B. LES DISPOSITIONS DU TEXTE RELATIVES À L'ASSURANCE MALADIE ET À L'ORGANISATION DES SOINS
• L'organisation des soins de
ville
L'article 67, relatif au pacte territoire santé, est applicable, un décret n° 2016-314 et un arrêté en date du 16 mars 2016 ayant précisé les missions et modalités de fonctionnement et fixé la liste -particulièrement fournie- des membres du comité national appelés à se prononcer sur sa mise en oeuvre. Votre commission rappelle que le dispositif fonctionnait déjà sur la base de textes réglementaires avant l'adoption de la LMSS, dont les dispositions apparaissaient dès lors superfétatoires.
L'article 74, qui prévoit la mise en place d'un service d'appui à la coordination des parcours complexes piloté par les ARS à destination des professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux, est également applicable, un décret du 4 juillet 2016 ayant défini les modalités de mise en place de la plateforme territoriale d'appui visée par le texte.
La mise en place d'un numéro d'appel national pour l'accès à la permanence des soins ambulatoires, prévue par l'article 75 du texte, a été rendue opérationnelle par un décret n° 2016-1012 du 22 juillet 2016, qui précise qu'il s'agit du numéro 116 117.
L'article 85, relatif à l'évaluation des pratiques de refus de soins constatées chez les professionnels de santé, prévoit l'intervention d'un décret pour la définition des modalités de cette évaluation. Un décret n° 2016-1009 en date du 21 juillet 2016 a ainsi précisé qu'elle serait conduite par une commission spécialement compétente placée auprès des conseils nationaux des ordres professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, et qui réunira à la fois les professionnels de santé concernés, des représentants des usagers, ainsi que les financeurs que sont le fonds CMU et la Cnam.
• L'évolution des compétences
des professionnels de santé
La loi de modernisation de notre système de santé comporte un large pan de dispositions relatives à l'évolution des compétences et des modalités d'exercice des différents professionnels médicaux et paramédicaux, souvent très attendues par les professionnels concernés.
À la date de publication du présent rapport, soit plus d'un an après la promulgation de loi, votre commission relève que de très nombreux textes restent encore à prendre - reflet sans doute de l'impréparation et de l'absence de concertation qui a caractérisé l'adoption de plusieurs de ces nouveaux statuts professionnels.
L'article 119, relatif aux pratiques avancées des professionnels paramédicaux, est ainsi inapplicable à ce jour, en l'absence de texte réglementaire prévoyant notamment les diplômes et compétences à acquérir pour ce type d'exercice. Votre commission relève qu'il s'agissait pourtant de l'une des dispositions de la loi les plus indispensables à l'évolution véritable de notre système de santé, les plus demandées aussi par les professionnels infirmiers, et dont un rapport de la commission relatif aux coopérations entre professionnels de santé avait souligné l'urgente nécessité.
Les nombreux textes nécessaires à l'application des dispositions relatives à la profession d'assistant dentaire restent également intégralement à prendre, de même que ceux relatifs à la profession de masseur-kinésithérapeute, à celle d'orthophoniste et à celle d'orthoptiste.
Un décret n° 2016-743 du 2 juin 2016 et un arrêté du 10 octobre 2016 ont en revanche rendu effectif l'élargissement des compétences des sages-femmes en matière de vaccination. Le nouveau statut des opticiens-lunetiers, tardivement introduit dans la loi, a également reçu son texte d'application 66 ( * ) , de même que les dispositions relatives aux compétences des manipulateurs d'électroradiologie médicale 67 ( * ) .
• Le tiers payant
Sont applicables les dispositions relatives au DMP (article 96), à l'exception d'une obligation qui paraît redondante avec les pratiques déjà en vigueur en matière de messagerie sécurisée.
La généralisation du tiers payant adopté contre l'avis du Sénat est mise en oeuvre selon les modalités prévues par l'article 83 de la loi.
Celles-ci ont été substantiellement modifiées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 qui a considéré « qu'en se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement de la part des dépenses prise en charge par les organismes d'assurance maladie complémentaire sans assortir cette obligation des garanties assurant la protection des droits et obligations respectifs du professionnel de santé et de l'organisme d'assurance maladie complémentaire, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ». Dès lors l'obligation de tiers payant généralisé ne pourra s'appliquer que pour les dépenses couvertes par l'assurance maladie.
Ceci entraine en pratique une situation intenable pour les praticiens et les patients qui devront pour les uns demander et pour les autres régler la part de la consultation couverte par l'assurance maladie complémentaire. Même pour les praticiens qui feront le choix de proposer à leurs patients le tiers payant pour les dépenses couvertes par l'assurance maladie complémentaire la situation sera particulièrement complexe à gérer puisqu'ils devront suivre dans leurs comptes deux flux de paiement pour chaque consultation, celui venant de l'assurance maladie et celui venant de la complémentaire. En l'absence de solution concertée entre assureurs complémentaires et avec l'assurance maladie, pour proposer des solutions simplement applicables par les professionnels de santé on voit mal comment ceux-ci pourraient, dans leur majorité, accepter de s'engager pour le tiers payant intégral.
