F. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES DEVENUES OBSOLÈTES
Plusieurs dispositions législatives devenues obsolètes pourraient utilement être abrogées, dans le cadre de l'opération « BALAI » (Bureau d'annulation des lois anciennes et inutiles) lancée par M. Gérard Larcher, président du Sénat, et M. Vincent Delahaye, vice-président du Sénat, président de la délégation du Bureau chargée du statut et des conditions d'exercice du mandat du sénateur.
1. Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen
L'article 1 er de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen dispose que « le mode d'élection des représentants français au Parlement européen, tel qu'il est défini par la présente loi, ne pourra être modifié qu'en vertu d'une nouvelle loi ».
En 1977 , il s'agissait « d'une garantie politique » selon M. Serge Boucheny 142 ( * ) , une rédaction de compromis, visant à préserver la souveraineté du législateur français quant à l'organisation de ce scrutin.
Cette disposition est devenue obsolète . L'Union européenne est désormais reconnue comme compétente pour déterminer les « grands principes » du mode d'élection des députés européens et, par définition, seul le législateur français peut modifier la loi du 7 juillet 1977 en respectant les Actes européens qui en fixent le cadre en laissant une forte capacité d'adaptation aux législateurs nationaux.
Dès lors, toute nouvelle disposition affectant ce mode de scrutin supposerait un acte européen adopté selon la procédure fixée par le traité (donc acceptée par les autorités françaises), suivie d'une modification de la loi de 1977 par le législateur français, sans nécessité d'une disposition législative particulière pour le rappeler.
En conséquence, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, le projet de loi relatif à l' élection des représentants au Parlement européen , en cours d'examen au Parlement, tend à abroger l'article 1 er de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.
2. Loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale
Le dernier alinéa de l'article 1 er de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 dispose que « tout agent de la fonction publique territoriale occupant un emploi permanent reçoit un livret individuel de formation . Ce livret retrace les formations et bilans de compétences dont l'agent bénéficie, dans les conditions fixées par décret ». Ce document a été créé par la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.
En pratique, le livret individuel de formation est dépourvu de caractère prospectif, rarement rempli et peut s'avérer redondant par rapport au dossier individuel de l'agent , comme l'a souligné Mme Catherine Di Folco dans son avis budgétaire « fonction publique » sur le projet de loi de finances pour 2018 143 ( * ) .
En outre, son utilité est remise en cause par la création d'un compte personnel d'activité (CPA) 144 ( * ) qui permet notamment de regrouper sur un même portail informatique les demandes de formation des agents des trois versants de la fonction publique.
Dès lors, le dernier alinéa de l'article 1 er de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 est devenu obsolète .
3. Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
L' article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit , relatif aux conséquences de vices pouvant affecter le déroulement d'une procédure administrative préalable à une décision, dispose que « lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme , seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision ».
Or, par une décision d'assemblée, « Danthony », rendue le 23 décembre 2011, le Conseil d'État a énoncé le principe selon lequel « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable , suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ».
Le principe ainsi énoncé et appliqué à plusieurs reprises depuis par le Conseil d'État a donc rendu sans objet l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, puisque son champ d'application est plus large : il concerne en effet l'ensemble des vices pouvant affecter le déroulement d'une procédure administrative préalable à une décision , y compris l'omission de procéder à une consultation en principe obligatoire, alors que cette dernière hypothèse n'a par exemple pas été prévue dans la loi.
De surcroît, la souplesse permise par la jurisprudence apparaît particulièrement opportune puisqu'elle permet au juge d'opérer un contrôle in concreto , et d'apprécier, pour chaque cas d'espèce, si les critères permettant de déterminer la nature du vice sont réunis ou pas. À cet égard, ces vices de procédure sont définis, selon le juge administratif, comme l'omission, l'accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auxquelles un acte administratif est assujetti. Ces formalités peuvent être diverses : consultations préalables, principe du contradictoire, enquêtes, obligations de publicité, d'information ou encore délais, sans que cette liste soit limitative.
L'article 27 du projet de loi renforçant l'efficacité de l'administration pour une relation de confiance avec le public , adopté conforme par les deux assemblées en première lecture, tire donc les conséquences de la décision « Danthony » du Conseil d'État, en abrogeant l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, devenu obsolète.
4. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
L'article 36 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a autorisé, à titre expérimental et jusqu'au 13 mars 2016, les administrations de l'État à employer directement en contrat à durée indéterminé (CDI) des agents dans les secteurs où il « n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ».
Cette expérimentation a été pérennisée par l'article 45 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Dès lors, l'article 36 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 est devenu obsolète .
5. Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 impose aux magistrats suivants d'adresser une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) : vice-président et présidents de section du Conseil d'État ; présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; premier président, procureur général et présidents de chambre de la Cour des comptes ; procureurs financiers et présidents des chambres régionales des comptes.
Aucun acte règlementaire n'a toutefois été pris pour mettre en oeuvre ces dispositions, en raison de la décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 du Conseil constitutionnel sur les magistrats judiciaires. Ce dernier a considéré qu'imposer une déclaration de situation patrimoniale à certains magistrats judiciaires et pas à d'autres instituait une différence de traitement non justifiée au sein de la magistrature.
Sont ainsi devenus obsolètes les articles L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières, les articles L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative ainsi que les III et IV de l'article 14 et III et IV de l'article 19 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires .
* 142 Compte rendu intégral du Sénat de la séance du 29 juin 1977.
* 143 Avis n° 114 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois du Sénat et consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a17-114-6/a17-114-61.pdf .
* 144 Ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique.