Seconde table ronde - L'innovation pour dynamiser le développement touristique des outre-mer

Animatrice de la table ronde : Madly SCHENIN-KING

PREMIÈRE SÉQUENCE - L'INNOVATION AU SERVICE DES PROFESSIONNELS DU TOURISME ET DE LA FILIÈRE
Miguel ÉTIENNE-PAIN, Directeur général de Jolydays

Je suis le directeur général de la société Jolydays. Il s'agit d'une start-up montée par trois associés, dont moi-même, il y a un an. Sa vocation est de mettre en ligne très prochainement, d'ici à un mois, la solution web et mobile la plus complète et la plus innovante du secteur du tourisme.

Nous avons eu la grande joie d'être lauréats de la fameuse bourse French Tech , il y a deux mois - la BPI, la Banque publique d'investissement, ne l'attribue pas légèrement. Deux mois auparavant, nous avions réussi l'exploit d'obtenir le statut d'agents de voyage. Nous sommes donc à la fois une centrale de réservation en ligne et agents de voyage.

Qu'est-ce que Jolydays ? C'est une centrale de réservation en ligne de prestations et d'activités liées au tourisme, qui permet à quiconque, grand public, professionnels, agents de voyage, de construire un pack d'activités auprès des prestataires que nous avons sélectionnés - là est notamment notre plus-value. Nous sommes donc une centrale de réservation en ligne, et non une simple plateforme d'intermédiation entre clients et professionnels dont le modèle économique serait fondé sur la publicité - j'ai moi-même été responsable commercial de grandes régies publicitaires pendant une dizaine d'années.

Les packs d'activités sont répartis en cinq univers, loisirs, tradition et culture, luxe, bien-être et beauté, sorties et vie locale, et en plusieurs environnements, eau, air, terre. Les internautes peuvent les concocter, les réserver et les payer directement sur notre site, sans avoir besoin de contacter le professionnel lui-même. Cela modifie considérablement le modèle économique, que ce soit pour les clients ou pour les professionnels.

Trois points très importants : en premier lieu, il s'agit d'une solution très complète, puisqu'elle propose beaucoup d'autres services associés, comme « Jolypro », qui comprend un « Jolyconseiller », c'est-à-dire une personne dédiée à chaque professionnel référencé sur le site, ou des applications mobiles destinées aux professionnels et au grand public. Tout cela est compris dans l'offre : il ne s'agit pas de faire payer en plus pour des services auxquels il est normal que nos clients aient accès, y compris lorsqu'ils se trouvent au bord de la plage et s'apprêtent à faire du kite-surf : tout doit être en ligne, y compris hors connexion !

Jolydays s'adresse donc aussi bien aux professionnels traditionnels du secteur, hôteliers, restaurateurs, etc., qu'aux novices, qui ne disposent pas des connaissances techniques, commerciales ou de marketing nécessaires pour développer leur activité, mais, en revanche, disposent de véritables savoir-faire. En outre-mer, beaucoup de gens savent faire beaucoup de choses sans être nécessairement qualifiés au sens strict du terme. Nous les aidons à mettre en oeuvre leur savoir-faire et à proposer leur activité aux touristes qui visitent nos territoires. L'accompagnement des professionnels fait donc partie du service proposé par Jolydays.

Deuxième point important : nous sommes dans l'action - c'est notre mot d'ordre. Nous sommes relativement discrets sur les réseaux sociaux, mais très actifs - je pense que cela se traduit dans mon attitude -, que ce soit dans la réalisation des applications, des services, ou dans la commercialisation, déjà initiée en Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et dans quelques départements de France métropolitaine. Nous faisons vraiment en sorte que les prestations mises en ligne par les professionnels soient vendues. De ce point de vue, notre modèle économique diffère de celui d'autres centrales bien connues, que je ne nommerai pas, mais qui proposent énormément de chambres et dont le modèle est fondé sur le volume et sur le raisonnement suivant : « si je propose un million de chambres en ligne, à supposer que 20 ou 30 % d'entre elles restent invendues, ça n'a pas d'importance ». Même la publicité en ligne, sur Jolydays, est gratuite.

Troisième point fort - cela rejoint les propos de Madame la directrice du Comité territorial du tourisme de Saint-Barthélemy : la mobilité. Nous sommes en 2016 : il me paraît évident qu'un client achetant un pack d'activités sur Jolydays en février en vue d'un voyage en Martinique en juillet ou dans le Pacifique en août doit pouvoir, s'il a téléchargé les informations relatives à son pack sur son mobile ou sa tablette, en disposer à tout moment sur son appareil, y compris s'il se trouve au bord de la plage, sur le point d'aller nager avec les raies ou les dauphins, donc hors connexion. Je suis surpris du faible nombre d'applications développées en ce sens !

De la même façon, un professionnel proposant une prestation de plongée, se trouvant sur son spot , en bateau, à un mille des côtes, hors réseau, doit pouvoir avoir accès aux informations principales qui lui permettront de garantir un bon déroulé de sa journée, par exemple la composition des groupes de passagers ou les conditions de navigation. Nous indiquons également à tous nos internautes comment se rendre du lieu d'une activité à l'autre. Notre credo est le suivant : un Chinois ne parlant pas un mot de français, de créole ou d'anglais doit pouvoir faire toutes les activités qu'il a réservées, lors de son voyage en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, sans même ouvrir la bouche. Cela paraît simple, mais, techniquement, c'est complexe !

Nous y sommes arrivés : la solution sera disponible à partir du mois de novembre. J'ai reçu beaucoup de sollicitations émanant de pays étrangers ; mais je suis Martiniquais, très sensible à la cause de l'outre-mer français dont le potentiel est magique, merveilleux. J'ai donc souhaité proposer cet outil en premier lieu à l'outre-mer français, même si d'autres régions, évidemment, en bénéficieront, afin de garantir la rentabilité du modèle économique.

Je précise d'ailleurs que le site prend, en fonction de la destination choisie, l'habillage et les couleurs de ladite destination, qu'il s'agisse par exemple de la Martinique, de la Nouvelle-Calédonie ou de Saint-Barthélemy et de toute autre destination référencée, qu'elle soit française ou à l'étranger. Jolydays a une vocation mondiale.

Boris PEIGNOT, Directeur de Réussir Sa Loc

Je suis Boris Peignot, directeur et associé de la société Réussir Sa Loc , société réunionnaise créée en juillet 2015, qui a pour activité le conseil dans le domaine de la location saisonnière.

Réussir Sa Loc a su convaincre l'investisseur ACG Management dès décembre 2015, qui l'a accompagné ( via le fonds professionnel spécialisé Run Developpement) à hauteur de 300 000 euros pour son lancement commercial. La BPI a également émis récemment un avis favorable à hauteur de 100 000 euros afin que nous menions à bien notre projet.

Aujourd'hui, on parle d'économie collaborative, d'uberisation de l'économie, et s'il y a bien un secteur d'activité concerné, c'est la location saisonnière :

- Airbnb vient de passer, d'après un mail reçu en juin 2016, le cap des 500 000 logements en réservation instantanée ;

- plus de 800 000 résidences secondaires et 85 000 résidences principales sont louées en saisonnier selon les chiffres de l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), qui regroupe les principaux acteurs de la location de vacances et de la location urbaine.

La location saisonnière est donc devenue en peu de temps le plus gros parc locatif de France, et cela ne risque pas de s'arrêter car cela répond à un réel besoin des consommateurs.

Cependant, nous observons des comportements aux effets pervers sur ce marché qui le rendent sous-performant pour l'ensemble des acteurs du tourisme à l'heure actuelle. Les règles existantes ne sont pas toujours respectées, et dans beaucoup de cas :

- la déclaration en mairie n'est pas faite,

- les revenus générés ne sont pas déclarés,

- le paiement de la taxe de séjour et des autres taxes n'est pas effectué,

- il n'y a souvent pas de déclaration en assurance,

- le respect des obligations de sécurité n'est pas toujours au rendez-vous,

- l'accès wifi n'est pas sécurisé,

- la fiche de police pour les clients étrangers est négligée,

- la qualité, le niveau d'équipements et/ou de standing annoncés ne correspondent pas toujours à la réalité ou ne sont pas mesurés, ce qui peut être décevant, voire jeter le discrédit sur les autres propriétaires de résidences souscripteurs au modèle de location saisonnière à distance. Il est d'ordre public que d'assurer la qualité de l'information fournie et sa comparaison, pour une concurrence saine sur ce marché.

Ce problème de non-conformité du parc locatif touche autant l'outre-mer que la métropole. Bien consciente de l'ampleur du phénomène, le CRT « Île de La Réunion Tourisme » a par exemple réalisé en 2015 une étude éloquente révélant que plus de 6 300 annonces étaient référencées sur le web pour moins de 600 déclarées sur La Réunion.

Pour les structures de promotions touristiques, qu'est-ce que cela signifie ?

- une offre touristique pas valorisée à sa juste valeur à l'échelle d'un territoire,

- des revenus non collectés via la taxe de séjour ou un déficit de revenus fiscaux.

Quel est l'impact pour un territoire, que ce soit en métropole ou en outre-mer ?

- des moyens financiers non collectés pour la promotion du territoire,

- une concurrence déloyale pour les autres structures d'hébergement touristique,

- un traitement inéquitable entre les acteurs du tourisme de chaque territoire.

Alors comment faire ? Comment éviter la non-collecte de toutes ces recettes ?

Travailler avec Réussir Sa Loc !

Réussir Sa Loc se place en tant que trait d'union entre les différents acteurs impliqués dans la location saisonnière. Réussir Sa Loc produit des solutions uniques et innovantes à destination des propriétaires, mais également des structures publiques (établissement public de coopération intercommunale (EPCI), mairies, offices du tourisme, comités départementaux du tourisme, etc.), ayant pour vocation de professionnaliser et d'évaluer l'offre locative locale.

Les solutions de Réussir Sa Loc s'articulent autour de 4 axes :

- www.reussirsaloc.com propose gratuitement un contenu fiable et actualisé sur le thème de la location saisonnière ;

- Eval'etoiles est une solution d'auto-évaluation en lien avec le classement étoilé des meublés de tourisme. Eval'etoiles simplifie les démarches de classement étoilé des propriétaires et améliore la qualité de l'offre locative du territoire ;

- Repartitax permet aux structures publiques d'évaluer la réelle valeur étoilée d'un meublé de tourisme quel que soit son statut, afin d'optimiser la perception de la taxe de séjour ;

- Trackeet , solution en cours de développement et en phase de test à partir de septembre à la Réunion via le Comité Régional au Tourisme de La Réunion, mais également en métropole auprès de deux EPCI, un office de tourisme et une union départementale des offices de tourisme et syndicats d'initiative (UDOTSI), permet d'identifier et qualifier par commune les locations saisonnières sur plus de 20 sites de gestion locative.

Grâce à Réussir Sa Loc , vous reprenez la main sur votre offre locative, et disposez des moyens techniques pour accompagner les propriétaires de votre territoire !

Manuel DE LARA, Expert-conseil en économie numérique et management de l'innovation territoriale

Je vous propose de continuer le voyage commencé cet après-midi. Les différents orateurs qui m'ont précédé nous ont fait voyager sur différents océans ; je vais vous amener dans l'Atlantique Nord, sur les terres de Saint-Pierre et Miquelon, un petit archipel de 242 kilomètres carrés situé à 25 kilomètres au large de Terre-Neuve. Un archipel qui compte un peu moins de 7 000 habitants.

Pour mémoire, ce petit bout de France, au contact de l'Amérique du Nord, a subi de plein fouet, il y a quelques années, le changement de son modèle économique... Le secteur de la pêche représentait alors 98 % de son produit intérieur brut (PIB) ; aujourd'hui, il en représente un peu moins de 3 %.

Afin de reconstruire un renouveau économique, un schéma de développement stratégique (SDS) a été élaboré sur l'initiative de la Collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon. Pour la période 2015-2020, la question de l'innovation y a été inscrite comme un fil rouge. Une volonté d'innovation qui se décline sous de multiples combinaisons : innovation sociale, innovation numérique, innovation dans le tourisme, innovation dans le développement durable et, enfin, innovation dans les politiques publiques ; j'entends par là que le schéma de développement stratégique a été co-construit avec les acteurs du territoire et les grands élus de l'archipel.