Le comité de pilotage du tiers payant, instauré pour une durée de trois ans par le décret n° 2016-439 du 12 avril 2016 et qui réunit des représentants des patients, des professionnels de santé, de l'assurance maladie et des assureurs complémentaires pourrait être le lieu de concertation pour proposer de nouvelles solutions aux praticiens.
Le début de l'année 2017 marque une étape particulièrement importante. En effet, depuis le 1er juin 2016 les praticiens ont la possibilité de proposer le tiers payant sur les dépenses d'assurance maladie aux deux catégories de patients dont les frais sont couverts à 100% par l'assurance maladie, les personnes suivies pour une affection de longue durée (ALD) et les femmes enceintes. Cette possibilité a semblé avoir quelque effet puisque les chiffres de la direction générale de la santé consultés par l'agence France presse et rendus public fin décembre montrent sur l'année 2016 une augmentation de sept à huit point du taux de recours au tiers payant pour ces deux catégories de patients par les médecins généralistes.
Depuis le 1er janvier le recours aux tiers payant pour les personnes en ALD et les femmes enceintes est obligatoire et les praticiens de santé peuvent le proposer à tous leurs patients. Le tiers payant pour l'ensemble des patients a vocation à être obligatoire pour tous à compter du 1er décembre 2017, soit après les échéances électorales à venir.
• Les groupements hospitaliers de territoire
(GHT)
Conformément au calendrier prévu par l'article 107 de la loi, qui prévoyait la constitution des GHT au 1er juillet 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé a officialisé le 5 juillet dernier la création de 135 GHT regroupant les 830 établissements publics hospitaliers.
Le Sénat était favorable aux GHT mais, ainsi qu'il l'avait inscrit dans la loi (article L. 6132-5 du code de la santé publique), il estimait nécessaire que le projet médical partagé, qui doit sous-tendre ces groupement, soit élaboré préalablement à la désignation des GHT par les ARS afin de garantir qu'ils répondent à la volonté des professionnels de terrain.
Or le décret n° 2016-524 du 27 avril 2016, qui fixe notamment le contenu du projet médical, a limité la part de ce projet devant être élaborée préalablement à la mise en place des GHT au seuls objectifs médicaux. L'essentiel de l'élaboration est en conséquence renvoyé à des dates ultérieurs, notamment les objectifs et l'organisation par filière au 1er janvier 2017 et l'ensemble des autres composantes du projet au 1er juillet 2017.
La commission des affaires sociales du Sénat regrette le caractère tardif de la publication du décret sur les GHT et le report de l'essentiel de l'élaboration du projet médical partagé. Ce report ne peut qu'affaiblir la possibilité pour les équipes d'adapter les GHT à leurs ambitions et renforce le risque que ce soient les ambitions en terme de soins qui soient adaptées à l'existence des GHT.
• L'action de groupe et les données de
santé
Le décret nécessaire à la mise en place de l'action de groupe en matière de santé est paru le 26 septembre dernier (décret n° 2016-1249). Votre commission souligne que, compte tenu de la complexité et des délais de mise en oeuvre de cette nouvelle procédure, plusieurs années seront sans doute nécessaire à sa bonne évaluation ; elle sera particulièrement attentive à la remise du premier rapport d'évaluation, prévu au plus tard trente mois après la promulgation de la LMSS.
S'agissant de l'accès aux données de santé, deux décrets ont été publiés le 28 décembre dernier 68 ( * ) , qui détaillent les modalités de gouvernance du nouveau système national des données de santé (SNDS), définissent les accès permanents à cette base, et précisent les modalités d'instruction des d'accès à caractère ponctuel.
Ces deux textes importants -qui ont pu susciter quelques mécontentements 69 ( * ) chez les professionnels ne bénéficiant que d'un accès limité ou partiel à cette source d'informations d'une richesse exceptionnelle- doivent encore être complétés par deux arrêtés portant notamment sur les référentiels de sécurité à mettre en oeuvre pour l'accès et le traitement de telles données.
* 66 Décret n° 2016-1381 du 12 octobre 2016 relatif aux conditions de délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaire correctrices et aux règles d'exercice de la profession d'opticien-lunetier.
* 67 Décret n° 2016-1672 du 5 décembre 2016 relatif aux actes et activités réalisés par les manipulateurs d'électroradiologie médicale.
* 68 Décret n° 2016-1871 du 26 décembre 2016 relatif au traitement de données à caractère personnel dénommé « système national des données de santé » et décret no 2016-1872 du 26 décembre 2016 modifiant le décret no 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
* 69 Les UNPS, notamment, regrettent de ne pas compter parmi les acteurs bénéficiant d'un accès permanent au SNDS.