Deuxième table ronde - Contraintes et spécificités de deux territoires au confluent de deux continents et d'un voisinage insulaire
Animateur de la table ronde
Jean-Pierre Philibert,
Président de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom)
Propos introductif
Jérôme BIGNON, Sénateur de la Somme
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de la Délégation aux outre-mer,
Mesdames et messieurs les Parlementaires et Élus,
Monsieur l'Ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien,
Monsieur le Directeur général des outre-mer,
Monsieur le Président de la Fédération des entreprises des outre-mer,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
C'est une fierté pour moi d'apporter mon éclairage à cette journée consacrée aux territoires français de l'océan Indien, puisqu'il m'est donné de mettre en perspective notre seconde table ronde de la matinée.
Mon profond attachement aux outre-mer, fortement lié à l'intérêt que je porte aux problématiques environnementales, à la préservation de la biodiversité et aux milieux marins, remonte désormais à de nombreuses années : à l'Assemblée nationale, le président de la Commission des lois Pierre Mazeaud m'a fait découvrir ces territoires et j'ai contribué à plusieurs réformes statutaires. J'ai ainsi eu l'occasion de me rendre dans chacun des outre-mer, à l'exception de Wallis-et-Futuna, et j'estime que la différenciation institutionnelle permet de tenir compte de la diversité des histoires et des parcours sans affecter en aucune manière l'unité de notre République. Originaire de la Baie de Somme, il m'a été donné de présider le Conservatoire du littoral puis de participer à la création, en 2006, de l'Agence des aires marines protégées devenue le 1 er janvier dernier l'Agence française pour la biodiversité.
Je constate que rares sont nos compatriotes de l'Hexagone qui, ayant un jour approché ces territoires, échappent à la fascination qu'ils exercent quand on prend la peine de mieux les connaître.
Notre pays doit s'enorgueillir de sa diversité et du positionnement géostratégique tout à fait unique que les outre-mer lui confèrent : au-delà des discours, il doit se donner les moyens de valoriser cette diversité et les potentiels qui s'y attachent, de la faire fructifier. Et cette valorisation n'est possible qu'avec les acteurs du terrain, au premier rang desquels les entreprises. Je rappelle que la loi pour la reconquête de la biodiversité a permis de ratifier le Protocole de Nagoya pour la mise en oeuvre du mécanisme d'accès et de partage des avantages (APA).
Les vulnérabilités et les contraintes liées au contexte insulaire forgent de solides individualités et des tempéraments audacieux ; nous avons déjà pu le constater à l'occasion de la première table ronde et pourrons le vérifier tout au long de la journée, les acteurs locaux ayant répondu en nombre à notre sollicitation.
La création d'entreprise et l'activité entrepreneuriale en outre-mer nécessitent en effet d'emprunter un chemin semés d'écueils, encore plus nombreux que ceux hérissant un parcours semblable dans l'Hexagone. Par mon expérience d'avocat et grâce à mes trois fils qui sont chefs d'entreprise, je connais un peu les méandres de ces parcours !
Pour revenir à notre programmation, les contraintes et difficultés consubstantielles aux petites économies insulaires seront examinées dans le cadre de la première séquence qui abordera l'environnement entrepreneurial sous l'angle des moyens : il y sera question du cadre fiscal et financier, de l'accès au crédit, du recrutement et de la formation, ou encore de l'accompagnement des entreprises au plan juridique et pour la définition de stratégies de développement. Une attention particulière sera accordée aux besoins des petites et très petites entreprises qui constituent la plus grande partie du tissu économique à La Réunion comme dans l'ensemble des outre-mer, et encore davantage à Mayotte. Mais au-delà de cette caractéristique commune, qui vaut d'ailleurs pour l'ensemble des outre-mer, la situation dans les deux îles est tout à fait différente et illustre parfaitement la diversité de nos territoires :
- La Réunion, département depuis 1946, fait la course en tête des outre-mer en termes de structuration et de maturité du développement économique. Les dynamiques économiques y sont vigoureuses avec une forte conscience environnementale. Une illustration significative : La Réunion a été le 30 septembre dernier le territoire hôte du premier forum international de l'économie circulaire ;
- Mayotte, l'île au lagon, est quant à elle devenue département de fraîche date, le 31 mars 2011. Les promesses que faisait miroiter cette mutation institutionnelle et juridique sont encore loin d'avoir pris forme et les conséquences, aux plans fiscal et normatif notamment, n'avaient pas été correctement anticipées, si bien que pour de nombreux acteurs économiques les difficultés s'accumulent. Des initiatives sont cependant prises en direction des entreprises, qui unissent parfois dans un même élan autorités publiques et représentants des milieux économiques : je pense par exemple au guide à l'attention des entreprises élaboré par le Secrétariat général pour les affaires régionales, en lien avec le Conseil départemental et les partenaires que sont la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), apportant des informations sur la création, la gestion, les obligations légales, le processus d'embauche et ses formalités, les dispositifs d'exonération de charges ou encore les aides que peuvent solliciter les entreprises.
La seconde séquence de notre table ronde entend marquer l'importance d'une meilleure insertion régionale pour la bonne santé économique de nos territoires ultramarins. Sous les effets conjugués de différentiels de compétitivité liés à des niveaux de vie très supérieurs dans nos territoires, d'une part - ceux-ci font souvent figure de véritables terres de prospérité dans leur environnement régional -, mais aussi de pesanteurs historiques faisant de l'Hexagone un interlocuteur quasi-exclusif et de l'appartenance au territoire européen, nos économies ultramarines éprouvent des difficultés à « regarder ailleurs ». Les outre-mer doivent s'ouvrir sur leur environnement ; une prise de conscience des acteurs publics et privés en faveur de l'ouverture, l'apparition de services d'accompagnement des entreprises à l'export, ou encore la définition de politiques territoriales offensives et de stratégies commerciales de niche misant sur l'excellence permettent de progresser.
Faisons confiance à la détermination et à l'audace des tempéraments insulaires ! Et en écho à cette confiance, permettez-moi pour conclure d'inviter Charles Baudelaire qui affirmait que sa « puissance d'espérance » constituait son seul capital, mais aussi Jules Verne, avec une citation que j'affectionne tirée de son roman Vingt mille lieues sous les mers rédigé en Baie de Somme : Rien ne s'est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée . Nos compatriotes ultramarins, avec notre complicité, sauront forcer le destin !
Je vous remercie.