N° 165
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 2017 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) relatif à la Polynésie française ,
Par Mme Catherine TROENDLÉ et M. Mathieu DARNAUD,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Si la beauté des rivages lointains de la Polynésie française a suscité, dès leur découverte par les navigateurs européens, l'admiration, valant à Tahiti le nom de Nouvelle-Cythère, cette collectivité du Pacifique sud ne peut se résumer à ce cadre paradisiaque. Après un cycle d'instabilité institutionnelle qui semble désormais clos, la Polynésie française est confrontée à des défis économiques et sociaux qui mettent à l'épreuve la cohésion de la société polynésienne.
C'est pourquoi votre commission des lois a décidé la constitution d'une délégation pluraliste de trois de ses membres, composée de vos deux rapporteurs et de notre ancien collègue Philippe Kaltenbach, qui s'est rendue sur place, du 26 février au 8 mars 2017, pour dresser un bilan de l'évolution institutionnelle de cette collectivité d'outre-mer dont l'autonomie lui est, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, garantie par l'article 74 de la Constitution.
Les membres de la délégation ont porté une attention particulière à la situation des communes polynésiennes qui avaient, voici près d'une décennie, fait l'objet d'importants développements dans le rapport d'information de nos anciens collègues Christian Cointat et Bernard Frimat intitulé : « Droits et libertés des communes de Polynésie française : de l'illusion à la réalité 1 ( * ) ».
Cette mission d'information a été également l'occasion, pour votre commission, de recueillir les attentes locales sur l'évolution statutaire de cette collectivité et mesurer l'état des services publics rendus, y compris par les juridictions, à nos concitoyens polynésiens.
Les archipels polynésiens et la métropole partagent une histoire commune de plusieurs siècles 2 ( * ) . Le XVI ème siècle connaît les premières visites de navigateurs européens, comme Magellan, qui fait une escale en 1521 sur l'atoll de Puka-Puka, aux Tuamotu, ou Mendana, qui découvre les îles Marquises en 1595 et les baptise du nom de l'épouse du vice-roi du Pérou. Toutefois, la découverte par les Européens des archipels polynésiens s'effectue essentiellement au XVIII ème siècle : Wallis débarque à Tahiti en 1767, suivi par Bougainville en 1768. Le capitaine James Cook visite Tahiti à trois reprises de 1769 à 1777, ainsi que les îles Sous-le-Vent, les Marquises et les Australes.
La prise de possession de la Polynésie par la France débute en 1791, aux îles Marquises, avec l'amiral Marchand qui s'oppose avec succès, au nom du Roi de France, aux initiatives britanniques. La lutte d'influence des missionnaires protestants pro-anglais et catholiques pro-français est plus rude à Tahiti. La France s'impose finalement à Tahiti en 1842, avec l'établissement d'un protectorat qui comprend les îles du Vent et une partie des îles Tuamotu et des îles Australes. La reine Pomare IV, aux sentiments plutôt anglophiles, signe sans grand enthousiasme ce traité 3 ( * ) , tandis que son successeur à compter de 1877, Pomare V, mieux disposé à l'égard des Français, permet la ratification du traité d'annexion le 30 décembre 1880.
Les îles Australes sont définitivement incorporées au début du XX ème siècle. La royauté tahitienne étant révolue, l'ensemble de ces archipels constitue alors les Établissements français de l'Océanie.
La Polynésie française reste éloignée du théâtre des opérations de la Première Guerre mondiale, à l'exception de Papeete qui est bombardée par la marine allemande le 22 septembre 1914. Elle se rallie, lors de la Seconde Guerre mondiale, à la France Libre, avec l'envoi des volontaires du Bataillon du Pacifique.
Les années 1960 marquent un bouleversement majeur pour l'économie et la société polynésiennes, avec l'installation du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) ayant permis à notre pays la maîtrise de l'arme atomique. Au cours de leur déplacement au sein de quatre archipels de la Polynésie française - les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent, les îles Tuamotu et les îles Australes - vos rapporteurs ont pu observer les témoignages de cette histoire, partagée par l'ensemble des Polynésiens venus, depuis tous les archipels, travailler pour le CEP, et auprès desquels la France a contracté une « dette nucléaire » qu'elle s'honore désormais d'acquitter.
