G. CONSIDÉRER LA TRANSITION VERTE COMME UNE OPPORTUNITÉ
1. Favoriser les synergies entre aménagement du territoire et développement durable
Le changement climatique, la préservation de la biodiversité et la maîtrise de l'énergie sont devenus des composantes stratégiques à part entière du développement des territoires. L'aménagement durable du territoire est à la fois un défi, pour concilier aménagement et préservation de l'environnement, un impératif, pour ne pas perdre un patrimoine naturel qui fait la richesse et la diversité de notre pays, et une opportunité, pour améliorer l'attractivité des territoires et construire des compétences d'avenir. À cet égard, la ruralité peut être le laboratoire de l'écologie de demain.
La France a hérité d'un patrimoine naturel, agricole et paysager particulièrement riche, que de nombreux dispositifs locaux visent à protéger des effets de l'activité humaine. Le défi consiste donc à atténuer les effets des changements climatiques et à s'y s'adapter, à améliorer l'efficacité énergétique sans renoncer au niveau élevé de développement économique et humain. Les territoires sont riches en ressources, mais ils doivent faire face aux risques naturels et aux conséquences de l'activité humaine sur l'évolution de l'environnement. L'environnement est un bien commun, qui doit être géré dans le cadre d'une véritable solidarité territoriale.
Il revient aux acteurs locaux de concilier les différents enjeux environnementaux pour mener un aménagement durable de leur territoire. Le principe directeur ne doit pas être de mettre l'environnement sous cloche, mais d'opter pour une approche dynamique, permettant d'intégrer et de valoriser le patrimoine naturel dans les stratégies de développement. Perdre un tel capital naturel serait à terme catastrophique pour la diversité territoriale du pays, la qualité du cadre de vie et l'attractivité.
La prise en compte de ces enjeux est d'autant plus importante que la protection de l'environnement se heurte parfois frontalement à des projets d'aménagement du territoire. Plusieurs exemples récents, comme le barrage de Sivens, l'aéroport du Grand Ouest ou le centre industriel de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde (Cigéo) à Bure, témoignent des tensions qui peuvent désormais se cristalliser autour des préoccupations environnementales. Cette dimension doit non seulement faire l'objet d'un examen attentif en amont des projets, mais elle doit être intégrée tout au long de leur déroulement en associant les différentes parties prenantes. Il s'agit désormais d'un critère essentiel pour assurer l'acceptabilité des équipements structurants. À cet égard, la légitimité des collectivités territoriales leur confère un rôle particulier en matière d'information des citoyens et de médiation entre parties prenantes.
2. La qualité environnementale des territoires est un levier essentiel pour valoriser leur attractivité
La préoccupation environnementale peut également être le pivot d'une action commune pour améliorer l'attractivité et le dynamisme d'un territoire. Lancée à partir de 1967, la politique des parcs naturels régionaux (PNR) a connu un réel succès, en permettant de valoriser le patrimoine environnemental et culturel sur un espace déjà doté d'une identité commune, pour la renforcer et la dynamiser, à partir d'une volonté commune des acteurs du territoire. Les 51 parcs actuellement en place couvrent 15% du territoire français, 12 régions, 74 départements, 4 300 communes et regroupent 8,7 millions de Français. Avec de nouveaux projets en cours et une gouvernance modernisée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les PNR illustrent la capacité des acteurs locaux à construire et à organiser de manière dynamique un territoire en plaçant l'environnement au coeur de leur projet de développement.
De fait, la dimension paysagère de l'aménagement du territoire ne saurait être négligée. Dans l'identité de notre pays, le paysage est une composante fondamentale. L'imaginaire collectif reste fortement structuré par la France des villages. La préservation et la valorisation des terroirs dans leur diversité doivent être systématiquement à l'esprit des maîtres d'ouvrage publics et privés. Il s'agit d'une ressource « subjective » à conserver, pour assurer la qualité du cadre de vie et l'attractivité des territoires, à une époque où se développent le tourisme vert et les filières d'excellence. Paradoxalement, l'administration ayant davantage encouragé le peuplement urbain et l'urbanisme urbain, on observe aujourd'hui une perte de compétences et une défaillance collective à concevoir l'aménagement et l'urbanisme des campagnes, alors que celui-ci correspond pourtant au cadre de vie recherché tant par nos concitoyens que par les nombreux touristes qui visitent chaque année notre pays.
Le développement d'une agriculture durable est un autre volet important de la transition verte auquel les collectivités territoriales peuvent directement contribuer. Afin préserver une agriculture locale à taille humaine, de réduire les impacts de la production et des transports sur l'environnement et de promouvoir les productions de qualité, la mise en place de circuits courts de transformation et de distribution des produits alimentaires est une perspective d'avenir pour les territoires. Cette approche doit en particulier permettre de mettre en réseau les activités productives en zone rurale avec les lieux de consommation qui se concentrent dans les grandes aires urbaines.
L'attention grandissante des consommateurs pour les productions bio et locales est une opportunité à saisir pour soutenir une activité agricole de proximité, indispensable à la cohésion sociale de nombreux territoires 34 ( * ) . À cet égard, la signature du premier contrat de réciprocité « ville-campagne » entre la métropole de Brest et le pays du Centre Ouest Bretagne en novembre 2016 ouvre une perspective intéressante pour renforcer les liens de solidarité et d'interdépendance sur un même territoire. L'organisation contractuelle des relations entre ville et campagne, en particulier dans le cadre des métropoles, pourrait systématiquement intégrer un volet consacré à l'alimentation.
Enfin, l'adaptation des territoires au changement climatique constitue aujourd'hui un moteur pour le développement de l'activité économique locale. À tous les échelons, des « agendas 21 » ont été votés dans les années 2000 afin de préserver les ressources naturelles et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les collectivités ont engagé de nombreuses démarches en matière d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments, de verdissement des transports et de développement des énergies renouvelables.
Ce foisonnement d'initiatives mérite d'être mis en cohérence, ce qui est désormais possible dans le cadre des projets d'aménagement et de développement durable (PADD) des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU), ou dans les nouveaux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) mis en place par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
Avec l'adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il s'agit aujourd'hui d'aller encore plus loin en planifiant un développement ambitieux des énergies renouvelables dans l'ensemble de notre pays. Jusqu'ici, leur déploiement s'est réalisé sans vision globale d'aménagement à l'échelle du territoire national. Pourtant, l'occasion est inespérée pour offrir aux territoires les plus fragiles les moyens de conserver des emplois non délocalisables : installation et maintenance d'éoliennes et de centrales photovoltaïques, « energy managers » pour les smart grids , rénovation thermique des logements et bâtiments tertiaires, transports en communs, frêt ferroviaire et fluvial. Les modèles de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) envisagent ainsi plus de 300 000 créations d'emplois liés à la transition énergétique d'ici à 2030, et jusqu'à 800 000 à horizon 2050 35 ( * ) .
Proposition : Conforter le lien entre aménagement et développement durable en valorisant les atouts de la transition verte dans les territoires (écotourisme, filières d'excellence, circuits courts alimentaires). Proposition : Planifier un développement ambitieux des énergies renouvelables, pour en faire une opportunité dans tous les territoires, particulièrement les plus fragiles, en créant des emplois non délocalisables. |
* 34 L'intérêt des citoyens pour une consommation durable et locale a été récemment illustré par le succès et la portée du documentaire Demain , comprenant des séquences consacrées aux pratiques agro-écologiques.
* 35 L'évaluation macroéconomique des visions énergétiques 2030-2050 de l'ADEME (octobre 2013).