TABLE
RONDE N°2, PRÉSIDÉE PAR FRANÇOISE GATEL,
SÉNATEUR D'ILLE-ET-VILAINE :
« DES RAPPORTS JURIDIQUES
HORIZONTAUX : L'AUTONOMIE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN
PRATIQUE »
Participent à la table ronde :
Jean-Bernard AUBY, professeur à Sciences Po, Directeur de la Chaire « Mutations de l'Action publique et du Droit Public » ;
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF) ;
Frédérique BONNARD LE FLOCH, France Urbaine, vice-présidente de Brest Métropole ;
Igor SEMO, Association des Petites Villes de France, maire de Saint-Maurice ;
Alexandre TOUZET, Association des Maires de France, maire de Saint-Yon, conseiller départemental de l'Essonne ;
La table ronde est présidée par Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine.
1. Introduction
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Je suis, au Sénat, membre de la Commission des lois et membre de la Délégation des collectivités territoriales. Avant d'être frappée par la loi sur le non-cumul, j'ai été maire d'une commune d'Ille-et-Vilaine, vice-présidente de l'AMF en tant que présidente de l'association départementale des maires d'Ille-et-Vilaine et présidente d'une intercommunalité. La cause de l'organisation territoriale et l'efficience de l'action publique sont des sujets qui me sont chers.
Je suis très heureuse de présider cette table ronde, qui porte un titre intriguant : y aurait-il un doute sur l'autonomie des collectivités ? Une évolution incontournable se dessine, autour de la nécessité de mutualisation, de recherche d'équilibres territoriaux et de solidarité. Tout cela semble générer une certaine porosité, en tout cas des nécessités d'articulation entre les différents niveaux de collectivités ou d'établissements publics, et beaucoup d'agilité.
La question qui se pose à nous tous, élus et fonctionnaires territoriaux peut se formuler ainsi : dans un monde de réseaux, où l'agilité et l'articulation constituent la condition de l'efficience, comment le monde de l'organisation territoriale et administrative pourrait-il être formaté de façon rigide ? Cela pourrait satisfaire notre esprit cartésien mais le rapport qui nous sera présenté tout à l'heure impose de réfléchir autrement.
Je salue tous nos intervenants, à commencer par Charles-Éric Lemaignen, qui fut longtemps président de l'AdCF, dont j'ai été membre. Il a aussi l'expérience de la communauté urbaine puis de la métropole d'Orléans et je ne doute pas que cette expérience éclairera de manière très intéressante nos débats.
Je suis très heureux d'accueillir également Frédérique Bonnard Le Floch, vice-présidente de Brest Métropole, car le modèle de coopération mis en place par Brest Métropole entre la métropole et son hinterland constitue une pratique assez inspirante et très originale, en forme de contractualisation.
Igor Semo, maire de Saint-Maurice, membre du Bureau de l'Association des Petites Villes de France, témoignera de son expérience de maire d'une petite commune intégrée à l'EPT constitutif de la métropole du Grand Paris. Vous nous parlerez des bouleversements - ce mot n'ayant pas nécessairement une connotation négative à mes yeux - que peut impliquer l'intégration d'une petite ville au sein d'une très grande métropole.
Alexandre Touzet est maire de Saint-Yon dans l'Essonne et vice-président du Conseil départemental de l'Essonne et de la communauté de communes « Entre Juine et Renarde ». J'ai eu le plaisir de le côtoyer longtemps au sein de l'Association des Maires de France, où il est chargé de mission. Il évoquera les nouveaux outils que sont les chartes de fonctionnement et d'encadrement des pratiques locales. Adoptées souvent de façon spontanée, elles présentent l'intérêt de corriger une loi trop souvent bavarde et défiante par rapport aux collectivités territoriales.
Je laisse sans plus tarder la parole à Jean-Bernard Auby, professeur à Sciences Po et directeur de la Chaire « mutation de l'action publique et du droit public », afin qu'il nous présente les éléments du rapport qui vont introduire notre débat.
Jean-Bernard AUBY, professeur à Sciences Po, Directeur de la Chaire « Mutations de l'Action publique et du Droit Public ».
Les débats que nous avons eus jusqu'à présent, au cours de cette matinée, nous ont déjà beaucoup enrichis. Nous y avons trouvé la confirmation de certaines de nos hypothèses. D'autres points ont été complétés. Il me semble que nous n'avons été contredits que sur un point - et encore, c'est à vérifier -, à propos des délégations de compétences. Nous émettons, dans le rapport, l'hypothèse selon laquelle ce mécanisme est relativement délaissé. Il l'est peut-être moins que nous ne l'avons estimé.
Nous avons souhaité répartir entre les deux premières tables rondes les mécanismes sur lesquels notre travail a porté - la troisième table ronde ayant une vocation plus synthétique. La délégation de compétences, le transfert de compétences et le chef de filât ont été abordés au cours de la première table ronde. Nous allons maintenant évoquer la mutualisation, la contractualisation et la concertation, à travers la question particulière des chartes de gouvernance. Il s'agit de mécanismes un peu plus horizontaux, même si ces qualificatifs ont surtout pour intérêt de nous permettre de répartir les sujets d'une façon qui se veut cohérente entre les deux tables rondes.
Nous avons découvert, à travers notre travail, que les mutualisations existaient abondamment, ne serait-ce que parce qu'elles sont rendues obligatoires par la loi dans divers contextes. Leur contenu et leurs orientations varient fortement suivant les cas. M. Anziani évoquait la solution bordelaise, dans laquelle un grand nombre de fonctions sont offertes aux communes, qui font un choix dans cette liste mais ne peuvent ensuite revenir en arrière. C'est une solution intéressante, qui n'est évidemment pas universelle. Chaque métropole et chaque intercommunalité fait ses choix pour organiser la mutualisation.
Il nous semble que, d'une façon générale, les mutualisations se concentrent tout de même dans certaines fonctions de façon prioritaire, en particulier les fonctions support (par exemple les commandes publiques), un peu moins des fonctions opérationnelles (parmi lesquelles l'urbanisme en premier lieu).
Les contrats entre collectivités territoriales, via leurs groupements, sont très anciens. Cet instrument de coopération a existé de tout temps. Les réformes récentes, depuis les années 80, encouragent leur utilisation. Elles ne peuvent se dessaisir d'une compétence que la loi leur a confiée mais peuvent s'organiser en commun, presque comme elles l'entendent. Nous évoquons en particulier, dans notre rapport, l'action économique et l'action sociale. Il existe par exemple un référent unique dans un certain nombre de contextes. La contractualisation est plus ou moins dense selon les contextes locaux et régionaux. Là encore, on retrouve une forte tradition de coopération en région Bretagne, notamment, en matière de développement économique, entre la région et ses intercommunalités, sous une forme qui nous a paru assez originale.
Les échanges qui ont eu lieu lors de la première table ronde, concernant la CTAP, confortent notre analyse. Cette conférence apparaît à première vue comme une grand-messe peu productive. Elle pourrait cependant, aux dires des élus et experts que l'on entend, constituer un lieu de construction de l'action publique ayant davantage de contenu si on l'organisait, par exemple avec un bureau, comme cela a été souligné, ou avec des groupes de travail. On ne peut pas ne pas faire l'hypothèse que là se construit, même de façon un peu confuse et incertaine, l'avenir du système régional, sans doute de façons différentes suivant les régions.
