Troisième table ronde - L'Europe : quel bilan pour les régions ultrapériphériques de l'océan Indien ?
Animateur de la table ronde
Luc HALLADE,
Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien
Propos introductif
Jean BIZET, Président de la Commission des affaires européennes, Sénateur de la Manche
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Président de la Délégation,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi, venant de Normandie, de me pencher sur l'outre-mer. Cet intérêt ne date pas d'aujourd'hui. Avec Michel Magras, nous examinons quotidiennement ces problématiques. Les difficultés auxquelles l'Union européenne est actuellement confrontée, qu'il s'agisse du Brexit, des migrations ou de la sécurité et de la défense, occultent les acquis majeurs de la construction européenne.
Les atouts et les défis des régions ultrapériphériques (RUP) pour l'Union européenne en font partie. Les efforts que consent l'Europe pour réduire les différences entre nos territoires ultramarins et l'Europe continentale doivent être encouragés et poursuivis. Soyons sans cesse attentifs à la prise en compte de cette spécificité. Tel est le rôle du Sénat qui représente l'ensemble des collectivités territoriales.
Le débat d'aujourd'hui permettra d'établir le juste bilan des actions de l'Union européenne en faveur de Mayotte et de La Réunion. L'osmose qui doit unir le continent européen aux territoires ultramarins ne possède pas seulement une légitimité politique incontestable. Elle répond aussi à une obligation juridique. L'article 349 du traité de Lisbonne fonde la possibilité d'adapter le droit européen aux RUP.
La politique de cohésion territoriale représente le premier poste d'investissement dans le budget de l'Union européenne. Elle constitue un instrument essentiel. Il lui revient l'ambition d'ouvrir des opportunités économiques et sociales équitables à tous nos territoires.
Les différents fonds structurels européens incarnent cette solidarité territoriale dans chacun de leurs secteurs respectifs : le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et le Fonds social européen (FSE). Nous examinerons si la mise en oeuvre de la programmation 2016-2020, qui accuse un certain retard en métropole, s'est correctement déroulée à Mayotte et à La Réunion. Ce retour d'expérience est essentiel.
Pour le secteur agricole, il est également intéressant d'évaluer l'impact du règlement Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI). Pour mémoire, ses trois missions consistent à :
- garantir l'approvisionnement des RUP en produits essentiels pour la consommation ou la transformation ;
- pérenniser et développer durablement les filières de diversification animales et végétales ;
- renforcer la compétitivité des filières agricoles traditionnelles.
Ce dernier point me permet d'évoquer la prise en compte des productions traditionnelles des RUP et leur défense dans le cadre des accords commerciaux conclus par l'Union européenne. Le Sénat s'est particulièrement impliqué dans ce dossier au travers de sa Délégation à l'outre-mer et de la Commission des affaires européennes que j'ai l'honneur de présider. Tel fut le cas à la veille de la conclusion de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Vietnam sur les sucres spéciaux. Ce texte prévoyait d'importants contingents d'export pour ce pays. Il était urgent d'intervenir en faveur de nos producteurs nationaux.
Le Sénat a voté une résolution demandant au Gouvernement d'intervenir auprès de la Commission européenne pour obtenir un contingentement plus raisonnable. Nous avons obtenu satisfaction in fine . De même, nous avons agi pour faire clarifier les mécanismes de stabilisation du marché de la banane, prévus dans les accords avec les producteurs d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Grâce à la détermination de tous, nous avons obtenu des avancées substantielles.
En début de semaine, nous tenions une réunion sur l'application des lois. Nous avons dressé un bilan avec le représentant du Gouvernement, Monsieur André Vallini. Or, les résolutions européennes conduisent le Gouvernement à considérer les réflexions du Parlement. Dans 75 % des cas, ces trois dernières années, les résolutions du Sénat sont intégralement prises en compte. Dans 25 % des cas, elles sont partiellement intégrées. Je rappelle fréquemment ces chiffres à mes collègues afin de leur montrer que leur engagement n'est pas vain.
Cela étant, la vigilance doit être permanente, aussi bien dans les territoires ultramarins, à Bruxelles qu'à Paris. Avec Madrid et Lisbonne, nous portons souvent des ambitions communes. Il est essentiel, pour faire évoluer les dossiers au Parlement européen et à la Commission européenne, de créer des alliances. Tel fut le cas pour le Règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) et pour les lignes directrices des Aides à finalité régionale (AFR) dans les régions ultramarines.
Le Sénat est très attentif à l'adaptation de ce texte. Sa prochaine version est attendue pour mars ou avril. Elle devra répondre à nos préoccupations sur les secteurs exclus, sur les seuils ou sur le contrôle par bénéficiaire. Après celle de 2012, une nouvelle communication de la Commission européenne sur les RUP devrait être publiée à l'automne. Pour la préparer, le quatrième forum consacré aux RUP se tiendra à Bruxelles dans un mois. Il permettra d'aborder les questions stratégiques de l'économie bleue, de l'économie verte, de l'économie circulaire, du numérique et de l'agriculture.
Le Sénat, qui possède une culture d'avenir, n'a évidemment pas occulté la question du numérique. Elle est au coeur de l'économie du XXI e siècle. En la matière, nous avons développé des partenariats avec le Bundesrat . Au-delà des normes, nous sommes en train de construire une approche européenne afin de faire contrepoids à nos amis d'outre-Atlantique.
Il est essentiel que la question des RUP figure à l'agenda de l'Union européenne, de la Commission européenne comme du Parlement européen. Je fais partie de ceux, nombreux au Sénat, qui comptent y associer notre Parlement national. Si j'oubliais quelques-unes de vos préoccupations, Michel Magras est là pour les rappeler au sénateur de Normandie que je suis. Je le remercie d'avoir donné vie à cette Délégation à l'outre-mer et de relayer l'attention du Président Larcher pour nos territoires ultramarins.