures. La décision du Gouvernement de se retirer totalement du financement des maisons de l'emploi à partir de 2019 serait triplement préjudiciable : outre les difficultés financières auxquelles seraient confrontées un nombre croissant de maisons de l'emploi, ce retrait aggraverait les inégalités territoriales, seules les collectivités territoriales les plus « riches » étant en mesure de maintenir de telles structures sur leur territoire. Par ailleurs, cela affaiblirait le poids de l'État dans leur gouvernance et, donc, sa capacité à influer sur les décisions prises.
Pour ma part, je souhaite que les crédits consacrés aux maisons de l'emploi soient maintenus à leur niveau de 2018, soit 12 millions d'euros. Cela me semble l'étiage minimal, au regard de la diminution d'ores et déjà observée au cours des dernières années.
Si le Gouvernement revenait sur sa décision, il serait nécessaire de mettre en place une convention triennale définissant une trajectoire d'évolution de la participation financière de l'État. Celle-ci pourrait être établie dans le cadre d'une conférence nationale des financeurs, rassemblant l'État, les collectivités territoriales et l'Alliance villes emploi, présidée par notre collègue Nathalie Delattre. Un tel document permettrait de donner de la visibilité à ces structures, ce qui est indispensable pour le développement et la mise en oeuvre d'actions ambitieuses, qui ne peuvent se penser que sur le moyen-long terme. Je rappelle qu'il s'agit là de structures tout de même extrêmement modestes, employant en moyenne une dizaine d'équivalents temps plein.
Dans le même objectif, nous appelons à une stabilisation du champ d'intervention des maisons de l'emploi, en maintenant les deux axes actuels que sont la participation au développement de l'anticipation des mutations économiques et la contribution au développement local de l'emploi.
Deuxième axe : améliorer le suivi de l'action et des moyens des maisons de l'emploi au niveau agrégé.
Comme l'a indiqué Emmanuel Capus à l'instant, nous avons été surpris de constater que les seules données nationales relatives aux maisons de l'emploi sont celles qui sont produites par l'Alliance villes emploi.
Il pourrait être envisagé de faire évoluer la grille de notation établie en 2016 pour qu'elle devienne un véritable outil de pilotage et d'évaluation de ces structures, assorti d'objectifs et d'indicateurs de performance définis en concertation avec l'ensemble des acteurs. Un bilan financier annuel des maisons de l'emploi devrait être réalisé sur la base des données collectées par les Direccte, présentant, pour l'ensemble du réseau, les recettes, les dépenses et les emplois de ces structures, ainsi que leur évolution.
Troisième et dernier axe : renforcer les mutualisations, entre les maisons de l'emploi au niveau régional et avec les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, les PLIE.
Sur les 116 maisons de l'emploi conventionnées avec l'État en 2017, plus de la moitié portait des activités supplémentaires, dont 35 au titre des PLIE. Compte tenu de la proximité et de la complémentarité des maisons de l'emploi et des PLIE, les fusions entre ces deux structures devraient être encouragées, afin de permettre la constitution d'acteurs disposant d'une connaissance fine de la situation économique du territoire sur lequel ils sont implantés et capables de proposer un accompagnement « sur mesure » aux publics rencontrant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail.
Si l'ancrage communal ou intercommunal des maisons de l'emploi constitue indéniablement un atout, cette échelle n'est pas toujours la plus pertinente, car certaines actions nécessitent une mise en oeuvre au niveau départemental, voire régional. Par conséquent, la mise en réseau des maisons de l'emploi à l'échelle régionale peut constituer une solution intéressante, dans la mesure où elle permet, d'une part, de préserver les spécificités de chaque structure et, d'autre part, de développer des synergies et des actions coordonnées.
Au sein de la région Grand Est, les onze maisons de l'emploi et le conseil régional travaillent ainsi à l'élaboration d'une convention-cadre pluriannuelle pour les années 2018 à 2021, qui vise à définir des axes de travail communs et à encourager les mutualisations. Ce type d'initiatives nous semble devoir être encouragé et étendu à l'ensemble du territoire, y compris pour pouvoir prétendre aux financements prévus dans le cadre de certains appels à projets. La pérennité des maisons de l'emploi passe par une telle mise en réseaux.