Pour tous les mécanismes que nous avons étudiés, une question finale a surgi, après que nous ayons analysé dans quelle mesure ils étaient, ou non, mis en pratique : ont-ils des effets profonds ou marginaux ? Nous faisons l'hypothèse que, parfois, l'utilisation habile, concentrée, fréquente, de tous ces petits mécanismes d'ajustement construit une organisation locale qui peut être très différente de ce qui existe ailleurs, ce qui veut dire qu'elle n'aurait pas que des effets superficiels.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
J'ai été l'auteur, avec un collège sénateur, d'un rapport sur les communes nouvelles. Je l'ai intitulé « une révolution silencieuse ». Dans ce pays s'entreprend en effet une révolution silencieuse, qui montre que l'intelligence territoriale constitue la réponse à la nécessité d'efficience de l'action publique. Elle crée l'obligation de réinterroger de façon continue les organisations dont nous nous sommes dotés. Aucun élu ni fonctionnaire territorial ne peut se contenter aujourd'hui d'appliquer un schéma d'organisation que la loi ou la pratique aurait mis en place. Le monde bouge et les modèles doivent évoluer. J'invite chaque élu à se montrer imaginatif et à sortir du cadre de la pensée toute faite. Nous avons quitté le modèle du « prêt-à-porter » pour le sur mesure.
Il s'agit moins de développer des concepts que d'illustrer, par l'expérience et la pratique de nos intervenants, ce que signifient ces principes de mutualisation, d'engagement à la carte ou de rationalisation et d'efficience de l'action publique. La disparition de l'ingénierie de l'État, dans les territoires ruraux ou les plus petites collectivités, va aussi de pair avec la complexité de l'action publique, qui nécessite davantage d'expertise.
Ces dispositifs à la carte sont plus ou moins intégrateurs et cette notion d'intégration revient souvent, s'agissant de l'autonomie des collectivités. Elle peut faire peur. Pour autant, ne rend-elle pas plus invisible l'action publique pour nos concitoyens ? La loi NOTRe avait pour ambition de simplifier les choses et de rationaliser les compétences en les rattachant à telle ou telle collectivité. Nous avons vu les limites de cet exercice, en particulier à travers la création de la notion de chef de filât.
2. La mutualisation des services
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
Contrairement à ce qu'a indiqué Jean-Bernard Auby, les questions de mutualisation et de transfert posent des problèmes pratiques du même ordre. Les transferts ou mutualisations en matière de voirie en fournissent un exemple. À Orléans, nous sommes passés en communauté urbaine le 1 er janvier 2017. Nous avions une compétence exclusive au sein de la communauté urbaine, devenue métropole.
Pour la voirie, cela pose trois types de problèmes. En premier lieu, fallait-il créer une structure unique des services techniques, au niveau de la métropole ? Devions-nous conserver les services techniques de chacune des 22 communes de la métropole ? Un schéma intermédiaire était-il envisageable ? La même question se pose pour les centres techniques municipaux : doivent-ils être regroupés ou crée-t-on par exemple six pôles opérationnels et cinq ou six centres techniques municipaux ?
Nous avons d'abord étudié ce qui se faisait ailleurs, car le benchmark me paraît indispensable du point de vue de l'action des collectivités territoriales. Deux expériences nous ont particulièrement intéressés, celle d'Angers et celle de Montpellier. Angers a testé « à blanc » le transfert de la compétence durant deux ans. Nous l'avons fait pendant un an, ce qui a mis en évidence trois problèmes récurrents. En matière d'organisation, nous avons demandé aux communes de nous proposer une organisation opérationnelle de proximité, en proposant de valider ces pratiques du quotidien. Deux cantons avaient par exemple l'habitude de fonctionner ensemble, de manière satisfaisante. Ils vont constituer un pôle de proximité unique pour la voirie.
Sur le plan du dialogue social, nous avons affirmé que chaque maire serait responsable du dialogue social pour ses agents. Le président de la métropole que j'étais a simplement organisé des réunions d'information avec les partenaires sociaux. Dans les communes de taille importante, c'est simple : les services sont structurés et sont dédiés à une fonction. Dans une petite commune, l'agent qui s'occupe de la voirie s'occupe aussi de l'eau, de l'éclairage public, etc. Il faut donc faire preuve de finesse dans le dialogue social. Nous nous sommes donné un an pour préciser les modalités de mise à disposition. Durant un an, des conventions de gestion nous ont permis, juridiquement, de laisser la main, en matière de décision d'opérations de voirie, de même qu'en matière de gestion des personnels et de remboursement, par la métropole, des dépenses de voirie, le temps de s'organiser.
Il faut également insister sur l'aspect financier. Certaines communes avaient réalisé un formidable travail pendant cinq ans, nous laissant des voiries en excellent état, mais avaient beaucoup dépensé pour cela. D'autres, sachant que la voirie deviendrait communautaire, puisque nous avions annoncé le passage en communauté urbaine, n'ont rien fait, nous laissant une voirie dans un état déplorable. Il faut donc que le transfert soit neutre entre l'ensemble des communes et la communauté et qu'il soit juste entre les communes. La petite commune qui a réalisé un énorme travail pour sa voirie risque alors une « double peine », puisque la logique théorique des attributions de compensation conduit à prélever les montants financiers que la commune consacrait à la compétence transférée. Nous avons alors défini politiquement les critères assurant à la fois la neutralité entre les communes et l'intercommunalité, d'une part et entre les communes d'autre part. Nous avons réalisé un diagnostic technique, précisant le montant des dépenses standard d'entretien de voirie et un transfert de la dette, afin de ne pas trop puiser dans l'épargne disponible des communes. Nous nous sommes créé notre propre système, en dehors de la logique juridique qui s'impose en principe aux collectivités. Le principe d'exclusivité de l'intercommunalité a été laissé de côté dans cette démarche, étant entendu que la mutualisation doit éviter les doublons.
La plupart des mutualisations mises en place voient le jour entre la ville-centre et la communauté. L'exemple bien connu de Strasbourg fut le premier, en 1972. Ce sont les mêmes services pour la métropole et pour la ville. Quant à nous, nous avions fusionné en 2014 les services de la ville et ceux de la communauté urbaine, en commençant par les fonctions de communication, de DGS et de directeur de cabinet (avec un président distinct du maire : je n'étais pas maire de la ville-centre). Dès l'année suivante, nous avons totalement fusionné les services. Ce fut assez facile à faire.
Parallèlement, nous avions essayé de mutualiser les services fonctionnels au niveau des 22 communes de l'agglomération qui existait à l'époque. Ce fut un travail considérable. Nous avons séparé les services fonctionnels en six grandes familles, au sein desquelles 32 fonctions ont été distinguées, afin que les communes jouent le jeu.. Trois communes ont retenu les 32 fonctions et ont tout mutualisé. Une commune n'a mutualisé qu'une fonction. En moyenne, 24 compétences ont été mutualisées. Il est vrai que ce dispositif était trop lourd. Nous avions tenu une cinquantaine de réunions de conseils municipaux. Ce n'est pas qu'un bon souvenir. Le passage en communauté urbaine et en métropole a cependant été rendu possible parce que les petites communes étaient convaincues de la transparence et de « l'honnêteté » du dispositif, crédibilisant l'affirmation selon laquelle la mutualisation ne signifiait pas que la grande ville allait « manger » les autres.
L'intercommunalité a pour rôle de fixer le cap et de se donner le temps de la mise en oeuvre. C'est une condition importante, faute de quoi l'on crée des blocages qui rendent impossibles les évolutions.
Je reste également, n'en déplaise à mon amie Françoise Gatel, très hostile à la minorité de blocage PLUI qui existe ailleurs. C'est la dictature de la minorité. Restons-en au principe habituel de la majorité absolue et relative (plus de la moitié ou plus des deux tiers), qui est démocratique.
Enfin, le dispositif fonctionne si l'on agit en toute transparence. C'est lourd, compliqué. Cela prend du temps. Mais cela rend la démarche robuste. Je crois qu'il faut accepter cette décentralisation à la condition que tout soit clair, au niveau des élus et de celui du grand public.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Igor Semo, pouvez-vous nous parler de l'expérience de la commune de Saint-Maurice au sein de l'agglomération parisienne ?
Igor SEMO, Association des Petites Villes de France, maire de Saint-Maurice
Je voudrais tout d'abord vous féliciter, cher Jean-Bernard Auby, d'avoir organisé ce colloque, sur un thème porteur, à propos duquel nous avons besoin de réflexions. Je m'exprime ici en tant que représentant de l'Association des Petites Villes de France (comprenant 2 500 à 25 000 habitants, pour dire les choses simplement). Je prendrai divers exemples issus de ma propre expérience de maire.
Saint-Maurice est une ville de 15 000 habitants qui a fait partie durant près de dix ans d'une communauté de communes, laquelle a été dissoute au moment de la création de la métropole du Grand Paris. Nous faisons partie de la communauté Paris Est Marne et Bois, qui rassemble 13 villes le long du bois de Vincennes, ce qui représente plus de 500 000 habitants au sein de la métropole du Grand Paris (plus de 7 millions d'habitants).
Sur le plan de la coopération entre les communes, en dehors de toute organisation institutionnelle, l'exemple le plus connu est celui des groupements de commandes. Nous sommes par exemple associés à un groupement de communes concernant l'achat de séjours pour les enfants (durant les vacances scolaires), ce qui permet un certain nombre d'économies. Je n'ai pas identifié le problème juridique que poserait cette expérience.
Il est aussi des domaines où les communes ont une légitimité assez faible, par exemple celui de la santé. Nous avons constitué un SAMI (service d'accueil médical initial), permettant d'accueillir des personnes ayant des problèmes de santé en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux, afin d'éviter qu'elles ne se rendent aux urgences. Nous avons le soutien des hôpitaux de Saint-Maurice. Quatre communes financent le local et ce dispositif fonctionne très bien depuis des années, dans le cadre d'une convention qui tient en deux pages.
Nous allons également mettre en place à la fin du mois de mars un comité local de santé mentale, en créant un poste de référent psychiatrique, financé par trois communes, afin d'assister des adultes ou des familles confrontés à des difficultés. Il se trouve que nous avons l'asile de Charenton à Saint-Maurice. Nous nous sentons donc particulièrement concernés. Ce sont là des coopérations qui se nouent très librement, en dehors de tout cadre particulier, sans que cela ne pose de problème.
D'autres exemples ont trait aux investissements. Nous avons deux équipements emblématiques sur le territoire de notre commune voisine, dont la piscine. Nous bénéficions, au titre de la commune de Saint-Maurice, de créneaux scolaires. La piscine doit être rénovée, et la commune où elle se trouve nous demande d'y contribuer financièrement. C'est un sujet intéressant car il n'y a aucune obligation en la matière - et je n'ose imaginer le chantage qui consisterait à mettre en balance cette contribution financière avec l'attribution, pour notre commune, de créneaux scolaires.
La position que prendra la commune de Saint-Maurice n'est dictée par aucun texte, puisqu'il ne s'agit pas d'un équipement d'intérêt local. J'ai fait plancher la ville voisine devant mon Conseil municipal, au sein duquel des avis très divergents se sont exprimés, certains considérant qu'il n'était pas question de participer au financement d'un équipement ne se trouvant pas dans la commune, d'autres plaidant tout de même pour un effort de contribution, en appliquant par exemple une clé de répartition liée aux usages, à la population ou aux moyens financiers comparés des deux communes. Nous n'avons pas encore tranché et la réflexion se poursuit.
Il reste la définition des équipements territoriaux. Il se trouve qu'en l'espèce, le territoire Paris Est Marne et Bois n'a pu se mettre d'accord sur cette définition. C'était une obligation légale, avec pour date limite le 31 décembre 2017. 9 villes sur 13 étaient isolées avant la création de ces structures et les maires sont quelque peu crispés au regard de leurs attributions en la matière. Je m'inscrivais dans une logique différente, visant à contribuer au rayonnement du territoire, et ai été mis en minorité, ce que j'ai publiquement regretté. Résultat, l'équipement d'intérêt local de Paris Est Marne et Bois (500 000 habitants) se limite pour l'instant aux skate parks , car cet équipement ne requiert aucune dépense. Telle est la logique qui a prévalu, sous l'impulsion de mes collègues maires. Je ne l'ai toujours pas digéré, comme vous l'aurez compris. Telles sont les difficultés très concrètes auxquelles on est parfois confronté. Cela montre bien qu'outre les considérations juridiques, ce sont la volonté politique, la culture et un état d'esprit qui comptent.
Frédérique BONNARD LE FLOCH, France Urbaine, vice-présidente de Brest Métropole
Brest Métropole, EPCI le plus intégré de France, est une communauté urbaine depuis 1974, qui fonctionne avec du personnel entièrement mutualisé depuis 2007. Il existe trois catégories d'agents métropolitains : ceux travaillant sur les compétences métropolitaines, ceux travaillant dans le périmètre des compétences de la ville de Brest et ceux travaillant pour les services communs.
Pour nous, cette mutualisation n'a que des avantages. Elle a produit tous ses effets de rationalisation et d'efficience du point de vue du service public. Elle a renforcé le sentiment d'appartenance des agents, qui se distinguent aujourd'hui par leur métier (voirie ou éducation par exemple), et non par leur entité d'appartenance (ville ou métropole) Ils bénéficient de tous les avantages d'un employeur unique, qu'il s'agisse de l'équité sur le plan des rémunérations ou des règles d'avancement. Nous avons là un facteur de productivité extrêmement important. Nous avons bien sûr un seul DGS, une seule CAP, un seul CT. On se concentre sur le service rendu et non sur la mécanique administrative qui permet de le produire.