Vous le savez tous, il est difficile d'enclencher une dynamique d'innovation territoriale sans associer toutes les parties prenantes du développement local. La construction de politiques publiques d'innovation dans le tourisme suppose donc de créer des écosystèmes. C'est ce que le Cabinet MKG a largement mis en avant dans son rapport d'étude. La question de l'open innovation, ou innovation collaborative, a également été évoquée cet après-midi. Elle consiste à se tourner vers l'usager pour inventer les produits et les services de demain. Or, dans le tourisme plus encore que dans tout autre secteur, cette relation avec l'usager, le client, est une donnée stratégique. Elle peut être un moteur puissant d'innovation.

Pour revenir à la question de l'innovation comme clef du succès pour le tourisme des outre-mer, l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon a également fait le pari du numérique, avec la mise en service, en 2017, d'un câble sous-marin à très haut débit. L'objectif est de s'appuyer sur cette infrastructure stratégique pour faire de ce territoire une « smart Island ».

On insiste bien souvent sur les difficultés, mais c'est oublier que l'État et l'Union européenne peuvent être aussi des partenaires puissants lorsque le territoire a bien défini l'horizon stratégique qu'il souhaite atteindre.

Ainsi, en appui du schéma de développement stratégique, l'Union européenne a entériné, au titre du 11 e Fonds européen de développement (FED), une allocation de 26,35 millions d'euros sur 4 ans pour développer l'axe stratégique relatif au tourisme et à la desserte maritime du territoire. La construction des quais pour les ferries , la valorisation du patrimoine, l'appui pour le renforcement des capacités hôtelières, la valorisation des infrastructures de loisirs, le renforcement du marketing et enfin des moyens humains dédiés au tourisme sont également prévus au programme.

Ce soutien financier, apporté au titre de la politique européenne d'appui aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM), permet de renforcer un territoire qui a décidé de faire le pari d'une attractivité nouvelle en s'appuyant sur des vecteurs puissants de développement que sont le tourisme et l'innovation. Ce pari s'appuie également sur le déploiement, avec l'aide de l'État, d'un câble sous-marin à très haut débit qui permettra, par exemple, un positionnement sur les nouvelles formes de tourisme, comme le m-tourisme.

Madame Sophie Lacour a partagé avec nous sa vision prospective des technologies, avec notamment les réseaux pneumatiques pour voyager dans le futur. Saint-Pierre et Miquelon n'en est pas encore là, certes, mais l'objectif est bien d'intégrer la technologie partout où elle peut l'être. Lorsqu'un territoire est connecté au très haut débit, il doit l'être en tout point, et non pas de manière intermittente. La question de la disponibilité des données, en milieu naturel, est également très importante, comme l'a montré Monsieur Miguel Étienne-Pain, pour développer de nouveaux produits et services touristiques.

Vous avez été nombreux à souligner la difficulté de créer des formations dans des territoires isolés ; vous la rencontrez tous, et il est illusoire de vouloir créer un écosystème sur une île de 7 000 habitants si cela signifie se replier sur soi. Créer des dynamiques d'innovation sans s'ouvrir aux autres, c'est impossible ! Vous l'avez donc tous compris : l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon s'ouvre au monde pour devenir une « smart Island », un véritable laboratoire d'innovation.

Les représentants de Saint-Pierre et Miquelon ont donc fondé leur réflexion sur la situation géographique de l'archipel, aux portes de l'Amérique du Nord. Leur ambition est d'en faire le point d'appui de tous les innovateurs, notamment de ceux qui souhaiteront « attaquer » le territoire nord-américain.

Ils trouveront là un petit territoire qui réunit acteurs publics et privés au service de la création d'écosystèmes performants, par exemple aujourd'hui dans le numérique et le tourisme et demain dans d'autres secteurs. L'écosystème est, en effet, au centre de toute stratégie d'innovation.

La politique publique est nécessaire, mais nous avons surtout besoin d'initiatives privées et d'investisseurs privés. La croissance de jeunes entreprises innovantes, de start-up , suppose bien sûr l'aide publique émanant des collectivités et de l'État, sur le modèle du dispositif gouvernemental French Tech , mais avant tout et surtout c'est de l'investissement privé dont nous avons besoin sur les territoires. C'est sur ce modèle que Saint-Pierre et Miquelon est aujourd'hui en train de construire sa stratégie de développement et d'innovation. Une stratégie construite pour attirer des investisseurs et des talents sur l'archipel.

Enfin, et pour terminer ma présentation, je voudrais insister sur la promesse contenue dans la nouvelle marque de destination touristique de l'archipel : « Saint-Pierre et Miquelon, des îles d'exception ». Son logo permet à l'archipel d'affirmer son attachement à la France, puisqu'il utilise dans ses codes couleur le bleu, le blanc et le rouge. La stratégie est axée autour d'un marketing du lien ; la construction partagée d'une marque de destination est apparue comme un bon levier pour engager le territoire dans des processus d'innovation collaborative. Au-delà, il vise à aligner l'ensemble des forces publiques et privées autour d'un objectif commun : faire apparaître l'archipel sur un marché dont Saint-Pierre et Miquelon était totalement absent, celui des destinations touristiques, en faisant le pari de l'innovation et du numérique.

La prochaine étape est de passer d'une marque de destination touristique à une marque d'attractivité globale. La réussite de cette politique d'innovation au service du tourisme et d'une attractivité nouvelle de l'archipel dépendra, avant tout et surtout, de sa capacité à attirer des investisseurs et des talents sur le territoire. C'est tout l'enjeu de la démarche de marketing territorial dans lequel le territoire vient de s'engager. Il constitue, pour demain, un formidable levier d'innovation.

Je vous remercie.

Source : M. de LARA

Jessica BRUDEY, Fondatrice de la société Foodîles

Avant les réseaux sociaux, pour recommander une bonne adresse, on se contentait souvent du bouche à oreille. Mais, en 2016, cela ne suffit plus !

À l'heure du 2.0, le service, le cadre et même la qualité des plats sont maintenant commentés, photographiés, souvent de manière instantanée.

Bien que les guides, qu'il s'agisse du Michelin, du Routard ou du Petit Futé , se soient digitalisés, ils ont dû, malgré tout, faire place à des mastodontes tels que Yelp, TripAdvisor , voire Facebook et Instagram . Ainsi les sites de référencement et les réseaux sociaux sont devenus d'importants canaux d'acquisition de clients, notamment de touristes. Les gourmets sont donc de plus en plus connectés.

Il manquait un outil développé au plus près des restaurateurs destiné à leur permettre de mieux communiquer et d'être présents sur la sphère digitale. C'est la raison pour laquelle nous avons créé Foodîles , cet outil qui apporte aux clients la réponse à la question qu'ils se posent quand ils se demandent où il fait bon manger. Il répond aussi aux interrogations des restaurateurs soucieux de montrer leurs atouts de la meilleure façon.

Fondée en 2014, Foodîles est une start-up qui propose aux restaurateurs de les accompagner dans leurs transitions digitales. Nous mettons à disposition des professionnels une palette d'outils élaborée pour et avec eux : application, site web, blog et comptes sur les réseaux sociaux afin d'augmenter leur visibilité et de veiller à leur « e-réputation ».

Nous proposons également la réservation en ligne, le community management , la création de sites web, la traduction de leurs menus.

Ainsi, en téléchargeant l'application et en se connectant sur le site web, les utilisateurs ont accès à une liste d'établissements rigoureusement sélectionnés, géolocalisés et pour lesquels ils peuvent consulter des avis et des photos.

Nous faisons des photos en haute définition (HD). Nos partenaires renseignent leur description et ils peuvent aussi mettre à disposition la réservation ou proposer des offres de réduction.

Sur le blog, nous préparons des articles qui donnent une vue au niveau du site et proposent, entre autres, dix adresses à découvrir pendant « le Tour de la Guadeloupe » ou cinq adresses au cadre atypique. Toutes ces adresses visent à mettre l'accent sur nos partenaires, lesquels sont mis en scène sur nos réseaux sociaux, en photo ou en vidéo.

Contrairement aux idées reçues, alimenter et gérer de manière régulière et efficace son réseau social n'est pas à la portée de tout un chacun. Il ne suffit pas de poster une photo de plat sur une table en inox tous les quinze jours ! L'enjeu consiste à élaborer une stratégie digitale, à préparer ses contenus et à être cohérent et régulier pour susciter l'engagement.

L'une des principales difficultés que nous rencontrons est de faire prendre conscience de l'intérêt du digital. Notre discours est facilement audible pour les jeunes restaurateurs. À titre d'exemple, l'un de nos partenaires a accepté de concevoir gracieusement un menu spécial pour six influenceurs, lesquels ont des millions de fans. Ce type de client, actif sur les réseaux sociaux, est rapidement séduit par le travail et par la communauté de gourmets de Foodîles .

En revanche, les restaurateurs seniors ont du mal à prendre le virage numérique. En effet, ils ont souvent « déjà leur clientèle », qu'elle soit locale ou composée de touristes. Pour eux, nous prenons plus de temps. Nous faisons un audit de leur stratégie actuelle et nous leur montrons ce qu'on dit d'eux et ce qui pourrait être amélioré.

Comme nous sommes en contact permanent avec les clients via nos réseaux sociaux, nous faisons aussi un travail de sensibilisation pour expliquer au public que leur attitude conditionne 50 % du service.

Un restaurateur livre bien plus qu'un plat ! Il fait des sacrifices et il partage sa passion.

Nous sommes très optimistes car, depuis deux ans, nous constatons que les restaurateurs comprennent l'utilité d'investir du temps et de l'argent dans le digital. Ainsi, les restaurateurs qui n'avaient choisi, la première année, que la gestion de leur « e-réputation » optent maintenant pour le community management .

Foodîles compte actuellement une quarantaine de clients réguliers et mène des actions ponctuelles pour certains établissements.

Côté utilisateurs, nous recensons sur les applications Iphone et Android plus de 10 500 téléchargements, avec 500 utilisateurs actifs par mois.

S'agissant des réseaux sociaux, nous comptons 10 500 fans sur Facebook , plus de 5 000 abonnés sur Instagram , 600 sur Twitter . Le blog, qui a été lancé en mars, a déjà franchi le seuil de 30 000 visiteurs. Quant aux derniers articles, ils ont plus de 3 000 vues.

Nous travaillons actuellement sur une V2 qui permettra aux restaurateurs de toucher directement les clients via le push. De plus, nous réfléchissons à une solution de fidélisation de la clientèle.

Nous allons également intégrer les autres îles de la Caraïbe et la Guyane.

Foodîles a pour ambition de se positionner en tant qu'acteur majeur du développement économique et touristique des établissements de restauration.

Nils DUFAU, Président du Comité territorial du tourisme de Saint-Barthélemy

(Projection d'une vidéo)

La politique du tourisme de Saint-Barthélemy repose sur l'ensemble des acteurs directement ou indirectement parties prenantes, qu'ils soient personnes publiques ou privées.

L'implication de tous au service de l'activité touristique crée le dynamisme nécessaire procurant à l'île sa stabilité sociale et son savoir-faire unique.

D'une manière générale, l'offre touristique de Saint-Barthélemy se distingue par la forte valeur ajoutée tirée d'un large éventail de services, issus de l'hébergement en particulier et auquel on peut adjoindre l'événementiel.

Le calendrier des événements est étoffé et rythme le coeur de notre saison touristique. Nous sommes parvenus à structurer l'offre de manifestations au point qu'elle puisse être reconduite de manière annuelle. Il s'agit d'un objectif de fidélisation, axe principal de notre politique touristique.

La collectivité est un acteur majeur de l'impulsion événementielle, tout en restant discrète. Elle est le support de l'événementiel par le biais d'infrastructures publiques capables de recevoir des manifestations de toute envergure.

Le comité du tourisme est, dans le prolongement, un outil de la politique événementielle. Il est organisateur d'événements et accompagne les autres en tant que coordinateur mais toujours tourné vers la promotion touristique.

Nous veillons à la qualité des événements autorisés sur l'île et accueillons un grand nombre de manifestations, la plupart sur l'initiative d'organisateurs privés ou de mouvements associatifs locaux, toutes validées par la collectivité, une collectivité qui n'hésite pas à les soutenir financièrement.

Si l'on devait qualifier notre calendrier, on pourrait parler d'une adaptation entre les publics cibles, la saison touristique et les événements. Surtout, la quasi-totalité de ces événements ont la particularité d'être tournés vers l'international, ce qui en fait des outils promotionnels à part entière. Chacun vise ainsi une clientèle touristique particulière en constituant un instrument de fidélisation.

La saison touristique est ponctuée de rendez-vous tout au long de l'année. C'est ainsi que nous enrichissons l'attractivité de notre territoire.

Notre positionnement, l'art d'être une île, anime l'ensemble de l'agenda événementiel.

