B. DES CAPACITÉS LIMITÉES PAR LE NIVEAU D'ÉQUIPEMENT

1. Livre blanc 2008 et loi de programmation militaire 2009-2014

La trajectoire financière prévoyait l'allocation de 161,89 milliards d'euros sur cinq ans (2009-2013) et une réduction d'effectifs de 38 426 personnels.

a) Des objectifs de programmation ambitieux

Pour soutenir ce contrat opérationnel, la loi de programmation a prévu un effort d'équipement des armées en deux phases :

« Au cours de la première phase 2009-2014 , l'accent était mis sur la remise à niveau des moyens de combat, en particulier des moyens terrestres.

Dans le domaine terrestre, les efforts devaient porter en priorité sur la protection des forces, la numérisation de l'espace opérationnel, le rétablissement de la capacité aéromobile et l'acquisition de capacités de frappe de précision dans la profondeur, l'implantation progressive du programme d'ensemble Scorpion qui vise à renouveler l'ensemble des moyens du combat de contact terrestre et les programmes de cohérence opérationnelle attachés à cette capacité.

Dans le domaine de l'aéromobilité, le déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique devait être progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A 400M, et des avions ravitailleurs C 135 par des avions multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) et le déficit capacitaire en aéromobilité intrathéâtre résorbé avec la livraison des NH90. Cette phase prévoyait également la modernisation progressive de l'aviation de combat avec une évolution vers un parc unique plus homogène d'avions modernes et polyvalents ( Rafale et Mirage 2000 ) 92 ( * ) .

S'agissant de la Marine, elle concernait la modernisation de la capacité de maîtrise du milieu sous-marin (lancement du programme Barracuda) et l'adaptation de la capacité amphibie.

Il était prévu la mise à niveau des stocks de munitions et sûreté d'approvisionnement.

Étaient prévus également la poursuite de plusieurs programmes concernant les systèmes d'information et de commandement et l'adaptation de notre défense à la lutte dans le cyberespace. »

b) Un nouveau modèle d'armée fondé sur une réduction des effectifs et l'effort d'équipement attendu

La transformation de la défense engagée devait permettre d'adapter les formats et d'ajuster la préparation des forces aux nouveaux contrats opérationnels.

La loi de programmation engageait une forte réduction des effectifs. L'effectif global des armées devait passer de 271 000 civils et militaires en 2008 à 225 000 en 2014-2015 (131 000 personnes pour l'armée de terre, 44 000 pour la marine, 50 000 pour l'armée de l'air). La réduction des effectifs de 54 000 postes sur la mission défense, hors externalisations, portera principalement sur l'administration et le soutien des forces (à hauteur de 75 %).

Les nouveaux formats des armées

« La composante terrestre constituera une force opérationnelle de 88 000 personnes organisée en : 8 brigades interarmes disposant de l'ordre de 250 chars lourds de bataille de type Leclerc , d'environ 650 véhicules blindés de combat de type VBCI, 80 hélicoptères de combat, 130 hélicoptères de manoeuvre et de l'ordre de 25 000 équipements individuels du combattant de type Félin , 3 brigades spécialisées et la brigade des forces spéciales, et les moyens d'appui correspondants.

La composante maritime mettra en oeuvre notamment : 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, 6 sous-marins nucléaires d'attaque, 1 porte-avions et son groupe aérien, 18 frégates de premier rang, 4 bâtiments de projection et de commandement.

La composante aérienne mettra en oeuvre : 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents, incluant ceux de l'aéronautique navale, les systèmes de détection et de contrôle avancé de type Awacs , une flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprenant de l'ordre de 14 appareils de type MRTT et environ 70 avions de transport. »

L'activité et l'entraînement des forces devaient revêtir un caractère prioritaire avec une préparation opérationnelle différenciée garantissant pour l'ensemble des composantes le socle adéquat d'entraînement, complété, par unité, d'une préparation spécifique en fonction de la prochaine mission. Des objectifs annuels d'activité sont spécifiés pour répondre aux contrats opérationnels et comprennent des normes de qualification nationales et de certification de l'OTAN.