La diminution des heures improductives servant à régler la machine est évaluée par notre DGS comme supérieure au gain que nous aurions obtenu en augmentant le temps de travail, ce qui est éloquent. Cette excellente expérience n'est malheureusement pas reconnue ni récompensée par le Gouvernement. Nous avons été incités à mutualiser tous azimuts depuis quinze ans. Nous l'avons fait mais nos crédits de fonctionnement sont encadrés comme si nous étions irresponsables et impécunieux.
S'il s'avère, pour des raisons qui peuvent être indépendantes de la volonté locale (par exemple l'augmentation d'éléments de rémunération nationaux), que la progression de la masse salariale de la ville de Brest s'élève au-dessus de 1 %, une double peine s'applique : le personnel étant entièrement mutualisé, cette augmentation s'appliquera à la métropole. Cela m'interroge fortement quant au niveau exact de connaissance qui existe, à Matignon et à Bercy, quant à la performance des collectivités locales. Si nous devions demander une différenciation, c'est à ce niveau que je la demanderais.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Vous avez évoqué la mutualisation des personnels et des commissions de dialogue social uniques. Ceci signifie-t-il que le personnel qui existait précédemment dans les communes de la métropole est devenu du personnel métropolitain et qu'il n'y a plus qu'un seul employeur ?
Frédérique BONNARD LE FLOCH
Absolument.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
C'est un schéma intéressant.
L'exemple de la voirie me semble également très intéressant. On peut distinguer deux niveaux d'intervention : la planification (avec la garantie d'avoir une voirie en bon état, ce qui nécessite de définir des schémas d'investissement pluriannuels) et la nécessaire proximité. Lorsque vous avez un nid de poule dans la 25 e rue de votre 47 e commune et qu'il faut boucher le trou, vous dépendez de la métropole, laquelle ne va pas mobiliser un agent. Il y a là un vrai sujet, en termes d'optimisation de l'organisation et de gestion de la proximité. Il faut à chaque fois s'interroger sur le bon niveau d'intégration.
Alexandre TOUZET, Association des Maires de France, maire de Saint-Yon, conseiller départemental de l'Essonne
Nous voyons qu'il existe deux types de démarches à travers ces conventions de mutualisation. Dans le premier cas, on répond à une situation subie : le législateur définit des principes d'organisation et le niveau local s'efforce de s'y adapter. Le deuxième cas de figure m'intéresse davantage : il s'agit de déterminer la façon dont le niveau local peut, de façon intelligente, trouver une réponse adaptée. Nous voyons que dans les chartes de fonctionnement, dans les pactes financiers et dans les organisations de communes nouvelles, se font jour les deux problématiques :
- comment répondre à une situation imposée, qu'on trouve inadaptée au territoire ?
- comment s'organise-t-on localement pour trouver une solution pertinente ?
Nous avons par exemple transféré la voirie en constatant les bénéfices qui étaient à la clé. La jurisprudence et l'administration française, quant à la sécabilité de la compétence « voirie » (par exemple à propos des trottoirs), se révèlent riches de complexité. Des outils nous permettent cependant de déroger à la loi. Certes, il y aurait un intérêt à mutualiser la voirie, car on réalise des économies d'échelle, par exemple en cas de rénovations lourdes. S'il s'agit d'imaginer la façon dont la voirie s'organisera en centre-bourg, le maire a toute sa place. Nous avons finalement décidé d'un droit de tirage : le maire dispose d'une somme qu'il peut, chaque année, mutualiser. L'entretien des nids de poule est naturellement mutualisé.
Pour le reste, nous avons réalisé deux mutualisations importantes, en faveur desquelles tous les maires se sont prononcés, car elles ont été gratuites, c'est-à-dire que nous avons pris en charge les personnes mutualisées. Nous l'avons fait pour la police municipale intercommunale et pour l'instruction du droit des sols. Seule une commune - relativement riche - n'a pas opté pour ce principe, concernant la police municipale intercommunale. Dans les deux cas, nous avons calculé de manière très juste des attributions de compensation. Nous avons aussi encouragé les mutualisations en les rendant gratuites. Un autre facteur a facilité ces mutualisations : les maires n'auraient pu accéder au service de police municipale sans l'intercommunalité, car nos communes ont 1 000 à 2 000 habitants. En ce qui concerne l'instruction du droit des sols, les maires sentaient, pour l'instruction comme pour le contrôle de légalité, qu'ils étaient en situation d'insécurité juridique.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
On peut se demander s'il faut systématiquement calculer des coûts de transfert de charge ou non. Les situations peuvent varier. La gratuité peut avoir une fonction pédagogique afin de ramener les élus vers davantage de mutualisation. Ce sont en tout cas des débats extrêmement intéressants.
Nous voyons également que chacun, au sein des territoires, est amené à inventer son organisation. Vouloir définir une norme unique paraît très satisfaisant sur le plan intellectuel mais ce n'est pas possible. Il faut faire confiance aux élus, ce qui exige une forte responsabilité des élus locaux.
Le terme benchmark a été prononcé. Ce sont des pratiques nouvelles pour nous. Ce type de démarche me paraît indispensable. Il faut aussi réaliser des tests et des expérimentations avant de s'engager de manière définitive, faute de quoi, en cas d'échec, l'on fragilise son intercommunalité pour d'autres projets. Lorsqu'on expérimente, il faut aussi évaluer. Nous n'avons pas suffisamment, dans notre pays, la culture de l'évaluation, qui doit permettre de décider d'éventuels ajustements.
La concertation s'effectue avec des élus au sein de l'intercommunalité. Charles-Éric évoquait également à juste titre l'adhésion des personnels, qui peuvent gagner à travers la mutualisation et le travail en équipe, alors qu'un agent isolé est nécessairement confronté à des difficultés en termes d'efficience professionnelle. Encore faut-il prendre le temps d'emmener avec soi tous ceux qui vont permettre la réussite du projet de mutualisation.
Il a beaucoup été question de différenciation. Je suis d'accord. Doit-on définir à l'échelle d'un territoire une seule organisation pour toutes les communes, ou prend-on en compte des expertises et savoir-faire qui soient de nature à faciliter l'exercice des compétences ? Nous voyons que la mutualisation naît parfois de l'envie ou de l'appétence. Lorsque celle-ci est absente, la loi nous oblige. La frugalité budgétaire que connaissent les collectivités depuis fort longtemps nous conduit à optimiser nos dépenses. Outre les groupements de commandes, déjà évoqué, des optimisations se trouvent facilitées par des expertises en ingénierie. Le transfert de certaines compétences de l'État vers nos collectivités, par exemple en matière d'urbanisme, a souvent amené à structurer au sein de l'intercommunalité une compétence qui était auparavant exercée par l'État. Une question récurrente se fait jour quant au niveau pertinent auquel placer le curseur, sans ignorer la prévision, la prospective ni la proximité.
3. Les contrats favorisant l'équilibre territorial et la solidarité des territoires
Frédérique BONNARD LE FLOCH, France Urbaine, vice-présidente de Brest Métropole
Si le contrat suffisait à garantir l'équilibre, la loi et l'État ne seraient que des tyrannies inutiles. Hélas, la célèbre formule d'Alfred Fouillée (« qui dit contractuel dit juste ») est un sophisme très peu opérant dans le paysage actuel des relations institutionnelles entre les collectivités. Aucune des collectivités contractantes n'est en effet véritablement libre, ni égale, sinon en dignité.