Le festival de musique classique, organisé durant le mois de janvier, bénéficie d'une renommée qui en fait le rendez-vous des amateurs de musique classique. Il est organisé et financé par des acteurs privés.

Le comité du tourisme organise en novembre, chaque année, le Saint-Barth Gourmet Festival , lequel accueille les plus grands chefs étoilés mondiaux. Il devient un rendez-vous incontournable de la richesse culinaire française dans la Caraïbe.

Quant aux événements nautiques, ils renforcent tout naturellement l'authenticité d'une île : il en va ainsi de la Bucket Regatta, qui réunit fin mars les plus beaux voiliers au monde et attire une clientèle touristique très haut de gamme. Grâce à cela, l'île réalise le deuxième plus important taux de remplissage de l'année. À elle seule, par sa dimension planétaire et exceptionnelle, cette régate est l'expression de toutes les composantes de notre positionnement.

On retrouve dans cette même optique Les Voiles de Saint-Barth , un événement qui associe clairement le nom de notre territoire dont l'intérêt promotionnel est évident.

La transat AG2R La Mondiale exprime, quant à elle, l'esprit de fraternité entre marins et le lien historique avec la mer.

La collectivité intervient dans ces manifestations en tant que partenaire facilitant l'accès à ces infrastructures portuaires, alors que le comité du tourisme collabore au niveau de la promotion. Chaque événement est examiné au regard de son apport à la valorisation de l'île. Cela vaut pour ceux disposant d'importants moyens de financement, comme pour les associations auxquelles les mêmes contraintes sont imposées.

J'irai plus loin, les associations s'imposent une exigence internationale dans la conception de leurs manifestations. C'est le cas, par exemple, de celle qui organise le festival des musiques caribéennes, la Cata Cup Regatta , le festival du film, du théâtre et du livre. Il y a aussi la course pédestre franco-suédoise de Saint-Barth, la Gustavialoppet , attirant des coureurs de tous les continents et des îles voisines.

Nous veillons à ce que l'agenda événementiel reflète un positionnement défini, qui lui assure sa cohérence et sa stabilité. Il constitue un choix promotionnel indiscutable et contribue à l'ancrage d'une économie touristique durable, comme à la pérennisation de l'image singulière de Saint-Barth.

Daniel HIERSO, Cofondateur du réseau d'entrepreneurs Outre-mer Network, et business angel

J'anime un réseau d'entrepreneurs qui s'appelle Outre-mer Network , vulgairement appelé OMN. Nous effectuons un travail de mise en relation et de réseau entre des jeunes entrepreneurs. Plutôt connus sous le volet de l'innovation, nous avons mis en place, depuis quatre ans, un programme d'accélération, en partenariat avec HEC et le pays France. Nous offrons des bourses HEC à de jeunes entrepreneurs. Cette formation étant en visio-conférence avec G2J, les trois quarts des participants sont originaires d'outre-mer.

J'espère que vous avez tous comme fournisseur de prestation le leader de la visio-conférence sécurisée embarquée qui est, je le précise, un Martiniquais ! Vous avez ainsi accès à la jonction que nous venons de réaliser, qui permet de faire directement du monitoring par des grands groupes du CAC 40 avec des jeunes pousses. Cela amène du financement, cela amène de l'expérience et cela finit par la remise d'un prix aux lauréats du concours « Innovation outre-mer », fête à laquelle vous êtes d'ailleurs tous conviés en fin d'année ! Elle a lieu au hub de BpiFrance, qui est l'un des lieux de l'innovation, et récompense ceux qui ont été les gagnants des sessions pendant un an dans les meilleurs accélérateurs ou incubateurs parisiens. Peut-être avez-vous entendu parler de Kadalys, de Shopîles, de G2J, de Genymobile...

Le tourisme n'est pas forcément notre point fort - je le dis au risque de me faire tirer les oreilles par mon associé qui est, me semble-t-il, le seul unique expert professionnel sur le tourisme fluvial à Paris, Jocelyn Golitin.

En revanche, nous avons beaucoup participé et aidé certains de nos adhérents à mener à bien des expérimentations sur le marketing territorial et à promouvoir certains gadgets que j'aime bien.

Je vais vous parler très brièvement d'un concept à La Réunion, qui s'appelle le Zotmovie festival , illustré par un très beau clip que vous avez vu tout à l'heure. En amont de ce clip, depuis huit ans, il y a quatre copains qui sont sur une plage et qui ont décidé de lancer un festival de films de sports extrêmes. Ils sont filmés par les habitants eux-mêmes.

Ce que je veux souligner, car cela me paraît très important et positif, c'est que les actions menées par nos adhérents demandent fort peu de financements, y compris de financements publics. Nous travaillons beaucoup sur le on line et le off line avec une grosse viralité sur internet, qui a donné lieu, le 15 octobre, au rassemblement de plus de 7 000 personnes sur une plage à La Réunion, tous publics confondus. Il y avait énormément de touristes - et de nouveaux touristes ! Ce genre d'action crée toute une ribambelle de petites offres commerciales chez l'habitant, ce qui, bien sûr, contribue à l'attractivité du territoire.

C'est ainsi qu'on a vu débarquer à La Réunion des Norvégiens qui n'avaient jamais entendu parler de cette île où ils sont venus parce qu'ils sont sensibles au tourisme affinitaire. Là, en l'occurrence, ce qui les a attirés, c'est le tourisme sportif. Une grande communauté de base jump s'est déplacée à La Réunion. Nous leur avons apporté du matériel. Nous sommes passés des 3D robotiques aux Hexo+, ces drones traqueurs capables de vous suivre dans vos exploits sportifs à distance. Ils produisent des images exceptionnelles. Cette viralité, qui est portée par les pratiquants eux-mêmes, est, bien sûr, ensuite reprise par tout le monde.

Je voudrais mentionner une deuxième expérimentation assez sympa qui n'a rien à voir, mais qui s'inscrit dans le prolongement des propos du président Philibert sur le tourisme « de sens et culturel ». L'un de nos adhérents propose à Paris une expérience originale, qui s'appelle la NHA, Natural Hair Academy . Elle réunit des jeunes femmes sur le thème du cheveu naturel, ce qui, a priori , ne semble avoir sur le tourisme qu'un impact moyen ! Eh bien, pas si moyen que cela, en fait ! Après avoir été 180 au départ, elles étaient, cette année, 4 000 à la Porte de Vincennes. Au bout du compte, ces jeunes femmes, des blogueuses, sont suivies par des millions de personnes aux États-Unis, lesquelles prennent leur téléphone, se filment depuis là-bas et débarquent à Paris pour aller à la NHA et se faire, au passage, filmer sous la Tour Eiffel !

La NHA va débarquer en Guadeloupe en fin d'année ou l'année prochaine. On s'est aperçu que cet événement avait une forte répercussion sur le tourisme communautaire et affinitaire, ce qui me paraît contenir des clés intéressantes en matière de marketing.

Dans le cadre du programme d'accélération dont je vous parlais, nous avons réussi à faire référencer chez le groupe Accor une petite start-up qui s'appelle Ambiancity . Le pitch est très simple. Un couple, en voyage de noces, rentre dans sa chambre d'hôtel. L'un et l'autre sont contents. Ils ressortent pour aller dîner. Monsieur fait une surprise à madame. Quand ils reviennent, la chambre est complètement redécorée au goût de monsieur ou de madame.

Comme nous avions eu beaucoup de mal à vendre ce produit aux Antilles, nous avons eu l'idée d'aller voir nos compatriotes qui représentent le réseau en Malaisie où il a fait un véritable carton ! Nous sommes donc très heureux aujourd'hui de voir Ambiancity faire beaucoup de bruit aux Antilles.

Il en va de même pour un projet tech un peu innovant et disruptif sur les bateaux. Il s'appelle Platypus Craft . C'est une coque de noix en apparence anodine, mais qui se disloque un petit peu et qui permet de faire de la plongée tout en restant sur un bateau. Nous avons adapté la plongée sous-marine aux personnes handicapées, obèses, à celles qui avaient la phobie de la plongée ou qui ne la connaissaient pas. L'idée a fait beaucoup de bruit cet été puisque la presse nationale s'en est emparée. Nous avons fait beaucoup d'essais, notamment à Saint-Tropez. Et aujourd'hui, comme pour l'exemple précédent, c'est en Asie, continent qui compte énormément d'îles, que ce produit se développe et se vend très bien. On rejoint l'aspect networking puisque grâce à Business France, notamment, nous animons des sessions networking entre entrepreneurs et des gens un peu VIP qui font du cabotage - l'un de nos adhérents est distributeur d'Eurocopter. À cette clientèle VIP qui a des moyens, des moyens énormes, nous proposons une offre de produits complètement innovants.

J'insiste sur la notion networking de réseau. Nous travaillons avec quelques compagnies aériennes. Je salue à ce propos la présence de Monsieur Dominique Dufour, Secrétaire général d'Air Austral, car cette compagnie, qui s'est beaucoup impliquée sur Innovation outre-mer, a compris qu'au-delà des entrepreneurs elle transporte des idées, de l'innovation. Ses dirigeants ont beaucoup insisté pour être à nos côtés sur la première édition. Cette présence est très importante. Au mois d'octobre, je vais amener en outre-mer une délégation de personnes qui, par leurs informations ou animations, sont en contact avec la moitié du CAC 40 et qui ne connaissent absolument pas l'outre-mer. Et je passe mon temps à tenter de les convaincre de venir voir ce qui s'y passe, car il y a de l'innovation et qu'il est très important d'aller sur place pour s'en rendre compte !

Serge MESGUICH, Directeur du pôle tourisme et loisirs de BpiFrance Investissement et du fonds France Investissement Tourisme

J'ai entendu des propos captivants tenus cet après-midi par les représentants de trois start-up qui ont des projets tout à fait intéressants et un financeur de business angel . Ils illustrent ce sujet passionnant qu'est l'innovation. Pour Bpifrance, l'innovation et le tourisme sont deux axes importants, qui ont toujours été au coeur de notre sensibilité.

France Développement Tourisme a été créée sous l'égide de Laurent Fabius. Le fameux milliard est composé de 900 millions d'euros qui sont gérés par la Caisse des Dépôts et de 100 millions d'euros affectés à un fonds que j'anime, France Investissement Tourisme . Il s'agit d'un fonds de capital-investissement dont la vocation est de financer toutes les entreprises du tourisme, quel que soit leur âge. Ce que nous appelons chez nous « jeunes » entreprises concerne souvent « le deuxième tour d'investissements », la phase qui succède, dans la chaîne de financement d'une start-up , à la première étape, laquelle voit souvent l'entrepreneur mettre dans l'affaire son argent et son temps.

Je veux aussi citer toutes ces plateformes formidables de Business angel , de Love money, de crowdfunding. Nous allons intervenir pour aider à l'amorçage de cette deuxième étape, qui est toujours plus compliquée. En effet, l'entreprise, après avoir défini son produit, son modèle, doit l'industrialiser, le commercialiser, le distribuer.

Il est apparu que si l'innovation dans le tourisme pouvait en effet provenir de ces jeunes entreprises, elle concernait aussi tout le monde. Pour être au coeur du sujet qu'est le tourisme, vous savez que de profondes mutations affectent les usages. On a beaucoup parlé du digital, mais ce n'est pas le seul exemple. Ainsi, dans la restauration, les habitudes de consommation ont beaucoup évolué. Et pour s'adapter à ces nouveaux usages, il est nécessaire d'investir dans l'immatériel, dans les actifs, dans la conception même des hôtels, des restaurants, des équipements de loisirs.

Toute une chaîne doit donc se remettre en cause et notre rôle - modeste, dirais-je - c'est d'y contribuer soit directement, soit en donnant envie aux entrepreneurs d'intervenir. Pour ce faire, nous associons souvent dans nos tours de table d'autres personnes physiques, d'autres fonds d'investissement, d'autres bonnes volontés. Et le côté un peu glamour de ce secteur permet d'en trouver ! Sans oublier que la partie immobilière peut rassurer une certaine tranche d'investisseurs !

À ce jour, le fonds France Investissement Tourisme est un peu en avance sur sa marche puisque nous avons réalisé une quinzaine d'opérations. Nous gérons environ une soixantaine de participations. Cela s'insère dans tous les dispositifs que peut proposer Bpifrance, qu'il s'agisse des prêts destinés à encourager l'innovation ou des prêts qui accompagnent, à travers un certain nombre de programmes, l'entrepreneur dans toutes ses étapes.

Nous construisons également un partenariat avec la Caisse des Dépôts, qui finance plutôt tout ce qui a un caractère foncier et ressort donc des infrastructures. Pour notre part, nous intervenons à côté de l'exploitant.