Mes chers collègues, nous estimons que le bilan gain-efficacité d'un retrait total de l'État du financement des maisons de l'emploi serait négatif. Emmanuel Capus l'a dit, nous n'avons pas la même appréciation sur le montant à envisager. Le maintien de crédits étatiques ne signifie pas que nous souhaitons donner un blanc-seing aux maisons de l'emploi. Sa contrepartie doit être le renforcement du suivi et du pilotage de ces structures, notamment au niveau national. Cela permettra d'avoir une vision consolidée des politiques de l'emploi. La GPECT est un véritable enjeu partout, puisque les mutations du tissu économique touchent tous les territoires. Or l'État n'a pas été capable de nous préciser où cette GEPCT était actuellement mise en oeuvre.
La convention triennale que nous souhaitons mettre en place doit permettre d'établir un bilan régulier de l'action de ces maisons de l'emploi et de moduler le montant des financements.
À l'heure où l'adaptation des politiques de l'emploi aux réalités territoriales est recherchée - c'est d'ailleurs la logique qui sous-tend le plan d'investissement dans les compétences (PIC) -, la fin du soutien de l'État aux maisons de l'emploi apparaîtrait en décalage. Les élus locaux l'ont bien compris, souhaitons qu'il en soit de même pour l'État d'ici au dépôt du prochain projet de loi de finances.
M. Antoine Lefèvre . - Je partage la position de nos rapporteurs spéciaux quant au nécessaire maintien de cet outil que sont les maisons de l'emploi. Sophie Taillé-Polian a eu raison d'insister sur l'importance de renforcer la mutualisation au niveau des régions. L'absence de lisibilité sur les recettes est un préjudice indéniable.
De façon générale, si leurs activités et leur champ d'action peuvent différer selon les territoires, les maisons de l'emploi restent un outil performant, assurant notamment un lien essentiel avec le tissu économique. Dans les secteurs les plus en difficulté, elles ont un rôle à jouer au quotidien, y compris pour favoriser l'accès à la mobilité via l'aide à l'obtention du permis de conduire. L'arrêt du financement de l'État poserait problème, car les collectivités territoriales seraient dans l'impossibilité de le suppléer compte tenu de la baisse de leurs dotations.
C'est la raison pour laquelle je soutiens les conclusions de nos rapporteurs, avec une préférence pour la position défendue par Sophie Taillé-Polian sur le financement, à savoir le maintien de l'étiage de 2018.
J'ajoute que les maisons de l'emploi mènent des actions de soutien à la ruralité et au développement du numérique. La fracture numérique est à la fois territoriale et sociale, certains services n'étant accessibles que par le biais de moyens dématérialisés. Le personnel des maisons de l'emploi accompagne tous les publics vers le retour à l'emploi ou l'accès à des formations qualifiantes.
M. Arnaud Bazin . - Je partage les conclusions de nos rapporteurs et ce qui vient d'être dit par Antoine Lefèvre. La politique de l'État à l'égard des maisons de l'emploi est emblématique de ce qu'il ne faut pas faire : baisse de crédits quasi constante, changements d'objectifs et de missions très fréquents, ce qui touche aux compétences mêmes des personnels de ces petites structures. Sans compter que ces modifications ne sont connues que très tardivement, deux mois, dans le meilleur des cas, avant l'échéance.
Pour avoir présidé de telles structures, je sais combien cela peut être un casse-tête épouvantable. Il a fallu, chaque fois un peu plus, solliciter les finances des collectivités territoriales, étant entendu que le chiffre de dix équivalents temps plein qui a été cité n'est qu'une moyenne. Le rôle des maisons de l'emploi est d'autant plus important que le territoire est défavorisé.
À leur création, les maisons de l'emploi étaient censées se préoccuper particulièrement des publics les plus éloignés de l'emploi, avant que l'État renvoie cette mission à Pôle emploi dans le cadre, plus général, du service public de l'emploi. Nos rapporteurs spéciaux ont-ils essayé de comparer l'efficacité des deux approches ?
Les collectivités territoriales n'ont pas attendu les conseils de l'État pour essayer de mutualiser ces structures de petite taille. Il y a eu un rapprochement, sur certains territoires, des maisons de l'emploi et des missions locales, ce qui a permis de diminuer les frais de gestion.
