B. LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRÉSENCE MONDIALE DES MÉDIAS DE FRANCE MÉDIAS MONDE
Sous ce chapitre, le contrat expose trois items : une stratégie de présence internationale adaptée aux évolutions des marchés, soutenue par des actions de marketing et de communication renforcées et la constitution par le rapprochement de CFI et de FMM d'un pôle d'expertise média dans le domaine de l'aide au développement.
1. Une stratégie de présence internationale adaptée aux évolutions des marchés
Un enjeu majeur pour France 24 sur la prochaine période porte sur le passage progressif vers une diffusion en HD. Tous les grands opérateurs satellitaires en Europe, en Asie, dans les Amériques, favorisent d'ores et déjà les chaînes en HD et à terme, demanderont à ce que toutes les chaînes soient diffusées dans cette norme, condition sine qua none pour leur référencement dans les bouquets. Ainsi, une partie de la distribution de France 24 devra passer de manière progressive et raisonnée à la Haute Définition dans des zones cibles permettant d'éviter, sur certains territoires, le risque d'un déréférencement par certains grands opérateurs ou bien le risque d'être relégué en fin de plan de service sans aucune visibilité 12 ( * ) .
Le contrat fixe ensuite territoire par territoire des objectifs particuliers ou généraux, en leur affectant un degré de priorité, mais sans jamais renoncer à saisir les opportunités. En Afrique, priorité est donnée à la diffusion de France 24 en français ou en anglais sur la TNT gratuite et au maintien des positions de RFI particulièrement à travers le développement du réseau des radios partenaires. Au Maghreb et au Proche-Orient, l'objectif est de maintenir les positions de France 24 et de recherche des opportunités de diffusion de MCD. Dans les Amériques, la priorité est donnée au développement de la chaîne de France 24 en espagnol et au développement de la diffusion des radios du groupe dans leur dimension multilingue. En Asie, la priorité à l'Inde n'exclut aucune opportunité à saisir. Idem en Europe où le maintien des positions constitue le principal objectif.
Si ce n'est l'ordre de présentation, le contrat n'affecte pas de priorité ou de préférence en faveur d'un continent ou d'une région. Il semble néanmoins sous-jacent que l'Afrique et l'Afrique du Nord-Moyen-Orient méritent une attention plus particulière, ne serait-ce qu'en raison de la situation internationale, de nos intérêts et de nos engagements.
En revanche, la diffusion sur le territoire national des médias de FMM est évoquée avec une extrême prudence , rappelant « la priorité au développement à l'étranger sans exclure qu'il puisse être étudié... Au regard de la saturation du réseau FM, la diffusion des médias radiophoniques pourra être envisagée prioritairement sur la radio numérique terrestre, de façon ciblée, sous réserve du respect du plan d'affaire et de l'approbation du conseil d'administration... . » Enfin s'agissant de France 24, le contrat se borne à un état des lieux sans ouvrir aucune perspective autre que la distribution en HD.
Votre rapporteur regrette le manque d'ambition manifeste à favoriser la diffusion sur le territoire national des médias de France Médias Monde qui constitue un recul par rapport au précédent contrat 13 ( * ) alors que le cahier des missions et des charges de FMM a été modifié pour le permettre en 2014. Cette offre de service public constituerait, à moindre coût, un formidable outil de cohésion sociale et permettrait d'offrir une alternative en langues française et étrangères à des programmes dont les contenus ne sont pas toujours compatibles avec les valeurs de la République et qui n'ont pas pour vocation première de favoriser l'intégration 14 ( * ) ; sans compter que la diffusion de ces programmes ne pourra que contribuer à l'ouverture d'esprit de nos concitoyens sur le monde à l'heure où sont réaffirmées les ambitions internationales de la France. Cette préconisation figurait dans l'avis rendu par votre commission sur le contrat 2013-2015 et dans les avis sur le programme 844 depuis lors 15 ( * ) .
Les frais de diffusion et de distribution augmentent de 3,4 M€ (+13 %) à horizon 2020. Cette évolution prend principalement en compte :
• le développement de la distribution de France 24, avec notamment l'accompagnement du déploiement de la TNT en Afrique, et la recherche d'opportunités pour RFI et MCD ;
• le développement de la distribution de France 24 en HD ;
• la conséquence en termes d'amortissements des travaux à réaliser sur le site d'émission en ondes moyennes de Chypre afin de continuer à l'avenir à garantir la diffusion de MCD sur une zone de crise, stratégique pour la France.
