Contribution écrite
CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN ET CITOYEN 140 ( * )
4 ème langue la plus parlée et seconde langue la plus enseignée au monde avec près de 285 millions de locuteurs et 120 millions d'apprenants en 2015, le français est pratiqué sur les cinq continents. Cette transnationalité est au centre de son développement, qui devrait lui permettre d'ici 2050 d'atteindre la seconde place des langues les plus parlées derrière l'anglais avec plus de 700 millions de francophones. Avec cinquante-trois pays-membres, l'Organisation Internationale de la francophonie (OIF) doit aujourd'hui voir ses missions remises au centre de la stratégie diplomatique de la France. Dans la suite des déclarations et prises de position officielles de Bamako (2000), Cotonou (2001) et Beyrouth (2002), l'action de l'OIF doit permettre la diffusion de la langue française et des valeurs historiques de la France que sont la Paix, la Démocratie ou encore les Droits de l'Homme et le développement de réseaux d'éducation et de dynamiques de coopération entre les pays. L'OIF rassemble aujourd'hui à la fois la grande majorité des pays du globe connaissant un des phénomènes de francophonie (français comme langue maternelle et/ou officielle et/ou de culture et/ou minoritaire) mais aussi des partenaires importants de la France, pour qui le français est un atout diplomatique et économique de poids.
Quel enjeu pour le développement d'une francophonie forte ?
Le développement de la francophonie ne saurait être vu comme une fin à soi, un objectif à atteindre pour lui-même. Une fois ce postulat posé, quel but doit servir cette expansion ?
Le groupe Communiste, Républicain et Citoyen pense qu'aujourd'hui, c'est une nouvelle conception non pas de la francophonie, mais de la polyfrancophonie (ouverte à toutes les formes de français) qui doit être promue pour permettre une meilleure connaissance et compréhension des peuples.
Cela implique un changement de paradigme.
Trop souvent, la francophonie n'a été vue que comme un outil devant permettre l'émergence d'une diplomatie d'influence à la française et la constitution d'une sphère d'influence pour la France. C'est ce que pointait notre collègue Paul Vergès en parlant de l'exclusive postcoloniale. Le français était réduit à un simple facilitateur économique, permettant à la France de garder un contact économique privilégié voire exclusif avec ses anciennes colonies, créant de fait une dépendance des pays nouvellement indépendants et un pré-carré pour Paris. A ce modèle, nous préférons parler de co-développement qui implique réciprocité et non rapport de domination.
Cette nouvelle conception de la francophonie doit permettre de lever certains obstacles, comme le fait que le 3 ème pays comptant le plus de francophones après la France et la RDC, l'Algérie, refuse d'adhérer à l'OIF, n'y voyant qu'un outil de la diplomatie française confinant ses membres dans une sphère d'influence franco-française.
Quels moyens pour remplir ces objectifs ?
L'une des priorités aujourd'hui est de faire progresser le nombre de polylocuteurs dans le monde, mais aussi en France. Une des pistes avancées dans le rapport va clairement dans le bon sens, en encourageant l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères pour les personnes scolarisées en France. Cette dernière peut s'enorgueillir de compter 5 millions de bi/tri-nationaux. Or, et malgré le développement des ELCO (souvent remis en cause), le rapprochement entre volonté d'apprendre la langue d'origine ou parlée de ses ascendants et communautarisme est trop souvent fait, brisant de fait un élan à la fois légitime et vecteur indirect du développement de la francophonie. De la même manière, la construction démographique de la France a permis à sa population une vraie diversité. Ainsi, deux études de l'INSEE (2017) et de l'INED (2004) ont montré que 11% des français avaient au moins un parent immigré, et qu'1/4 avait au moins un grand-parent immigré. L'acculturation trop souvent défendue comme déni de la diversité, constitue aujourd'hui un frein à la francophonie, tentant de briser les liens entre les immigrés et leurs descendants de leurs pays d'origine alors que ces derniers sont des relais vivants de la culture française.
S'il est essentiel de promouvoir la francophonie dans un objectif de paix et de co-développement, cela nécessite forcément des moyens financiers, aujourd'hui mis en berne. En effet, la diplomatie culturelle a participé activement à la réduction des dépenses publiques, connaissant une baisse de crédits de 43 millions d'euros depuis 2011, dont 34 millions d'euros sur le seul quinquennat passé. Malgré l'annonce par le Président de la République d'une diplomatie globale, la diplomatie culturelle n'a été qu'une variable d'ajustement une fois les diplomaties économiques et militaires dotées.
Au final, la majorité des propositions de ce rapport vont dans le bon sens, à condition d'être mises en oeuvre et accompagnées d'une réflexion plus générale sur les finalités d'un développement de la francophonie et d'un suivi des actions de l'OIF.
* 139 Yves Montenay rapporte qu'en Allemagne, on observe que lorsque les conférences scientifiques se font exclusivement en anglais les phases de débat sont beaucoup plus brèves (et moins pointues) que lorsque les débats sont conduits en allemand, op.cit.