B. AUTOMNE 2012 : PERSÉVÉRER DANS L'ERREUR

Non content d'avoir accru le niveau des contributions directes acquittées par les ménages de plus de dix milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2012, le Gouvernement a persévéré dans cette voie à l'automne avec les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013 . En effet, sous couvert de « rétablir la progressivité de l'imposition des personnes » 23 ( * ) et de « mobiliser la fiscalité pour accroître l'offre de logement » 24 ( * ) , ce dernier a initié de nouvelles hausses d'impôts et, par ailleurs, de prélèvements sociaux acquittés par les ménages pour un montant de près de six milliards d'euros, prévoyant des aménagements limités au profit des plus modestes d'entre eux.

Tableau n° 5 : Principales mesures nouvelles en prélèvements obligatoires concernant les ménages portées par les lois de finances
et de financement de la sécurité sociale pour 2013

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

Cumul

Imposition au barème des revenus du capital

1,3

- 0,2

- 0,2

0,9

Réforme de l'imposition des plus-values mobilières

0,3

0,3

Création d'une tranche d'impôt sur le revenu à 45 %

0,3

0,3

Abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros

0,6

0,6

Revalorisation de la décote de l'impôt sur le revenu

- 0,3

-0,3

Réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

1,0

1,0

Renforcement de la taxe sur les logements vacants

0,2

0,2

Autres mesures portant sur l'impôt sur le revenu

0,1

- 0,4

- 0,1

- 0,4

Allègements des cotisations dues par les particuliers employeurs

- 0,2

- 0,2

Forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle

0,3

0,3

Passage aux cotisations sur la base du salaire réel pour les salariés à domicile

0,4

0,4

Réforme des prélèvements sur les indépendants (cotisations et CSG)

1,1

- 0,2

0,9

Assujettissement des indemnités des élus locaux aux cotisations sociales

0,2

0,2

Assujettissement des retraites à la contribution additionnelle de solidarité sur l'autonomie (CASA)

0,5

0,2

0,7

Total

5,8

- 0,6

- 0,3

4,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports économiques, sociaux et financiers annexés aux projets de loi de finances pour 2014, 2015 et 2016)

1. Une nouvelle hausse de l'imposition des revenus...

Dans un contexte de fort accroissement de la charge fiscale, le Gouvernement a souhaité prévoir une mesure en faveur des ménages modestes ; aussi la loi de finances pour 2013 comportait-elle une « majoration de la décote qui maintiendra[it] en dehors du champ de l'impôt sur le revenu ceux qui seraient devenus imposables alors même que leurs revenus réels n'auraient pas progressé, et de neutraliser l'effet du gel du barème pour les contribuables situés dans les deux premières tranches » 25 ( * ) . Pour autant, cette revalorisation de la décote n'aurait que très partiellement compensé, pour les ménages plus modestes, les effets de la fiscalisation des heures supplémentaires ; ainsi que cela a été indiqué précédemment, selon la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 du fait de cette mesure. En outre, la suppression de l'exonération des revenus résultant d'heures supplémentaires au titre des prélèvements sociaux a concerné l'ensemble des contribuables, y compris ceux qui sont restés non imposés.

Par ailleurs, le Gouvernement a, de nouveau, pris l'initiative de mesures à forte teneur symbolique portant sur les contribuables aisés . À ce titre, le projet de loi de finances pour 2013 a proposé l'instauration d'une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d'activité , dite « taxe à 75 % » ; cette mesure, dont le produit était estimé à 0,2 milliard d'euros en 2013 et 2014, a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle contrevenait au principe d'égalité devant les charges publiques, dès lors qu'elle ne tenait pas compte de l'existence du foyer fiscal, méconnaissant ainsi « l'exigence de prise en compte des facultés contributives » 26 ( * ) . Dans la même logique, a été créée une nouvelle tranche du barème de l'impôt sur le revenu de 45 % , applicable aux revenus supérieurs à 150 000 euros, au rendement évalué à 0,3 milliard d'euros.