À Brest, nous avons choisi les coopérations horizontales et la contractualisation comme une réponse à un besoin local, vital, d'équilibre territorial. Nous faisons en effet partie de la compétition mondiale et devons, en tant que métropole, répondre aux enjeux de celle-ci.
Brest Métropole, comme vous le savez, n'est pas une très grande ville internationale. Ce n'est pas à ce titre qu'elle est une métropole. Elle est métropole au sens de la vision d'un aménagement équilibré du territoire national, d'une part, et au sens des fonctions de commandement stratégique que l'État exerce sur son territoire, comme l'a souligné un rapport de la Cour des Comptes paru en 2017, d'autre part. C'est la seule métropole française dont l'ADN repose sur ces principes. Brest est et a toujours été une ville d'État. On pourrait, en exagérant un peu, la qualifier aujourd'hui de métropole d'État.
Voici un second paradoxe. J'introduis mon propos en soulignant à quel point Brest Métropole dépend de la vision de l'État, alors que France Urbaine m'a demandé de venir témoigner ici de la compétence distinctive que nous avons, à la pointe bretonne, consistant à organiser le dépassement systématique des frontières institutionnelles, de compétences et de création de synergies territoriales à des échelles tout à fait diverses, que l'on nomme « alliances des territoires ».
Le paradoxe n'est qu'apparent : l'alliance des territoires a besoin de l'aménagement de ceux-ci. C'est un axe d'action complémentaire des grandes politiques d'aménagement menées par l'État et par la région. Ce n'est pas une démarche qui viendrait s'y substituer ni compenser l'absence de grande politique d'aménagement. Ces grandes politiques d'aménagement nécessitent, pour fonctionner, une contractualisation, laquelle repose sur une vision stratégique partagée (État/régions/collectivités infra), avec un développement dans le temps long, sur la base d'un projet stratégique territorial de qualité.
Brest Métropole fonctionne en système territorial. Elle est la plus petite métropole française de la plus petite région française. Que fait-on avec un petit territoire, excellent mais périphérique, péninsulaire, interdépendant et mondialisé ? La réponse peut sembler banale : on travaille ensemble. Le développement dans l'interdépendance ne peut être que du co-développement. À la pointe bretonne, nous fonctionnons donc en système, un peu sur le modèle de l'économie symbiotique, c'est-à-dire comme un archipel d'écosystèmes, en réseau.
On peut décrire la façon dont nous avons organisé cette intelligence territoriale collective et sa gouvernance en empruntant l'image des poupées gigognes. Plus l'échelle est proche, plus la coopération s'organise autour du territoire vécu. Plus l'échelle est éloignée, plus la coopération est thématique. Le caractère proche ou éloigné ne dit rien de l'intensité de la coopération. Au fil des années, nous avons ainsi développé une forte intégration à l'échelle de la métropole. À titre d'illustration, le passage au statut de métropole n'a entraîné aucune modification de compétence. À l'heure où certains apprennent dans la douleur à ramasser les poubelles ensemble ou à élaborer des documents de planification urbaine, nous avons depuis longtemps dépassé ces enjeux d'organisation, ce qui nous permet de nous projeter à d'autres échelles.
La première est celle du pôle métropolitain du pays de Brest, ce qui correspond chez nous au bassin de vie et au bassin d'emploi, soit un peu plus de 400 000 habitants. Ce périmètre s'est avéré très efficient pour définir une stratégie commune, prendre des options et conduire des projets ensemble. Pour continuer à mettre en cohérence nos stratégies de développement avec l'ambition métropolitaine, il va falloir élargir le périmètre de la métropole, sans doute au périmètre du pôle métropolitain. Cela ne fait pas sourire les présidents d'EPCI du pays de Brest mais la question a été officiellement posée et le travail s'engage en ce sens, car ces fonctions métropolitaines nécessitent la mise en commun de ressources sur une base beaucoup plus importante que les huit communes formant la métropole.
À l'échelle de la pointe bretonne, nous avons depuis fort longtemps des ententes intercommunautaires, dispositif prévu par le code général des collectivités territoriales, permettant de conventionner de manière très souple. Nous avons passé ces ententes avec les agglomérations les plus importantes de notre hinterland. Nous ne serions pas une métropole sans Quimper au Sud, Morlaix et Lannion-Trégor au nord. Avec elles, nous parlons de développement économique, de tourisme, d'accessibilité, de mobilité, d'aménagement du territoire. À titre d'exemple, nous sommes métropole « French Tech ». Ce n'est pas le cas de Brest, mais « Brest+ » a également cette qualité, c'est-à-dire le regroupement de Brest Métropole, Quimper et Lannion.
Une autre coopération horizontale non contractualisée entre ses membres mais avec l'État est le campus mondial de la mer : Brest y associe les autres sites majeurs dans le domaine maritime, notamment Roscoff et Concarneau, et développe des plateformes de recherche et d'innovation, des évènements, l'animation d'acteurs. Le campus constitue le volet « innovation » de notre pacte État-métropole, sur un principe de libre association. Y siègent ainsi le préfet maritime, des présidents d'université (UBS, UBO et Paris VI, au titre de la station biologique de Roscoff), ainsi que des chefs d'entreprise et des élus locaux. Cet ensemble invente ce qui va faire la performance économique globale du grand territoire.
Ces deux exemples montrent que la stratégie métropolitaine de Brest ne se limite pas à son territoire institutionnel et tend à la dépasser de façon permanente. Nous avons une SMDE (société métropolitaine de développement économique), présente dans trois départements, car elle associe des acteurs et non des compétences.
À l'échelle de l'inter-région, un pôle métropolitain Loire-Bretagne (Brest, Rennes, Nantes, Saint-Nazaire, Angers,) traite de grands enjeux (accessibilité TGV, rayonnement international, pôles de compétitivité, recherche, etc.). C'est dans ce pôle que nous avons commencé à développer les concepts d'alliance des territoires urbains, périurbains et ruraux, comme un modèle de développement équilibré que nous pourrions proposer aux autres territoires français.
Nous avons parallèlement développé la coopération par les outils d'ingénierie. Nous avons un grand nombre de sociétés d'économie mixte ou d'EPL en général et pensons que l'affectio societatis est plus fort que les divergences politiques. Nous parvenons généralement à mettre en place une gouvernance territoriale très forte avec ces outils. Nous avons aussi une agence d'urbanisme solide, qui nous sert à projeter notre stratégie métropolitaine. Saint-Brieuc vient d'adhérer à l'A2PA pour faire son PLU.
Je mets à part une petite coopération régionale, celle qui a été matérialisée par le contrat de réciprocité villes-campagnes. En réalité, il n'y a ni contrat ni réciprocité. Ce qui existe, c'est l'entente interterritoriale instaurée avec le pôle d'équilibre territorial rural du pays de Centre-Ouest Bretagne (COB). Le premier bénéfice de ce contrat est le marketing territorial pour le pays COB.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Je propose que nous fassions tourner la parole. Charles-Éric, comment réagissez-vos à ces propos ?