Ce qu'il faut retenir de notre action, ce sont toutes ces transformations qui affectent le tourisme, la nécessité d'être présent pour pouvoir financer les innovations directement, certes, mais aussi avec tout l'écosystème qui entoure ce secteur.

Je vais brièvement citer quelques exemples de nos récentes interventions. Nous avons financé Paris Off Seine, un hôtel flottant sur la Seine qui a ouvert au mois de juillet, nous avons financé des auberges de jeunesse. Nous sommes actionnaires d'un site d'excursions, de loisirs en ligne. Nous avons financé des apparts hôtels - une autre forme d'hôtellerie qui répond à des besoins nouveaux -, une conciergerie et, plus récemment, un bus restaurant gastronomique qui fait un parcours de gastronomie à travers Paris.

Bien sûr, notre action peut se déployer dans toutes les régions, celles qui font rêver, bien sûr, comme les vôtres. C'est une forme de récréation pour moi de voir toutes ces images, mais il faut travailler et on avance !

Isabelle RICHARD, Adjointe à la sous-directrice du tourisme, Direction générale des entreprises, Ministère de l'économie et des finances

Mesdames, Messieurs,

Monsieur le président de la Délégation,

Vous le savez, c'est avec grand plaisir que la Direction générale des entreprises a accepté ce partenariat pour contribuer à l'organisation de ce colloque. En effet, nous avons constaté que nous partagions exactement la même vue sur l'intérêt de l'innovation. Comme vous l'avez rappelé, aujourd'hui, l'innovation est non un luxe, un superflu, mais bien une impérieuse nécessité pour faire de notre pays une destination compétitive dans un monde de plus en plus concurrentiel où la destination « France » ne peut pas uniquement se reposer sur ses acquis et sur un patrimoine exceptionnel.

Il s'agit également du constat formulé à l'occasion de plusieurs rendez-vous qu'a initiés le Gouvernement : les Assises nationales du tourisme en 2014, les travaux lancés sous l'égide de Monsieur Laurent Fabius avec le Conseil de promotion du tourisme, le CPT.

Cette analyse a amené le Gouvernement à proposer plusieurs mesures pour épauler le développement de l'innovation dans le tourisme. Monsieur Serge Mesguich, de Bpifrance, a évoqué une mesure phare, selon nous, qui est la mise en place d'un fonds de 1 milliard d'euros, avec cette enveloppe BPI de 100 millions d'euros.

Il y a beaucoup d'autres mesures mises en place par le Gouvernement au service de l'innovation parce que celle-ci doit être présente à chaque étape de la chaîne touristique : en matière accueil et plus généralement pour tous les produits proposés aux touristes. Par exemple, l'Agence nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV, travaille aujourd'hui sur un projet de dématérialisation du chèque-vacances. Notre direction générale a également placé l'innovation touristique au coeur de sa stratégie, laquelle décline une panoplie d'actions cohérentes au service des professionnels, comme des institutionnels. Des actions, à la fois nombreuses mais aussi très modestes - modestes à l'image de notre enveloppe financière avec laquelle nous essayons de déclencher le maximum d'effets levier. Notre sous-directrice, Madame Emma Delfau, y veille constamment.

Nous nous employons ainsi à mettre en place des stratégies coordonnées entre les acteurs. Cette co-construction que nous nous efforçons de stimuler a largement été évoquée aujourd'hui. Je pense que beaucoup de progrès ont été réalisés pour les outre-mer également. Ainsi, nous avons vu que la Martinique a des projets communs avec la Guyane et que d'autres acteurs commencent à travailler ensemble sur ces enjeux partagés, qui relèvent de notre vision.

Les actions conduites par la Direction générale des entreprises sont, tout d'abord, des actions destinées à favoriser la visibilité des acteurs innovants. Certains participants étaient présents à l'événement « Entreprendre et innover dans le tourisme », que nous avions organisé le 7 juin dernier et qui donnait de la visibilité aux acteurs. Grâce à un partenariat avec le ministère des outre-mer, nous avons également pu accueillir des entreprises des outre-mer. Le colloque qui nous réunit aujourd'hui fait suite à ce premier événement, tant il nous semble important de pouvoir renouveler l'image que l'on a à l'extérieur de l'offre touristique des outre-mer.

L'autre volet de nos actions porte sur l'amélioration de la connaissance. La DGE a signé un partenariat avec le Welcome City Lab qui est l'incubateur de la Ville de Paris dédié au tourisme. Dans ce cadre, nous avons financé une revue des meilleures pratiques de la veille touristique internationale et nationale qui est en ligne sur le site du Welcome City Lab ; ce document prospectif peut vous intéresser. J'ai le plaisir de vous informer que la DGE va très prochainement nouer un partenariat avec Madly Schenin-King sur une veille dédiée au tourisme outre-mer, dans les DOM, qui sera également mise en ligne.

Par ailleurs, vous avez pu voir aujourd'hui l'étude présentée par le cabinet MKG, qui participe également de la connaissance de l'innovation touristique et comporte un volet « préconisations ». Un volet que la Direction générale des entreprises a pour ambition de piloter pour que ces travaux ne restent pas dans un tiroir, loin de là !

Parmi ces mesures - je vais aller vite parce que le temps passe ! -, il y a le partage de données. Nous travaillons sur un projet qui s'appelle Data tourisme . Porté par nous-mêmes et par l'association Tourisme et Territoires, il a pour ambition de mettre en open data les données touristiques issues des comités régionaux du tourisme, des offices de tourisme, des comités départementaux. Bien sûr, les outre-mer seront associés à ce projet !

Il convient aussi - cela a été dit par le cabinet MKG - d'adapter tous les appels à projets aux caractéristiques de l'innovation dans le tourisme, mais aussi outre-mer. Je rappelle à cet égard l'appel à projets qui est en cours. Lancé par Madame Martine Pinville, il porte sur les contrats de structuration de pôles touristiques territoriaux (SPOTT) - c'est un nom un petit long, mais vous retiendrez « SPOTT » - et expire fin octobre. Il est tout à fait adapté aux caractéristiques des outre-mer et il permet d'avoir douze jours d'ingénierie Atout France pour les lauréats sélectionnés.

Au-delà de ces projets en cours, je me permettrai de citer un projet à venir issu du rapport MKG et qui a été cité par la ministre des outre-mer en clôture de la conférence de lundi. Il s'agit du lancement d'un travail commun avec le ministère des outre-mer pour favoriser l'émergence d'incubateurs dans le tourisme et, plus généralement, pour promouvoir un meilleur accompagnement de l'innovation touristique dans vos territoires. Avec les acteurs de terrain, l'enjeu est de partager et de fédérer les initiatives, puis de faire en sorte que les outre-mer soient associés de manière cohérente à une autre initiative que nous portons à l'échelon national. Cette initiative nationale est la mise en réseau de l'ensemble des incubateurs et accélérateurs volontaires - et il y en a de plus en plus - spécialisés dans le secteur du tourisme. Tout cela se fera, bien sûr, en lien avec la French Tech .

Je terminerai mon propos sur l'une des recommandations, sans doute l'une des plus importantes du rapport MKG, qui est de favoriser l'investissement privé pour soutenir l'innovation. Cela a été évoqué aujourd'hui, plusieurs acteurs commencent à financer les acteurs innovants, notamment les start-up outre-mer. Nous avons un rêve, we have a dream ! Notre rêve, c'est que le groupe Accor ne soit plus le seul à s'intéresser au financement des start-up outre-mer. Comme nous nous situons dans un rapport gagnant-gagnant, je pense que les grands acteurs du tourisme aujourd'hui, les grandes entreprises du tourisme outre-mer ont intérêt à se pencher sur ces start-up , pour nouer des partenariats, les financer et financer aussi l'écosystème de l'innovation touristique dans les outre-mer, dont le développement est un gage de succès pour l'avenir de vos destinations.

SECONDE SÉQUENCE - L'INNOVATION POUR ÉLARGIR ET RÉNOVER L'OFFRE TOURISTIQUE ULTRAMARINE
Marie-Laure DESMET, Sous-directeur Territoires et destinations touristiques, Direction de l'ingénierie et du développement des territoires, Atout France

Atout France, ce n'est pas une petite start-up , c'est l'Agence de développement touristique de la France ! Je pense que la plupart d'entre vous connaissent les actions d'Atout France et ses missions.

En deux mots, parce que cela me permettra de rebondir sur nos actions avec les outre-mer, la première mission d'Atout France est de faire la promotion de la France et de la collection de destinations « France » à l'international - évidemment, les outre-mer en font partie -, ainsi que les destinations et les filières, notamment toutes les marques qui sont portées par la politique nationale des contrats de destination, ainsi que les filières d'excellence qui ont été identifiées par l'État dans le cadre de sa politique générale.

Nous sommes aujourd'hui présents dans soixante-dix pays, directement dans une trentaine de pays et dans les autres via le réseau des ambassades de France.

Notre deuxième mission consiste à contribuer à la qualité et à l'attractivité des offres touristiques françaises, ce que nous faisons en mettant au service de nos partenaires à la fois des expertises en ingénierie et notre connaissance des marchés.

Atout France est un groupement d'intérêt économique qui compte 1 200 membres, des partenaires publics et privés, lesquels représentent l'ensemble de l'écosystème français, ce qui nous permet finalement d'être toujours challengés. Tout à l'heure, il a été dit qu'il faut être dans un réseau et faire de la fertilisation croisée. Eh bien, la fertilisation croisée, nous la pratiquons tous les jours parce que nous sommes mis au défi, challengés à la fois par nos membres et les marchés !

Nous avons aussi un rôle d'appui aux projets puisque nous accompagnons au quotidien un certain nombre de nos membres, territoires et porteurs de projets.

Il en va de même sur les outre-mer. Notre mission de promotion se fait principalement via notre cluster, lequel rassemble l'ensemble des destinations d'outre-mer et vise à mutualiser un certain nombre de moyens et d'actions prioritairement sur les marchés européens aujourd'hui, mais avec la volonté de l'étendre à d'autres marchés dans le monde.

Nous conduisons également des missions d'ingénierie et d'appui conseil. Aux Antilles-Guyane, nous avons une délégation de deux personnes au plus proche des acteurs. Et nous intervenons évidemment aussi à partir de Paris. Depuis la création d'Atout France en 2009, nous avons effectué plus de 80 missions d'étude ou d'accompagnement de projets en outre-mer, le tout sur une dizaine de territoires. C'est dire notre très grande sensibilité au sujet de l'outre-mer français.

Nous avons évidemment un partenariat privilégié avec le ministère des outre-mer, qui assure la présidence de notre cluster et qui finance un certain nombre de nos actions.

Nous avons aussi été très mobilisés dans la mise en oeuvre du Conseil de promotion du tourisme (CPT) outre-mer. Nous sommes activement intervenus dans l'organisation de la journée de lundi qui a vu le déroulement des premières rencontres nationales du tourisme en outre-mer.

Alors quelle place doit occuper l'innovation ? Elle est une évidence et une obligation parce que les économies ultramarines, comme toutes les autres destinations touristiques, doivent faire face à une concurrence exacerbée. Nous avons la chance de vivre dans une économie en croissance : les flux touristiques internationaux ont progressé de plus de 4 % dans le monde l'année dernière. Le tourisme suscite évidemment beaucoup d'enthousiasme, mais il fait aussi naître beaucoup de concurrence. Et l'offre, aujourd'hui, croît aussi vite que la demande, sinon plus.

Le tourisme, il ne faut pas l'oublier, c'est une économie de l'offre, ce qui signifie que ce sont bien l'innovation et l'investissement qui vont susciter le marché. Les choses n'ont pas forcément été évoquées ainsi tout à l'heure, mais je pense qu'il faut le rappeler.

L'innovation ne se limite pas non plus aux produits. Dans les outre-mer français, pour lesquels ont été évoqués des « handicaps structurels », l'innovation peut aussi aider à lever un certain nombre de ces handicaps, notamment via des mutualisations. Le fait de mutualiser, d'innover dans le management , dans la gestion, dans les achats peut aussi générer des effets extrêmement vertueux dans l'économie touristique des outre-mer. Certaines études que nous avons conduites récemment l'ont mis en évidence.

Enfin, il a été question de « tourisme de sens ». C'est bien évidemment un champ immense d'innovation pour être différent, porter l'ADN de chacun de vos territoires et le transformer en produit, en service...

Je voudrais donner une petite illustration sur le thème du « pourquoi on innove et pourquoi on est obligé de bouger ». Cette illustration se fera via le secteur de l'hôtellerie, mais la démonstration peut être faite dans tous les autres secteurs touristiques.