Les indicateurs n° 5 et n°6 mesurent respectivement la pénétration de France 24 sur les offres TNT lancées en Afrique et la distribution de France 24 en haute-définition.
2. Le renforcement des actions de notoriété
FMM doit également renforcer la visibilité de ses contenus dans un contexte marqué par l'abondance des offres. En effet, quelle que soit la qualité des contenus, « faire » sans « se faire connaître » auprès des publics ne suffit plus. Limitées dans le cadre du précédent contrat en raison de la priorité donnée à l'enrichissement des antennes du groupe, les dépenses en marketing/communication doivent donc être augmentées dès 2017, elles sont souvent demandées par les opérateurs en contrepartie d'une distribution sur leurs réseaux ou dans leurs bouquets de programmes.
Le renforcement des actions de communication et marketing se traduit par un effort supplémentaire significatif de FMM à horizon 2020 de 1,2 million d'euros. Toutefois, un nota bene rend fongible cette enveloppe avec celle des moyens supplémentaires consacrés au développement de la distribution/diffusion (3,4 M€), ceci afin de pouvoir adapter, année après année, en tant que de besoin, la répartition de ces moyens en fonction notamment des contraintes éventuelles du marché sur le calendrier de passage de la distribution de France 24 en HD.
Votre rapporteur avait déploré lors de l'exécution du précédent contrat que ces dépenses soient toujours les premières sacrifiées au titre des économies de fonctionnement alors qu'elles constituent un investissement qui conditionne l'audience et donc la « monétisation « des programmes 16 ( * ) .
Elle se réjouit de leur mise en exergue dans le présent contrat et également dans le compte de résultat analytique prévisionnel et exprime le souhait que le financement de la stratégie marketing, important pour maintenir et développer le référencement dans les offres des distributeurs, soit conforté et sanctuarisé
3. Constituer un pôle d'expertise dans le domaine de l'aide au développement des médias et par les médias (rapprochement avec CFI)
À l'occasion de la réforme de ses actions de coopération, l'État a décidé de rapprocher CFI de FMM. Le contrat envisage, à l'horizon 2018, l'adossement de CFI, organisme chargé de la coopération dans le domaine de l'audiovisuel, à France Médias Monde.
Canal France International CFI est un opérateur public majoritairement financé par le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), dont la subvention annuelle (inscrite sur le programme budgétaire 209 - Solidarité avec les pays en développement couvre environ 85 % de son budget. Son chiffre d'affaires est de l'ordre de 11 millions d'euros. CFI, qui a le statut d'une société anonyme, a, depuis 2004, pour actionnaires France Télévisions (75 %) et Arte France (25 %). Ces deux entreprises publiques sont associées à la gouvernance au niveau du conseil d'administration, mais ne participent pas à son financement. Le mandat de CFI s'inscrit donc dans le cadre de la politique française d'aide publique au développement. Le MAEDI confie à CFI la mission de mettre en oeuvre sa politique d'appui au développement des médias publics et privés, et plus généralement du secteur audiovisuel dans une perspective tri-média, dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement. Ses objectifs demeurent la diffusion de l'information, la consolidation de la société civile et de l'Etat de droit et l'appui aux nouvelles démocraties ou « Etats fragiles ». Les grandes orientations et priorités de la mission d'expertise confiée à CFI sont pilotées au travers d'une convention annuelle signée avec le MAEDI. |
Selon les termes du contrat : « l'Etat considère que la coopération dans le secteur des médias est stratégique pour l'influence française, la diffusion de ses modèles et de ses valeurs de pluralisme et d'Etat de droit et que dans un environnement audiovisuel fortement concurrentiel, la France doit renforcer ses instruments afin d'améliorer sa capacité d'intervention ». Il mise sur « un dispositif plus intégré » qui « permettrait d'articuler nos différents leviers d'action (diffusion et expertise médias) et estime que mieux identifiée dans les paysages audiovisuels étrangers, l'action de coopération pourra servir de levier pour promouvoir les intérêts de nos médias à vocation internationale. Le projet a pour ambition de rapprocher les forces des deux entités à l'instar des autres grands acteurs audiovisuels internationaux pour garantir la pérennité de l'activité d'aide au développement des médias en l'intégrant dans un dispositif unique et de lui donner un nouvel élan. (..). Cet ensemble reconfiguré aura vocation à travailler en étroite synergie avec de multiples acteurs, publics comme privés, français comme étrangers, et en particulier l'Institut National de l'Audiovisuel, qui développe son activité de formation à l'international, l'Agence française de développement et Expertise France. »
L'ensemble du processus de rapprochement entre CFI et FMM devant être finalisé au plus tard le 1 er janvier 2018, l'année 2017 constituera une année transitoire pour la mise en oeuvre des dispositions juridiques, sociales et financières ainsi que pour le volet immobilier.
