C. LA SPÉCULATION SUR LES MONNAIES ET LE « CARRY TRADE »
La fin des parités fixes entre monnaies remplacées par des taux de changes flottants va ouvrir un vaste champ d'action à la spéculation. Spéculation sur les évolutions des parités, au besoin en les suscitant par des achats ou des ventes massifs de devises ou de dérivés ; spéculation sur les différences de taux d'intérêts selon les pays, taux d'autant plus élevés que la monnaie est fragile.
Le jeu consiste à jouer sur la différence de taux d'intérêt entre les pays : par exemple, emprunter dans un pays à faible taux pour replacer cet argent converti en dollars dans un autre où les taux sont plus élevés ou l'investir dans des opérations aussi risquées que lucratives. Cette technique a d'abord été employée pour exploiter les écarts de politiques monétaires entre le Japon, où les taux étaient bas, et d'autres pays. C'est l'une des activités des hedge funds 60 ( * ) , installés ou non dans les paradis fiscaux. Les sommes en jeu sont littéralement astronomiques. Avant la crise, on estimait ces mouvements de fonds à 1 000 milliards d'euros.
D. MONDIALISATION ET GLOBALISATION
Champions du libre-échange du temps où leur balance extérieure était excédentaire, les États-Unis en restent les actifs propagandistes, devenus déficitaires. D'autant que leurs multinationales ne craignent personne et que, de toute manière, c'est aux États-Unis que viendront se recycler les excédents en dollars des pays étrangers. Sans compter des avantages à tirer, à moyen et long terme, d'une conversion au libéralisme des pays encore en développement englués dans l'étatisme et, à court terme, de l'importation de marchandises à bas coût susceptibles de peser sur l'inflation comme sur les salaires.
1. Les outils de cette politique
2. « Mondialisation » et « globalisation »
La mondialisation est l'aspect extensif du phénomène (pays et territoires concernés), la globalisation, son aspect intensif (volumes, intensité des échanges, intégration des différentes structures concernées). C'est à cela que l'on doit la prospérité des paradis fiscaux indispensables à l'optimisation fiscale, sport favori des multinationales.
La globalisation est une notion applicable essentiellement au niveau financier : constitution autour d'un oligopole d'une trentaine de très grands établissements d'un réseau mondial de banques interconnectées.
3. Globalisation et crises
Le lien entre la violence des crises et l'importance de l'intégration économique mondiale depuis 1800 est explicité dans le schéma suivant.
Source : Prime View independent research Globalisation et crises (commentaire)
On note, sur ces courbes, une corrélation nette entre le nombre de pays en crise bancaire depuis plus de trois ans (échelle de gauche) et le degré de mobilité du capital (échelle de droite), autrement dit, entre libéralisation financière et globalisation des crises bancaires. Celles-ci s'expliquent parce que l'afflux de capitaux engendre une explosion des crédits distribués, qui entraîne une inflation galopante des actifs douteux (immobilier, matières premières, actions), lesquels déclencheront la crise. Il y a bien un lien entre nombre et importance des crises et mobilité du capital.
Les périodes qui ressemblent le plus à la nôtre sont 1890-1914 et celle des années 1930.
La première avant-guerre a été une période de fort développement du libre-échange, marquée par une succession de crises financières touchant jusqu'à 20 % du PIB mondial, juste avant le déclenchement du premier conflit mondial.
Lors de la grande crise, 42 % du PIB mondial étaient concernés.
À partir des années 1980 et de la mise en place du nouveau modèle de développement intervient une série de crises récurrentes. La mobilité du capital n'ayant jamais été aussi forte qu'en 2008, il n'y a aucune difficulté à comprendre que la crise financière ait été globale.
* 60 De « hedge » signifiant répartir les risques, se couvrir. Les hedge funds englobent une grande variété de fonds utilisant des stratégies pour se couvrir contre la baisse des marchés, dans une recherche de performance maximale.