Une profonde rationalisation de l'organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) est prévue avec la généralisation de la maîtrise d'ouvrage par milieu 93 ( * ) .

c) Comme souvent, la loi de programmation, en exécution, n'a pas répondu totalement à ces objectifs

La LPM 2009-2014 prévoyait d'allouer à la mission « défense » 161,9 milliards d'euros courants pour la période 2009-2013. En exécution, le ministère n'aura bénéficié que de 157,1 milliards d'euros, soit un écart de 4,76 milliards d'euros. L'écart constaté peut sembler faible rapporté à la somme totale de la programmation, mais il faut tenir compte de l'inertie des dépenses engagées en particulier de la masse salariale, de l'importance des pénalités contractuelles dans les surcoûts et enfin et surtout des effets de seuils qui renchérissent mécaniquement le coût unitaire des équipements produits chaque fois que l'on diminue la cible d'un programme. Beaucoup plus grave : l'absence de maîtrise de l'évolution de la masse salariale est venue mécaniquement évincer les dépenses d'« équipement des forces ». Au total, la réalisation du format d'armées tel qu'il avait était conçu en 2008 est apparu irréaliste, et la mise au point d'une nouvelle trajectoire physico-financière s'imposait.

L'écart entre les moyens budgétaires alloués qui diminuaient et les ambitions de défense qui restaient inchangées a provoqué l'apparition de lacunes significatives.

Malgré des succès militaires incontestables attestant de la valeur de nos armées, les opérations en Libye et au Mali ont montré les limites atteintes par un format « juste insuffisant » 94 ( * ) . Sans l'aide de ses alliés, en particulier en matière de transport stratégique et de ravitaillement en vol, la France ne pourrait conduire seule des opérations de forte intensité, dans des délais aussi brefs que ceux constatés dans ces deux opérations.

Principales lacunes par systèmes de forces intéressant les OPEX 95 ( * )

« Commandement et maîtrise de l'information » : insuffisance de drones MALE performants (particulièrement ressentie au Mali lors de l'opération Serval) ;

« Projection et mobilité » : la principale lacune capacitaire concerne le ravitaillement en vol. La flotte de Boeing C 135 et KC 135 est en fonction depuis plus de cinquante ans. Par ailleurs, les difficultés rencontrées par EADS dans la réalisation du programme A400M a conduit à différer de trois ans ce programme emblématique et à continuer à soutenir des Transall C 160 hors d'âge. Le comblement par des avions de transport tactique Casa 235 a permis de limiter l'impact en termes de préparation des pilotes et des troupes parachutées. Mais il n'en reste pas moins qu'une réduction temporaire de capacité est à redouter en matière de transport tactique à l'horizon 2015-2020.

« Engagement et combat » : le retard du programme Scorpion a privé l'armée de terre d'un renouvellement cohérent de ses moyens d'engagement, hormis il est vrai l'entrée dans les forces du tout nouveau véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) et de quelques dizaines de véhicules à haute mobilité (VHM).

2. Livre blanc de 2013 et LPM 2014-2019 actualisée

La loi de programmation militaire 2014-2019, dans sa version initiale, est adossée sur une trajectoire financière de 189,99 milliards d'euros sur 6 ans et prend en compte également la poursuite des réductions nettes d'effectifs de 33 675 équivalents temps plein.

L'actualisation de la loi de programmation intervenue en 2015 permet à partir de 2016 une progression des crédits pour atteindre progressivement 34,02 milliards d'euros en 2019 soit 193,79 milliards d'euros en cumulé sur 2014-2019. Dans le même temps, la réduction nette des effectifs s'élèvera à 6 918 équivalents temps plein sur la période 2015-2019 avec l'arrêt des suppressions de postes en 2015, un recrutement de 2.300 en 2016 et une reprise à un rythme modéré des déflations d'effectif à partir de 2017.

a) Les forces armées sont adaptées et équipées de nouveaux moyens pour répondre à ce nouveau contrat

La LPM insiste sur la modernisation des capacités de commandement et de contrôle permettant d'assurer à tout moment, au niveau stratégique, le commandement opérationnel et le contrôle national des forces engagées 96 ( * ) , sur la « numérisation des opérations, les capacités de télécommunication à longue distance, et le renforcement des réseaux de communication opérationnels .

Elle prévoit le renforcement des forces spéciales considérées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Elles disposent d'une chaîne de commandement direct, dont les moyens continueront à être renforcés de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions, de leur recrutement et de leur formation. Leurs effectifs seront renforcés d'environ 1 000 hommes. Leurs équipements feront l'objet d'un effort spécifique 97 ( * ) .