Ce choix, plutôt que celui d'Expertise France, qui a vocation à regrouper toute l'offre d'expertise française et dispose d'une véritable compétence en matière de financement de ce type d'actions, ou de l'Institut national de l'audiovisuel, qui a une compétence reconnue en matière d'expertise et de formation, mériterait une évaluation complémentaire.
En effet, selon les termes de l'article 12 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, « l'Agence française d'expertise technique internationale a vocation à rassembler au 1 er janvier 2016 l'ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts . Elle assure l'ensemble des fonctions transversales des opérateurs et comprend des départements thématiques. Elle dispose d'un fonds d'intervention pouvant prendre la forme d'un fonds de dotation » 17 ( * ) . Cette rédaction a été introduite lors de l'examen du texte par votre commission par un amendement de notre collègue Jacques Berthou, adopté à l'unanimité sur le rapport de nos collègue Christian Cambon et Jean-Claude Peyronnet. 18 ( * ) Il a reçu en séance publique l'accord du gouvernement 19 ( * ) .
Dans leur rapport sur le contrat d'objectifs et de moyens d'Expertise France en juin 2016 20 ( * ) , nos collègues Christian Cambon et Marie-Françoise Pérol-Dumont relevaient que « bien que la loi du 27 juillet 2010 ait prévu le regroupement de l'ensemble des opérateurs d'expertise à partir de 2016, plusieurs d'entre eux, dont certains sont d'une taille significative, continuent à exister parallèlement à Expertise France. Vos rapporteurs estiment qu'il n'existe pas d'objection de principe à l'achèvement de la réforme, la nouvelle agence ayant vocation à promouvoir l'expertise française dans l'ensemble des domaines. En outre, si la forte hausse du chiffre d'affaires d'Expertise France prévue pour 2016 est de nature à augmenter sa visibilité et à enclencher un cercle vertueux de croissance, cet organisme reste soumis à une forte concurrence de la part de ses homologues britannique, allemand, canadien ou encore chinois. Il reste donc nécessaire de rassembler toutes les forces de l'expertise française pour améliorer sa position dans la concurrence internationale . » Ils relevaient toutefois les difficultés techniques liées au statut de certains opérateurs et la nécessité de consolider la situation financière et sociale d'Expertise France avant de poursuivre le processus de regroupement.
La question mérite d'être étudiée de façon plus approfondie notamment sur un plan stratégique. Si l'objectif est de disposer d'un opérateur capable d'actionner les leviers financiers nécessaires pour mettre en place des missions en s'appuyant sur les compétences techniques qu'il sélectionne au sein des différents médias, le professionnalisme et le savoir- faire d'Expertise France s'imposent. Si l'objectif est de constituer un pôle audiovisuel d'expertise et de formation d'excellence, notamment sur le plan technique, capable d'intervenir auprès de médias en France ou à l'étranger, le choix de l'Institut national de l'audiovisuel est préférable, mais cela revient en fait à subventionner une partie de ses activités lorsqu'elles sont conduites dans le cadre de l'aide au développement.
Les arguments en faveur de France Médias Monde sont fondés sur la vocation internationale de ce média et sur sa visibilité, mais la formation et l'expertise, même si elle a mené quelques actions ponctuelles, ne sont pas ses métiers 21 ( * ) .
L'adossement présente donc quelques risques .
Le premier serait que, par facilité, CFI considère FMM comme son vivier naturel et mobilise principalement des journalistes et techniciens de FMM qu'il faudra remplacer, ce qui engendrera des coûts supplémentaires 22 ( * ) et un facteur de viscosité dans le management d'une activité où l'agilité, la réactivité et la disponibilité sont des qualités essentielles.
