B. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA DIMENSION TERRITORIALE DE LA TRANSMISSION D'ENTREPRISE

Les collectivités locales et les politiques territoriales jouent un rôle majeur, souvent oublié, dans l'accompagnement et l'aide à la reprise des entreprises. Les leviers fiscaux et immobiliers des collectivités sont utilement complétés par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) dont la logique de guichet a été récemment supprimée au bénéfice d'appels à projets et dont l'efficacité en matière de reprise d'activités est réelle mais risque à l'avenir de manquer de réactivité.

1. Des aides territoriales nécessaires

Le manque de repreneurs de petites entreprises locales ainsi que d'entreprises familiales en milieu rural menace la vitalité de nos territoires. Cette réalité est bien connue des collectivités locales qui disposent d'un certain nombre d'outils pour accompagner, directement ou indirectement, la transmission ou la reprise d'entreprise afin d'en éviter la fermeture. Cette territorialisation de l'action publique en faveur des entreprises peut prendre plusieurs formes qui seront présentées ici de manière succincte : en effet, il ne s'agit pas pour vos rapporteurs de lister de manière exhaustive l'ensemble des aides existantes, ni d'ouvrir à nouveau les discussions entendues lors des débats sur la loi NOTRe 146 ( * ) concernant l'échelon territorial idoine pour organiser l'action économique territoriale. L'objectif est ici d'illustrer de manière concrète l'intérêt et la variété des outils mis à disposition des collectivités locales dans le cadre de la transmission d'entreprise .

« L'installation en milieu rural dépend de l'accès à un ensemble de services et d'activités, qu'ils soient médicaux, culturels ou scolaires et des conditions d'accès à l'emploi du conjoint. » A l'occasion de son audition, l'APCMA a pu résumer en ces termes tout l'enjeu du développement territorial. C'est l'activité qui engendre l'activité, les services qui génèrent l'arrivée de nouveaux services. Les collectivités locales jouent un rôle majeur dans le maintien de la vie sociale et économique de leur territoire.

Pour favoriser tant l'implantation nouvelle que la reprise d'activités existantes, les collectivités rurales disposent de plusieurs leviers. Vos rapporteurs présenteront ici notamment le levier fiscal et immobilier, ainsi que l'enjeu, déterminant à l'avenir, des politiques contractualisées et du numérique pour maintenir les entreprises dans nos territoires.

a) Le levier fiscal dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Le dispositif des zones de revitalisation rurale permet d'accompagner le développement des territoires ruraux par l'intermédiaire d'incitations fiscales et sociales. Les entreprises s'implantant dans ces zones bénéficient d'exonérations fiscales en fonction de leur effectif et de leur activité. Sont notamment concernés les impôts sur les bénéfices, la cotisation foncière des entreprises (CFE) ainsi que les taxes foncières sur les propriétés bâties et la taxe d'habitation.

Ainsi, en application de l'article 1383 E bis du code général des impôts, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre ont la faculté, par délibération, d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'habitation les locaux affectés à l'hébergement dans les hôtels, meublés de tourisme et chambres d'hôte, situés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'objectif est de faciliter le maintien sur place d'une activité touristique fortement dépendante des flux saisonniers.

Article 1383 E bis du code général des impôts

Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale prise dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A bis , exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties :

a) les hôtels pour les locaux affectés exclusivement à une activité d'hébergement ;

b) (abrogé)

c) les locaux classés meublés de tourisme dans les conditions prévues à l'article L. 324-1 du code du tourisme ;

d) les chambres d'hôtes au sens de l'article L. 324-3 du code du tourisme.

Lorsque les conditions requises pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 1383 A et celles prévues au présent article sont remplies, l'exonération prévue au présent article est applicable.

Pour bénéficier de l'exonération prévue au présent article, le propriétaire adresse au service des impôts du lieu de situation du bien, avant le 1 er janvier de chaque année au titre de laquelle l'exonération est applicable, une déclaration accompagnée de tous les éléments justifiant de l'affectation des locaux.

