ÉTAT DES LIEUX : LA GRANDE INSÉCURITÉ FISCALE ET SOCIALE DES UTILISATEURS DE PLATEFORMES EN LIGNE
L'économie collaborative, ou économie des plateformes en ligne, n'est pas un simple effet de mode, mais une tendance de fond .
D'après une étude du cabinet PwC portant sur neuf pays européens, 275 plateformes et cinq grands secteurs d'activité 3 ( * ) , elle a représenté environ 28,1 milliards d'euros de transactions en Europe en 2015 , un montant qui a presque doublé en un an (15,9 milliards d'euros en 2014), et qui pourrait atteindre 572 milliards d'euros en 2025, soit une multiplication par vingt .
Cette même étude estime qu'en moyenne, 85 % de la valeur des transactions passant par les plateformes revient à l'utilisateur - le reste étant réparti entre la commission prélevée par la plateforme, l'assurance etc.
Qu'est-ce qu'une plateforme en ligne ? Depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique 4 ( * ) , les plateformes en ligne sont dotées d'une définition en droit interne, qui figure à l'article L. 111-7 du code de la consommation : « est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : « 1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; « 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. » Les « plateformes collaboratives » correspondent essentiellement à la seconde catégorie, c'est-à-dire les plateformes de mise en relation , qui organisent une place de marché virtuelle ( marketplace ) où se rencontrent vendeurs et acheteurs. Toutefois, dans le cadre du présent rapport, le terme de « plateformes en ligne » est généralement préféré à celui de « plateformes collaboratives » , lequel n'a pas de définition juridique en droit français. |
Or, en créant de nouvelles opportunités d'échanges et de services pour des millions de personnes, en brouillant les frontières entre particuliers et professionnels, entre activité régulière et activité occasionnelle, l'économie collaborative remet en cause les fondements mêmes de notre système fiscal et social .
Pour les plateformes dont les vendeurs ou prestataires de services sont exclusivement des professionnels, qu'ils soient d'ailleurs indépendants ou salariés 5 ( * ) , le droit existant trouve à s'appliquer sans problème particulier. Il en va de même pour les plateformes proposant exclusivement des activités non lucratives, quoique cette condition soit parfois plus difficile à établir (cf. infra ).
Toutefois, très souvent, les plateformes rassemblent à la fois des particuliers et des professionnels au sein de modèles « mixtes », sans qu'il soit toujours possible de les distinguer - étant entendu, par ailleurs, le statut affiché ou demandé sur la plateforme ne présume pas de la qualification fiscale ou sociale des revenus perçus. Au-delà de la diversité des modèles économiques proposés, les plateformes en ligne peuvent être regroupées en cinq grandes catégories où l'on trouve, à chaque fois quoique dans des proportions variables, des particuliers et des professionnels, des activités exercées à titre onéreux et à titre non onéreux.
Les plateformes en ligne : quelques exemples ? Les plateformes de prestations de services . Spécialisée dans les services aux particuliers (bricolage, jardinage, coaching sportif, babysitting, soutien scolaire...), la plateforme Stootie compte 800 000 utilisateurs , du simple particulier cherchant un complément de revenu à l'artisan qualifié exerçant son métier par ailleurs. Par contraste, les 42 000 travailleurs indépendants inscrits sur Hopwork sont des professionnels qualifiés, qui disposent tous d'un statut vérifié (micro-entrepreneur, EURL, SASU etc.), et proposent aux entreprises des missions en marketing, communication, graphisme ou encore développement informatique. 90 % ont choisi d'exercer leur activité en tant d'indépendant, notamment, pour 31 % d'entre eux, afin de mieux gagner leur vie. ? Les plateformes de location . La voiture est le bien le plus loué sur des plateformes collaboratives en Europe, notamment sur les sites français comme Drivy , Ouicar ou Koolicar . Au-delà des véhicules, on trouve sur Zilok quelque 350 000 objets de tous types à louer entre particuliers ou professionnels , répartis en 700 catégories : outils, matériel audio/vidéo, électroménager, costumes, accessoires de luxe, maisons de vacances, ou encore instruments de musique. |