La Polynésie française est située dans le Pacifique sud, à 6 600 kilomètres de Los Angeles, 5 900 kilomètres de l'Australie, 18 000 kilomètres de la métropole, soit un décalage horaire avec Paris de 11 heures en hiver et 12 heures en été.
Elle se compose de 118 îles, d'origine volcanique ou corallienne, qui forment cinq archipels, sont dispersées sur 2 500 000 km², soit un espace équivalent à la superficie de l'Europe, et correspondent à une superficie émergée de 4 200 km² et à une zone économique exclusive (ZEE) de 4 804 000 km², soit près de la moitié de la surface totale des ZEE françaises.
Elle compte 281 674 habitants 4 ( * ) , inégalement répartis entre les cinq archipels :
- l'archipel de la Société, composé :
- des îles du Vent qui regroupent 75 % de la population de Polynésie française, principalement sur les îles de Tahiti et Moorea ;
- des îles-Sous-le-Vent (13 % de la population) ;
- l'archipel des Marquises (3,5 % de la population) ;
- l'archipel des Australes (2,5 % de la population) ;
- l'archipel des Gambier (0,5 % de la population) ;
- l'archipel des Tuamotu (6 % de la population) ;
L'île de Tahiti, où se situe Papeete, chef-lieu administratif et capitale économique, est la plus étendue et la plus peuplée. Sa population se concentre sur les côtes et dans certains espaces aménagés en altitude proches de la zone urbaine.
Vos rapporteurs ont mesuré, au cours de leur déplacement, les contraintes inhérentes à l'éloignement de la métropole et à l'étendue du territoire polynésien, qui entraînent notamment d'importantes difficultés de transport.
À titre d'illustration, l'île de Rurutu dans l'archipel des îles Australes n'est reliée à Tahiti que par quatre vols directs par semaine, tandis que l'île de Rapa, sans piste d'aéroport, est desservie seulement par bateau, cette île étant distante de l'île de Raivavae de 500 kilomètres, soit 30 heures de navigation.
Vos rapporteurs ont pu apprécier l'accueil chaleureux qui leur a été réservé par leurs interlocuteurs polynésiens tout au long de leur séjour. Ils expriment leur gratitude à notre collègue Lana Tetuanui pour avoir facilité ces échanges constructifs. Ils ont également pu s'appuyer sur le soutien logistique apporté par les services de l'État, les représentants des juridictions et les élus locaux, qu'ils tiennent également à remercier pour leur aide précieuse.
I. LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE AUTONOMIE APPRÉCIÉE, DES AMÉNAGEMENTS STATUAIRES ATTENDUS
A. UN STATUT D'AUTONOMIE PROGRESSIVEMENT RENFORCÉ
Lorsque les Établissements français de l'Océanie deviennent un territoire d'outre-mer, en 1946, ils sont dotés d'une assemblée représentative chargée de délibérer sur le budget du territoire.
Le décret du 22 juillet 1957 5 ( * ) , qui donne au territoire son nom actuel de Polynésie française, élargit les pouvoirs de l'assemblée territoriale, chargée de désigner un gouvernement. Au motif de l'instabilité politique, l'ordonnance du 23 décembre 1958 restitue la maîtrise de l'exécutif local au représentant de l'État.
En juillet 1977, la Polynésie française se voit conférer un statut de « territoire d'outre-mer » au sens de l'article 74 de la Constitution, qui lui permet de bénéficier d'une autonomie de gestion. Depuis lors, son statut a connu une évolution constante en faveur d'une d'autonomie accrue, en 1984, en 1996 puis en 2004, date de l'adoption du statut actuel.
Après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la Polynésie française devient une « collectivité d'outre-mer » régie par l'article 74 de la Constitution. Le constituant a distingué, au sein de cette catégorie des collectivités d'outre-mer, celles disposant de l'autonomie.
La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a choisi de l'intégrer à cette sous-catégorie. En conséquence, cette collectivité peut édicter des règles relevant du domaine de loi, le respect de cette séparation étant garanti par le Conseil constitutionnel. De même, elle peut, par dérogation au principe d'égalité, accorder des droits particuliers à ses habitants en matière foncière ou d'accès à l'emploi.
À l'exclusion de la Nouvelle-Calédonie, disposant d'un statut constitutionnel sui generis , la Polynésie française est ainsi la collectivité française disposant de la plus forte autonomie à l'égard de l'État.
