B. QUELQUES EXEMPLES DE RÉUSSITE

Quelques réussites de la politique de décentralisation culturelle ont été citées lors de la table ronde, en matière de patrimoine comme de création.

1. La conservation et la valorisation du patrimoine

En premier lieu, M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication, a rappelé être en charge de « politiques patrimoniales très territorialisées et partenariales ».

Pour preuve, on dénombre 43 582 édifices protégés au titre des monuments historiques, dont 43% relèvent de la propriété des communes, plus de 1 200 musées labellisés « Musées de France » , dont 82% appartiennent aux collectivités territoriales, ainsi que 700 services d'archives communaux ou intercommunaux, 101 services d'archives départementaux et 26 services d'archives régionaux, répertoriés en 2014 9 ( * ) .

Le directeur général a montré que les interventions de l'État et des collectivités étaient liées sur chacun des pans de l'action patrimoniale :

- l 'État contribue, aux côtés des collectivités, au soutien financier à la conservation des immeubles ou objets protégés au titre des monuments historiques ;

- de plus, il anime le réseau des « Musées de France » , et concourt à leurs acquisitions ou à leurs travaux ;

- enfin, il met à la disposition des services d'archives , notamment départementaux, des conservateurs du patrimoine , investit dans les bâtiments d'archives et exerce un contrôle scientifique et technique.

La relation de proximité qui unit l'État et les collectivités en matière de patrimoine est également lisible dans les opérations emblématiques de décentralisation culturelle engagées par le ministère de la Culture et de la Communication depuis le début des années 2000.

Même si elles demeurent tout à fait exceptionnelles, ces opérations, en permettant l'implantation d'équipements culturels de renommée nationale ou internationale en régions, participent d'un rééquilibrage de l'offre muséale au profit de ces dernières.

Aussi le directeur général a-t-il précisé que « ces grands équipements phares sont importants, d'autant que le geste architectural qu'ils représentent permet de faire venir du public », précisant qu' « ils ne doivent cependant pas faire oublier l'extraordinaire richesse des musées de France territoriaux ».

Les villes de Metz, Lens et Marseille :
trois opérations emblématiques de décentralisation culturelle

Inauguré en 2010, le Centre Pompidou-Metz est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) regroupant la région Grand Est, Metz Métropole, la ville de Metz, le Centre Georges Pompidou et l'État. Doté d'un budget de 13,5 millions d'euros en 2015 10 ( * ) , le centre organise des expositions temporaires dans les domaines des arts visuels, du design, de l'architecture, du cinéma et de la création industrielle. Selon l'article 22.3 des statuts de l'établissement, les « contributions de base » des collectivités s'établissent à 4,6 millions d'euros pour la métropole, 4 millions d'euros pour la région et 400 000 euros pour la commune. Le concours de l'État réside essentiellement dans des prêts d'oeuvres du Centre Georges Pompidou. En 2015, 320 716 visiteurs y ont été accueillis 11 ( * ) .

Le Louvre-Lens est un EPCC réunissant la région Hauts-de-France, le département du Pas-de-Calais, la communauté d'agglomération Lens-Liévin, la ville de Lens, le musée du Louvre et l'État. Depuis son ouverture en 2012, le musée propose une exposition semi-permanente et des expositions temporaires sur des époques, des lieux, des artistes ou des thèmes majeurs de l'histoire de l'art. Pour ce faire, il dispose d'un budget de 15,97 millions d'euros en 2015, les contributions financières des collectivités étant prises en charge à 80% par le conseil régional, 10% par le conseil départemental et 10% par la communauté d'agglomération 12 ( * ) . Comme pour le Centre Pompidou-Metz, l'intervention de l'État consiste pour l'essentiel en des prêts d'oeuvres par le musée du Louvre. En 2015, le musée a été visité par 435 213 personnes 13 ( * ) .

Ouvert en 2013, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) est un établissement public national à caractère administratif, dont le siège est situé à Marseille. Il a été constitué à partir des collections du Musée national des arts et traditions populaires, qui était implanté dans le XVI e arrondissement de Paris. Le Mucem accueille une exposition permanente et des expositions temporaires consacrées aux artistes, aux sociétés et aux cultures de l'Europe et de la Méditerranée. Son budget est de 24,39 millions d'euros en 2015, dont 17,71 millions d'euros de subvention de l'État 14 ( * ) . Au cours de cette même année, le musée a attiré 1,47 million de visiteurs 15 ( * ) .

Une dernière forme de coopération entre l'État et les collectivités, dont les élus locaux ayant participé à la table ronde ont rappelé l'importance, concerne la protection patrimoniale des espaces.