Le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

Si l'exonération de la CFE est de droit -sauf suppression par délibération de la collectivité- l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation nécessite en revanche une délibération préalable de la collectivité qui peut ainsi avoir, de manière indirecte mais sensible, une action positive sur la pérennité de ses activités et entreprises touristiques.

b) L'accompagnement, notamment en matière foncière et immobilière

La question du rachat de l'immobilier est un frein à la reprise qui a été cité par de nombreuses personnes auditionnées, notamment par les professionnels du secteur artisanal. En effet, la vente d'une activité comprend souvent une partie « fonds » et une partie « logement » qu'il est difficile de dissocier. Tous les repreneurs ne sont pas prêts à reprendre à l'achat les deux entités. Parfois, la reprise du fonds lui-même soulève des difficultés. Les collectivités ont pu se mobiliser par le passé 147 ( * ) pour racheter certains locaux afin de lever l'hypothèque du rachat immobilier dans le cas de la reprise. L'objectif est de pouvoir louer immédiatement le logement ou le fonds au repreneur potentiel afin qu'il puisse s'installer et sauvegarder une activité sur le territoire de la collectivité.

Enfin, il n'est pas rare que, même en l'absence de soutien financier, les collectivités se mobilisent également en soutenant les démarches administratives des repreneurs potentiels.

La loi n°2015-91 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite « loi NOTRe », a largement modifié les règles d'intervention des collectivités en renforçant notamment le rôle de coordination de la région (article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales). Toutefois, le soutien immobilier reste possible, notamment dans le cadre communal au plus proche des entreprises, si celui-ci a pour objectif la création ou l'extension d'activités économiques :

Extrait du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT)

Article L. 1511-3 - Dans le respect de l'article L. 4251-17, les communes, la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont seuls compétents pour définir les aides ou les régimes d'aides et décider de l'octroi de ces aides sur leur territoire en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles.

Ces aides revêtent la forme de subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, de prêts, d'avances remboursables ou de crédit-bail à des conditions plus favorables que celles du marché. Le montant des aides est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par voie réglementaire. Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise.

La région peut participer au financement des aides et des régimes d'aides mentionnés au premier alinéa du présent article dans des conditions précisées par une convention passée avec la commune, la métropole de Lyon ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, par voie de convention passée avec le département, lui déléguer la compétence d'octroi de tout ou partie des aides mentionnées au présent article.

Les commissions dues par les bénéficiaires de garanties d'emprunt accordées par les établissements de crédit ou les sociétés de financement peuvent être prises en charge, totalement ou partiellement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Cette aide ne peut pas être cumulée, pour un même emprunt, avec la garantie ou le cautionnement accordé par une collectivité ou un groupement.

Les aides accordées sur le fondement du présent article ont pour objet la création ou l'extension d'activités économiques.

c) La contractualisation mobilisée en faveur de la transmission

Compte tenu des montants sollicités pour lutter contre la dévitalisation des centres bourgs, la contractualisation apparaît comme le moyen d'action qu'il sera nécessaire de mobiliser à l'avenir. Elle a l'avantage de pouvoir solliciter à la fois collectivités et État en concentrant les moyens sur des objectifs communs.

Les collectivités territoriales et l'Union Européenne (UE) s'engagent également en mobilisant les fonds nécessaires afin d'accompagner les porteurs de projets qui souhaitent investir dans le maintien de secteurs productifs et de savoir-faire ancestraux dans nos régions. C'est par exemple le cas des différents projets du programme Leader 2014-2020 présentés dans les collectivités rurales : « Face aux difficultés du territoire liées à la disparition d'activités artisanales, commerciales, agricoles et aux carences en termes de services à la population en milieu rural, la stratégie Leader s'est donné pour objectif de favoriser la transmission des savoirs et savoir-faire pour faciliter l'installation des jeunes et moins jeunes dans les activités locales, qualifiées et valorisantes. » 148 ( * )

Les premiers contrats de ruralité signés fin 2015 et début 2016 se font aussi l'écho de la nécessaire priorisation des moyens de l'UE, de l'État et des collectivités en faveur de l'attractivité territoriale et de la revitalisation des bourgs centres. Ils citent notamment la reprise et la transmission des entreprises comme un des enjeux à relever 149 ( * ) .

d) Le numérique, un accompagnement indispensable

Lors de son audition, l'APCMA a rappelé que la reprise d'une entreprise ne pouvait plus s'effectuer dans les mêmes conditions aujourd'hui qu'au siècle précédent. Les activités commerciales, notamment, nécessitent au minimum un accès à la téléphonie mobile et à internet : « Or, les moyens de communication notamment numérique qui peuvent apporter des solutions à ces aspirations sont encore insuffisants. Il convient dès lors de les améliorer. ». L'enjeu du maintien des activités en milieu rural passe donc également par l'amélioration des réseaux de télécommunications et notamment l'accès au très haut débit.