Ce que vous avez à l'écran, c'est le modèle de Porter qui explique les différentes forces pesant sur un secteur économique. La concurrence s'exerce évidemment de manière souvent assez soutenue, à l'échelle du secteur lui-même, mais il existe aussi une première menace qui est celle de nouveaux entrants. À titre d'exemple dans le domaine de l'hôtellerie, le groupe chinois Jin Jiang, qui a fait son entrée dans le top 10 mondial en 2015. En 2016, il occupe le cinquième rang dans le monde. Personne n'en avait entendu parler en Europe il y a trois ans, parce son activité était essentiellement basée en Chine. Une deuxième force, a fait énormément bouger le secteur depuis dix ans, c'est le pouvoir des fournisseurs, notamment Booking et Google - je ne vais pas vous faire un dessin, vous connaissez par coeur cette histoire-là -, qui ont profondément bouleversé les modèles économiques de l'hôtellerie.

Troisième force, troisième menace ce sont les produits de substitution. Pour l'hôtellerie, les produits de substitution sont en particulier ceux issus de la location entre particuliers, Airbnb notamment. Nous avons réalisé une étude l'année dernière sur trois DOM. Cette étude a mis en évidence le poids de ces logements proposés sur le marché à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. Évidemment, ces lits ne sont pas occupés 365 jours par an, mais ils représentent en volume trois fois les lits hôteliers et à peu près la moitié de ceux des résidences secondaires, avec des variations selon les territoires. Dernière force, dernier pouvoir important, c'est le pouvoir des clients, qui a complètement révolutionné les économies, notamment l'hôtellerie. En mettant leurs avis en ligne, les clients sont devenus des médias et ils sont devenus des censeurs.

Le résultat de tout cela, c'est que le monde de l'hôtellerie est sans doute celui qui a le plus bougé en dix ans. Et l'on a vu apparaître énormément de nouveaux hôtels, de nouveaux concepts, des produits hybrides, des boutiques hôtels et beaucoup d'innovations.

Je vais finir en disant qu'on bouge et on innove parce qu'on est obligé de le faire, mais qu'on peut aussi innover en anticipant les besoins, et de cela, on n'a pas forcément beaucoup parlé aujourd'hui.

Je prendrai deux exemples. Le premier, c'est la séniorisation de la clientèle, du moins en Europe. Les problématiques sont très différentes en Afrique ou en Asie. En tout cas, dans nos outre-mer, où la clientèle européenne et française est importante, les seniors constituent une cible de choix. Ce sont eux qui ont fait décoller les marchés de la randonnée et de la croisière, que vous connaissez bien. Aujourd'hui, ils font décoller le vélo électrique et le camping-car. Ce sont autant d'opportunités pour nos territoires !

Après les seniors dont on a beaucoup parlé, j'en viens à ceux dont on parle peut-être un peu moins, les Millennials c'est-à-dire la génération Y, celle qui est née avec internet ou encore qui a développé le marché de la colocation dans les grandes villes. Cette génération des moins de 30 ans, qui va largement arriver sur le marché, a donc une culture et des besoins très spécifiques mais offre aussi de multiples opportunités d'innovation. C'est en priorité à eux que s'adressent les auberges de jeunesse nouvelle génération ou les nouveaux types d'hôtels comme Mama Shelter . C'est aussi à eux que s'adresse toute l'économie collaborative dont ils sont les premiers clients...

Philippe CHEVALLIER, Directeur de la marina de Bas du Fort

Notre projet s'inscrit dans un constat : je pense que l'économie bleue offre pour nos outre-mer un avenir certain. En effet, on n'y a pas encore fait grand-chose et on ne s'en est pas vraiment beaucoup occupé ; je vous ai donné la bonne et la mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, évidemment, c'est qu'on aurait pu le faire avant ! La bonne nouvelle, c'est qu'il nous reste beaucoup à faire !

La chance que j'ai eue, c'est d'avoir un fils qui a dit vouloir travailler avec moi, ce qui est évidemment une autre très bonne nouvelle pour moi ! Nous avons essayé de concevoir un projet, un produit qui puisse avoir de l'avenir, notamment pour lui, sous deux formes : une forme en exploitation et une forme en production.

Le projet que je vais vous montrer est aujourd'hui réalisé en six exemplaires que nous exploitons depuis un an en Guadeloupe. Comme toute entreprise qui veut ensuite évoluer, chercher à lever des fonds et trouver des actionnaires, il a fallu d'abord démontrer que notre business model est rentable. Dans un projet innovant, il faut malheureusement prendre le risque soi-même - on ne peut pas le faire prendre aux autres ! On doit avancer pas à pas. Un jeune de 20 ans ne pouvait pas le faire. C'est beaucoup plus commode pour un jeune de 20 ans accompagné de son père de 60 ans, notamment chez les banquiers ! Vous avez compris ce que je veux dire...

Pour élaborer cet outil, nous sommes partis du constat que, aujourd'hui, énormément de gens aimeraient aller sur la mer, mais que très peu savent naviguer. Ils sont de moins en moins nombreux à savoir faire du bateau, même si nous avons ce soir comme capitaine un vrai skipper ! J'en profite pour remercier Michel Magras d'avoir organisé ce colloque. Nous sommes des passionnés, nous sommes des marins, mais tout marin doit aussi regarder la terre et les gens qui vivent à terre.

Ce que nous avons voulu faire, c'est offrir un produit de marin à des terriens, des terriens qui n'ont aucune idée de ce qui se passe sur l'eau. Il a donc fallu construire un produit qui soit facile d'accès sans nous heurter aux barrières de la réglementation - merci à l'administration ! - et permettre à des clients qui n'ont vraiment aucune expérience de monter dessus en toute confiance.

Le slide que je vais vous présenter est destiné à une présentation client. Vous m'excuserez de vous prendre pour des clients, mais après tout, peut-être trouverez-vous à la sortie des bons de commande prêts à signer...

L' Aqua Lodge est un habitat flottant maritime. C'est donc une création exclusive. Des habitats flottants, il en existe dans le monde entier. Ils ont tous une constante, ils sont sur les lacs, ils sont sur des rivières et, la plupart du temps, ils sont raccordés à terre. Nous, nous sommes sur la mer, c'est en ce sens que cet habitat est une création. En général, les bateaux ont leur habitat aménagé dans les coques et leurs coques sont sous le niveau de la mer. Leurs espaces d'habitation sont limités parce qu'il est difficile de vivre confortablement et de naviguer sur la mer. Nous nous sommes affranchis de la partie navigation puisque nous exploitons nos habitats dans des mers calmes, comme par exemple des lagons, en outre-mer, évidemment, vous l'avez compris.

Ce que nous proposons, c'est en fait un habitat maritime autonome. Cela veut dire que nous l'installons quelque part et y produisons notre énergie. Nous sommes entièrement écologiques, nous n'avons aucun rejet, nous retraitons nos déchets ; vous verrez tout à l'heure pourquoi.

Cet habitat écologique était pour moi la seule façon de pouvoir faire découvrir la mer à des terriens sans lui faire plus de mal que nous, marins, lui avons déjà fait.

Nous avons tous rêvé d'être, un jour, Robinson Crusoé. Eh bien, ce rêve, aujourd'hui, nous l'avons mis à la portée de nos clients ! En effet, l'exploitation de ce type de bateau a été depuis un an un succès, en tout cas autour de la Guadeloupe. Nos six exemplaires sont basés à Saint-François, en Guadeloupe, et dans l'archipel des Saintes. Au départ, ce bateau a été construit par deux bureaux d'ingénierie, l'un maritime pour la partie flottante, l'autre terrestre pour l'habitat. La structure aluminium a été réalisée par un chantier en métropole, car nous n'avons malheureusement pas en Guadeloupe d'industrie capable de construire cette structure. Si le squelette a été élaboré en métropole, tout le reste de l' Aqua Lodge a été fait par nos soins en Guadeloupe sur le deuxième chantier - car nous avons dû monter un chantier naval.

Le bateau, long de douze mètres et large de six mètres, offre une plateforme de 72 m², plus une terrasse de 15 m². C'est dire que nous offrons à nos clients un véritable appartement. Ce produit, qui ne relève pas de la grande distribution, est assez typé en termes de gamme. Il ne s'agissait pas de galvauder notre produit. Ce que nous voulions, c'était proposer quelque chose destiné à une clientèle en mesure de l'apprécier, car elle est à la recherche d'un produit qualitatif. Il faut valoriser ce qu'on est en train de faire. Il faut aussi valoriser les idées.

Évidemment, c'est un produit fun . C'est un peu l'auberge espagnole ! On y trouvera ce qu'on y amène. Un terrien ne va peut-être pas vivre comme un marin. La douche, ce n'est pas la même pour un marin et pour un terrien. Je vous passe les détails !

Nous voulions proposer un produit facile d'utilisation. Il ressort de l'expérience depuis un an qu'aucun de nos clients initiaux ne s'est plaint de souffrir du moindre mal de mer. Cela, il fallait le vérifier et le valider avant de commercialiser notre produit à l'international. Nous avions besoin de savoir si des gens sensibles au mal de mer pouvaient avoir un problème dès lors qu'ils restaient sur l' Aqua Lodge pendant plusieurs jours. C'est parce que nous étions conscients de cet aspect que nous leur avons donné un habitat qui ressemble plus à une villa qu'à un bateau et qui est loué sur un corps-mort. Nos clients sont sur une plateforme évidemment classée aux normes navales européennes, mais dont la structure est très habitable. Elle est conçue dans l'esprit d'une maison.

Vous le voyez, la terrasse est très simplement aménagée pour permettre de profiter d'un clair de lune sous nos ciels étoilés - je fais rêver ceux qui ne sont pas là-bas ! -, vous le voyez sur la photo, il est assez spectaculaire !

La partie technique a été complètement conçue et dessinée par nous. Nous fonctionnons uniquement avec l'énergie solaire puisque nous avons, évidemment, dans les outre-mer, cette chance de pouvoir bénéficier du soleil ! Nous avons des dessalinisateurs pour produire de l'eau douce, des WC à compost, ce qui évite les rejets d'eau noire. Nous retraitons les eaux grises à bord de l' Aqua Lodge . Tout est entièrement écologique. Le respect de la nature et de la mer fait partie de notre univers. Nous avons absolument besoin d'être propres si nous voulons pouvoir nous présenter devant des collectivités, par exemple, pour implanter l' Aqua Lodge sur des lagons ou sur des sites.

L' Aqua Lodge se déplace, non sur l'intervention du client qui va l'habiter puisqu'il n'est pas habilité à le faire, mais sur notre intervention. Nous sommes capables de le tracter, de l'amener sur des sites particuliers ou de l'en éloigner. En tout cas, nous avons amené nos Aqua Lodge à une trentaine de kilomètres de la Guadeloupe, le conduisant sur l'archipel des Saintes.

Pourquoi profiter de la mer ? Parce que, aujourd'hui, la demande est très importante. Nous avons des expériences de location de bateaux puisque nous avons aussi une entreprise de location de bateaux. Dans ce domaine, on s'aperçoit que de moins en moins de gens savent naviguer, je vous l'ai dit. Ceux qui rentrent de croisière disent avoir été émerveillés et avoir fait une croisière superbe. Pourtant, on comprend qu'ils n'auraient pas été fâchés si le temps de navigation avait été plus court !

Nos clients ne sont pas des marins, nous avons une population de touristes nautiques, ce qui constitue un gros changement. Notre clientèle, à travers les réseaux sociaux et la recherche, est effectivement plus féminine que masculine, ce qui montre bien que l'aspect « passer du temps sur la mer au mouillage » est peut-être plus adapté à une clientèle familiale et féminine.

Cela me permet de vous montrer l' Aqua Lodge qui est implanté aux Saintes, dans la baie du Pain de sucre, un site absolument magnifique ! Vous vous imaginez passant deux ou trois jours sur un Aqua Lodge dans ces conditions, à l'abri de toute pollution et en bénéficiant d'une énergie qui a été produite pendant votre séjour à bord puisque nous sommes en énergie renouvelable.

J'en terminerai en vous disant que nous avons signé très récemment un accord de licence avec le groupe français Grand Large Yachting, qui va nous aider à produire l' Aqua Lodge. Après un an d'expérience et de retour sur expérience, nous avons décidé de le commercialiser sur l'ensemble des territoires capables de l'accepter ; je pense évidemment à la ceinture équatoriale, avec plus ou moins mille kilomètres au Nord et au Sud.