? Les plateformes d'hébergement . À elle seule, la plateforme Airbnb compte 350 000 annonces en France en 2016, contre 7 000 annonces en 2012. Paris, première destination mondiale d' Airbnb , compte 85 000 annonces (dont 60 000 intra-muros ). Les annonces sont proposées par des particuliers comme des professionnels (agences). ? Les plateformes de mobilité . En France, 40 % des 18-35 ans sont inscrits sur Blablacar , plateforme de covoiturage qui, par définition, s'adresse aux particuliers cherchant à partager leurs frais. À l'autre bout du spectre, les applications comme Uber , LeCab ou Chauffeur Privé proposent des services de transport effectués par des professionnels titulaires d'une licence VTC ou Loti . ? Les plateformes de vente de biens . Ces places de marché (ou « markeplaces ») rassemblent aussi bien des vendeurs professionnels et des particuliers, et ne distinguent pas toujours les ventes d'occasion et les ventes de nature commerciale. Elles n'interviennent pas toujours en tant qu'intermédiaires de paiement. Sur la principale d'entre elles, Leboncoin , 18,5 millions de Français ont acheté ou vendu un bien en 2016, ce qui représente près de 100 millions de transactions, pour un montant total de 21 milliards d'euros . On peut aussi citer la plateforme d'enchères eBay , ou des plateformes spécialisées, telles que Vide Dressing pour les vêtements et accessoires d'occasion, ou A Little Market , spécialisée dans les objets « faits main ». Source : commission des finances du Sénat, d'après l'étude de PwC précitée et les éléments transmis ou publiés par les différentes plateformes |
Le revenu annuel des utilisateurs de plateformes en ligne est souvent modeste : 350 euros sur Stootie , 700 euros sur Drivy ou Ouicar etc. Hors immobilier et hors véhicules, les vendeurs particuliers ont gagné en moyenne 396 euros sur Leboncoin en 2016, une somme représentant en moyenne 3,5 % de leur revenu total, et le site de petites annonces compte une grande majorité de particuliers. Les enjeux, toutefois, peuvent devenir importants : mission sur Hopwork rapporte en moyenne 2 000 euros, un montant qui correspond à peu près au revenu d'un « hôte type » sur Airbnb , ces montants moyens masquant une grande hétérogénéité.
Cette nouvelle économie a longtemps donné l'impression de se développer hors du droit, notamment en matière fiscale et sociale . Une succession d'événements a changé la donne - la fermeture d' UberPop , les problèmes d' Airbnb à Paris, l'interruption récente de Heetch ... mais aussi le succès de plateformes comme Blablacar ou Drivy qui demandent, désormais, une clarification des règles.
Aujourd'hui, une prise de conscience est en cours : les règles existent, et elles sont très largement inadaptées à l'économie numérique.
I. EN MATIÈRE FISCALE, TOUS LES REVENUS SONT IMPOSABLES AU PREMIER EURO, SAUF EXCEPTIONS TRÈS RESTREINTES
Le 2 février 2017, le ministère de l'économie et des finances a publié 6 ( * ) un document intitulé « Revenus tirés des plateformes en ligne ou d'activités non salariées : que faut-il déclarer ? Comment ? ». Ce document, qui figure en annexe du présent rapport, contient cinq fiches explicatives , portant les obligations fiscales et sociales applicables aux revenus issus respectivement du covoiturage, de la location d'un logement meublé, de la vente de biens, de la location de biens, et des activités de services rémunérées.
Il convient, tout d'abord, de saluer la publication de ces fiches, qui constituent la première tentative de présentation globale des règles fiscales et sociales applicables aux utilisateurs de plateformes collaboratives.
Toutefois, en voulant « expliquer », ces fiches ont surtout exposé la très grande complexité des règles existantes, et leur caractère impraticable . En lieu et place des « réponses complètes, sécurisantes pour tous, claires, lisibles et équitables » annoncées dans l'éditorial qui précède les fiches, les utilisateurs qui viendraient à en prendre connaissance y trouveront surtout la confirmation que :
- d'une part, il n'existe pas de zone de tolérance en matière fiscale : tous les revenus doivent être déclarés et soumis à l'impôt sur le revenu , à l'exception des ventes d'occasion, dont la définition est incertaine, et des activités de « co-consommation », nouvelle catégorie dont le champ est bien plus restreint que celui des échanges entre particuliers. En outre, de nombreux régimes dérogatoires sont susceptibles de s'appliquer ;
- d'autre part, il existe une incertitude quant à la distinction entre particuliers et professionnels en matière sociale , de sorte que de nombreux « particuliers » sont en fait des « travailleurs indépendants » qui s'ignorent, lesquels devraient s'affilier au régime des travailleurs indépendants (RSI), payer des cotisations sociales et se soumettre à de nombreuses obligations sectorielles en matière de qualification, certification, hygiène, etc.