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
Nos intercommunalités sont très diverses et j'aborderai le problème de la contractualisation à deux échelles. De nombreuses compétences, représentant environ 80 % du budget, restent de la compétence des communes. Il est important que l'intercommunalité reste un lieu où l'on puisse faciliter les coopérations dans les compétences communales qui ne sont pas « intercommunalisées », par exemple la police municipale ou l'enseignement scolaire. Il est ridicule, lorsqu'on a une ZAC importante, de créer une école s'il y en a une dans la ville d'à côté. Nous avons ainsi encouragé des conventionnements au-delà de nos coopérations intercommunales, afin de répondre à ces questions d'efficacité des politiques publiques.
Frédérique Bonnard Le Floch a évoqué à juste titre la question des ententes communautaires et de la politique brestoise, car les contrats de réciprocité constituent, à Brest ou à Toulouse, des expériences homéopathiques. Je suis très sensible aux théories de Laurent Davezies. J'aime beaucoup moins celles de Christophe Guilluy, qui me semblent caricaturales. Je ne crois pas à la fracture territoriale. Il existe une solidarité réciproque entre la métropole et l'ensemble de l'aire urbaine (voire au-delà) qui l'entoure. Cette solidarité et la création de valeur se diffusent très au-delà de la métropole, dans l'ensemble de l'aire urbaine. Laurent Davezies a fait des travaux remarquables à ce sujet.
Je prendrai un exemple simple. Pour des raisons historiques et locales, nous avons créé un SCOT dans les limites des 22 communes de l'agglomération. Très longtemps après, les territoires périphériques, dans le reste de l'aire urbaine, se sont structurés autour de trois pays qui ont créé un inter-SCOT, lequel travaille avec notre SCOT. Nous savons bien que dans cinq à dix ans existera un SCOT unique pour l'ensemble de l'aire urbaine orléanaise. Pour l'heure, nous avançons progressivement.
Dans ce SCOT périphérique, la question de la mobilité devient de plus en plus centrale. Trois questions, en fait, deviennent majeures et reviennent constamment dans les politiques contractuelles : comment puis-je communiquer, comment puis-je bouger et comment puis-je me soigner ? En matière de transport, l'enjeu le plus difficile à gérer est le périurbain. Reims, qui est passé de 16 communes et 220 000 habitants, a intégré huit communautés de communes pour rassembler aujourd'hui 144 communes et 280 000 habitants. Le périmètre du transport urbain a, parallèlement, été étendu. Or le transport urbain est très efficace dans les zones denses. C'est beaucoup plus compliqué pour les zones moins denses. La révolution digitale complexifie encore les choses. Si l'on crée des plateformes de covoiturage au niveau interurbain, pourquoi ne pas les étendre à l'ensemble de l'aire urbaine ? La question va inévitablement se poser.
Le transport scolaire, lui, a été confié aux régions. Toutes les régions de France ont développé des politiques contractuelles, généralement avec les pays ou les intercommunalités qui les composent. Je crois que les régions n'ont pas encore pris la mesure de la révolution que constitue la prime « transport scolaire ».
En région Centre Val de Loire, nous avons 30 000 TER, dont deux concentrent 60 % du trafic. Nous allons passer à une multitude de lignes interurbaines de transport scolaire. Dans chaque périmètre de contractualisation va se poser la question de la mobilité. À cela s'ajoute le problème des AOM sur l'ensemble des territoires. Les contractualisations, en matière de transports, vont ainsi nécessairement dépasser les frontières des métropoles. Ces enjeux vont certainement devenir un enjeu majeur des problématiques de contractualisation. Cela va d'ailleurs remettre en cause nos DSP traditionnelles, qui devront être plus agiles et intégrer des innovations liées par exemple à la révolution digitale dans les transports.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Je retiens qu'une organisation se met en place à partir d'un écosystème de territoires correspondant au territoire vécu : il est impératif de partir de la réalité de la vie de nos concitoyens pour nous organiser afin d'apporter l'efficience nécessaire dans nos services.
On a pu avoir l'impression, en écoutant les exposés, d'une faible lisibilité immédiate. La vie est ainsi faite. Elle n'est pas faite de carrés ou de tiroirs dans lesquels on range une chose qui ne se trouverait que dans ce tiroir. La réalité est plus compliquée que cela, même si nous avons effectivement besoin d'efficience et de lisibilité.
J'ai apprécié la question posée par Frédérique Bonnard Le Floch concernant Brest métropole, autour de la question de la complémentarité entre la ville et la campagne. Je ne crois pas que la ville puisse se développer sans son hinterland. Celui-ci et la ruralité doivent se réjouir de la locomotive que constitue la métropole. Je ne suis pas sûre, pour autant, que la réponse réside dans l'intégration et l'élargissement d'un périmètre institutionnel, car il y aura toujours des territoires frontaliers.
Je réponds également à Charles-Éric concernant la minorité de blocage. Comme vous le savez, le PLU devient intercommunal, sauf minorité de blocage. Je suis défavorable à celle-ci, car cela signifie que l'on construit un projet partagé - l'intercommunalité - de manière défensive, sur l'agressivité et le mécontentement. Celui qui réunit une minorité de blocage l'emporte mais contrarie fortement une majorité. Celle-ci, si elle l'emporte, contrarie fortement la minorité qui s'est constituée. Cela construit des blocs et des hostilités, alors que l'intercommunalité doit se bâtir autour d'un projet partagé.
4. Les chartes de gouvernance interne
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Nous passons à la troisième question. Les chartes de gouvernance interne peuvent avoir pour vocation à légitimer les décisions juridiques et à établir des partages de constats qui vont faciliter la prise de décision. C'est aussi un outil d'organisation de la coopération entre collectivités. Ces chartes sont néanmoins dépourvues de caractère juridique. On peut y voir une faiblesse, qui a sa contrepartie, celle d'obliger à la concertation.
Alexandre TOUZET, Association des Maires de France, maire de Saint-Yon, conseiller départemental de l'Essonne
Nous avons expérimenté les chartes de gouvernance interne dans deux cas. Le premier est celui de la création d'une commune nouvelle - projet actuellement suspendu mais que nous allons reprendre, et auquel je suis particulièrement attaché car la loi laisse aux territoires la possibilité de se rassembler autour d'un projet de territoire. Cette loi me paraît être, à cet égard, particulièrement intéressante car elle fournit les outils adéquats, plutôt que d'expliquer aux territoires comment agir.
Dans notre projet de commune nouvelle, cette charte de fonctionnement nous a paru très utile sur des questions ayant trait notamment à la répartition des compétences. Nous voyons aussi, dans l'hypothèse où les communes déléguées sont effacées, la façon dont un point de contact demeure dans chaque commune déléguée. La place du maire délégué n'est pas toujours facile à expliquer, notamment aux habitants. La charte de fonctionnement a pour objet de créer de la confiance entre les élus qui créent la commune nouvelle. Elle peut aussi créer de la confiance entre les habitants et le projet de commune nouvelle, car il n'est pas si simple de « vendre » un tel projet à des habitants qui demeurent très attachés à la commune.