Il a été évoqué rapidement les clauses d'insertion. Au moment où des investissements importants sont attendus sur nos territoires, il importe que ces clauses d'insertion puissent se dérouler dans les meilleures conditions possible. Pour ce que j'en ai vu, seules les maisons de l'emploi fournissent un tel service.
M. Jérôme Bascher . - Je ferai entendre une voix quelque peu dissonante. Initialement, les maisons de l'emploi ont été créées en raison de l'inefficacité constatée de l'ANPE pour résorber le chômage de masse. En 2007-2008, la fusion de l'ANPE et des Assedic et la création de Pôle emploi ont mis fin à la labellisation des maisons de l'emploi. Dix années plus tard, suivant les endroits, Pôle emploi est devenu plus efficace. Cela dépend encore très largement des directeurs départementaux et des effectifs disponibles.
Aussi, je ne partage pas l'idée selon laquelle le système actuel est très satisfaisant partout sans coûter trop cher. Selon moi, il n'y a plus lieu, à certains endroits, de conserver une maison de l'emploi. Les collectivités locales sont amenées à financer une politique qui ne relève pas d'elles. Le développement économique est de la compétence des régions et des intercommunalités, mais pas la politique de l'emploi.
Sur mon territoire, la structure dénommée maison de l'emploi, des entreprises et de la formation, l'une des dernières à avoir été labellisées, a été fermée l'année dernière. Raisonner au niveau national n'a plus de sens. Qu'il n'y ait pas de vision consolidée est logique, dans la mesure où la volonté initiale était de favoriser une prise en charge locale de la politique de l'emploi. Entre-temps, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est passée et il n'y a plus de clause de compétence générale. Je serais donc prêt à me rallier à l'avis exprimé par Emmanuel Capus.
Arnaud Bazin a évoqué le rapprochement avec les missions locales. À l'évidence, tout tourne un peu toujours autour des mêmes questions depuis quinze ans, je pense notamment aux problèmes de mobilités. L'efficacité de ces outils étant un vrai sujet, je m'interroge fortement sur l'utilité non seulement des maisons de l'emploi, mais aussi des missions locales. Une évaluation territoire par territoire permettrait une analyse plus fine.
M. Patrice Joly . - J'ai pu constater moi-même cette insécurité dans laquelle ont vécu les maisons de l'emploi et de la formation au cours des dernières années ; insécurité juridique, d'abord, avec des statuts fragiles ; insécurité financière, ensuite. Malgré tout, il y avait une vraie manière d'aborder la question de l'adéquation entre les compétences et les besoins tant des territoires que des filières. Cette approche globale n'avait été portée jusque-là par aucune autre institution.
Force est néanmoins de constater des problèmes de regroupement, de cohérence, d'articulation avec d'autres structures intervenant sur ce champ de l'emploi, de la formation et de l'accompagnement.
M. Thierry Carcenac . - Compte tenu de l'évolution tant du tissu économique que de l'organisation territoriale française, l'avenir des maisons de l'emploi pose en effet question. J'ai pu mesurer tout l'intérêt de telles structures, lorsque j'étais à la tête d'un exécutif départemental. En fonction de la répartition des compétences, chaque échelon de collectivités peut être intéressé par ces problématiques d'emploi : le département, pour l'insertion ; la région, pour la formation ; l'État, pour la politique de l'emploi. La transversalité apparaît donc comme une évidence.
Dans mon département, particulièrement concerné par les problématiques de transport, nous avons ainsi permis la création de structures associatives favorisant la mobilité des habitants. On compte 116 maisons de l'emploi conventionnées sur tout le territoire. Toutes souffrent d'une insécurité financière, l'État ayant pris l'habitude de n'indiquer le montant des crédits alloués qu'en cours d'année et, souvent, pas avant le mois de septembre.
Il faut maintenir les maisons de l'emploi sur le territoire. Cela passe par une cartographie détaillée, pour comprendre comment mieux travailler de façon transversale, mieux communiquer. Chacun ne doit plus décider dans son coin sans en référer aux autres.
Mme Christine Lavarde . - Dans mon territoire, les enjeux ne sont pas liés aux transports, mais plutôt aux difficultés de recrutement des entreprises et à la situation des personnes durablement éloignées de l'emploi.
