II. DES OPÉRATIONS CONCENTRÉES SUR UN « ARC DE CRISE » : « AFRIQUE DE L'OUEST RCA-MOYEN-ORIENT »
A. LIVRE BLANC 2008 : PRINCIPE DE CONCENTRATION ET ESQUISSE DE L'ARC DE CRISE
Le Livre blanc de 2008 place la sécurité européenne sous la garantie de nos capacités d'action dans le cadre de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique, donc dans un cadre de sécurité collective.
Le Livre blanc de 2008 a mis en exergue une logique de concentration sur des axes géographiques prioritaires , couvrant de manière réaliste les hypothèses de déploiement ou d'emploi des forces. Ce principe de concentration constitue une orientation fondamentale du volet militaire de la stratégie de sécurité nationale 59 ( * ) . L'axe principal épouse les contours des risques les plus lourds, de l'Atlantique jusqu'à la mer d'Oman et à l'océan Indien, à partir duquel des extensions de présence vers l'Asie sont possibles. Il définit également des zones prioritaires pour la Marine dans le cadre de la lutte contre les trafics qui menacent la sécurité intérieure, ce qui implique une présence suffisante en Méditerranée, à l'ouest du continent africain et dans les Antilles.
La logique de concentration impose une conversion progressive de notre système prépositionné, en partenariat étroit avec les pays africains qui le souhaitent. L'idée sous-jacente est de contribuer à la montée en puissance des moyens de sécurité collective et régionale des Africains et de faciliter la lutte contre les formes d'insécurité qui menacent aussi bien le continent africain que l'Europe et la France, en particulier les grands trafics d'origine criminelle et l'action des groupes terroristes. Mais il implique également une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. À cette fin, notre dispositif devra comprendre, à terme, une présence sur la façade atlantique du continent africain, une sur sa façade orientale, un ou deux points d'appui dans le golfe Arabo-Persique et un dans l'océan Indien.
B. LIVRE BLANC 2013 : UNE PRIORISATION DES ZONES D'INTÉRÊT ET ADAPTATION DU DISPOSITIF PRÉPOSITIONNÉ
Le Livre blanc de 2013 a défini cinq priorités stratégiques 60 ( * ) dont l'ordre n'est sans doute pas indifférent :
• « - protéger le territoire national et les ressortissants français 61 ( * ) , et garantir la continuité des fonctions essentielles de la Nation. Cette priorité, qui marque l'importance du continuum sécurité intérieure-sécurité extérieure, se trouve renforcée depuis les attentats de janvier et novembre 2015, la mobilisation des armées à la lutte contre le terrorisme sur le territoire national (opération Sentinelle), la fréquence des conseils de défense et de sécurité consacrés à cette question.
• garantir avec nos partenaires et alliés la sécurité de l'Europe et de l'espace nord-atlantique. Cette réaffirmation a pris plus d'acuité avec la crise russo-ukrainienne depuis février 2014 et les manifestations de puissance des forces armées russes dans les espaces maritimes et aériens au voisinage de l'Europe ;
• stabiliser avec nos partenaires et alliés les approches de l'Europe ; Il s'agit notamment d'éviter l'émergence de menaces susceptibles d'affecter les approches orientales de l'Europe, la zone méditerranéenne, le Sahel - de la Mauritanie à la Corne de l'Afrique - et une partie de l'Afrique subsaharienne - notamment le golfe de Guinée et les pays riverains ;
• participer à la stabilité du Proche-Orient et du golfe arabo-persique et, dans ce cadre, avoir la capacité de mettre en oeuvre, en coordination avec nos alliés, les accords de défense souscrits par la France en protégeant ses intérêts stratégiques et de sécurité. La sécurité de la zone, qui s'étend des rives de la Méditerranée orientale au golfe arabo-persique et jusqu'à l'Océan indien revêt une importance majeure pour l'Europe et l'équilibre international ;
• contribuer à la paix dans le mond e », en portant une attention particulière à la sécurité de l'Océan indien et à la maîtrise des risques en Asie du Sud et en participant activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements, notamment à l'universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires.