Le second serait celui d'une interférence éventuelle entre les activités éditoriales qui supposent une grande liberté d'expression et les activités de coopération qui, dans certains cas, supposent une relation de nature diplomatique.
Le troisième serait une étanchéité imparfaite entre CFI et FMM sur le plan juridique et financier, qui conduirait de façon indirecte à faire prendre en charge les éventuels déficits de l'activité de coopération financée principalement par des subventions au titre de l'aide au développement par des ressources destinées à l'activité de production et de diffusion financée principalement par la contribution à l'audiovisuel public, et inversement. La même question se posera pour la répartition de certains coûts d'aménagement et de fonctionnement si CFI doit rejoindre le site de France Médias Monde.
Les modalités de financement de ce rapprochement et le plan d'affaires de CFI pour les prochaines années font actuellement l'objet d'une mission d'appui au rapprochement, et feront l'objet d'un avenant au contrat, dès lors que le conseil d'administration de FMM en aura approuvé les modalités .
Les commissions parlementaires compétentes devront être saisies pour avis de cet avenant en application des dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
Sans se pencher sur l'opportunité et l'intérêt d'un tel rapprochement, votre rapporteur estime que cette activité devra être cantonnée dans une filiale et que la relation entre les deux entités doit reposer sur une convention et des outils performants de comptabilité analytique. Il convient, en effet, d'établir une étanchéité parfaite entre deux activités qui ne relèvent ni de la même logique, ni du même mode de financement. La contribution à l'audiovisuel public est une ressource affectée qui ne saurait, même indirectement, financer d'autres actions que celle prévue par la loi, à savoir l'activité de production et de diffusion des sociétés nationales de programme et les activités de l'Institut national de l'audiovisuel.
* 12 Les premiers marchés sur lesquels l'offre Haute Définition de France 24 sera disponible seront l'Asie d'une part et les Amériques d'autre part au travers du lancement de la chaîne en espagnol, marchés pour lesquels la Haute Définition est réellement un atout significatif. Certains opérateurs pourront être ponctuellement livrés en norme HD (MPEG4) en France et en Europe, au gré des opportunités de marché et des évolutions réglementaires.
* 13 Voir annexe n° 2 p. 97.
* 14 La situation de tensions entre diverses composantes de la communauté nationale rend plus que nécessaire par exemple qu'une offre de programmes en langue arabe, de service public et portant les valeurs républicaines et laïques soit proposée sur le territoire national.
* 15 Voir Annexe n°2 p.54/55 et Avis n° 166 (2015-2016) de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Philippe Esnol sur le projet de loi de Finances pour 2016, Avances à l'audiovisuel Public p.8,25 et 38s : http://www.senat.fr/rap/a15-166-10/a15-166-10.html
* 16 Avis n° 166 (2015-2016) de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Philippe Esnol sur le projet de loi de Finances pour 2016, Avances à l'audiovisuel Public p.63: http://www.senat.fr/rap/a15-166-10/a15-166-10.html et Avis n° 110 (2014-2015) de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Philippe Esnol sur le projet de loi de Finances pour 2015, Avances à l'audiovisuel Public p.46 http://www.senat.fr/rap/a14-110-10/a14-110-10.html
* 17 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=67BB717D9A5D37194CDBBBB933C7887B.tpdila07v_2?idArticle=LEGIARTI000029212188&cidTexte=LEGITEXT000022522643&dateTexte=20161125
* 18 Rapport n° 490 (2013-2014) de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon sur le de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale http://www.senat.fr/rap/l13-490/l13-490.html
* 19 http://www.senat.fr/seances/s201405/s20140526/s20140526010.html
* 20 Rapport d'information n° 675 (2015-2016) de M. Christian Cambon et Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont « Expertise France : 3 ans pour devir une référence internationale » http://www.senat.fr/rap/r15-675/r15-675_mono.html
* 21 L'Académie a vocation à intervenir auprès des télévisions et radios dans le monde pour apporter à leurs équipes l'expertise d'un groupe média international dans les domaines du journalisme, de l'image et de l'internet. Chaque intervention de l'Académie est construite sur mesure en fonction des besoins exprimés par les médias clients. Cette année, un important contrat pour la création d'une chaîne au Kurdistan a pesé pour 1/3 sur le total des recettes.
* 22 FMM est déjà confronté à de réelles difficultés pour le remplacement des personnels en congé de maternité et en congé de maladie de longue durée.