Source : Aqua Lodge

Yanis FERRERE, Gérant de Kaz Insolite

Je vous remercie de m'accueillir parmi vous et de me donner l'occasion de vous présenter les principaux retours d'expérience de ces quatre années de projet. Je pense que les images parleront mieux que la description que je pourrais vous faire.

Notre but était de permettre, tout en bénéficiant du confort d'une chambre d'hôtel, de dormir à la belle étoile et de pouvoir profiter de la voie lactée des Makes, de La Réunion, qui offre l'un des plus beaux ciels de l'île.

Je vous confirme la nécessité de la ténacité évoquée en début d'après-midi et suis heureux de pouvoir témoigner des difficultés qu'on peut rencontrer quand on est un petit porteur de projet.

Mon expérience concerne surtout les porteurs de projets réunionnais locaux, qui veulent étoffer l'offre d'hébergement insolite et innovante, avec une demande forte de la clientèle.

Nous sommes le premier hébergement à la belle étoile et en pleine nature à La Réunion. Notre réussite commerciale a été quasi immédiate puisque nous avons atteint, conformément aux pronostics de nos partenaires institutionnels qui nous ont suivis pendant quatre ans, un taux de remplissage de 100 % en quatre mois. Nous avons bénéficié d'un accompagnement de la commune, de l'Île de La Réunion Tourisme (l'IRT) et de la région durant ces quatre années. Malgré ces points positifs, je voudrais quand même faire quatre constats à l'intention du porteur de projet qui voudrait se lancer dans une telle aventure.

Le premier constat est que, sur le territoire réunionnais, à la différence de ce qui se passe en métropole, l'innovation dans le tourisme sur des petits projets est encore synonyme de risques rédhibitoires pour les acteurs financiers, les banques et les assureurs, car les projets innovants ne rentrent dans aucune case pour eux, en particulier à La Réunion. Nous ne sommes pas vraiment hôtel, camping ou restaurant. Ainsi, nous n'aurions pas trouvé d'assureur sans l'intervention complètement hors cadre de l'un de nos partenaires institutionnels, qui a dû frapper du poing sur la table. Au final, après deux années de refus et après étude de notre projet, nous avons eu en une semaine une proposition nous reconnaissant le statut de simple établissement hôtelier.

Deuxième constat, durant quatre ans, nous aurions eu dix occasions de laisser tomber devant les blocages administratifs auxquels nous avons eu à faire face et devant les contraintes réglementaires.

Ainsi, au moment de passer en commission d'enquête publique lors de la procédure de révision du PLU, le commissaire enquêteur s'est trompé dans la localisation de notre parcelle, ce qui nous a valu une réponse négative sans quasiment aucune possibilité de recours. Il nous a fallu revenir à la charge en étant vraiment sûrs de notre droit pour que le projet ne tombe pas à l'eau !

Autre exemple des embûches rencontrées, la présence de fonds européens dans le plan de financement, qui me paraissait au départ être un avantage. Or, au final, quand elle est confrontée à un petit porteur de projet doté de fonds européens, la banque a très peur, car cela complexifie le montage financier. Au bout du compte, les fonds européens deviennent un handicap dans ce type de projets.

J'évoquerai, au titre du troisième constat, un fait très simple : un tel projet, de par les contraintes, s'étale au-delà des deux ans. Or, jusqu'à ce que le projet aboutisse, un porteur de projet doit continuer à vivre. Nous avons dû, mon associé et moi-même, reprendre un travail complémentaire pendant les deux années suivantes. Nous ne sommes pas passés loin d'un burn out parce qu'il fallait mener tout de front !

Ces difficultés quotidiennes expliquent qu'il n'y ait malheureusement pas beaucoup de projets qui sortent actuellement à La Réunion.

Le dernier constat est lui aussi évident. Un tel projet se situe sur un terrain du département qui est une concession de l'Office national des forêts, à cinquante mètres du coeur du parc national. Cela nous a conduits à devoir gérer une dizaine de partenaires autour d'une table et à essayer de faire avancer tout le monde à la même vitesse, un exercice particulièrement compliqué, qui voit se succéder des cercles vicieux plutôt que vertueux, avec de longues attentes de documents et des délais qui s'allongent au fur et à mesure. Attendre des fonds européens, cela promet beaucoup de stress !

Nous sommes arrivés au bout du parcours et nous sommes tout de même plutôt satisfaits. Je veux toutefois souligner que nous sommes en quelque sorte des survivants dans le paysage local réunionnais des petits porteurs de projets.

Pour conclure, si Kaz Insolite a fonctionné, c'est avant tout grâce à sa complète adéquation avec le territoire des Makes, ce petit cirque qui accueille un observatoire astronomique et où fonctionne une économie locale. Cette implantation donnait au projet un caractère d'évidence que confirme heureusement la réussite en exploitation.

William IHAGE, Directeur général de la Société de développement et d'investissement des îles Loyauté

Je tiens à remercier les organisateurs de ce colloque pour leur invitation.

Je vais vous parler d'un projet d'hôtel 4 étoiles en Nouvelle-Calédonie, qui s'appellera Wadra BayResort .

Comme vous le savez, nous attachons beaucoup d'importance à l'aspect « tradition et culture ».

La Calédonie compte trois provinces, dont les îles Loyauté, parmi lesquelles se trouve l'île de Lifou. C'est au sud de celle-ci que nous avons un projet d'hôtel 4 étoiles avec le groupe Hilton. Notre projet est innovant en ce sens que nous créons une lagune à l'intérieur des terres, lagune autour de laquelle seront implantées un certain nombre d'unités hôtelières.

Porteur d'enjeux et d'un défi pour tous, ce projet est d'abord un engagement pluri-partenarial qui concerne la province des îles Loyauté, laquelle est la collectivité provinciale de la province des îles.

La SODIL est une société d'économie mixte de développement économique de la province des îles Loyauté, associée avec un groupement de droit particulier local (GDPL), dans la SAS Gygadeix qui porte ce projet. Le GDPL est une structure juridique qui n'existe qu'en Nouvelle-Calédonie et qui représente un regroupement de détenteurs de droits fonciers coutumiers.

Comme vous le savez, 100 % de nos terres, notamment sur les îles Loyauté, sont des terres coutumières. Différentes des terres de droit commun, elles sont incessibles, inaliénables et incommutables.

Ce projet traduit d'abord la rencontre d'une volonté politique d'encouragement au développement économique de la part de la collectivité provinciale et d'une volonté coutumière qui repose sur les propriétaires fonciers. L'objectif est de créer une assise durable de développement social.

Il exprime ensuite un pari sur l'avènement d'un projet d'envergure en terres coutumières. Comme vous le savez, en raison de l'implantation des projets sur des terres coutumières, le milieu bancaire n'a pas toutes les garanties habituelles et a besoin de sécuriser ! C'est un autre volet du pari !

Ce projet est enfin un challenge sur la valorisation d'un site touristique. Nous le menons avec une enseigne de renommée internationale, qui est le groupe Hilton , lequel va, pour la première fois, réaliser une construction sur une île en dehors de la Grande-Terre.

Le groupement de droit particulier local, a été créé entre quatre clans qui sont titulaires de droits fonciers. Pour porter ce projet, la province des îles a mandaté la société d'économie mixte de développement économique pour créer avec le GDPL une société par actions simplifiée.

Les finalités stratégiques du projet visent principalement à favoriser l'intégration des acteurs locaux et coutumiers sur le site, à promouvoir un développement durable, à valoriser le patrimoine à travers un projet de développement et à répondre aux défis touristiques, notamment des îles et de la Nouvelle-Calédonie.

Notre principale préoccupation, c'est de permettre à nos populations de rester sur nos îles. Faute d'activités leur offrant la possibilité de continuer d'y résider dans de bonnes conditions, les habitants vont s'en aller. D'où l'intérêt que nous avons à créer des projets garants de leur maintien sur nos territoires.

Bien sûr, le projet que je vous présente ne tombe pas du ciel ! Il répond à un plan de développement touristique élaboré, d'une part, par la province des îles Loyauté et, d'autre part, par la Nouvelle-Calédonie et s'inscrit dans la poursuite du troisième objectif visant à créer un hôtel 4 étoiles à Lifou.

Au service du développement économique et social dans le respect des valeurs humaines et culturelles locales, ce projet a fait le choix d'une implantation et d'une architecture d'inspiration mélanésienne comportant une lagune intérieure et une vie marine. La raison de ce choix, c'est que nous ne voulons pas ressembler aux autres. Pour faire venir le touriste chez nous, il faut créer un événement. Sinon, il continuera d'aller aux Maldives ou à Cuba ! Et l'événement, nous avons décidé de le provoquer autour de la lagune.

Bien sûr, je le répète, le projet, fruit d'un partenariat entre un groupe hôtelier calédonien, le GDLP, la SEM de développement économique et le groupe Hilton , doit être créateur d'emplois et générer des devises.

Nous visons principalement la clientèle des groupes et les jeunes mariés. Destiné notamment aux touristes australiens et néo-zélandais, ce produit a pour cible géographique principale la zone du Pacifique et de l'Asie. Par sa qualité, il peut aussi attirer des touristes locaux et métropolitains.

En 2013 et en 2014, nous avons fait des études d'impact socio-économique et sociologique pour nous assurer que le projet ne dérangera pas la vie des populations. Nous avons vérifié la faisabilité de ce projet sous l'angle de son intégration dans la vie locale.

Josiane KAEMO, Gérante de la société Mejine Wetr

C'est avec respect et humilité que je vais vous présenter notre réflexion sur le thème du tourisme innovant.

La Nouvelle-Calédonie se trouve dans l'océan Pacifique, à 22 000 km de la France, à 2 000 km de l'Australie. Lifou fait partie de la Nouvelle-Calédonie, qui est composée de trois provinces : la province Nord, la province Sud et la province des Îles.

Peuplée de 9 275 habitants, Lifou est divisée en trois districts : dans le Nord, le district du Wetr, où nous nous trouvons et où vivent dix-sept tribus, le district de Gaica, qui compte quatre tribus, et le district de Lössi, avec seize tribus.

Chaque district est sous l'autorité du Grand Chef et chaque tribu est sous l'autorité d'un petit chef.

Le projet est innovant parce que nous avons choisi le tourisme de croisière comme axe de développement.

Le Grand Chef Paul Sihaze a souhaité lancer un projet de développement dans le but de fixer la population sur l'île, de lui donner des revenus et de rassembler ses habitants.

L'île étant dépourvue de ressources minières, il a préféré investir dans le tourisme de croisière plutôt que dans le tourisme hôtelier, car cette solution lui paraissait mieux adaptée au contexte des îles. Pour lui, elle présentait des avantages en termes d'impact social et économique et était intéressante sous l'angle du coût de l'investissement.

Son choix était - est et sera toujours - de promouvoir un tourisme culturel authentique en privilégiant le contact direct avec la population locale.

Si nous nous inscrivons dans le cadre du tourisme innovant, c'est par le mode de gouvernance du projet.

Chaque district est organisé selon des règles coutumières.

D'abord, le Grand Chef, qui est l'autorité suprême ; puis, le conseil de district, qui regroupe les dix-sept petits chefs des dix-sept tribus ; enfin, le comité de développement, qui est chargé par la Grande Chefferie de l'organisation, de la gestion des orientations économiques et sociales du district. Ce comité regroupe plusieurs commissions consacrées, par exemple, à la santé, au domaine social, à l'éducation, à l'agriculture.... La commission culturelle fait intervenir deux associations. Au sein de la commission en charge du tourisme, l'association touristique du Wetr regroupe divers secteurs d'activité et organise en cours d'année la fête événementielle du Miel et du Santal. Dans cette même commission, la SARL Mejine Wetr s'occupe des touchés de croisières.

Pour mener à bien le projet d'aménagement, nous avons créé le GDPL Mejine Wetr, qui regroupe les dix-sept petits chefs. Le GDPL a en charge tout ce qui relève de l'aspect économique, tandis que le conseil de district traite tout le volet coutumier.

C'est une SEM qui sera créée pour encadrer le projet d'aménagement. Elle comptera non des actionnaires privés mais des représentants de la communauté, qui siégeront dans les structures commerciales. La répartition des retombées économiques est ouverte à l'ensemble de la communauté.

Si les premières discussions sur le tourisme de croisière ont débuté en 1978, ce n'est qu'en 1995 que la première escale a eu lieu.

L'accueil des touristes de croisière s'effectue dans la tribu d'Easo, qui se trouve au Nord.

Le tourisme de croisière a aujourd'hui 20 ans d'expérience. Nous sommes passés de 5 bateaux en 1995 à 123 en 2016. Nous accueillons en moyenne 100 bateaux par an et avons un plan prévisionnel jusqu'en 2024.

