TITRE 5 - APPORTER UNE SOLUTION DURABLE AUX CRISES, COMPLÉTER LES OPÉRATIONS MILITAIRES PAR LA MISE EN oeUVRE D'UNE APPROCHE GLOBALE COORDONNÉE

Dans une tribune, publiée par Le Monde le 20 janvier 2016 241 ( * ) , le Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, après avoir souligné les vertus de la force légitime, indiquait avec réalisme : « ma seconde conviction est que si la force est agissante, elle n'est pas suffisante. Une stratégie basée sur les seuls effets militaires (...) ne pourra jamais agir sur les racines de la violence, lorsque celles-ci s'ancrent dans le manque d'espoir, d'éducation, de justice, de développement, de gouvernance, de considération. Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. Quelle que soit la nature des crises, une approche globale est indispensable, c'est-à-dire une approche interministérielle et internationale. Il faut du temps et il n'y a pas de place pour le développement - économique, mais aussi durable - sans sécurité, comme il n'y a pas de sécurité sans développement . »

I. L'INTERVENTION MILITAIRE EST UN LEVIER, CE N'EST PAS UNE SOLUTION

L'intervention militaire est, au plus fort de la crise, lorsque celle-ci entraîne un niveau de violence telle qu'elle constitue une menace pour les populations civiles et la stabilité des Etats voisins, le seul moyen pour abaisser les tensions et rétablir un certain ordre. La projection de forces est destinée à réduire le niveau de violence et à le contrôler. Après une action coercitive efficace, le retour à un niveau minimum de sécurité permet d'enclencher une phase de stabilisation.

Mais l'efficacité de cette action est limitée dans le temps et ne peut être maintenue dans la durée, même si le retour à des actions de coercition est toujours possible en phase de stabilisation, si de nouvelles flambées de violence apparaissent. En effet, elle est contrainte par le degré d'acceptation par les populations locales, l'état de l'opinion publique intérieure et son coût élevé.

Les populations locales se montrent souvent satisfaites de l'intervention lorsqu'elle apporte une forme de paix comparée aux violences subies. Toutefois, la plupart des opérations montrent que cette paix n'est jamais acquise dans la durée, que des actions violentes peuvent être perpétrées par certains groupes pour asseoir leurs positions dans le processus de transition politique ou pour le rendre impossible car ils en sont exclus. Cette paix précaire, marquée par des incidents réguliers et, souvent par des vagues d'attentats, et parfois par des enchaînements complexes provocation-répression, provoque une forme de lassitude dans les populations et instillent une forme de doute sur la capacité à rétablir une paix durable. A terme, la situation peut accréditer progressivement l'idée que les forces étrangères ne sont plus une partie de la solution mais deviennent une partie du problème.

L'opinion publique intérieure pourra marquer elle aussi une forme de lassitude. Les succès initiaux de l'opération militaire seront progressivement effacés par le maintien d'une force dont les résultats seront moins visibles, puisqu'il s'agit de contenir et de contrôler, et non plus de reconquérir, et l'utilité plus facilement critiquée puisque seuls les incidents, donc les échecs seront relatés. Si, de surcroît, la situation se dégrade et que les pertes en vies humaines augmentent, il peut y avoir une contestation du bien-fondé de l'opération.

Enfin, les opérations militaires ont un coût (voir infra...) qui n'est acceptable que si les résultats sont au rendez-vous et elles sont, par construction, limitées par le format des armées. La durée d'une opération pèse sur la capacité d'en engager d'autres, d'où la tentation de limiter les interventions dans leur durée.

Mais l'opération militaire n'a d'intérêt que si elle crée, dans le pays en crise, l'opportunité d'un changement qui permet d'éliminer ou de réduire, non seulement les conséquences, mais les causes profondes de la crise. L'insécurité constituait une entrave au développement, mais réciproquement une sécurité durable ne peut être obtenue que par un développement plus avancé. Transformer en profondeur la situation institutionnelle, économique et sociale des pays touchés par l'insécurité est une nécessité dans la période qui suit les conflits armés.

Le concept d'une « approche globale » des crises a ainsi progressivement émergé à la suite d'une série de crises et de conflits où la communauté internationale est intervenue militairement et où elle a pris conscience du besoin d'ajouter, à l'approche purement militaire, une stratégie incluant tous les autres facteurs nécessaires à la stabilisation durable de l'Etat ou de la région concernée.


* 241 http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/20/gagner-la-guerre-ne-suffit-pas-a-gagner-la-paix_4850136_3232.html#tiJDWXt5tqHroHmV.99

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