« Les forces terrestres , capables d'intervenir sur les théâtres d'opérations extérieures comme sur le territoire national, disposeront à l'horizon 2025 d'unités adaptées à la diversité, à la durée, à la dispersion et au durcissement des opérations. « Celles-ci seront structurées par la nouvelle génération des équipements Scorpion et seront articulées en deux divisions et six brigades interarmes densifiées : deux brigades de haute intensité, deux brigades médianes (amphibies) et deux brigades légères (aéroportée et montagne). Une brigade d'aérocombat sera créée.

« Afin de les mettre au niveau d'un contrat opérationnel redimensionné par un engagement durable sur le territoire national, les forces terrestres atteindront une capacité opérationnelle de 77 000 hommes équipés. Elles disposeront à l'horizon 2025 d'environ 200 chars lourds, 250 chars médians, environ 2 700 véhicules blindés multirôles et de combat, 147 hélicoptères de reconnaissance et d'attaque, 115 hélicoptères de manoeuvre et une trentaine de drones tactiques.

Dans le domaine des appuis et des soutiens sont prévus un programme de remplacement des missiles antichar Milan par le missile moyenne portée ( MMP ), la transformation du lance-roquette multiple ( LRM ) en lance-roquette unitaire ( LRU ) 98 ( * ) et la livraison de 900 porteurs polyvalents terrestres ( PPT ) 99 ( * ) . Dans le domaine du combat aéromobile et de l'aéromobilité intra-théâtre, les Gazelle « armées » seront pour partie progressivement remplacées par des Tigre 100 ( * ) , et les Puma par des NH90, les Puma seront progressivement remplacés par des NH90 101 ( * ) .

Les forces navales seront dimensionnées pour les opérations de haute intensité ou de crise majeure. Ces moyens s'articuleront autour du porte-avions, des sous-marins nucléaires d'attaque, des bâtiments de projection et de commandement, des frégates de défense aérienne et des frégates multi-missions. Ces capacités seront complétées par des unités de combat moins puissantes, permettant de préserver le potentiel des forces lourdes, et un nombre suffisant de moyens pour assurer la présence en mer, ainsi que par des unités légères aptes au contrôle des espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer. Les forces navales disposeront ainsi, à l'horizon 2025, de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, de 6 sous-marins nucléaires d'attaque, d'un porte-avions, de 15 frégates de premier rang, d'une quinzaine de patrouilleurs, de 6 frégates de surveillance, de 3 bâtiments de projection et de commandement, d'avions de patrouille maritime, ainsi que d'une capacité de guerre des mines apte à la protection de nos approches et à la projection en opération extérieure.

Les forces aéri e nnes poursuivront leur modernisation. La préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d'un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations 102 ( * ) . S'appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos alliés, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de chasse (air et marine), ainsi qu'une cinquantaine d'avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne (air et marine), 12 avions ravitailleurs multi-rôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée.

Durant la période de la loi de programmation, les forces aériennes poursuivront la montée en puissance de la flotte Rafale 103 ( * ) , l'intégration de nouvelles capacités (missiles air-air longue distance Meteor et systèmes de désignation PDL-NG ), engagement des opérations de prolongement des Mirage 2000D , spécialisés dans les attaques au sol. »

« Elles mettront progressivement en oeuvre des nouvelles capacités de projection aérienne tactique notamment les livraisons d'avions de transport A 400M , et la rénovation des C 130 en service pour répondre aux besoins des forces spéciales où l'armée de l'air est confrontée à une diminution de la disponibilité de ses C 160 notamment. Le renouvellement des ravitailleurs C 135 l'acquisition d'une flotte de 12 MRTT est lancé en 2014, deux devant être livrés sur la période, dont le premier en 2018 104 ( * ) .

