II. LA LOI RELATIVE À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a été promulguée deux semaines après la loi de refondation de l'école. Comprenant 129 articles, elle s'articulait aussi autour de quatre grands objectifs.
Le premier était consacré à la réussite ; il s'agissait « d'offrir de meilleurs chances de réussite à tous les étudiants, améliorer la pertinence de leur orientation et leur insertion professionnelle, pour atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur ».
Sur la première partie de cet objectif, la réussite étudiante, comme le constatait par notre rapporteur, Jean-Léonce Dupont, dans son rapport sur la réforme du système LMD 79 ( * ) , la loi ESR avait notamment prévu une réforme globale du cycle licence : un nouveau cadre national de formation licence est paru le 16 décembre 2013 et une spécialisation progressive a été mise en place à partir des rentrées 2014 et 2015. Malgré cela , l'échec en licence est resté une cruelle réalité pour près des 2/3 des étudiants inscrits dans ce cycle : en 2011, seuls 27,6 % de nos étudiants obtenaient leur licence en 3 ans ; en 2017 ils ne devraient pas être plus de 27,5 %.
En revanche, la loi a porté ses fruits sur plusieurs points, notamment la mise en place de France Université Numérique (FUN), plateforme sur laquelle 262 MOOCS sont ouverts à ce jour. L es expérimentations permises par la loi ont été menées à bien , notamment celle de la première année commune aux études de santé (PACES) ou des études paramédicales. Un rapport d'évaluation devra être adressé au Parlement au cours de l'année 2018. Dernier point concernant la réussite étudiante, le plan national de vie étudiante , mesure qui ne relevait pas de la loi mais s'inscrivait dans son cadre, a été annoncé le 1 er octobre 2015.
En matière d'orientation , l'ensemble des dispositifs innovants prévus par la loi ont été mis en place (accès prioritaire des bacheliers professionnels en STS, accès prioritaire des bacheliers technologiques en IUT, droit d'accès pour 10 % des meilleurs élèves de chaque lycée aux filières sélectives de l'enseignement supérieur et décloisonnement entre lycées et universités). Elles ont été complétées par des mesures extra-législatives (amélioration lente mais continue d'APB, développement des passerelles entre filières, création du parcours avenir de découverte des formations et des métiers et simplification de l'offre de formation).
Malgré son ampleur, l'ensemble de ces mesures n'a pas porté tous les fruits attendus et l'orientation reste un mécanisme « couperet » fonctionnant largement sur l'échec et l'éviction , comme l'a montré le rapport fait au nom de la commission par Guy-Dominique Kennel 80 ( * ) .
Le deuxième objectif de la loi était de « donner un nouvel élan et une meilleure visibilité à notre recherche ».
Certaines mesures ont été appréciées par la communauté scientifique, telles que l'élaboration de la stratégie nationale de la recherche ou la transformation de l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en Haut conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. En revanche, la création d'un conseil stratégique de la recherche n'a pas donné les résultats escomptés et la diminution drastique des moyens accordés à l'Agence nationale de la recherche a ravivé les tensions au sein de la communauté scientifique. Au sein de la communauté scientifique, le fait que le conseil stratégique n'ait jamais été présidé par le Premier ministre, ni même par le ministre chargé de la recherche, et qu'il n'ait jamais fait l'objet de commande de la part du Gouvernement pour enrichir sa réflexion sur la recherche ou préparer une de ses décisions programmées, constitue un signe indéniable d'une certaine désaffection du Gouvernement dans son rôle de stratège en matière d'orientation et de programmation de la recherche. Cet état de fait entraîne des tensions entre les différents acteurs de la recherche. L'ANR se voit mise en cause par sa répartition, jugée peu transparente, des budgets entre les différents comités d'évaluation scientifique.
Plus généralement, c'est la réduction importante de la dotation de l'ANR entre 2012 et 2016 (- 24%) qui nuit à son efficacité. Comme cela avait d'ailleurs été mentionné lors de l'examen du dernier budget au sein de la commission, les taux de sélection très élevés des appels à projets ont engendré de nouvelles frustrations au sein de la communauté scientifique et ont semé le doute sur la volonté réelle du Gouvernement de soutenir ce secteur. Le Gouvernement a d'ailleurs pris conscience de cette difficulté et a « corrigé le tir » dans le dernier budget.
Le troisième objectif, fixé par la loi : « renforcer la coopération entre tous les acteurs et réduire la complexité institutionnelle, concilier la collégialité dans l'université et l'excellence pour tous », est globalement atteint ou en voie de l'être. La création des regroupements se poursuit, même si les effets de cette structuration ne sont pas encore fait sentir. La loi a également amélioré la gouvernance des universités en la rendant plus démocratique et plus collégiale avec, notamment, l'instauration des conseils académiques et la rénovation des conseils d'administration (en particulier l'introduction de la parité). Enfin, la création par la loi d'un statut pour les « établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général » a largement contribué à la structuration du secteur de l'enseignement supérieur privé. Au 1 er août 2016, 44 établissements étaient ainsi labellisés.
Le quatrième et dernier objectif fixé par la loi concernait la dimension internationale de la recherche . La structuration en pôle et la simplification de l'offre de formation de l'université française ont contribué à son attractivité au niveau international, même si cela ne se traduit pas encore dans les grands classements internationaux.
En revanche, alors que l'exposé des motifs de la loi ESR présentait la simplification des structures et des procédures comme destinée à permettre aux établissements d'enseignement supérieur et aux organismes de recherche de participer à un plus grand nombre d'initiatives européennes et en dépit des efforts menés, que ce soit la mise en place puis le renforcement des dispositifs d'accompagnement, les financements européens obtenus par la communauté scientifique française ne reflètent pas le potentiel de la recherche de notre pays . Au cours des trois derniers PCRDT, soit depuis 1998, la part obtenue par la France dans l'ensemble des financements disponibles a baissé de deux points, ce taux passant même sous la barre des 10 % en 2015.
* 79 « Adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français du système Licence-Master-Doctorat » - Rapport de M. Jean-Léonce Dupont n° 29 (2016-2017) au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
* 80 « Une orientation réussie pour tous les élèves » - Rapport d'information n° 737 (2015-2016) de M. Guy-Dominique Kennel au nom de la mission d'information sur l'orientation scolaire.