Ce constat est partagé tant par le Gouvernement que par les différentes collectivités locales qui se sont mobilisés en 2013 afin de se doter d'une vision stratégique et de moyens financiers permettant de couvrir à terme l'ensemble du territoire. Le Plan France Très Haut Débit (THD), financé notamment à travers le programme des investissements d'avenir (PIA), est un projet décentralisé soutenu tant par l'État et les opérateurs privés que par les collectivités territoriales. L'investissement porté collectivement est de vingt milliards d'euros en dix ans. Le pilotage et la mise en oeuvre du plan est désormais confié à l'Agence du numérique. Plusieurs territoires ont d'ores et déjà obtenu leur pré-accord de financement. L'implication des différentes collectivités a été et restera primordiale pour permettre un équipement des territoires qui, in fine , facilitera grandement la reprise des entreprises.

2. Le cas spécifique du FISAC

La fragilité de l'existence d'entreprises de proximité peut être liée, selon les zones concernées, à la désertification de certains espaces ruraux ou au développement de la grande distribution, en particulier à la périphérie des villes. Lors de son audition, la Direction générale des Entreprises a rappelé le rôle que joue le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) pour répondre aux menaces pesant sur l'existence des entreprises commerciales, artisanales et de services de proximité dans des zones rurales ou des zones urbaines fragilisées par l'évolution démographique ou par une situation économique particulièrement difficile.

Le FISAC a joué un rôle primordial ces dernières années pour favoriser le maintien du commerce de proximité et de l'artisanat dans nos territoires. Les évaluations disponibles démontrent l'intérêt de l'existence de ce fonds essentiel pour favoriser la reprise et la transmission dans nos territoires : « (...) le taux de survie à trois ans et à cinq ans des entreprises aidées par le FISAC peut être estimé, sur la période 1999 à 2008, respectivement à 93,04 % et à 89,5 % » 150 ( * ) . Malgré ce résultat très positif et en dépit d'ajustements simplifiant le dispositif en 2010, la Cour des Comptes a invité le Gouvernement à effectuer une réforme en profondeur de ce fonds d'intervention afin d'en limiter tant le coût pour l'État que certains effets d'aubaine pour les entreprises : « Le cadre d'intervention du FISAC a été profondément rénové en 2010, avec notamment un objectif de simplification administrative, de régionalisation et d'évaluation des projets. Or, la Cour a constaté qu'aucun de ces objectifs n'a réellement été atteint, d'autant plus que la gestion budgétaire du dispositif s'est révélée déficiente. » 151 ( * )

Sur la base de ces recommandations, tout en prenant en compte les difficultés techniques et budgétaires antérieures, le Gouvernement a présenté une réforme du FISAC qui, notamment, abandonne la logique du guichet pour introduire une logique de projets.

Les contraintes budgétaires qui s'imposaient depuis plusieurs années et les dysfonctionnements induits par la procédure précédente avaient rendu nécessaire une refonte du dispositif pour lui redonner sa pleine efficacité.

a) La réforme du FISAC : objectifs, modalités et priorités

« Article L.750-1-1. - Les opérations éligibles aux aides du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce sont destinées à favoriser la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation, en particulier pour les travaux de mise aux normes des établissements recevant du public et la sûreté des entreprises, ou la transmission des entreprises de proximité, pour conforter le commerce sédentaire et non sédentaire, notamment en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »

La nouvelle rédaction de l'article L 750-1-1 du code de commerce figurant à l'article 61 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises permet désormais un pilotage du FISAC en fonction de priorités gouvernementales et des disponibilités budgétaires. Il s'agit ainsi de remplacer un dispositif fonctionnant selon une logique de guichet, qui ne permettait pas de mettre en avant les priorités du gouvernement en matière de soutien au commerce et à l'artisanat de proximité, par un nouveau dispositif fonctionnant selon une logique de sélection des meilleurs projets 152 ( * ) .

Les modalités d'application du nouvel article L. 750-1-1 du code de commerce sont fixées par le décret n° 2015-542 du 15 mai 2015 et par un règlement d'appel à projets dont la diffusion est intervenue le 28 mai 2015. Selon la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie, « la réforme du FISAC visait notamment à favoriser un portage immobilier extérieur » 153 ( * ) .

Cet appel à projet remplaçant l'ancienne logique de guichet, a pour objectif de :

- promouvoir une offre de proximité qui réponde à l'évolution des attentes des consommateurs ;

- préserver le savoir-faire des TPE des secteurs du commerce, de l'artisanat et des services et donner à celles-ci les moyens de se moderniser et de se développer ;

- favoriser la redynamisation des territoires.

