C. RENFORCER LES DISPOSITIFS DE SANCTIONS ET METTRE EN PLACE DES DISPOSITIFS DE TRANSPARENCE ET D'ENTRAVE DES PRATIQUES ILLÉGALES ET PRÉDATRICES
Les Nations unies n'ont à ce stade que peu de ressorts et d'appuis. D'une part, parce que toute action de force ou tout durcissement des sanctions supposent un accord au sein du Conseil de sécurité et l'on a vu dans le cas de la répression du trafics d'êtres humains combien il a fallu de temps pour agir et d'autre part, parce que les accords ne sont pas pleinement respectés, la lutte contre le terrorisme pouvant justifier des entorses à l'embargo sur les armes au profit de certaines parties et le manque de moyens déployés, le maintien de certains trafics.
Il faut donc procéder par conviction, recommandations et conseils, incitations et pressions.
De ce point de vue, il semble que le volet économique n'ait pas été suffisamment documenté et qu'une action visant à entraver et sanctionner certaines activités illégales d'enrichissement personnel ou au profit de groupes armés devrait faire l'objet d'un arsenal de mesures dans un but dissuasif dans un premier temps et répressifs dans un second pour « désintéresser » les partisans du statu quo. En effet, plus l'on approchera d'une solution plus la tentation sera grande parmi les acteurs d'enchérir le prix des concessions et de prélever davantage pour assurer leurs arrières. Ceci se fera au détriment du peuple libyen qui souffre d'une transition qui s'éternise et s'appauvrit, sauf à basculer dans le système des trafics illégaux. La solution passe par un détachement des activités économiques illégales et prédatrices de la sphère politique. Cette question est l'un des volets du débat actuel sur l'utilisation du produit des exportations pétrolières.
D. FAVORISER LE REDRESSEMENT ET L'ASSAINISSEMENT DE L'ÉCONOMIE LIBYENNE
Enfin, il convient de favoriser le redressement économique de la Libye et de préparer l'avenir car l'une des causes structurelles de la crise politique est bien d'une part, la concentration de la richesse économique entre les mains souvent avides d'un petit nombre de décideurs qui bénéficient ainsi d'une capacité de redistribution de la manne pétrolière selon des critères qui peuvent être très discriminants et très variables au gré des alliances et rapports de forces politiques et d'autre part, un secteur privé qui prospère sur des trafics illégaux relevant de la criminalité organisée parfois en lien avec des groupes mafieux internationaux.
La constitution d'un tissu d'entreprises privées est nécessaire pour diversifier les modes d'acquisition de l'autonomie économique et donc politique. Une partie des entrepreneurs libyens aspire à ce changement ainsi qu'une partie de la génération montante. Cela suppose des outils de formation et quelques investissements. Le programme piloté par Expertise France et financé par l'Union européenne en constitue la préfiguration.
Il sera nécessaire également d'ouvrir davantage l'économie libyenne à des investisseurs étrangers , non que l'économie libyenne ne soit pas en mesure de financer son développement par les ressources de son sous-sol et ses fonds gelés depuis 2011, mais les années de crise ont entamé ses réserves, l'assistance devra être maintenue longtemps avant que les Libyens acquièrent une autonomie économique par des activités licites et un effort conséquent d'investissement est à prévoir pour remettre à niveau les installations pétrolières et leur permettre de retrouver le niveau de production antérieur à 2011 (1,6M b/j).
La reconstruction de la Libye ouvre des perspectives intéressantes, les entreprises françaises auront des atouts à faire valoir, mais il ne faut pas se bercer d'illusions, la concurrence sera vive et sans travail de terrain, l'investissement politique sans grands effets par rapport aux effets prix 156 ( * ) . Enfin, un effort important devrait être consenti dans l'éducation.
Il s'agit donc, parallèlement au processus politique, de préparer l'avenir et la stabilité de la société libyenne . Comme la plupart des pays pétroliers, il est important qu'elle se dégage de l'emprise d'une rente confortable mais qui est insuffisante pour pérenniser une société à long terme et introduire plus de stabilité dans le financement d'une économie trop sensible aux évolutions du cours des matières premières.
* 156 La part de marché française est de 1,3%, au 4 ème rang européen derrière l'Italie, l'Allemagne et le Royaume uni et loin derrière les premiers exportateurs : Chine (15%), Corée du sud, Turquie.