Le statut de 2004 a refondu l'organisation institutionnelle de la Polynésie française. Il accentue la prise en compte des spécificités culturelles et identitaires de la collectivité, en lui permettant d'instaurer des signes distinctifs dans les manifestations publiques officielles, un ordre de « Tahiti Nui » et de conserver la place et le rôle des langues polynésiennes, sous réserve du monopole d'usage de la langue française pour les collectivités publiques.
1. De larges compétences en faveur de la Polynésie française
La compétence de droit commun est reconnue à la Polynésie française, tandis que des compétences d'attribution sont réservées à l'État et aux communes.
La collectivité peut adopter des « lois du pays » dans les matières qui relèveraient normalement du domaine de la loi. Ces « lois du pays » demeurent cependant des actes administratifs soumis au contrôle juridictionnel du Conseil d'État. En outre, la Polynésie française est associée à la mise en oeuvre de certaines compétences de l'État comme l'enseignement supérieur, la recherche ou les relations internationales.
Cet enchâssement des compétences de la collectivité, de ses communes et de l'État n'est pas sans susciter des difficultés d'interprétation. La Polynésie française a cependant recouru depuis quelques années aux mécanismes prévus par son statut pour préserver et clarifier ses propres compétences à l'égard de celles de l'État.
Ainsi, à titre préventif, le président de la Polynésie française ou le président de l'assemblée de la Polynésie française peut saisir le tribunal administratif d'une demande d'avis, transmise ensuite au Conseil d'État, pour se prononcer sur la répartition des compétences entre l'État, la Polynésie française ou les communes 6 ( * ) . Ce mécanisme permet de mettre fin à des incertitudes, comme sur l'extension en Polynésie française du pacte civil de solidarité (PACS) : s'il constitue un contrat, relevant à ce titre de la compétence de la Polynésie française, il est mentionné en marge des actes de l'état civil régis par l'État. Par un avis du 29 avril 2014, la section de l'intérieur du Conseil d'État, saisie par le tribunal administratif à la demande du président de l'assemblée de la Polynésie française, a conclu à la compétence de la Polynésie française.
Pour remédier à une situation d'empiètement de l'État sur une compétence locale, le président de la Polynésie française peut saisir le Conseil constitutionnel, comme le lui permet l'article 74 de la Constitution, afin qu'il constate qu'une loi nationale est intervenue dans le domaine de compétence de la collectivité. Il est, à ce jour, la seule autorité exécutive d'une collectivité d'outre-mer à faire usage de cette faculté. Depuis 2007, et avec un particulier regain depuis 2014 7 ( * ) , le Conseil constitutionnel a ainsi rendu 11 décisions, pour la plupart favorables en tout ou partie à la compétence polynésienne.
L'enchevêtrement des compétences entre la Polynésie française, ses communes et l'État, dont témoignent ces multiples saisines, impose une collaboration active entre les autorités nationales et locales et rend plus complexe l'exercice par la Polynésie de son pouvoir normatif.
L'imbrication des compétences normatives de la Polynésie française et de l'État La répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française est définie par le statut de la Polynésie française. Sous réserve des compétences expressément dévolues à l'État et aux communes, la Polynésie française exerce la compétence de droit commun. Il en résulte pour plusieurs magistrats entendus des « vides juridiques », certaines règles édictées par l'État pour le reste du territoire national ne s'appliquant pas tandis qu'aucune règle spécifique n'est prévue par les autorités locales. De même, la Polynésie française ne transpose pas nécessairement les réformes intervenues au niveau national dans son champ de compétence. À titre d'illustration, si la compétence en matière de justice relève de l'État, celle relative à la santé incombe à la Polynésie française. Ainsi, les magistrats peuvent désigner des médecins coordonnateurs pour la prise en charge des détenus mais aucun texte local ne prévoit leur rémunération. Les avocats et magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont également fait état des difficultés nées de l'application en Polynésie française de la réforme du divorce par consentement mutuel introduite par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle : aucun divorce n'y a été prononcé pendant quelques semaines en raison des incertitudes sur le point de savoir si les règles relatives au divorce relevaient de la compétence du législateur national ou de l'assemblée de la Polynésie française... Les notaires ne s'estimaient pas compétents