II. UN DÉCLIN MULTIFACTORIEL PRINCIPALEMENT IMPUTABLE AUX PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES ET AUX AGENTS PATHOGÈNES
A. LES ABEILLES SONT EXPOSÉES À DIVERS FACTEURS DE STRESS
Le phénomène de surmortalité des abeilles est complexe car ses causes sont multiples . L'état de santé des abeilles est menacé par plusieurs pathologies et facteurs de stress qui agissent seuls, ou en association, pour provoquer l'affaiblissement et le déclin des colonies.
Dans ses travaux, l'Anses a dégagé quatre principaux facteurs agissant sur la santé des abeilles 4 ( * ) :
- des causes biologiques , en raison de la présence d'agents pathogènes comme le varroa ou de prédateurs comme le frelon asiatique qui menacent les abeilles ;
- des causes chimiques , à travers notamment l'exposition des abeilles aux produits phytosanitaires présents dans l'environnement, soit de manière directe lors du traitement des plantes par pulvérisation, soit indirectement à travers les résidus présents dans le sol et les plantes ;
- des causes environnementales , en particulier la perte de la richesse florale et la réduction des plantes mellifères liées au développement de monocultures de végétaux pauvres en ressources pollinifères, qui diminue l'accès des abeilles à des apports en nourriture de qualité, ainsi que les dérèglements climatiques qui menacent la survie des colonies en perturbant le comportement des abeilles ;
- les pratiques apicoles , qui ne favorisent pas toujours un bon développement des colonies - par exemple en cas de mauvaise manipulation des ruches ou de pratiques inadaptées de nourrissement des abeilles, de sélection des reines, et de traitement des maladies.
Il existe donc une multiplicité de facteurs qui expliquent le déclin des colonies. Ces facteurs agissent parfois de concert : les pesticides peuvent réduire l'immunité des abeilles et favoriser leur vulnérabilité aux agents pathogènes. En retour, les agents pathogènes peuvent affaiblir les abeilles et les rendre plus sensibles aux pesticides. Par ailleurs, la diminution de ressources alimentaires de qualité favorise également le développement des agents pathogènes et la sensibilité aux pesticides. Ces actions combinées forment un « cercle vicieux » précipitant le déclin des abeilles , comme l'a indiqué lors de la table ronde Luc Belzunces, responsable du laboratoire de toxicologie environnementale de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) (cf. graphique infra ).
Dans un rapport de juillet 2015 5 ( * ) , l'Anses a également mis en avant le rôle des coexpositions des abeilles à différents facteurs de stress dans les phénomènes d'affaiblissement, d'effondrement ou de mortalité des colonies , en particulier les coexpositions aux pesticides et aux agents infectieux.
Selon cette étude, « le bilan du rôle suspecté/avéré des interactions entre facteurs de stress a mis en évidence que plusieurs agents infectieux et/ou chimiques pouvaient interagir sur les mêmes cibles fonctionnelles de la larve et de l'abeille adulte et induire des effets additifs ou synergiques. Les substances chimiques peuvent en outre perturber les mécanismes de détoxication, et ainsi modifier la sensibilité des abeilles à d'autres substances. De plus, certains agents biologiques (varroa) et certaines substances ont des effets immunodépresseurs et contribuent à l'amplification des infections/infestations en général [...]. Enfin, certaines substances, comme des néonicotinoïdes et des acaricides, peuvent avoir un effet sur la cohésion de la colonie et le comportement hygiénique des ouvrières, et donc sur les risques infectieux et parasitaires ».
L'action combinée des parasites, des pesticides, et du manque de diversité florale dans le déclin des abeilles
Source : Inra, à partir de l'étude de Dave Goulson et al. « Bee declines driven by combined stress from parasites, pesticides and lack of flowers », Science Vol. 347, mars 2015
* 4 Anses, « Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d'abeilles », novembre 2008.
* 5 Anses, « Co-exposition des abeilles aux facteurs de stress », Rapport d'expertise collective, juillet 2015.