Le tourisme de croisière représente plus de 1,676 million d'euros de retombée par an pour tout Lifou. Nous sommes la troisième destination préférée des croisiéristes dans le Pacifique et la première source de devises étrangères australiennes en Nouvelle-Calédonie dans ce secteur. Les retombées économiques concernent majoritairement les transporteurs et les différents prestataires de services.

La société qui gère cette organisation redistribue 80 % des revenus à la population et ne conserve que 20 % pour son fonctionnement. Elle emploie 10 salariés et fait travailler 120 prestataires de services.

En 2010, après quinze ans d'activité, le comité de développement a décidé de réaménager le site devenu vétuste. Baptisé « Site Paul Clément Sihaze » en l'honneur de notre défunt Grand Chef, fondateur de ce projet, le nouveau site a été inauguré en mai 2015 par le Premier ministre, Manuel Valls.

Ce projet a pour objectif de moderniser, d'améliorer et de diversifier son offre touristique.

Ce site comprend un lieu d'accueil pour les croisiéristes, un village mélanésien qui permettra d'exposer les savoir-faire traditionnels aux visiteurs en complément des visites organisées dans nos tribus et des locaux de la SARL Mejine Wetr.

Avec un plan prévisionnel de 100 bateaux en moyenne jusqu'en 2024, nous souhaitons améliorer les prestations existantes, proposer de nouvelles activités, diversifier notre activité sur d'autres filières touristiques, augmenter les retombées et le nombre de prestataires de service, qui passeraient au minimum de 120 à 150 prestataires, tandis que les salariés ne seraient plus 10 mais 50.

La croisière en Nouvelle-Calédonie est devenue un secteur touristique important et complémentaire des autres activités touristiques : 400 000 croisiéristes par an contre 100 000 pour les autres secteurs.

La Nouvelle-Calédonie s'est hissée à la place de deuxième port de croisière français, après Marseille, ce qui ouvre un marché supplémentaire pour les transporteurs, les hôtels, les gîtes et les prestataires de services...

En vingt ans d'expérience, l'activité s'est professionnalisée. Elle possède aujourd'hui un fort potentiel de développement grâce à un modèle économique et culturel original et autonome. Elle a permis de renforcer les relations entre les générations en prenant en compte les compétences des jeunes du district.

Je dirai, avant de conclure, que nous avons pour ligne de conduite dans ce projet la citation de notre Grand Chef « Je n'ai pas de ressources minières dans mon île, mais j'ai de la ressource humaine ».

À travers le tourisme de croisière, il a souhaité qu'on partage les valeurs essentielles de la coutume, basées sur le respect, l'humilité et l'unité. Et ce message s'adresse aussi aux générations futures.

Il a souhaité que, grâce à ce projet, la destination Lifou, la Calédonie, devienne l'une des destinations les plus prisées au monde et continue d'être un moteur de notre développement économique, social et culturel.

« Oleti atraqatr », ce qui veut dire « merci » en Drehu-Lifou.

Retombées économiques par secteurs géographiques

Source : Mejine Wetr

Leslie FERRATY, Dirigeante de Beyond the Beach

Je suis originaire de la Martinique où je réside et ai créé mon entreprise nommée Beyond the Beach .

Beyond The Beach est un concept fondé sur ma passion du voyage et mon amour pour mon île. L'idée a germé en partant du constat que l'offre touristique locale manquait d'authenticité et de relationnel entre les voyageurs et les habitants.

Au début du colloque, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, les hologrammes, des robots et autres nouvelles technologies ont beaucoup été évoquées comme sources de développement. Pour ma part, j'ai pris un autre parti, celui de présenter sur ma plateforme en ligne des expériences authentiques partagées avec les habitants, autour de repas pris avec eux. Je propose des excursions et des activités culturelles, artistiques et sportives, entre autres. Toutes se déroulent avec des locaux passionnés par leur sujet et sortent des sentiers battus. Mon concept privilégie donc le contact humain et les échanges avec la population.

La plateforme s'adresse aux voyageurs, mais également aux résidents, désireux de redécouvrir leur île sous un angle nouveau et de pratiquer des activités inédites.

À titre d'exemple, nous proposons une initiation à la voile traditionnelle, nommée la Yole, nous proposons d'apprendre à tresser les feuilles de cocotier avec des artisans, de déguster la cuisine locale en déjeunant chez l'habitant ou en prenant un cours de cuisine. Autre expérience, la rencontre de peintres locaux au sein de leur atelier.

Beyond the Beach est une réponse aux voyageurs d'aujourd'hui et de demain.

Les voyageurs actuels sont à la recherche de davantage d'authenticité, de respect de l'environnement, de développement local et, surtout, d'expériences de voyages. La création de nouvelles expériences à l'intention des touristes est donc l'un des fondements actuels de l'innovation dans le secteur.

Beyond the Beach est la réponse en Martinique à cette nouvelle demande des touristes. J'oeuvre pour leur permettre, au cours de leur séjour, de vivre de véritables expériences, de faire des découvertes et rencontres originales et de repartir avec des souvenirs mémorables.

De plus, toujours pour allier le côté innovant et nouvelles technologies, un système de chat installé sur le site permet aux futurs voyageurs ou aux touristes déjà présents sur l'île, ainsi qu'aux résidents d'entrer en contact rapidement avec mes services afin d'obtenir des informations et de répondre sans délai à leurs demandes, qu'elles concernent nos prestations ou la Martinique de façon générale.

Beyond the Beach est une entreprise innovante sur son territoire.

En effet, mon concept est une innovation géographique et une innovation de service. Elle est apportée par les nouvelles technologies qui modifient les comportements, facilitent et enrichissent de multiples manières les expériences de voyage et les services offerts.

L'innovation est aussi générée par des attentes et préoccupations nouvelles de la part de la clientèle touristique, que ce soit dans son mode de consommation, mais également dans les produits et services recherchés.

Nous parlons aujourd'hui beaucoup d'économie collaborative. Elle pèse actuellement environ 15 milliards de dollars dans le monde. Son taux de croissance annuel moyen est de 36 %. C'est donc un marché à ne pas mettre de côté et à privilégier, me semble-t-il, dans le cadre de l'innovation touristique pratiquée en outre-mer.

Il faut répondre à ces besoins grandissants en faisant de la Martinique une « destination collaborative ».

Nous oeuvrons pour un tourisme alliant le collaboratif, le social et le solidaire.

Mon entreprise, qui est bien plus qu'une simple entreprise commerciale, permet à de nombreux Martiniquais d'avoir des revenus complémentaires. En leur fournissant le volet numérique qui leur fait défaut, elle aide également des entreprises à approcher des clients qu'ils auraient eu du mal à contacter.

Cela a été dit un peu plus tôt, il faut vraiment développer la digitalisation des entreprises en outre-mer, car cette carence est source de difficultés pour les petites structures auxquelles j'apporte une réponse numérique.

Mon concept permet également de sauvegarder la culture locale et son authenticité en mettant en exergue les savoirs martiniquais et les savoir-faire artisanaux et culinaires, considérés comme appartenant au patrimoine vivant de la Martinique.

En montrant un intérêt pour les traditions, on permet la valorisation, la transmission du patrimoine et, a fortiori , sa conservation.

Beyond The Beach permet également de créer du lien intergénérationnel grâce à nos prestataires seniors - et ils sont nombreux ! Ils peuvent ainsi échanger, partager et recevoir des visiteurs de tout âge et de tout milieu. Ils luttent contre leur isolement en ouvrant leur porte à des visiteurs. Le déploiement de l'accès au numérique chez les seniors est, de plus, l'une des missions sociales de mon entreprise qui permet aussi aux chômeurs de retrouver du lien social et d'avoir une activité.

Par ailleurs, l'accent est essentiellement mis sur le développement des zones non touristiques. En effet, la Martinique compte une zone très touristique, située au sud de l'île, mais il faut également mettre en valeur d'autres parties de notre territoire qui méritent elles aussi d'être visitées !

Je développerai prochainement une nouvelle structure qui proposera d'autres activités touristiques, toujours innovantes et inédites, pour répondre à une demande grandissante touristique en Martinique.

En outre, j'ai à coeur de développer l'accessibilité aux activités pour les personnes en situation de handicap. Ainsi, un panel d'offres sera développé pour répondre aux besoins d'évasion et de vacances en tenant compte de leurs contraintes physiques. Afin de répondre au mieux aux attentes de cette clientèle particulière, un travail conjoint sera fait avec des associations pour pouvoir apporter des solutions adaptées aux personnes en situation de handicap.

Enfin, un développement dans d'autres îles de la Caraïbe est également prévu à moyen terme.

Cyrielle MOUSSAY, Directrice du développement et cofondatrice de VillaVEO

VillaVEO est une agence immobilière spécialisée en location saisonnière en Martinique, en Guadeloupe et à Marie-Galante. Issus des milieux de la finance et de l'hôtellerie haut de gamme, nous avons créé cette structure, il y a deux ans, avec deux associés. Nous avons souhaité unir nos compétences pour proposer aux voyageurs des expériences de voyage dans des hébergements de qualité.

Je vais prendre trente secondes pour faire un peu de publicité, au cas où vous n'auriez pas encore réservé vos vacances de la Toussaint !

En choisissant un hébergement VillaVEO, vous avez la garantie d'un hébergement de qualité puisque tous nos hébergements sont sélectionnés sur la base de notre charte de qualité VillaVEO.

Vous avez l'opportunité de discuter avec un explorateur. C'est un expert de terrain qui va vous accompagner sur la destination et vous proposer un hébergement sur la base de son cahier des charges. Vous êtes certains d'obtenir le meilleur prix disponible puisque nous fonctionnons en prix direct propriétaire, ce qui donne l'assurance de ne pas trouver moins cher ailleurs. Nous proposons un système de réservation en ligne rapide, avec un paiement sécurisé.

Le coeur du colloque, c'est l'innovation. Chez VillaVEO, ce n'est pas le produit qui est innovant. En effet, quand nous avons lancé notre activité, la location saisonnière existait déjà en Martinique. Notre aspect innovant, il se situe non pas sur le produit, mais plutôt dans notre manière de le proposer.

Notre agence est très tournée vers les nouvelles technologies. Nous avons vraiment essayé de réfléchir sur le point de savoir comment on pouvait pousser au maximum l'expérience utilisateur avec les nouvelles technologies.

Nous avons intégré, il n'y a pas très longtemps, un chat en ligne. Lorsque vous faites une recherche sur notre site, vous allez pouvoir communiquer avec Caroline, qui est l'exploratrice pour la Martinique et est prête à interagir avec vous. Si vous avez des questions sur un hébergement, elle peut y répondre directement sur le site. Nous avons également un formulaire au cas où le client ne trouve pas d'hébergement correspondant à son cahier des charges. Un petit pop up va s'afficher et il a la possibilité de remplir un formulaire avec de petites questions simples. Après, on reprend contact avec lui pour lui proposer des hébergements auxquels il n'aurait peut-être pas pensé. Nous nous employons à maximiser ces interactions avec l'utilisateur.

Sur internet, ce qui n'est pas toujours évident, c'est que l'offre d'hébergements est tellement pléthorique que les gens fonctionnent au coup de coeur. Conscients que nous disposons bien souvent de trente secondes pour pouvoir déclencher l'acte d'achat, nous avons tout misé sur les photos et les visites virtuelles. Nous sommes l'une des rares agences immobilières à utiliser la visite virtuelle, qui va permettre à nos voyageurs de vraiment être immergés dans leur prochaine destination de voyage, d'aller visiter la villa, de faire le tour des chambres, de comprendre l'agencement de la maison. C'est réellement une grosse valeur ajoutée pour nous. D'ailleurs, lors des salons grand public, nous mettons même à disposition des clients des lunettes de réalité virtuelle qui vont leur permettre de se balader dans la future maison !

Bien que fortement axés sur le virtuel, nous restons très proches de nos clients. VEO, cela veut dire Virtual to Extraordinary . Nous commençons sur le mode virtuel, tout en restant très proches de la création d'expériences. Nous allons accompagner le client dans son séjour avec les explorateurs qui vont faire en sorte d'assurer un suivi personnalisé pour chaque personne. Nous donnons accès à un blog de voyage qui permet au client de trouver, outre une offre d'hébergement de qualité, de bonnes adresses et des circuits touristiques inédits.