Il existe en effet plus de 800 16 ( * ) « sites patrimoniaux remarquables » 17 ( * ) ainsi protégés, souvent en étroit partenariat avec les communes.

Dans les éléments écrits qu'elle a adressés à la délégation, la FNCC a estimé, qu'en matière de décentralisation culturelle, « l'une des réussites, peut-être la plus marquante parce que profondément structurante, concerne les politiques patrimoniales cogérées au travers d'une relation directe entre l'État et les communes ».

Dans le même ordre d'idées, Mme Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine et présidente de l'Association des petites cités de caractère de France, qui fédère 130 communes investies autour de projets patrimoniaux, a indiqué devant la délégation que la conservation et la valorisation du patrimoine constituent un levier de développement et d'attractivité économiques bien identifié par bon nombre de petites communes.

2. La création et la diffusion artistiques

Si l'implication des collectivités a permis des réussites notables dans le domaine du patrimoine, il en est de même dans le secteur de la création.

Lors de la table ronde, M. Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques à la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication, a rappelé que « cette politique est [...] décentralisée ; elle l'est fondamentalement et depuis l'origine, car les aventures artistiques sur les territoires sont d'abord le fruit de rencontres d'élus - principalement des maires de villes de toute taille - avec des professionnels ».

M. Oudart a précisé qu' un grand nombre d'équipements culturels sont le fruit de ces rencontres , l'État intervenant bien souvent a posteriori pour développer ou consolider le projet, notamment par le biais d'une procédure de labellisation : il en est ainsi d'un grand nombre des 38 centres dramatiques, dans le domaine du spectacle vivant, et des 49 centres d'art, dans celui des arts visuels, recensés en 2012 18 ( * ) .

À titre d'illustration, il a relevé que le Théâtre de la Commune, créé à Aubervilliers dans les années 1960 et érigé en « Centre dramatique national » en 1971, doit son existence au parlementaire élu local Jack Ralite. Ce dernier avait d'ailleurs affirmé n'avoir obtenu comme soutien de l'État, au sortir d'une rencontre ministérielle, que « quelques projecteurs... ».

Cependant, le directeur adjoint a dans le même temps cité plusieurs initiatives volontaristes de l'État en matière d'aménagement culturel :

- les écoles territoriales d'art , développées pour la plupart sous le Second Empire puis la III e République, dans un souci de rattrapage industriel ;

- les maisons de la culture , créées par le ministre de la Culture André Malraux à partir de 1961 ;

- l'implantation d'équipements culturels dans les villes nouvelles franciliennes , dans le cadre du programme d'aménagement engagé par le Gouvernement en 1965 ;

- ou encore les FRAC , promus par le ministre de la Culture Jack Lang à compter de 1982.

Outre la création et la gestion d'établissements culturels, l'action des collectivités en faveur de la création et de la diffusion artistiques passe également par le subventionnement d'acteurs ou de manifestions , dont les élus locaux ayant contribué aux travaux de la délégation ont relevé l'intérêt.

La FNCC a ainsi fait observer dans sa réponse écrite que, parmi les réussites de la décentralisation culturelle, « il y a tout d'abord une capacité à soutenir le "terreau culturel", avec l'aide aux associations, qui sont les forces vives des politiques culturelles territoriales, mais aussi l'aide aux festivals et aux compagnies indépendantes. »

*

* *

C'est donc un rôle de tout premier plan , souvent bien antérieur et plus important que celui de l'État lui-même, que les collectivités assurent localement dans le domaine de la culture.


* 9 Ministère de la Culture et de la Communication, Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, 2016, p. 123 à 144.

* 10 Centre Pompidou-Metz, Rapport d'activité 2015, p. 48.

* 11 Centre Pompidou-Metz, Rapport d'activité 2015, p. 27.

* 12 Louvre-Lens, Rapport d'activités 2015, p. 71.

* 13 Louvre-Lens, Rapport d'activités 2015, p. 34.

* 14 Mucem, Rapport d'activité 2015, p. 48.

* 15 Mucem, Rapport d'activité 2015, p. 18.

* 16 Estimation donnée par la ministre de la Culture et de la Communication Audrey Azoulay, lors de l'examen définitif du projet de la loi LCAP par le Sénat, le 29 juin 2016.

* 17 L'article 75 de la loi LCAP a réformé le régime de protection patrimoniale des espaces avec la création des « sites patrimoniaux remarquables », qui se substituent aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), aux aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) et aux secteurs sauvegardés.

* 18 Ministère de la Culture et de la Communication, « Les principaux réseaux et programmes financés par le ministère de la Culture (création artistique) », septembre 2013, p. 7 et 23.

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