C. DES PRINCIPES À PROMOUVOIR : UN FINANCEMENT MUTUALISÉ, DES RÈGLES SIMPLIFIÉES, UNE TRANSPARENCE CONFORTÉE

1. Une mutualisation inaboutie du financement des indemnités de fonction entre les plus petites communes

Dans les plus petites communes, il existe souvent un décalage entre les droits reconnus aux élus locaux et leur pratique effective : confrontés à des difficultés budgétaires, les conseils municipaux hésitent parfois à accorder aux maires et aux autres élus les indemnités de fonction auxquelles ils peuvent prétendre.

C'est d'ailleurs le sens des propos tenus à vos rapporteurs par Jean-Pierre Sueur, Sénateur du Loiret et co-auteur, avec Jacqueline Gourault, alors présidente de votre délégation, de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat : « Dans les plus petites communes, les élus ont souvent des scrupules à se voter l'indemnité maximale à laquelle ils ont pourtant droit. Les finances de leurs communes sont tellement étroites qu'ils préféreraient ne pas en parler. »

En outre, s'il existe une dotation particulière « élu local » à même de contribuer au financement des indemnités de fonction de certains élus communaux, cet outil paraît insuffisant :

- son objet est plus large que les seules indemnités de fonction, puisqu'il vise aussi à financer d'autres dispositifs prévus par le CGCT (droit à la formation et protection sociale notamment) ;

- ses critères d'éligibilité la réservent, en France métropolitaine, aux communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants et le potentiel financier à 1,25 fois la moyenne de la strate (22 000 communes) ;

- son montant , enfin, est trop limité (65 M d'euros).

Aussi apparait-il souhaitable, pour les associations d'élus locaux, de progresser dans le sens d'une mutualisation accrue.

François Zocchetto, Maire de Laval et représentant de l'AMF, a indiqué à vos rapporteurs être « plutôt favorable à la mutualisation [ via ] la dotation "élu local" car il existe de telles différences de richesse sur les territoires qu'il faut limiter cette hétérogénéité ».

Une même préoccupation a incité l'AMRF à préconiser, dans les éléments écrits qu'elle a envoyés à vos rapporteurs, « la création d'un fonds permettant aux petites communes de faire face aux charges nouvelles ».

Vos rapporteurs jugent crucial de mettre en place un véritable outil de financement mutualisé des dépenses indemnitaires des plus petites communes, ce qui permettrait que ces charges restent soutenables et que les droits ouverts aux élus locaux trouvent une application plus effective et moins hétérogène.

Pour ce faire, ils suggèrent d'élargir les critères d'éligibilité et le montant de la dotation particulière « élu local ».

A minima, le seuil démographique conditionnant l'éligibilité des communes métropolitaines pourrait être doublé - pour atteindre 2 000 habitants -, et le montant de la dotation pourrait être porté à un niveau adéquat pour financer effectivement les indemnités de fonction des élus concernés : ainsi, dans les plus petites communes, les revalorisations indemnitaires proposées précédemment par vos rapporteurs seraient intégralement compensées par la montée en charge de cette dotation.

C'est à l'État, par le biais de ses concours financiers aux communes qui n'ont que trop diminué ces dernières années, de prendre en charge une large part de leurs dépenses indemnitaires.

Recommandation n°5 : Augmenter le seuil d'éligibilité de 1 000 à 2 000 habitants à la dotation particulière « élu local » ainsi que son montant à proportion des revalorisations indemnitaires proposées.

2. Une simplification nécessaire des modalités de détermination de l'« enveloppe indemnitaire globale »

La complexité du régime indemnitaire des élus locaux est souvent relevée par ces derniers. Parmi les sujets récurrents figurent les modalités de détermination de l'« enveloppe indemnitaire globale » qui, selon les témoignages indiqués à vos rapporteurs, peuvent être mal interprétées ou mal appliquées localement, engendrant in fine un risque de contentieux.

C'est pourquoi l'AMF, dans la contribution écrite qu'elle a adressée à vos rapporteurs, suggère « qu'une disposition, codifiée dans le CGCT, définisse de façon lisible cette enveloppe, sa méthode de calcul ainsi que les modalités ultérieures d'application des majorations. »

Vos rapporteurs estiment utile que les modalités de détermination de l' « enveloppe indemnitaire globale » soient clarifiées et codifiées, en partenariat avec les associations d'élus locaux, de manière à renforcer la lisibilité et la connaissance du droit, ainsi que sa correcte application.

Proposition n° 6 : Clarifier et codifier les modalités de détermination de l'« enveloppe indemnitaire globale ».

3. Vers une modulation facultative, dans les grandes communes et les grands établissements intercommunaux, des indemnités de fonction des élus selon leur participation à certaines réunions

En l'état actuel du droit, il existe plusieurs hypothèses permettant la modulation des indemnités de fonction perçues par les élus locaux en fonction de leur participation à certaines réunions :

- dans le droit local applicable en Alsace-Moselle , tout membre du conseil municipal ayant manqué, sans excuse suffisante, les séances du conseil municipal, peut être suspendu (après trois séances successives) ou être privé de son mandat (après cinq séances successives) ;

- dans les conseils départementaux et régionaux , la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat a rendu obligatoire la modulation des indemnités des conseillers en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres, dans la limite d'une réduction éventuelle de la moitié de cette indemnité ;

- enfin, à Paris, Lyon et Marseille , une disposition similaire a été introduite par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2019.

Plusieurs associations d'élus locaux se sont montrées favorables à l'extension de ces dispositifs.

François Zocchetto, Maire de Laval et représentant de l'AMF, a indiqué être « favorable à l'élaboration de nouvelles règles, reposant sur l'assiduité », estimant qu' « il n'est pas normal qu'un élu peu assidu perçoive autant qu'un élu très présent ».

Dans le même esprit, Philippe Bluteau, avocat au Barreau de Paris et représentant de l'APVF, s'est exprimé en ces termes : « nous approuvons la proposition de moduler l'indemnité de fonction en fonction de l'assiduité », rappelant qu' « en Alsace-Moselle, on peut suspendre le mandat. »

Vos rapporteurs considèrent que la modulation des indemnités de fonction des élus du bloc communal selon leur participation à certaines réunions peut être utile pour répondre à une demande sociale en faveur de davantage de transparence, et bâtir une relation de confiance entre les citoyens et leurs élus.

Ils estiment qu'un tel dispositif n'a de sens que dans les grandes communes ou les grands établissements intercommunaux, par exemple ceux de plus de 100 000 habitants.

Ils jugent que le choix d'opter ou non pour ce dispositif doit logiquement revenir à l'organe délibérant de ces communes ou de ces établissements, le mieux à même d'apprécier son utilité.

La prise en compte de la participation 23 ( * ) existe d'ailleurs dans certains pays européens (Danemark, Pays-Bas, Espagne, Italie).

Recommandation n° 7 : Permettre aux plus grandes communes et aux plus grands établissements intercommunaux qui le souhaitent de moduler les indemnités de fonction des élus locaux selon leur participation à certaines réunions.


* 23 Soit dans le cadre de l'indemnité de fonction, soit au moyen de jetons de présence.

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