L'hébergement, nous le considérons non plus comme un produit, mais comme le point de départ d'une expérience. Pour vous citer un exemple concret, nous avons intégré il n'y a pas longtemps une villa qui se situe à Tartane, La Mecque du surfeur en Martinique ! Nous avons vraiment essayé de pousser l'expérience surf au maximum sur cette villa. Dans le reportage photo que nous avons réalisé, nous avons intégré des photos de la maison avec des planches de surf. Nous sommes allés nous-mêmes tester, sur un club de surf local, un cours de surf pour pouvoir, après, échanger avec les clients sur le thème du surf. Nous sommes également allés interviewer un surfeur local pour obtenir toutes les bonnes adresses de spots de surf. Notre idée, c'est vraiment de choisir une maison et de réfléchir avec le propriétaire sur la manière de pousser l'expérience au maximum. Il s'agit, non pas de se contenter de vendre une maison et ses trois chambres, mais de vendre un espace où vous allez pouvoir vivre une expérience originale, inédite. Cela, c'est vraiment l'objectif de VillaVEO !

Notre objectif est de fonctionner en réseau, de prendre le pouls d'une destination, de faire découvrir les hébergements que nous commercialisons à travers des expériences, de parler sur notre blog de toutes les expériences qui peuvent être vécues en Martinique, en dehors des sentiers battus, en Guadeloupe, à Marie-Galante. À titre d'exemple, nous avons réalisé des articles sur le Morne des Cadets ou le Monde des végétaux, deux sites agricoles à découvrir absolument en Martinique.

Quand nous faisons la promotion d'une destination, c'est vraiment dans son ensemble. Nous croyons beaucoup à la mutualisation des ressources. C'est en créant des synergies entre professionnels du tourisme que nous allons réussir à exceller dans l'accueil des touristes.

Enfin, l'objectif, c'est de s'appuyer sur les voyageurs pour créer une communauté d'ambassadeurs. En effet, nous pensons que si les voyageurs sont satisfaits, ils feront le travail de promotion à notre place. Ils parleront de manière positive de la destination et aussi des hébergements dans lesquels ils ont séjourné !

Yoann SAINT-LOUIS, Cofondateur de Carfully et président de MartiniqueTech

Sur cette intervention, j'ai deux casquettes, que je vais essayer de concentrer. Cofondateur de Carfully, je suis également président de MartiniqueTech, qui est un collectif d'entrepreneurs du digital en Martinique.

Carfully, c'est une société qui fait de la location de voitures entre particuliers.

Nous sommes partis d'un constat très simple. En 2012, alors que nous travaillions à Paris, le collègue de l'un de mes associés lui a demandé un bon plan pour la location d'un véhicule pour ses vacances en Martinique. Tout ce qu'il avait trouvé était trop cher ou en rupture de stock. Il avait entendu parler de locations entre particuliers et se demandait notamment si cela existait là-bas.

Après enquête, nous avons constaté que rien de tel n'était proposé. Il existait des sociétés comme Drivy qui s'appelait encore Voiture lib à l'époque, mais qui répondait à une demande de mobilité urbaine. Aucune solution n'était alors proposée pour apporter des réponses concrètes à ces problèmes partagés par des millions de touristes qui fréquentent quantité de zones touristiques.

Trois mois après, nous avons fait des tests et nous sommes rentrés nous installer en Martinique où nous avons monté Carfully . Notre service permet concrètement à n'importe quel possesseur d'un véhicule en Martinique et en Guadeloupe de moins de dix ans et de moins de 150 000 kilomètres de le proposer à la location.

Ils sont beaucoup plus nombreux à pouvoir proposer un véhicule à louer que ceux qui sont en mesure de mettre une maison, par exemple, sur Airbnb ou sur VillaVEO !

Ainsi, nous permettons concrètement à des Martiniquais et des Guadeloupéens, puisque nous sommes présents sur les deux îles aujourd'hui, de prendre part à l'activité touristique de leur région, de pouvoir délivrer une expérience touristique et, surtout, d'améliorer leur pouvoir d'achat.

Comment nous différencions-nous de la concurrence ? En offrant une livraison fiable et pourtant peu chère. Nous sommes conscients de nous adresser à des gens qui font 8 000 kilomètres et auxquels il est proposé de louer la voiture d'un particulier. Nous connaissons les craintes que suscitent les nombreuses locations sauvages. Notre formule permet de lutter contre celle-ci et d'élever le niveau de qualité. Notre rapport qualité-prix est le meilleur.

Notre objectif est de créer de véritables expériences touristiques autour de la location de la voiture. En effet, le client ne loue pas une voiture X, il loue la voiture de Robert, lequel adore faire telle chose et va lui donner les bons plans et lui expliquer où aller. Et Robert sera joignable pendant toute la durée de la location, ce qui n'a pas de prix ! Pour tout le reste Carfully est là, offrant aux voyageurs les mêmes prestations d'assistance qu'un loueur dit « traditionnel ».

Aujourd'hui, nous avons 600 véhicules en ligne entre la Martinique et la Guadeloupe. Sur les douze derniers mois, nous avons multiplié notre stock de véhicules par quatre, notre chiffre d'affaires par sept et, surtout, nous sommes fiers d'avoir reversé près d'un demi-million d'euros dans les poches des ménages martiniquais et guadeloupéens. Nous recevons constamment des appels de personnes qui nous remercient car, avec l'argent gagné grâce à la location de leur voiture, elles ont pu, par exemple, se payer une croisière avec leur famille.

Cette dimension d'outil social, nous ne l'avions pas abordée au départ. Or, nous entendons des mères de famille qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts nous dire que, certes, elles emmènent leurs enfants à l'école à pied, mais que la location de leur voiture leur permet d'arrondir leurs fins de mois.

Nous avons constaté que certaines problématiques sont prégnantes sur les zones touristiques. Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est de nous développer sur les zones touristiques dites exotiques (hors Europe et Amérique du Nord). À partir de 2017, nous ouvrons en Guyane et à La Réunion. La prochaine étape consistera à nous étendre sur d'autres îles de la Caraïbe et sur l'Amérique du Sud car, aujourd'hui, aucun acteur du genre n'y est présent.

Maintenant, je vais mettre ma casquette de président de MartiniqueTech. J'ai entendu pas mal de choses aujourd'hui sur l'innovation, nos écosystèmes...

Nous avons créé MartiniqueTech lors de notre retour sur l'île. Après avoir fait des études en métropole, voire à l'étranger, après avoir travaillé pour de grosses sociétés, il est arrivé un moment où nous avons eu envie de rentrer chez nous pour pouvoir participer au développement économique de notre île. Nous souhaitions créer un écosystème digital local en nous basant sur ce que nous avions vu et vécu durant nos vies antérieures.

Nous nous sommes cependant heurtés à pas mal de difficultés, notamment parce qu'il n'existait encore rien de véritablement structuré. Nous avons donc commencé par nous regrouper de façon informelle, puis, en association.

Après quoi, nous avons décidé de monter notre boîte. Et Carfully a été fermée pendant huit mois après que nous avons reçu un courrier de l'assurance qui nous disait qu'elle arrêtait de nous assurer, sans aucune raison et du jour au lendemain ! Il nous a fallu huit mois avant d'avoir une autre assurance. Nous sommes allés voir tout le monde, des politiques aux assurances - nous en avons contacté une cinquantaine. Au niveau national, on nous dit « on sait faire, mais pas pour vous car vous êtes basés aux Antilles . » Cela signifie clairement que la continuité territoriale est totalement absente ! Nous avons finalement pu miraculeusement nous en sortir grâce à un renouvellement de la direction, mais cette problématique est partagée par beaucoup.

Il y a également un manque de soutien quand on innove, quand on créé de la valeur on doit être accompagné. Malheureusement, quand on s'attaque à certains secteurs détenus par des groupes ou sociétés à fort pouvoir économique, nous ne sommes pas défendus par les organisations qui devraient elles être impartiales et accompagner cette innovation. Toute économie a besoin de cela et notre secteur touristique également. Dans la location de voitures, les petits loueurs et nous-mêmes avons par exemple les pires problèmes à collaborer avec l'aéroport qui devrait être un de nos principaux soutiens !

Dans un écosystème digital encore en construction, il faut recruter, trouver des développeurs, des associés... C'est compliqué ! Autres problèmes, l'absence de liens entre l'écosystème et les activités supports - je vous en ai donné une illustration avec notre mésaventure en matière d'assurance -, le fait que les banques n'y connaissent strictement rien, nos difficultés pour trouver de bons accompagnateurs quand nous nous rendons dans des cabinets pour y rencontrer des professionnels du droit. Cela nous contraint souvent à aller consulter un conseil en métropole, à subir le décalage horaire et à payer des billets d'avion qui nous coûtent cher... Bref, c'est compliqué. Il n'y a manifestement pas aujourd'hui de structure d'accompagnement adaptée et le financement privé est quasiment inexistant. Cela impacte donc clairement la compétitivité de nos start-up locales.

Aujourd'hui, quand je m'attaque à des secteurs comme la location de véhicules, qui sont contrôlés par de grosses sociétés, comment ces mêmes sociétés pourraient-elles m'aider à financer mon activité avec des fonds privés ?

Quant aux investisseurs métropolitains, ils répondent qu'ils veulent bien investir sur ce projet, qui est intéressant, mais à condition que notre société vienne s'installer à Paris parce qu'ils n'investissent pas à distance. Donc, là aussi, c'est compliqué ! Certains veulent bien mais là encore les processus sont longs et la méconnaissance des outre-mer est problématique.

L'objet de MartiniqueTech , c'était surtout de créer des succès digitaux. Carfully, nous l'avons monté avec 100 euros de capital et deux ordinateurs. Aujourd'hui, la société emploie neuf personnes et le chiffre d'affaires a été multiplié par sept en 12 mois.

En 2015, nous sommes passés de 177 à 600 voitures, avec pour seule levée de fonds 120 000 euros, que nous avons récoltés en faisant du crowdfunding et en sollicitant nos propres propriétaires qui étaient sur le site. Certains investisseurs ont été plus généreux ; je pense à un basketteur originaire de la Martinique que nous avons obtenu par un coup de chance sur le réseau...

Le parcours est vraiment semé d'embûches pour nous qui avons envie de développer un certain nombre de choses dans nos économies. Et cela ne devrait pas se passer ainsi ! En effet, nous avons toutes les raisons de croire au succès du développement des économies digitales aux Antilles et, plus largement, en outre-mer. La diaspora, qui est très bien formée, a aujourd'hui envie de rentrer. Certains originaires des îles travaillent dans de gros groupes, d'autres, qui ont des compétences extraordinaires, ne demandent qu'à rentrer. Sauf que tout le monde n'a pas un profil d'entrepreneur et qu'il faut donc des sociétés dans lesquelles ces personnes pourront rentrer en tant que salariés, par exemple.

De plus, nous avons une position géographique à valoriser. Le Maroc et d'autres pays du Maghreb font de la communication pour attirer les start-up . Aujourd'hui, grâce à nos infrastructures normales, nous pouvons aussi attirer des start-up . La Martinique est sur le même fuseau horaire que de nombreuses villes aux États-Unis. On est français et européen dans le bassin caribéen et c'est à valoriser.

Tout au long du colloque, on a parlé de tourisme, de tourisme digital, de l'intérêt de faire venir des start-upers, de créer des structures. Je crois qu'il est bien plus sympa de monter sa start-up et d'aller surfer ou boire un verre en regardant le soleil couchant que d'être à Paris et de mettre une doudoune entre deux réunions ! C'est un aspect qui n'est pas négligeable !

Nous avons tous les ingrédients : un écosystème qui se structure et qui devient visible, des start-up qui émergent et des usages qui se développent parce que, aujourd'hui, de plus en plus de personnes sont friandes de nouvelles technologies, ne serait-ce que pour voir ses petits-enfants en utilisant Skype...

Nous avons décidé de franchir le pas, de faire, sur MartiniqueTech , des ateliers, de développer des choses, mais cela nous prend du temps sur nos journées d'entrepreneurs qui ne font que 24 heures ! On travaille beaucoup et on est obligé de pallier l'absence de prise de conscience de certaines parties prenantes, comme les politiques ou les structures existantes. Nous serons là quand ils voudront bien agir, être dans le concret, en attendant on avance avec nos moyens, lentement mais on avance.

Il est important de comprendre que nous agissons avec peu de moyens et j'appelle à une réelle prise de conscience. Les outils ne sont pas adaptés. Nous avons commencé le travail, mais avons absolument besoin d'être accompagnés. En effet, si on ne crée pas de succès digital en Martinique ou, plus largement, en outre-mer, on n'y arrivera pas ! Il faut montrer aux jeunes qu'on peut, avec peu de chose, créer des entreprises, créer des emplois et ainsi éviter de devoir partir pour travailler dans des sociétés à dimension internationale.

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