Adaptées à un monde « physique » où elles restaient lettre morte pour l'essentiel des échanges entre particuliers, ces règles se heurtent à la réalité socio-économique de l'économie des plateformes en ligne.
C'est d'ailleurs ce qu'admettent les ministres, dans l'éditorial qui précède les fiches explicatives : « nous avons conscience qu'à la différence des professionnels, les particuliers qui développent une activité accessoire n'ont pas nécessairement les bons réflexes en matière de réglementation, de fiscalité, de protection sociale ; ce sont des matières complexes, et il est important de les accompagner ». Au cours des auditions conduites par le groupe de travail, il est non seulement apparu que de très nombreux utilisateurs de plateformes étaient, de bonne foi, ignorants de tout ou partie de ces règles, mais aussi que l'administration elle-même avait, lors du travail de rédaction des fiches explicatives, pris la mesure de la complexité du sujet.
En réalité, la démarche de clarification entreprise ces derniers mois, bien que louable dans son intention, ne pouvait que se heurter au choix du Gouvernement d'« expliquer » à droit constant, de s'en tenir aux règles existantes, au motif qu'il n'existe aucune raison de traiter différemment des revenus de même nature , que ceux-ci soient perçus via des plateformes en ligne ou dans le monde « physique » - c'est tout le sens du titre du document publié le 2 février 2017, qui mentionne sans les distinguer « les revenus tirés des plateformes en ligne ou d'activités non salariées ». Cette position, constante, a plusieurs fois conduit le Gouvernement à donner un avis défavorable aux propositions du groupe de travail, notamment à l'occasion du projet de loi de finances pour 2016 où celles-ci avaient été adoptées à une très large majorité par le Sénat.
De façon tout aussi constante, le groupe de travail estime qu'il existe bien une raison de faire évoluer les règles applicables aux revenus tirés par les particuliers de leurs activités accessoires et occasionnelles, ou à tout le moins à celles qu'ils exercent via des plateformes en ligne, parce que ces règles anciennes et complexes ne sont pas adaptées aux échanges entre particuliers sur Internet , qui sont sans commune mesure avec ceux du monde « physique », par leur ampleur, leurs modalités et leurs participants. Dès lors :
- elles ne sont donc pas appliquées , ce qui permet à certaines personnes de percevoir des revenus substantiels, tout en échappant à leurs obligations fiscales et sociales, ce qui constitue une concurrence déloyale à l'égard des autres professionnels ;
- si elles étaient appliquées dans toute leur rigueur , ce qui n'est pas le cas, elles placeraient au contraire de très nombreux particuliers dans une position inconfortable , notamment des personnes éloignées de l'emploi, des personnes à faibles revenus ou encore de simples amateurs ou passionnés, et condamneraient tout simplement le modèle économique de très nombreuses plateformes collaboratives .
Avant d'exposer en détail les propositions du groupe de travail, les développements ci-dessous présentent les règles actuelles - et les raisons pour lesquelles elles ne sont pas appliquées.
A. LES REVENUS PERÇUS VIA DES PLATEFORMES EN LIGNE NE BÉNÉFICIENT D'AUCUN TRAITEMENT PARTICULIER
Les revenus perçus par les particuliers au titre de leurs activités exercées par l'intermédiaire de plateformes en ligne sont imposables au même titre que leurs autres revenus . Ils sont notamment soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'article 12 du code général des impôts (CGI), qui dispose que « l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ».
Les revenus « occasionnels » ou « accessoires » ne bénéficient donc d'aucun traitement particulier , quelle que soit leur origine et quel que soit leur montant. Par conséquent, les sommes perçues par l'intermédiaire de plateformes en ligne sont en principe imposables au premier euro, et doivent être déclarées dans les conditions de droit commun .
Il s'agit de revenus et plus-values des professions non salariées, qui relèvent la plupart du temps de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des revenus fonciers , qu'ils soient ou non tirés d'activités professionnelles au sens du code de la sécurité sociale (cf. infra ).