pour recevoir les conventions constatant les divorces par consentement mutuel, obligeant les époux à saisir, comme auparavant, le juge aux affaires familiales. À la demande des chefs de juridiction, la chancellerie a confirmé l'application de cette réforme en Polynésie française. Une saisine du Conseil constitutionnel reste possible pour trancher cette question en application de l'article 74 de la Constitution. Si l'État est compétent en matière de droits civils, de droit des personnes et de la famille, la Polynésie française est compétente pour édicter les règles relatives à la procédure civile et dans certains domaines du droit civil (droit des contrats, droit de la responsabilité civile, etc.). En étendant la « déjudiciarisation » du divorce par consentement mutuel en Polynésie française, l'État a défini les règles en matière de divorce, comme il en a la compétence, mais a institué des règles de procédure civile, comme le ministère obligatoire d'avocat pour conclure une convention constatant l'accord des époux sur la rupture du mariage et ses effets. L'objectif de simplification n'est pas atteint puisque, par exception, le ministère d'avocat est obligatoire dans cette hypothèse alors que le code de procédure civile applicable localement le rend facultatif pour les autres formes de divorce. Dans l'exercice de leur compétence normative, les autorités de la Polynésie française bénéficient de l'aide des magistrats affectés localement, qui lui font partager leur fine connaissance à la fois des règles nationales et des spécificités locales auxquelles ils sont quotidiennement confrontés. Ils sont ainsi associés à la réforme du code de procédure civile, comme celle ayant été adoptée le 8 juillet 2016 par l'assemblée de la Polynésie française. Le bâtonnier de l'ordre des avocats de la Polynésie française a regretté pour sa part que les observations de la profession n'aient pas été prises en compte dans cette réforme au point que, par opposition à certaines mesures, une « grève du zèle » a été décidée. |
2. Des institutions de la Polynésie française en voie de stabilisation
Selon la loi organique statutaire, les institutions de la Polynésie française comprennent le président, le gouvernement, l'assemblée de la Polynésie française et le conseil économique, social et culturel.
a) Le président de la Polynésie française et son gouvernement : une fonction exécutive toujours éminente
En 2004, le président de la Polynésie française 8 ( * ) devient une institution de la collectivité distincte du gouvernement dont il dirige l'action. Il préside le conseil des ministres qui réunit l'ensemble des membres du gouvernement. Il dirige également l'administration de la Polynésie française et est chargé de l'exécution des actes adoptés par l'assemblée de la Polynésie française.
Après son élection par l'assemblée de la Polynésie française, parmi ses membres, il lui revient de nommer les autres membres du gouvernement, dont un vice-président chargé d'assurer son intérim en cas d'absence ou d'empêchement, et de sept à onze ministres.
À la différence du gouvernement calédonien, le gouvernement polynésien ne représente donc pas l'ensemble des forces politiques représentées au sein de l'assemblée délibérante et est placé sous la direction du président de la Polynésie française.
Réuni en conseil des ministres, le gouvernement dispose de compétences propres, notamment un pouvoir règlementaire et d'initiative des actes soumis à l'examen de l'assemblée de la Polynésie française. Le conseil des ministres peut soumettre à référendum, après autorisation de l'assemblée, les projets d'actes relevant de ses attributions.
Le président et le gouvernement sont responsables de leur action devant l'assemblée de la Polynésie française. Les conditions de mise en cause de cette responsabilité ont toutefois été progressivement encadrées pour remédier à l'instabilité née du renversement de plusieurs gouvernements successifs au cours de la décennie passée : onze gouvernements se sont succédé en effet de 2004 à 2011, au gré d'alliances politiques changeantes.
Le renversement du président et du gouvernement suppose l'adoption par l'assemblée de la Polynésie française, à la majorité absolue de ses membres, d'une motion de défiance, dont l'initiative doit désormais être prise par un tiers d'entre eux (ce seuil a été élevé du cinquième au quart en 2007 puis du quart au tiers en 2011). Chaque membre l'assemblée ne peut signer plus de deux motions de défiance par année civile. Enfin, depuis 2007, seule une motion de défiance constructive peut être examinée : elle doit ainsi mentionner les motifs de son dépôt ainsi que le nom du candidat appelé à exercer les fonctions de président de la Polynésie française en cas d'adoption de la motion.