Pour autant, comme à l'été 2012, d'autres mesures relatives à l'impôt sur le revenu, plus significatives dans leurs montants, ont concerné un ensemble plus large de ménages, qu'il n'était pas nécessairement possible de qualifier d'« aisés » . En particulier, l'abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros a eu des effets sur les ménages appartenant résolument à la classe moyenne , pour un gain budgétaire estimé in fine à 0,3 milliard d'euros. Selon les estimations communiquées par la direction de la législation fiscale, cette mesure a principalement concerné les foyers entrant dans les tranches d'impositions comprises entre 11 896 euros et 70 830 euros (voir tableau ci-après), avec une perte moyenne d'environ 500 euros pour ces foyers . Il apparaît que la nouvelle baisse du plafond du quotient familial, prévue par la loi de finances pour 2014, a eu une incidence beaucoup plus large sur les ménages (voir infra ).

Tableau n° 6 : Répartition des foyers fiscaux perdants par tranche d'imposition
à l'issue de l'abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros

Tranches d'imposition

Nombre de foyers fiscaux perdants

Gain budgétaires
(en millions d'euros)

Perte moyenne par contribuable
(en euros)

0 %

0

0

0

5,5 %

0

0

0

14 %

118 626

39

328

30 %

598 430

323

539

41 %

141 381

108

763

45 %

24 164

20

827

Source : direction de la législation fiscale

2. ...de la fiscalité du patrimoine...

En outre, dans la continuité des mesures portant sur les hauts revenus, la loi de finances pour 2013 a procédé à une réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) , rétablissant le barème progressif de cette imposition, pour un rendement de 1 milliard d'euros. De même, en matière de fiscalité du patrimoine, il a été proposé de soumettre au barème progressif de l'impôt sur le revenu , d'une part, les revenus du capital et, d'autre part, les plus-values mobilières . Ces deux mesures devaient être à l'origine d'un surcroît de recettes de respectivement 2 milliards et 1 milliard d'euros. Toutefois, si le produit de la soumission au barème de l'impôt sur les revenus du capital n'a pas été aussi élevé qu'anticipé (1,3 milliard d'euros en 2013), celui de la mesure portant sur les plus-values mobilières a été fortement minoré par le réajustement du dispositif en raison de la fronde dite des « Pigeons » . Aussi le rendement de la réforme de l'imposition des plus-values mobilières a-t-il été ramené à 0,3 milliard d'euros.

Au total, les mesures relatives à la fiscalité portant sur les revenus et le stock du capital contenues dans la loi de finances pour 2013 ont représenté une hausse cumulée des prélèvements de 2,2 milliards d'euros.

À ces dernières est venu s'ajouter un renforcement de la taxe sur les logements vacants qui, au motif d'augmenter l'offre de logement, a accru les impositions sur la propriété foncière de 0,2 milliard d'euros.

3. ...et des prélèvements sociaux

Plus encore que les hausses d'impôts, les augmentations de prélèvements sociaux ont concerné de manière indiscriminée les ménages aisés et les plus modestes . Tout d'abord, l' assujettissement des indemnités de retraite à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) a alourdi la charge fiscale des retraités de 0,5 milliard d'euros en 2013 et de 0,2 milliard d'euros en 2014. Le seuil d'exonération de cette mesure correspondant, en 2013, à un revenu fiscal de référence de 10 024 euros, celle-ci a touché les ménages à partir du deuxième décile de niveau de vie.

De même, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a prévu un assujettissement au forfait social des indemnités de rupture conventionnelle , à l'origine d'un surcroît de recettes de 0,3 milliard d'euros.

Ensuite, le Gouvernement a souhaité procéder à une réforme des prélèvements appliqués aux travailleurs indépendants , aboutissant à un relèvement pérenne de 0,9 milliard d'euros des contributions versées par ces contribuables.