Une attention particulière est également apportée aux projets des collectivités publiques de moins de 3 000 habitants qui se mobilisent pour favoriser le maintien et le développement de leurs activités de proximité sur leur territoire.

Le nouveau dispositif « territorial » s'organise désormais autour de deux catégories d'opérations éligibles dont l'existence est maintenue :

- les opérations collectives qui concernent les entreprises commerciales, artisanales et de services de proximité installées dans les pays, dans les groupements de communes rurales, ainsi que dans les centres-villes et dans les quartiers des communes de plus de 3 000 habitants ;

- les opérations individuelles en milieu rural qui concernent les entreprises de proximité ayant le projet soit de s'implanter, soit de se moderniser dans les centres-bourgs des communes dont la population est inférieure à 3 000 habitants.

Le décret détaille la liste des porteurs de projets éligibles : sont concernés les communes, les organismes de coopération intercommunale, les Chambres de commerce et d'industrie (CCI), les Chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), les sociétés d'économie mixte, et, pour les opérations individuelles, les entreprises de proximité.

Il est à noter que le financement d'une action par le FISAC est subordonné à la condition que celle-ci ne bénéficie pas par ailleurs d'un autre financement de l'État.

Source : direction générale des entreprises du ministère de l'économie

Comme l'a précisé la Direction générale des entreprises (DGE) auprès de vos Rapporteurs, cette réforme est importante au regard des difficultés soulevées par la reprise de l'immobilier, notamment en milieu rural. En effet, « la séparation patrimoniale, entre l'immobilier et les autres actifs de l'entreprise, pose plusieurs problèmes, notamment en termes d'accès au financement et lors de la transmission. La transmission des seuls actifs d'exploitation, accompagnée de la location de l'immobilier rend plus risquée la reprise par le successeur. Ce sujet a été identifié par l'Observatoire du financement des entreprises comme une piste de travail pour 2017 154 ( * ) . »

Selon la Direction générale des entreprises, l'édition 2015 de l'appel à projets, financée au moyen de la dotation 2016, a donné lieu à 105 décisions d'octroi de subvention signées en juin 2016 et portant sur les opérations individuelles en milieu rural. Les décisions afférentes aux opérations collectives ont dû être signées fin 2016. Selon la DGE, l'un des principaux objectifs, à savoir la réduction des délais d'obtention de l'aide, a été atteint : « La mise en place du nouveau régime d'aide a permis de réduire substantiellement les délais de décision. » 155 ( * )

b) Un soutien concret, efficace, au plus proche des territoires : l'exemple des stations-services

L'impact concret des aides territoriales et notamment du FISAC en matière de transmission et de reprise d'entreprises est parfois méconnu du grand public. Vos rapporteurs ont souhaité, au-delà des chiffres, illustrer leur intérêt par un exemple tiré du quotidien : le maillage territorial des stations-services. En effet, son impact dépasse largement le simple cadre des automobilistes.

Selon les chiffres publiés par l'Union Française des industries pétrolières (UFIP), le nombre de stations-service est en baisse continue depuis 35 ans. Alors que la France comptait 41 500 stations en 1980, elle n'en compte plus que 11 269 en 2015, aux dépens notamment des réseaux traditionnels présents en zone rurale. Les raisons traditionnellement avancées pour comprendre cette chute brutale (concurrence accrue, rentabilité incertaine, nouvelles règlementations coûteuses...) n'expliquent pas tout. Parmi les cinq raisons de ce déclin, l'UFIP évoque également l'absence de « repreneurs pour les stations de propriétaires exploitants partant à la retraite ».

Un nombre de stations-service en baisse continue depuis 35 ans

Source : UFIP et Nielsen -Étude réseau 2015

Cette absence de repreneur en milieu rural est loin d'être anecdotique : la station fait partie de ces services dont la présence conditionne l'installation des jeunes en milieu rural. Sa pérennité permet de maintenir les autres activités sur place. A l'inverse, sa disparition entraîne un cercle vicieux, les jeunes refusant de reprendre des commerces dans des zones rurales dépourvues de stations-service de proximité. Comme l'a rappelé à vos rapporteurs plusieurs personnes auditionnées dont le représentant de l'APCMA : « Le chef d'entreprise souhaite pouvoir trouver les mêmes services qu'en zone urbaine ».