Les forces armées continueront de s'appuyer sur les organismes interarmées qui en conditionnent l'efficacité, sur les théâtres d'opération, comme sur le territoire national 105 ( * ) . Le service de santé des armées continuera en effet de jouer le rôle essentiel qui est le sien pour le soutien des soldats, particulièrement en opération. Acteur déterminant de l'engagement opérationnel des forces, jusque dans les missions d'entrée en premier sur les théâtres d'opérations les plus exigeants, ses capacités seront également planifiées et sollicitées dans la gestion des crises, notamment en matière de gestion des crises sanitaires. »

L'activité opérationnelle reste une priorité avec comme objectif une inversion de l' évolution à la baisse de la période récente qui est indispensable au regard du contexte sécuritaire aggravé, de l'engagement soutenu et des conditions sévères d'environnement des opérations, qui se traduisent par un important besoin de régénération. À cette fin, un effort financier important est réaffirmé dans ce domaine 106 ( * ) qui sera renforcé par l'application du principe de différenciation à l'activité et à l'entraînement. L'effet attendu de la mise en oeuvre du nouveau modèle d'armée et des réformes qui seront engagées dans le domaine du maintien en condition opérationnelle, conjugué à l'effort financier consenti sur la période, doit permettre au niveau d'activité d'atteindre les normes requises 107 ( * ) , à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle.


* 92 « De l'ordre de 50 Rafale seront livrés. Les cibles et cadences d'acquisition révisées seront fixées en 2010. Des Mirage 2000D multirôles remplaceront les avions spécialisés à partir de 2014. Enfin, les nouveaux pods d'acquisition et de désignation laser seront livrés en 2014. »

* 93 Création du service interarmées de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de la défense (SIMMAD).

* 94 Rapport d'information n° 680 (2011-2012) de MM. Jean-Marc Pastor, André Dulait, Jacques Berthou, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Alain Gournac, Christian Namy et Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat - 18 juillet 2012

* 95 Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale http://www.senat.fr/rap/l13-050/l13-0502.html#fn4

* 96 Notamment elles disposeront de la capacité de commander et conduire les opérations depuis la métropole et de déployer des systèmes de commandement de théâtre d'opérations et de coordination logistique de théâtre dans les différents milieux pour des opérations de niveau division ou équivalent.

* 97 Programme de transmissions sécurisées, livraisons des premiers véhicules adaptées aux opérations spéciales. Les moyens aériens et aéromobiles feront l'objet d'un effort particulier : adjonction d'un armement offensif sur certains C 130-H . regroupement à terme de la flotte de Caracal du ministère de la défense au profit du commandement des opérations spéciales (COS).

* 98 Qui fournira une capacité d'appui tout temps, précise et réactive jusqu'à 70 km, adaptée aux engagements actuels 13 lanceurs ont été livrés en 2014. Ce matériel a été déployé au Mali où il a obtenu sa qualification en opération avec des résultats d'une précision remarquable.

* 99 Qui permet une meilleure protection des équipages pour le ravitaillement, le transport de postes de commandement et de systèmes d'armes et l'évacuation de véhicules endommagés.

* 100 Dont 25 Tigre HAD livrés entre 2013 et 2020 en complément des 39 Tigre HAP , déjà livrés et qui seront mis progressivement au standard HAD .

* 101 En complément des 26 Cougar rénovés et des Caracal. 74 hélicoptères dont 44 seront livrés avant 2019. Une commande permettra ensuite de compléter la cible à 115 hélicoptères de manoeuvre.

* 102 Cette démarche sera soutenue par une rénovation de l'entraînement et de la formation des pilotes de chasse (projet Cognac 2016) qui sera finalement reporté à 2018)).

* 103 26 nouveaux Rafale air et marine seront livrés sur la période.

* 104 Cette nouvelle flotte répondra au besoin mutualisé des fonctions de dissuasion, de protection et d'intervention, en apportant des capacités importantes de ravitaillement en vol, de projection de puissance et de forces, de transport de fret et d'évacuations sanitaires aériennes lourdes. À terme, la capacité de projection stratégique et de ravitaillement en vol reposera sur la complémentarité entre les MRTT et les A400M .

* 105

C'est le cas, entre autres, du service des essences, de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information, du service du commissariat des armées, des services de soutien tels que la structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres et du service de soutien de la flotte .

* 106 Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels s'établiront à un niveau moyen de 3,5 milliards d'euros courants par an sur la période, intégrant, dans le cadre de l'actualisation, un effort supplémentaire de 0,5 milliard d'euros soit 0,125 milliard d'euros par an en moyenne.

* 107 Voir tableau infra p. 108.

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