La communauté d'agglomération, devenue depuis territoire, a décidé de créer son propre organisme, Seine Ouest Entreprise et Emploi, qui regroupe dans le même bâtiment la maison de l'emploi, la mission locale, l'espace insertion et le service économique. Ces acteurs, qui travaillaient auparavant sur des problématiques connexes, collaborent aujourd'hui. Le guichet unique permet une mise en relation plus simple des entreprises et des demandeurs d'emploi, et une réactivité plus grande pour répondre aux demandes des uns et des autres. Cette solution semble satisfaire l'ensemble des acteurs.
Nos collectivités ont concentré l'ensemble de leurs moyens sur cet organisme, qui est à l'échelle du territoire, et ont cessé de subventionner d'autres organismes, notamment ceux de niveau départemental.
Cet organisme et l'agence Pôle Emploi de Boulogne-Billancourt travaillent ensemble. Si Pôle emploi se concentre sur sa mission de contrôle des chômeurs, il participe également, comme toutes les entreprises intéressées, aux forums de l'emploi et job dating organisés par Seine Ouest Entreprise et Emploi. Il y a donc complémentarité entre cette dernière structure, dont la mission est de mettre en relation les acteurs concernés, et celle qui est chargée de vérifier la démarche de recherche d'emploi. Cela peut fonctionner si les deux organismes travaillent ensemble.
M. Jean-François Husson . - Je m'inscris dans la même démarche que Christine Lavarde et Jérôme Bascher . Dans le sud de la Meurthe-et-Moselle, sur le territoire d'un ancien bassin industriel, le service de public de l'emploi n'a pas produit hier - et peut-être pas plus aujourd'hui - les résultats attendus. À l'échelle du Grand Est, les maisons de l'emploi se sont engagées, en accord avec la région, à couvrir au mieux le territoire.
C'est un serpent de mer : on nous dit tous les deux ans que les crédits vont dégringoler ; la dernière fois, c'est Myriam El Khomri qui nous l'a annoncé. Je pense qu'il ne faut pas être dogmatique. On nous a parlé de différenciation et de réforme institutionnelle... Je suis favorable, par principe, à tout ce qui peut produire davantage de résultats et d'efficacité.
Je suis également attentif à ce que chaque euro dépensé produise le maximum de résultats. Aussi faut-il accepter qu'à certains endroits les maisons de l'emploi disparaissent, et qu'à d'autres elles soient consolidées. Compte tenu des contraintes budgétaires de l'État et des collectivités, il faudra viser juste. Je ne vois pas d'inconvénient à la mise en place de missions d'appui associant acteurs du territoire et acteurs agissant au nom de l'État.
Dans mon territoire, les maisons de l'emploi intègrent les missions locales depuis longtemps, ce qui permet d'atteindre des zones à dominante rurale - « l'hyper-ruralité » -, éloignées de Pôle Emploi.
Je salue le travail des rapporteurs spéciaux, qui ont abordé de nombreux sujets. Il faut faire preuve de pragmatisme, d'objectivité, c'est-à-dire ajuster en consolidant par endroits et en réduisant ailleurs. Les résultats devront être évalués le plus objectivement possible afin d'apporter un service là où c'est véritablement utile.
M. Philippe Adnot . - Mon propos ne vise pas à stigmatiser les maisons de l'emploi et les missions locales qui font un travail de qualité. Mais si celui-ci est nécessaire, c'est parce que d'autres n'ont pas fait le leur. En France, chaque fois qu'un organisme est défaillant, on en crée un autre à la place, ce qui n'a pas d'effet sur le nombre de chômeurs. On empile ainsi les dispositifs et, par là même, on donne des excuses.
Je souhaite, pour ma part, que Pôle Emploi remplisse sa mission et que l'État y consacre les moyens nécessaires. Si d'autres organismes veulent agir aussi, qu'ils en assument seuls la responsabilité !
M. Marc Laménie . - On déplore depuis de nombreuses années la multiplicité des intervenants, alors que, dans le même temps, on manque de moyens humains. Les chefs d'entreprise ne savent pas à qui s'adresser. Historiquement, Pôle Emploi est l'interlocuteur privilégié ; pourtant, il n'y a pas assez d'interlocuteurs. Tout cela a un coût pour l'État et les collectivités.
Les rapporteurs spéciaux ont-ils fait le lien avec l'éducation nationale, qui est le premier formateur ? On débat actuellement, en séance publique, de l'avenir professionnel et de l'orientation. À cet égard, que vont devenir les centres d'information et d'orientation (CIO) ?