Les revenus des professions non salariées Les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) sont définis par l'article 34 du code général des impôts comme « les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ». L'article L. 110-1 du code de commerce 7 ( * ) répute notamment actes de commerce 8 ( * ) les activités suivantes, répandues sur les plateformes en ligne : « 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre , soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre ; [...] « 4° Toute entreprise de location de meubles ; « 5° Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ; [...] « 7° Toute opération de change, banque, courtage, activité d'émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement 9 ( * ) . » Les bénéfices non commerciaux professionnels (BNC) correspondent, aux termes de l'article 92 du code général des impôts, aux « bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Sont qualifiées de professions libérales les professions dans lesquelles l'activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d'une science ou d'un art - par exemple, s'agissant des plateformes, des cours de scolaire ou de guitare à domicile, mais aussi la création d'un logo, d'un site web ou une traduction. Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance - ce qui les distingue des salariés - et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants. Source : commission des finances du Sénat |
Les bénéficiaires de ces revenus ont le choix entre le régime réel et le régime micro-fiscal , souvent préférable car plus simple et plus adapté aux activités occasionnelles. Sous réserve que le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas les seuils de la « franchise en base » de TVA prévus par l'article 293 B du code général des impôts, soit 82 200 euros ou 32 900 euros selon les activités, ils peuvent bénéficier d' un abattement proportionnel sur leur revenu brut annuel, qui tient compte de manière simplifiée des charges supportées dans le cadre de l'activité . Ces abattements sont de :
- 71 % pour les ventes de marchandises micro-BIC 10 ( * ) ;
- 50 % pour les prestations de services en micro-BIC 11 ( * ) , consistant en une activité commerciale ou artisanale ;
- 34 % pour les prestations de services en micro-BNC 12 ( * ) , consistant en l'exercice d'une science ou d'un art ;
- 30 % pour les locations non meublées relevant du régime micro-foncier 13 ( * ) .
S'agissant des démarches déclaratives , les contribuables relevant du régime micro-fiscal doivent seulement porter leurs recettes brutes sur la déclaration complémentaire n° 2042 C PRO (cf. infra ). L'administration fiscale applique ensuite l'abattement proportionnel et calcule le montant de l'impôt dû en fonction du barème progressif, dans les conditions de droit commun.
Le régime micro-fiscal : synthèse
Régime micro-fiscal |
Exemples |
Abattement |
CA maximum |
|
Micro
|
Ventes de marchandises |
Achat puis revente de bandes dessinées, vente de bijoux "faits main"... |
71 % |
82 200 € |
Prestations de services
|
Transport de personnes, location d'un appartement meublé, d'une voiture ou d'une poussette, bricolage ou jardinage... |
50 % |
32 900 € |
|
Micro
|
Prestations de services |
Soutien scolaire à domicile,
|
34 % |
32 900 € |
Micro
|
Location non-meublée |
Location d'une cave, d'un grenier,
|
30 % |
15 000 € |
Source : commission des finances du Sénat
Les contribuables relevant du régime micro-fiscal peuvent opter pour le régime du micro-entrepreneur (anciennement auto-entrepreneur) , qui permet notamment d'opter pour un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu à la place d'une imposition au barème après abattement. Le statut de la micro-entreprise est abordé dans la partie du présent rapport consacrée au régime fiscal des utilisateurs des plateformes en ligne.
Au-delà de ces seuils, le contribuable est obligatoirement soumis au régime réel, qui permet de déduire l'ensemble des charges pour leur montant exact - ce qui est plus complexe, mais aussi plus adapté aux activités professionnelles. En outre, si le chiffre d'affaires excède les seuils de franchise en base de TVA, le contribuable est assujetti à la TVA, qu'il doit déclarer, collecter et payer . Il convient toutefois de préciser qu'à ces niveaux de chiffres d'affaires 14 ( * ) , la nature professionnelle de l'activité ne fait guère de doute : dans ces situations, le droit fiscal actuel ne pose aucun problème particulier dans son application à l'économie des plateformes en ligne et la question des revenus occasionnels et accessoires, objet du présent rapport, ne se pose pas.
Les contribuables éligibles au régime micro-fiscal ont également la possibilité d'opter pour le régime réel , s'ils estiment cela plus avantageux pour eux. D'après certaines plateformes entendues par le groupe de travail, il semble que ce soit notamment le cas pour les locations de voitures, où l'application du barème kilométrique est préférable, pour le calcul des frais, à un abattement proportionnel.
Au-delà de ces régimes de droit commun, les utilisateurs des plateformes en ligne sont susceptibles d'être imposables au titre d'une série de régimes particuliers, complexes et sans doute largement méconnus des utilisateurs ne recherchant qu'un modeste complément de revenu, sans lien avec leur activité principale : photographes artistiques et non artistiques, plus-values sur les métaux précieux, ventes de fruits et légumes, ventes au déballage... Le secteur de la location, en particulier, se caractérise par une grande diversité de régimes :
- la location de meublé de courte durée , qui relève du micro-BIC de droit commun, le plus courant sur des plateformes comme Airbnb ;
- la location non meublée , qui bénéficie du régime micro-foncier, c'est-à-dire d'un abattement proportionnel de 30 % dans la limite d'un revenu annuel brut de 15 000 euros. Ce régime concerne principalement les plateformes de location de caves, garages et garde-meubles entre particuliers, telles que Costockage , Ouistock ou Jestocke ;
- le statut de « loueur en meublé professionnel » (LMP) , qui permet de bénéficier du régime micro-BIC sous certaines conditions 15 ( * ) ;
- le régime applicable aux chambres d'hôtes ;
- le régime applicable aux monuments classés, etc.
