IV. LA BELGIQUE : UN DISPOSITIF VERTUEUX, MAIS POUR L'INSTANT LIMITÉ À CERTAINS REVENUS
A. UN SYSTÈME INCITATIF : UNE TAXATION À 10 % DES REVENUS INFÉRIEURS À 5 100 EUROS, EN CONTREPARTIE D'UNE DÉCLARATION AUTOMATIQUE
En Belgique, les revenus perçus par des particuliers au titre d'activités de services exercées par l'intermédiaire de plateformes en ligne sont soumis au droit commun. Ils relèvent de la catégorie « revenus divers » , équivalente à celle des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou non commerciaux (BNC) en France. Ils sont imposés au taux de 33 % .
En pratique, ce taux d'imposition relativement dissuasif aboutit à ce que ces revenus soient rarement déclarés, et donc rarement imposés , d'autant qu'il est difficile pour l'administration d'effectuer des contrôles sur des enjeux individuellement modestes et peu traçables (petits services de bricolage, jardinage, babysitting etc.).
À l'initiative du vice-Premier ministre et ministre de l'Agenda numérique, Alexander De Croo, la Chambre des Représentants a adopté en juin 2016 un projet de loi visant à instituer un traitement fiscal spécifique pour les revenus des particuliers issus de plateformes collaboratives de services , telles que Listminut (cf. infra ) ou MenuNextDoor (plats à emporter cuisinés par des particuliers).
Ce régime spécifique, en vigueur depuis le 1 er mars 2017 , est fondé sur un seuil de 5 100 euros 109 ( * ) et un prélèvement forfaitaire libératoire de 10 % :
- les revenus inférieurs à 5 100 euros bruts par an sont imposés au taux forfaitaire de 10 % 110 ( * ) , au lieu de 33 %. L'impôt est calculé et prélevé à la source par la plateforme, le prestataire de services recevant un montant net d'impôts. À cette fin, la loi autorise la plateforme à demander à l'utilisateur son nom et son numéro de registre national , équivalent du numéro fiscal ;
- les revenus inférieurs à 5 100 euros bruts par an sont soumis à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.
En matière sociale, l'utilisateur dont les revenus excèdent le seuil de 5 100 euros est considéré comme un travailleur indépendant et doit s'affilier à un régime de sécurité sociale. Il paie dès lors des cotisations sociales sur l'ensemble de ses revenus, ce qui évite, dans ce domaine, une distorsion de concurrence. L'affiliation en tant que travailleur indépendant n'est pas obligatoire pour les utilisateurs de plateformes en ligne dont les revenus sont inférieurs à 5 100 euros. Comme dans la proposition du groupe de travail de la commission des finances du Sénat, un seul et même seuil est donc utilisé en matière fiscale et en matière sociale .
La mise en oeuvre du dispositif est facultative , Alexander De Croo faisant valoir trois arguments : son caractère incitatif plutôt que coercitif, la difficulté à imposer une telle mesure aux plateformes étrangères, et surtout le potentiel effet pervers d'une obligation sur les start-up les plus jeunes - il faudrait, le cas échéant, prévoir soit un seuil minimum de transactions, soit un délai de carence (par exemple un an) avant la mise en oeuvre.
En avril 2016, le Gouvernement estimait que la mesure pourrait rapporter 20 millions d'euros par an à l'État. Lors de son entretien avec les membres du groupe de travail, Alexander De Croo a estimé qu' environ 90 % des particuliers percevaient des revenus inférieurs au seuil de 5 100 euros au titre de leurs activités de services sur des plateformes collaboratives.
* 109 Dans le projet initial, le seuil était de 5 000 euros. Il a été revalorisé à 5 100 euros au moment de l'entrée en vigueur de la loi, pour tenir compte de l'inflation. On notera que le Gouvernement avait initialement envisagé un seuil de 8 000 euros.
* 110 Formellement, la loi prévoit un taux de 20 %, applicable au revenu brut après abattement de 50 %. Il s'agit d'un impôt d'État, mais une partie des recettes est reversée au régime social des indépendants, sans pour autant valoir ouvrir de droits au contribuable. Cette fraction est donc comparable à la CSG en France, mais pas aux cotisations sociales.