M. Jean-François Rapin . - L'emploi est l'affaire de tous, pas seulement celle de l'État ou des territoires. Les maisons de l'emploi participent d'une opération de décentralisation, ce qui est une bonne chose.
Dans les Hauts-de-France, le service public de l'emploi a été réactivé grâce aux maisons de l'emploi, à Pôle Emploi, au dispositif spécifique Proch'Emploi et aux acteurs de la formation professionnelle, en vue de créer une adéquation entre l'emploi et la formation. Je m'en félicite car, grâce à cette politique du coup par coup, des jeunes ont pu trouver un emploi.
Certains territoires ont besoin des maisons de l'emploi, d'autres moins. Faisons leur confiance !
M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Les questions posées montrent que nous avons bien choisi notre sujet, qui correspond à une préoccupation des élus locaux et nationaux. Nous l'avions vu lors de l'examen de la loi de finances, certains élus ont intérêt, ou non, au maintien des financements d'État.
Les opinions sont tranchées : d'aucuns sont favorables à la suppression des 12 millions d'euros de crédits, d'autres pour leur maintien total. Sophie Taillé-Polian et moi-même avons trouvé une position convergente. Pourtant au départ, je pensais que les maisons de l'emploi n'avaient plus d'utilité, quand ma collègue corapporteure trouvait que ces crédits avaient déjà beaucoup diminué.
Nous sommes tombés d'accord sur le maintien des crédits. En effet, la réponse locale est pertinente et très efficace à certains endroits, comme le Grand Est et les Hauts-de-France. Sur d'autres territoires, en revanche, il n'y a pas de maison de l'emploi... Il est dommage de supprimer les crédits quand la réponse apportée est utile.
Il convient donc d'opérer une différenciation entre territoires et, comme l'a dit Christine Lavarde , d'encourager la mutualisation entre les différents partenaires.
Pour répondre à Marc Laménie , l'éducation nationale n'entre pas tout à fait dans notre sujet, même si la formation a bien sûr des impacts.
Tel est l'équilibre que nous avons trouvé : pas de suppression totale des crédits, et leur maintien dans certains territoires pour ne pas déséquilibrer des sturctures qui fonctionnent.
Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - L'emploi est l'affaire de tous, et beaucoup celle des élus locaux, qui sont à la manoeuvre et ne ménagent pas leur peine pour développer l'activité économique sur leur territoire. Les structures du service public de l'emploi, lorsqu'elles existent encore - un tri a été fait : on est passé de plus de 200 maisons de l'emploi à une centaine -, témoignent d'un portage politique fort et d'une mobilisation des acteurs autour de dynamiques locales.
Il serait dommage d'entraver l'action des maisons de l'emploi. Pôle Emploi atteste d'ailleurs de leur utilité là où elles existent. La concurrence entre ces deux acteurs, qui existait lors de la création de Pôle Emploi, appartient désormais au passé.
Le rôle de Pôle Emploi est d'accompagner individuellement les chômeurs, de faire du placement auprès des entreprises pour connaître les emplois disponibles et de gérer l'indemnisation, mais non pas d'analyser le tissu économique et ses mutations. Des services économiques se développent certes en son sein, mais ils visent à une meilleure appréhension individuelle des entreprises.
À Mulhouse notamment, pour le secteur du textile, la maison de l'emploi a fait un gros travail de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences territoriale, en collaboration avec la branche. Puis elle a contacté les acteurs de la formation professionnelle et initiale pour envisager l'accompagnement des personnes qui travaillent dans ce secteur et la formation des jeunes aux emplois de demain. De telles structures permettent donc la mise en oeuvre d'une dynamique territoriale, portée par des élus. Il convient que l'État, dont la position doit être clarifiée, participe à ce tour de table.
Les maisons de l'emploi qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité sont d'ores et déjà remises en cause. Celles qui ont bien travaillé ne doivent pas être fragilisées. Je souhaite, pour ma part, le maintien des 12 millions d'euros de crédits ; mon collègue corapporteur Emmanuel Capus propose, quant à lui, de revisiter le dispositif. Quoi qu'il en soit, une vision globale de la situation serait utile, notamment à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, pour ajuster les outils lors des prochaines années.
La commission donne acte de leur communication à M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.