Au travers des développements dans le volet prévention, il revient sur la concentration des moyens sur le continent africain orchestrée par le Livre blanc de 2008, à la lumière de l'évolution des menaces, notamment terroristes, et de l'expérience des opérations extérieures en cours ou en gestation, mettant l'accent sur la nécessité de disposer de capacités « réactives et flexibles 62 ( * ) ». Il anticipe et esquisse les dispositifs mis en place depuis l'engagement de l'opération Barkhane. Ce dispositif est conforté par le soutien à la formation d'une architecture de sécurité collective en Afrique, des accords de partenariats de défense et des accords techniques de coopération qui accompagnent les États africains dans l'appropriation et la maîtrise de leur sécurité et offrent de surcroît à nos forces armées des facilités d'anticipation et de réaction.
En outre, au Moyen-Orient, la France est engagée par des accords de défense à Djibouti, aux Émirats arabes unis, au Koweït et au Qatar. Elle entretient une base interarmées à Abou Dhabi, et une base projetée en Jordanie, met en oeuvre un accord de coopération avec Bahreïn et souhaite développer des relations étroites avec l'Arabie saoudite.
* 59 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale p. 72. - Odile Jacob et La documentation française - Juin 2008 - « Les moyens militaires de la France doivent éviter la dispersion, pour pouvoir agir de façon ramassée et concentrée sur les lieux où nos intérêts peuvent être mis en cause. Nos capacités d'intervention doivent donc entrer dans une logique de concentration sur des axes géographiques prioritaires, couvrant de manière réaliste les hypothèses de déploiement ou d'emploi des forces. Ce principe de concentration constitue une orientation fondamentale du volet militaire de la stratégie de sécurité nationale ».
* 60 Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale - p. 47- La documentation française - mai 2013.
* 61 Y compris contre les risques à l'étranger : « Le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l'étranger ne cesse d'augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu'ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu'il s'agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la piraterie. Si, entre 2008 et 2012, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, en revanche le risque d'enlèvement est devenu structurel dans de nombreux pays. Par ailleurs, nos compatriotes se trouvent régulièrement pris dans des situations exceptionnelles (coup d'État, guerre civile, catastrophe naturelle...) qui appellent une action d'urgence. L'État devra toujours conduire des opérations destinées à protéger des citoyens français menacés à travers le monde. Le plus souvent, lorsqu'elle sera nécessaire, l'évacuation d'urgence concernera également d'autres ressortissants des pays européens ou alliés et elle pourra être partagée entre les pays concernés.
* 62 Le positionnement de forces militaires dans les pays avec lesquels nous entretenons des liens privilégiés, ou dans certaines zones maritimes, se situe à la convergence des fonctions stratégiques de prévention, d'intervention et de connaissance et anticipation. Ces forces peuvent contribuer à dissuader les acteurs étatiques ou non-étatiques de susciter des conflits ouverts ou de mener des actions de déstabilisation régionale. Elles sont à même de s'engager dans des actions concourant au contrôle des espaces, à la consolidation de la paix ou dans des opérations d'évacuation de nos ressortissants. Elles concourent à la fonction connaissance et anticipation par les moyens spécialisés dont elles disposent comme par le contact qu'elles entretiennent avec les acteurs locaux. Dans cette perspective, la France s'appuiera sur des déploiements navals permanents dans une à deux zones maritimes, sur la base des Émirats arabes unis et sur plusieurs implantations en Afrique. S'agissant de l'Afrique, une conversion de ces implantations sera réalisée afin de disposer de capacités réactives et flexibles , à même de s'adapter aux réalités et besoins à venir du continent. Cette évolution devra notamment privilégier une meilleure contribution de nos forces à l'assistance à nos alliés, à la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises que le continent traverse, au renseignement et à la lutte contre les trafics et le terrorisme (Livre blanc 2013 déjà cité).