En conclusion, les sommes perçues via des plateformes en ligne sont donc en principe imposables dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire au premier euro : contrairement à ce qui est parfois avancé, il n'existe pas de « zone grise » en matière d'impôt sur le revenu, mais seulement une mauvaise application de règles inadaptées .
Il existe toutefois deux exceptions particulièrement significatives pour l'économie des plateformes en ligne : les ventes d'occasion et le partage de frais, qui sont par nature exonérées. Toutefois, la première est définie de manière trop confuse, et la seconde de manière trop restrictive.
*
3
Source : Robert Vaughan et Raphael Daverio, PwC UK, «
Assessing
the size and presence of the collaborative economy in Europe
»,
étude pour la Commission européenne, avril 2016.
NB : le
périmètre de cette étude diffère de celui retenu
dans le présent rapport. L'étude de PwC porte sur les cinq
secteurs suivants : hébergement, transport, services professionnels
à la demande, services à domicile à la demande, et finance
participative. Le présent rapport ne traite pas de la finance
participative, mais inclut les ventes de biens matériels entre
particuliers.
* 4 Article 49 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
* 5 Le cas des revenus des salariés présents sur les plateformes en ligne, par exemple les chauffeurs VTC employés par une entreprise qui détient la licence, ne relève pas du présent rapport. Il ne pose pas de problème particulier dans la mesure où il ne s'agit pas, par définition, de revenus occasionnels ou accessoires, et encore moins de partage de frais.
* 6 Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 242 bis du code général des impôts, qui prévoit que les plateformes en ligne informent leurs utilisateurs de leurs obligations fiscales et sociales, en mettant notamment à leur disposition un lien vers la documentation publiée par l'administration fiscale (cf. infra ).
* 7 La décision du Conseil d'État n° 234133 du 29 avril 2002 précise que l'exercice à titre professionnel d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce au sens de l'article L. 110-1 du code de commerce est une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts.
* 8 Les « activités industrielles » et les « activités artisanales » correspondent aux mêmes activités. Seules changent les conditions d'exercice et les moyens mis en oeuvre. L'artisan, notamment, est un travailleur indépendant qui exerce une activité manuelle exigeant une certaine qualification acquise notamment à la suite d'un apprentissage et cherche, ce faisant, à réaliser principalement la valeur de son travail.
* 9 Cette dernière catégorie concerne plutôt les plateformes du secteur des Fintechs , proposant des services de paiement, d'agrégation de comptes, de financement participatif ( crowdfunding ), de prêts participatifs ( crowdlending ) ou encore de monnaies virtuelles comme le Bitcoin . Ces services ne sont pas abordés dans le présent rapport.
* 10 Article 50-0 du code général des impôts.
* 11 Article 50-0 du code général des impôts.
* 12 Article 102 ter du code général des impôts.
* 13 Article 32 du code général des impôts.
* 14 Les seuils de la franchise en base de TVA correspondent à un revenu brut mensuel de 6 850 euros pour les ventes de marchandises et de 2 742 euros bruts par mois pour les prestations de services.
* 15 Aux termes de l'article 155 du code général des impôts, le régime fiscal du « loueur en meublé professionnel » (LMP) requiert trois conditions cumulatives :
(1) un membre du foyer fiscal au moins est inscrit au registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité de loueur professionnel ;
(2) les recettes annuelles tirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal sont supérieures à 23 000 euros ;
(3) ces recettes constituent le revenu principal du foyer fiscal, et excèdent donc l'ensemble des autres revenus cumulés (traitements et salaires, BIC, BA, etc.).
Sur le plan fiscal , le principal intérêt du régime « LMP » est d'être imputé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), et donc de pouvoir imputer les déficits de l'activité de location sur l'ensemble des charges du foyer fiscal, sans limitation de montant (alors que l'imputation est plafonnée à 10 700 euros pour les revenus fonciers). Sur le plan social , le régime « LMP » emporte par définition l'affiliation au régime social des travailleurs indépendants (RSI).