Depuis 2011, aucune motion de défiance n'a été adoptée.
b) L'assemblée de la Polynésie française : un mode d'élection rationalisé
L'assemblée de la Polynésie française est composée de 57 représentants. Elle exerce la compétence de principe en réglant, par ses délibérations, les affaires de la Polynésie française. Elle adopte les actes relevant de la compétence de la collectivité et qui relèvent du domaine de la loi, par le vote des lois du pays. Elle contrôle également l'action du président et du gouvernement, au moyen de questions ou d'organes de contrôle.
Conformément à l'article 72-1 de la Constitution, l'assemblée peut être saisie par un dixième des électeurs inscrits en Polynésie française de toute question relevant de sa compétence. Elle peut par ailleurs soumettre à référendum local tout projet ou proposition de loi du pays ou de délibération.
Depuis 1952, les membres de l'assemblée de la Polynésie française sont élus pour cinq ans au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne. La question de l'introduction d'une prime majoritaire et celle d'une répartition des sièges entre plusieurs circonscriptions ont été régulièrement discutées au Parlement.
En 2004, le législateur organique avait prévu une répartition des sièges entre six circonscriptions et l'introduction d'une prime majoritaire, représentant un tiers des sièges à pourvoir arrondi à l'entier supérieur, pour la liste arrivée en tête. Le seuil de répartition des sièges a été fixé à 3 % des suffrages exprimés pour assurer le pluralisme de la représentation au sein de l'assemblée.
Ce mode de scrutin a régulièrement évolué, à l'occasion des évolutions statutaires adoptées par le Parlement, en vue de garantir l'émergence d'une majorité stable à l'assemblée tout en permettant une juste représentation des archipels.
En février 2007, le Parlement a ainsi supprimé la prime majoritaire et rétabli un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour l'accès à la répartition des sièges et la fusion des listes. À l'initiative du Sénat, la loi organique du 7 décembre 2007 a maintenu ce mode de scrutin mais élevé le seuil pour le maintien des listes au second tour de l'élection à 12,5 % des suffrages exprimés.
La loi organique du 1 er août 2011 a défini le mode de scrutin actuel, en s'inspirant fortement des propositions du Sénat.
Désormais, l'élection a lieu selon un scrutin de liste à deux tours dans une circonscription unique, composée du territoire de la collectivité mais divisée en huit sections électorales, avec un minimum de trois sièges par section pour assurer une représentation des archipels éloignés. La condition d'éligibilité s'apprécie au niveau de la section ; la qualité d'électeur ou de contribuable dans cette section s'impose donc, ce que le Conseil constitutionnel a exceptionnellement admis compte tenu des caractéristiques géographiques de la Polynésie française. Un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés est fixé pour permettre aux listes de candidats présentes au premier tour de se maintenir au second tour, et une possibilité de fusion est offerte aux listes ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour. Les sièges sont attribués suivant la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec une prime majoritaire de dix-neuf sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription au premier tour (la majorité relative au second tour) et une répartition entre chaque section suivant le tableau prévu au II de l'article 105 de la loi organique de 2004.
c) Le conseil économique, social et culturel
Le conseil économique, social et culturel (CESC) comprend 48 membres, représentants des groupements professionnels, des syndicats, des organismes et des associations qui concourent à la vie économique, sociale et culturelle de la Polynésie française, désignés pour un mandat de quatre ans. Les représentants des organisations syndicales que vos rapporteurs ont rencontrés lors de leur déplacement ont plaidé pour un allongement de la durée de ce mandat de quatre à six ans.
Le CESC est obligatoirement consulté sur les projets et propositions de lois du pays à caractère économique ou social et, de manière facultative, sur les autres projets ou propositions de délibérations
* 1 Ce rapport est consultable au lien suivant : https://www.senat.fr/rap/r08-130/r08-130.html
* 2 Le peuplement initial de la Polynésie française serait originaire d'Asie du sud-est et remonterait à 6 000 ans.
* 3 Des traités de protectorat comparables sont signés avec les rois des îles Marquises et des îles Gambier.
* 4 Décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017 authentifiant les résultats du recensement de la population 2017 de Polynésie française.
* 5 Ce décret a été pris en application de la loi du 23 juin 1956 dite « loi cadre Defferre ».
* 6 En 2015, le Conseil d'État a rendu quatre avis à la demande du président de la Polynésie française.
* 7 Seule une décision a été rendue avant 2014 par le Conseil constitutionnel.
* 8 Cette nouvelle dénomination se substitue à celle de président du gouvernement qui figurait dans le statut de 1996.