La deuxième expérience de mise en oeuvre de telles chartes a été fournie par l'intercommunalité. Je pense que le contenu de ces chartes évolue. Lorsque l'intercommunalité était imposée ou des extensions de périmètre subies, s'est posée la question visant à savoir comment faire vivre la commune dans l'intercommunalité, dans une logique de protection. Des règles de confiance sont également inscrites dans ces chartes de fonctionnement, permettant de mieux vivre ensemble, concernant la composition de l'exécutif, les Conseils des maires ou le fait de ne pas imposer un équipement à une commune. Ces règles peuvent paraître défensives mais permettent au quotidien de vivre ensemble et d'instaurer de la fluidité. Même si nous sommes parfois contra legem , nous n'avons pas toujours besoin de tribunaux administratifs pour nous donner des règles et les respecter. C'est une sorte de soft law intéressante.
Igor SEMO, Association des Petites Villes de France, maire de Saint-Maurice
Pour les petites villes, la question de la gouvernance est absolument déterminante. Lorsqu'on s'intéresse au fonctionnement du territoire de Paris Est Marne et Bois, on se rend compte que l'organe délibérant est le Conseil de territoire. C'est, plus précisément, le Bureau du territoire qui constitue l'exécutif. Or ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses fonctionnent. C'est heureux pour les petites villes, puisque Saint-Maurice (15 000 habitants sur 500 000 au total) ne compte que deux représentants sur 90. Ce n'est donc pas là que nous pouvons peser.
Au sein du Bureau prévaut une approche territoriale par collectivité. 13 villes y sont représentées par un président et 12 vice-présidents - chaque ville étant assurée d'exercer une vice-présidente. Certains maires, comme moi, sont vice-présidents. Dans d'autres cas, ce sont des élus (maires adjoints, voire conseillers municipaux) sont conseillers du territoire, auquel cas les maires considèrent que le Bureau n'est pas réellement le lieu où les décisions se prennent, estimant que la personne à qui ils ont donné délégation n'est pas nécessairement la mieux placée pour trancher des questions importantes.
Ainsi a été instaurée une nouvelle couche, la « conférence des maires », qui n'a pas d'existence légale. On y fait souvent de la politique, en passant parfois moins de temps sur des sujets de fond. De surcroît, la loi interdisant le cumul des mandats a fait perdre à de nombreux maires leur mandat, qui sont aujourd'hui conseillers municipaux, et par ailleurs députés ou sénateurs. Nous avons ainsi une conférence des maires élargie aux parlementaires anciens maires, et c'est finalement là que les décisions se prennent. Force est finalement de constater que c'est lorsque les élus de la majorité prennent le café, avant la conférence des maires, qu'on a l'impression d'être au coeur du pouvoir.
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
Le fléchage a rapproché les modes de fonctionnement d'un conseil municipal et d'un conseil communautaire, en faisant une place, au sein de celui-ci, aux oppositions. Auparavant, on « parlait de choses sérieuses » en intercommunalité, c'est-à-dire de gestion. La politique était réservée au Conseil municipal. Désormais, les procédures se rapprochent.
Il existe aussi des différences entre l'élaboration de la décision en droit et la pratique de fonctionnement au quotidien. Nous avons tous des commissions des maires. C'est là que se traitent les problèmes. Attention à ne pas instaurer, de ce fait, un fonctionnement en « entre-soi » et attention à la transparence des décisions : si le conseil communautaire devient une simple chambre d'enregistrement, c'est catastrophique pour la démocratie. Les commissions ont aussi un rôle beaucoup plus important, dans une intercommunalité, qu'au sein d'un Conseil municipal : c'est là qu'on territorialise les décisions qui ont été prises. Dans toutes les commissions, on accepte que soient présents des conseillers municipaux non communautaires. Cela va de soi.
Concernant les chartes, nous avons examiné ce qu'il se passait à Nice (une des premières qui aient été établies), à Mulhouse, à Montpellier, à Nantes. Trois grands principes figurent dans notre charte. En premier lieu, le maire est la clé d'entrée des politiques publiques. En deuxième lieu, la gouvernance est politiquement partagée, sans exclusive. Troisièmement, les modes opératoires sont prévus dans la charte de gouvernance, en particulier en ce qui concerne la territorialisation des équipements communautaires. Ce sont les trois points essentiels que l'on retrouve d'une manière ou d'une autre dans toutes les chartes mises en oeuvre en France.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
La charte constitue un outil qui a été inventé par les élus. Il me paraît extrêmement intéressant. Lorsque des communes se regroupent, il faut qu'existent en amont un diagnostic et il faut définir un projet. Il faut dialoguer en amont, faute de quoi chacun arrive avec son égoïsme territorial, ce qui ne peut aboutir qu'à l'impossibilité d'agir. Dans l'exemple de la création d'une commune nouvelle, tous les élus « historiques » du territoire travaillent ensemble à un projet. Ils prennent un engagement contractualisé par la charte, affiché devant les concitoyens. C'est donc un engagement irréversible.
Une fois que vous avez constitué votre commune nouvelle, vous n'avez plus qu'à mettre en oeuvre les projets définis. Cela évite des débats interminables, en Conseil municipal, quant aux raisons pour lesquelles davantage d'argent est consacré à la voirie dans telle commune par exemple. La mise en oeuvre de ces chartes est certes exigeante. Je crois que c'est le prix de l'efficacité de l'action publique.
Il est également très important de définir des modes opératoires, ce qui inclut la gouvernance, en veillant à trouver une place pour chacun, sans évincer les maires. Il ne faut pas non plus que ceux-ci décident en catimini. C'est exigeant et complexe mais cela fait tout l'intérêt de l'engagement des élus locaux.
Je vous propose d'ouvrir un nouvel échange avec la salle.
Échange avec la salle
M. MICHAUD, ancien élève de Sciences Po
Comment envisagez-vous la solidarité sociale à l'échelle des intercommunalités ? Nous voyons bien la solidarité territoriale que vous êtes en train de construire. Le social est-il toujours laissé aux collectivités ?
Igor SEMO, Association des Petites Villes de France, maire de Saint-Maurice
Le Président de la République doit faire des annonces au cours des prochaines semaines à propos de la région Ile-de-France : il est probable que des départements tels que celui du Val-de-Marne soient appelés à disparaître. Leur principale compétence est l'action sociale, laquelle pourrait être réaffectée aux territoires. Ceci nous est présenté comme un progrès en termes de proximité ou de simplification. Outre la question de la période de transition, qui va se poser, des interrogations se font jour en termes de solidarité, car les enjeux de solidarité sont peut-être traités de façon plus pertinente à l'échelle de départements tels que le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis plutôt qu'à l'échelle d'un plus vaste territoire, compte tenu de la diversité des situations qui existent en petite couronne parisienne. Je ne crois pas qu'il soit prévu la mise en place de systèmes de compensation ou de solidarité interterritoriaux. À titre d'illustration, je suis vice-président du Conseil départemental du Val-de-Marne, chargé du numérique. Nous avons aujourd'hui 156 agents, pour 90 élus. Dans un horizon de quatre ou cinq ans, si le département disparaît, nous aurions environ 3 000 agents, selon nos estimations.