Enfin, l' allègement des cotisations dues par les particuliers employeurs , dont le coût s'est élevé à 0,2 milliard d'euros en 2013, consistant en un abattement forfaitaire sur les cotisations patronales d'un montant de 0,75 euros par heure travaillée, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de Christian Eckert, alors rapporteur général du budget, n'a pas permis de compenser intégralement la suppression de l'assiette forfaitaire pour les salariés des particuliers employeurs , qui a représenté une hausse de prélèvements de 0,4 milliard d'euros.

4. Une hausse cumulée des prélèvements sur les ménages qui atteint 30 milliards d'euros en 2012 et 2013

Au cours des années 2012 et 2013, l'augmentation cumulée des prélèvements sur les ménages a atteint près de 30 milliards d'euros . Cette évolution a résulté, pour 16 milliards d'euros, des lois financières adoptées par la nouvelle majorité gouvernementale à l'été et à l'automne 2012 et, pour 14 milliards d'euros, de mesures décidées antérieurement à mai 2012.

Certes, une part non négligeable des mesures ayant eu une incidence sur la charge fiscale des ménages en 2012 et 2013 a été adoptée avant le mois de mai 2012. Sont ainsi concernées la désindexation des barèmes de l'impôt sur le revenu, de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) , qui a représenté une élévation du niveau des prélèvements de 1,8 milliard d'euros en 2012 et de 1,6 milliard d'euros en 2013, la révision des modalités de déclaration en cas de changement de situation (mariage, PACS, divorce), associée à une hausse des recettes fiscales de 1 milliard d'euros, ou encore l' instauration d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus (0,6 milliard d'euros) et les réductions homothétiques de « niches » fiscales , pour 0,4 milliard d'euros en 2012 et 0,5 milliard d'euros en 2013.

Pour autant, il est incontestable que la majorité gouvernementale issue des élections de 2012 a fait siennes les mesures qui viennent d'être évoquées . En particulier, la désindexation des barèmes de l'IR, de l'ISF et des DMTG, l'une des mesures présentant le plus fort rendement adoptées avant mai 2012, a été maintenue et a résulté d'une démarche positive dès lors qu'il était d'usage de revaloriser, chaque année, ces barèmes en loi de finances. C'est donc en vertu d'une volonté délibérée que l'actuelle majorité a accru de 16 milliards d'euros les hausses de prélèvements prévues pour 2012 et 2013, transformant ces hausses en véritable « choc » fiscal .

En tout état de cause, l'estimation proposée ne tient pas compte des augmentations de la fiscalité indirecte , alors même que celles-ci ont été tout à fait substantielles. Si le Gouvernement a fait le choix d'annuler la hausse de TVA inscrite dans la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 , pour un montant de 2,9 milliards d'euros en 2012 et de 7,7 milliards d'euros en 2013, ainsi que l'allègement des cotisations sociales employeurs d'un montant total de 13,2 milliards d'euros qu'elle avait vocation à financer , celui-ci a malgré tout procédé à des augmentations de taxes indirectes : droits sur la bière (0,5 milliard d'euros en 2013), fiscalité des tabacs (0,1 milliard d'euros en 2013) et, surtout, hausse des taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (5,3 milliards d'euros en 2013) conséquente à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

En somme, le Gouvernement a peu ou prou repris les mesures fiscales de l'ancienne majorité gouvernementale - y compris une hausse de la TVA pourtant décriée à l'été 2012 - pour les amplifier considérablement , dès lors qu'il a souhaité, comme cela a été rappelé précédemment, faire reposer le redressement des comptes publics principalement sur les recettes au début du quinquennat. À titre de rappel, la précédente majorité gouvernementale ne souhaitait pas pousser plus avant l'augmentation des prélèvements déjà décidée , désireuse qu'elle était d'appuyer la consolidation budgétaire au cours des années 2012 à 2016 essentiellement sur des efforts de maîtrise des dépenses, comme le fait apparaître le programme de stabilité transmis en avril 2012 aux institutions européennes.


* 23 Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2013, p. 16.

* 24 Ibid. , p. 18.

* 25 Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2013, p. 16.

* 26 Décision du Conseil constitutionnel n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons. 73.

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