Cette réalité économique est bien connue de l'ensemble des parlementaires, et particulièrement des sénateurs qui interrogent régulièrement le Gouvernement sur le maintien d'un maillage satisfaisant en la matière 156 ( * ) .

Il était donc essentiel que le FISAC, faisant suite notamment à la dissolution du Comité Professionnel de Distribution des Carburants (CPDC), maintienne cette aide et liste parmi ses nombreux objectifs celui de financer les actions permettant « création, modernisation, diversification, accessibilité et sécurisation des stations-services, qui assurent le maillage du territoire et dont la gestion est assurée par un exploitant indépendant ou par une commune ».

La Direction générale des entreprises indique ainsi que 122 stations-services ont été aidées en 2015 et 740 devraient l'être en 2016 (prévision).

Source : DGE

Dans cette lutte contre la dévitalisation de nos territoires, les collectivités interviennent également pour reprendre au moins temporairement certaines stations-services. Comme le titrait Les Echos en 2014, « Les stations-service communales font des émules en France ! » 157 ( * ) . De plus en plus de communes, notamment celles entre 500 et 1 500 habitants, investissent pour reprendre à leur compte la station locale, faute de trouver un repreneur pour l'ensemble du fonds. Elles savent que sa présence conditionne la bonne reprise et la bonne transmission des autres commerces.

c) Une réforme qui a tardé et qui manque de souplesse

Vos rapporteurs ne peuvent que se réjouir du maintien du dispositif du FISAC que plusieurs élus locaux croyaient menacé. Toutefois, les effets de ciseau (baisse des dotations, augmentation des demandes avec allongement des délais d'attente) et l'hésitation du Gouvernement sur la réforme du dispositif ont eu comme conséquence l'apparition de deux années blanches où l'investissement local du FISAC a fortement chuté. Les graphiques communiqués par la Direction générale des entreprises le montrent clairement :

(a) dont 80 décisions pour 5,5 M€ au 2ème semestre 2012

(b) Avant réforme : non compris 1 M€ pour 114 études. Après (appel à projets) : prévisions

Source : Direction générale des entreprises

Ce retard, tant dans la parution des décrets d'application que dans l'instruction des dossiers, avait par ailleurs été dénoncé par plusieurs parlementaires aux cours des années 2014 et 2015 : « Cette situation est extrêmement pénalisante pour les territoires : la publication de la loi sans son décret d'application a entraîné un ralentissement des investissements contre-productif pour le commerce et le bon fonctionnement de l'économie » 158 ( * ) .

Enfin, le système par appels à projets, s'il permet de mieux anticiper la consommation des crédits tout en réduisant les délais d'instruction, manque toutefois cruellement de souplesse. Ce système a l'inconvénient d'être réglé par une machine administrative d'appels à projets à dates fixes, certes a priori efficace, mais déconnectée des éventuelles difficultés économiques du terrain. Une entreprise menacée de disparaître entre deux appels à projets ne pourra pas bénéficier du FISAC. Si vos rapporteurs comprennent les critiques que l'ancienne logique de guichet avait pu susciter -notamment de la part de la Cour des comptes-, ils ne peuvent que constater les effets parfois pervers d'une logique d'appels à projets au compte-gouttes déconnectée du cycle de vie des entreprises.


* 146 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 147 En application de la loi NOTRe, le périmètre de ces interventions est désormais plus restreint pour certaines collectivités.

* 148 Extrait des dossiers consacrés au programme Leader 2014-2020 par le groupe d'action locale (GAL) Ardèche Verte qui, dans son guide méthodologique, présente notamment son action 3 visant à « développer des synergies entre habitants et acteurs pour permettre la transmission et l'adaptation des savoirs et savoir-faire et créer de la valeur ajoutée » et facilitant « animation, formation collective et appui technique pour développer un système de compagnonnage et permettre la transmission des savoir-faire en agissant auprès des TPE et auprès des personnes ayant un projet (création d'un réseau de TPE volontaires pour accueillir, former et accompagner des personnes en immersion, dispositif de formation avec temps collectifs et accompagnement individualisé, mise en place d'un parrainage de nouveaux entrepreneurs)».

* 149 « Enjeux : (...) Anticiper et accompagner les actions de reprise et de transmission des entreprises » Extrait du contrat de ruralité pour le territoire du Pays du Lunévillois, p. 19.

* 150 Lettre du Premier président de la Cour des comptes au ministre des finances et des comptes publics en date du 31 juillet 2014.