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
Si la compétence sociale était assez rarement exercée par l'intercommunalité, de nombreux CIAS se développent désormais. Un rapport rédigé par Loïc Cauret, président délégué de l'AdCF, sur les compétences sociales des intercommunalités, répondra largement à votre question.
L'intercommunalité peut participer à la solidarité sociale au travers des questions de tarification. Il existe des expériences intéressantes, en matière de tarification des transports en fonction du quotient familial, à Strasbourg, Rennes ou Grenoble par exemple. Je suis convaincu que nous devrons nous interroger, dans le cadre du débat sur le nouveau modèle financier des collectivités locales, la répartition entre le contribuable et l'usager. Les fiscalités affectées sont conceptuellement très proches. À Strasbourg, la gratuité a été supprimée mais une tarification basée sur le quotient familial permet d'avoir le même produit qu'auparavant, ce qui me semble plus sain et politiquement plus judicieux.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Nous avons vu que l'action sociale était plus développée dans les intercommunalités. Prenons l'exemple de la petite enfance. Les modes d'accueil et de garde constituent une vraie préoccupation pour les familles, dans tous les territoires. C'est souvent l'interlocuteur sous la forme de la communauté de communes qui a inventé des réponses en matière de garde collective (par exemple les crèches), de soutien et d'accompagnement des maisons d'assistantes maternelles et de mise en réseau de ces dernières, afin de les professionnaliser et les socialiser. Des réponses et des engagements émergent également au niveau des intercommunalités, en matière d'action sociale, du fait de la désertification médicale en milieu rural. On invente des maisons de santé et les ARS exigent souvent que celles-ci soient créées à l'échelle d'un périmètre intercommunal. Les intercommunalités s'impliquent de manière très forte, notamment en milieu rural, sur le vieillissement, avec les aides de maintien à domicile (portage de repas, aide à domicile). Les intercommunalités ont apporté ces réponses de proximité que les départements n'apportent pas et que les communes ne peuvent apporter. Elles sont parfois difficiles à mettre en place dans les très grandes intercommunalités. On a souvient dit que l'intercommunalité n'avait pas généré d'économies. Elle a cependant permis la mise en place de nouveaux services, répondant à de nouveaux besoins. Ces services, en matière d'action sociale, en fournissent un bon exemple.
Albert PEIRANO
Je suis professeur d'université et ancien maire d'une petite ville. Il a été question tout à l'heure de mobilité et d'aménagement du territoire, à l'échelle de petits territoires. Le Gouvernement vient de présenter un projet de loi sur le réseau ferroviaire. Un rapport avait été remis auparavant au Premier ministre. Son auteur a été auditionné ici au Sénat. Il y a, dans cette démarche, une arrière-pensée en faveur de l'ouverture à la concurrence, qui sera bénéfique aux grandes lignes (rentables) au détriment des petites lignes. Comment allez-vous défendre les citoyens qui habitent dans ces territoires, déjà confrontés à des difficultés en termes de mobilité ?
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
C'est un enjeu d'avenir que j'engloberais dans le thème de l'accessibilité.
Charles-Éric LEMAIGNEN, vice-président de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF)
En tant que vice-président du GART, je peux commencer à répondre à cette question. L'ensemble des associations d'élus a hurlé lorsqu'a été évoquée la suppression des lignes 7 à 9. Lorsque M. Spinetta mentionne, dans son rapport, les externalités, il n'évoque même pas l'aménagement du territoire, ce qui me paraît assez surprenant. Une chose est sûre : on ne doit pas laisser un territoire sans solution de mobilité.
En revanche, s'arc-bouter sur la nécessité de conserver toutes les lignes ferroviaires est un mythe. J'ai été directeur général de région. Lorsqu'on supprimait un arrêt de train alors qu'il y avait une montée par semaine, tout le Conseil municipal était dans la rue en écharpe, affirmant qu'on tuait le village. Il faut être sérieux. Nous devons raisonner en termes de mobilité et non en termes d'outil. Chaque outil a son rayon de pertinence. Il ne faut laisser aucun territoire sans solution de mobilité. Là se trouve l'enjeu essentiel.
Frédérique BONNARD LE FLOCH, France Urbaine, vice-présidente de Brest Métropole
Je suis habitante d'un des rares territoires qui s'appelle métropole mais à partir duquel il faut plus de quatre heures pour rallier Paris. Nous étions présents ici, la semaine dernière, avec ma présidente de département et l'ensemble des conseillers départementaux, portant nos écharpes d'élus du Finistère, pour affirmer que le train était pour nous un outil structurant d'aménagement du territoire de long terme. Certains territoires peuvent trouver d'autres solutions de mobilité. En Bretagne, et particulièrement en Bretagne occidentale, la bataille de l'accessibilité par le rail n'est pas terminée. Nous sommes au bout du territoire. Nous devons être reliés, faute de quoi nous sommes morts. Vous allez beaucoup entendre parler de nous dans le cadre de la loi « mobilité », dont le débat s'ouvre sous de mauvais auspices.
Françoise GATEL, sénateur d'Ille-et-Vilaine, présidente de la table ronde
Il n'y aura pas de développement équilibré du territoire sans réponse aux enjeux de mobilité. À cet égard, il n'existe pas d'outil unique : il faut prendre le temps, dans chaque territoire, d'analyser les besoins.
J'habite et ai été présidente d'une intercommunalité qui se trouve à côté d'une métropole. Celle-ci n'a jamais accepté d'adapter son réseau de transport au territoire vécu. Une commune du territoire faisait partie d'une communauté de communes (que je présidais). Ses habitants voyaient deux bus passer. Le premier était celui de la métropole, qui devait traverser la commune pour desservir des habitants de la commune contiguë. Ce bus, généralement à moitié plein, passait et ne s'arrêtait pas. Dix minutes plus tard passait celui du département, qui s'arrêtait. J'ai dû me montrer un peu provocante pour faire comprendre l'absurdité de cette situation, en soulignant que même en Afrique du Sud, les blancs et les noirs empruntaient les mêmes bus - propos qui a beaucoup fâché le président de la métropole et celui du département.
Je crois qu'il existe une fracture territoriale dans ce pays. Mais il faut trouver la réponse pertinente, qui n'est pas la même partout. Elle ne peut être la même à Orléans et en Bretagne, qui est une péninsule. Dans une économie mondialisée, loin des centres de décision, pour avoir la chance de garder une économie, l'accessibilité est essentielle. Comment aurez-vous des sièges d'entreprises agroalimentaires dans les Côtes d'Armor ou dans le Finistère s'il n'y a pas d'accessibilité ? C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour Notre-Dame-des-Landes. Si chaque citoyen va se battre pour défendre le train qu'il ne prend jamais, au cas où, un jour, il en aurait besoin, nous n'allons pas y arriver. Il faut accepter de dialoguer et de trouver des réponses partout, en faisant une place à des réponses novatrices.
Je me trouvais hier à Rennes, où l'on a érigé une rocade en forteresse médiévale, en conséquence de quoi tous ceux qui n'ont pas les moyens d'habiter dans la ville vont habiter à l'extérieur. Ils liront dans la presse les articles consacrés aux nouvelles mobilités mais eux seront condamnés à rouler au diesel.