* 151 Ibid.

* 152 Cf. réponse du Secrétariat d'État auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée au JO Sénat du 8 décembre 2016 p.5347 à la question écrite n°23126 de M. Gérard Cornu (Eure-et-Loire).

* 153 « Sont éligibles à ce titre les dépenses visant à l'achat par la ou les collectivités publiques concernées de locaux d'activité (hors fonds commerciaux), cet achat se justifiant par l'absence de valeur de ces fonds faute de repreneur et les biens concernés étant destinés à rester au minimum dix ans propriété de la collectivité... » Extrait des nouvelles modalités d'intervention du FISAC sous forme d'appel à projets - édition 2015.

* 154 « Dans le cadre d'une transmission d'entreprise, une réflexion particulière peut être menée sur l'actif immobilier. Plusieurs éléments peuvent militer pour une sortie de cet actif (suffisamment) en amont de la transaction (...). Cette exclusion permet d'abaisser la valorisation de la cible et constitue donc un allégement de la dette d'acquisition supportée par l'exploitation de la société cible. Cela peut également simplifier le débat sur la valorisation de l'entreprise. De plus, sauf locaux très spécialisés, les repreneurs ne souhaitent souvent pas acheter les locaux existants (...) Du côté du vendeur, cette sortie de l'immobilier lui permet de choisir de céder ses locaux ou de les louer (...) Dans ces cas, l'analyse du crédit d'acquisition de la société d'exploitation se concentrera sur la capacité de la structure à rembourser sa dette, mais la valorisation du bien immobilier entrera en ligne de compte dans l'étude du dossier dans le cadre d'une approche globale de l'opération (...). Pour le prêteur, ces avantages doivent être nuancés. En effet, l'immobilier possédé par l'entreprise constitue un amortisseur de risque et un gage d'indépendance (...) De plus, sortir l'immobilier est souvent pénalisant fiscalement (réalisation d'une plus-value à long terme) et le cédant peut être, pour cette raison, réticent à le conserver. » Extraits du rapport de l'observatoire du financement des entreprises sur le financement de la transmission des TPE et PME remis le 7 décembre 2016 au ministre de l'économie et des finances.

* 155 Depuis l'adoption du présent rapport, le Gouvernement a lancé l'édition 2017 d'appel à projets. La date limite de dépôt des dossiers pour les opérations collectives en milieu rural est fixée au 27 octobre 2017 et celle pour les opérations collectives au 29 janvier 2018. Les montants des dotations seront fixés courant 2018 après publication de la loi de finances initiale pour 2018. Les priorités thématiques de l'édition 2017 sont pour les opérations collectives en milieu rural et les opérations collectives en milieu urbain : - la modernisation, la diversification, l'accessibilité physique et numérique ainsi que la sécurisation des entreprises de proximité existantes ; - la création et la modernisation des halles et des marchés couverts, ainsi que des marchés de plein air, tant au niveau des infrastructures matérielles que digitales. Les priorités thématiques de l'édition 2017 sont pour les opérations individuelles en milieu rural :- la création, la modernisation, la diversification, l'accessibilité physique et numérique ainsi que la sécurisation des commerces multiservices en zones rurales ; - la création, la modernisation, la diversification, l'accessibilité physique et numérique ainsi que la sécurisation du dernier commerce du secteur d'activité concerné en zones rurales ; - la création, la modernisation, la diversification, l'accessibilité physique et numérique ainsi que la sécurisation des stations-services (notamment en cas de risque imminent de pollution, par exemple de cuves percées) qui assurent le maillage du territoire et dont la gestion est assurée par un exploitant indépendant ou une commune.

* 156 « À défaut d'être soutenues, nombre de stations-service indépendantes risquent de disparaître du fait de la concurrence des grandes surfaces qui font du carburant un produit d'appel. Outre qu'elle affaiblirait l'économie de nos territoires, condamnant de nombreux emplois, une telle évolution serait très préjudiciable pour les consommateurs confrontés à l'éloignement croissant des points de vente. Il est donc important que les engagements pris soient effectivement tenus. » Question écrite n° 15841 de M. Jean-Claude Lenoir (Orne-UMP) publiée au JO du Sénat du 16 avril 2015, p. 850.

* 157 Article paru dans Les Échos du 12 août 2014.

* 158 Question écrite n° 14866 de M. Philippe Bonnecarrère (Tarn) publié au JO du Sénat du 12 février 2015.

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