EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sur les travaux du groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Mme Michèle André , présidente . - Charles Guené et Claude Raynal vont nous présenter un remarquable travail qui, de façon inédite, a été réalisé avec l'Assemblée nationale. En ce moment même, leurs homologues Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie présentent aux députés le document qui vous a été distribué. Je salue la présence parmi nous de Jacques Mézard, co-rapporteur, avec Philippe Dallier et Charles Guené, du rapport d'information de la délégation aux collectivités territoriales sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - La réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) prévue par l'article 150 de la loi de finances pour 2016 a été reportée au 1 er janvier 2017, compte tenu de la révision de la carte intercommunale et des dysfonctionnements constatés au cours du débat parlementaire.

Le Sénat, puis l'Assemblée nationale, ont créé des groupes de travail transpartisans afin d'identifier des pistes d'amélioration pour lever ces points de blocage, tout en conservant l'architecture proposée par le Gouvernement.

Afin de disposer d'analyses, d'enrichir ses propositions et de pouvoir simuler les différentes pistes de réforme envisagées, le Sénat a sélectionné un cabinet de conseil : Ressources consultants finances (RCF) qui a accompagné nos travaux.

Un comité de pilotage conjoint regroupant les rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du Sénat et les deux rapporteures nommées par l'Assemblée nationale s'est réuni régulièrement afin de préparer les séances des groupes de travail et de coordonner les travaux des deux assemblées.

Par ailleurs, le groupe de travail a entendu les ministres Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, et consulté les associations d'élus, celles-ci ayant été sollicitées pour l'envoi de contributions écrites et invitées à participer à une table ronde.

À la suite de l'annonce par le Président de la République du report de la réforme à 2018, nous vous proposons d'en rester, à ce stade, à un rapport d'étape. Celui-ci prévoit toutefois certaines mesures à prendre dès 2017, dans la mesure où les modalités de répartition actuelles de la DGF posent certains problèmes - nous en avons identifié quatre - qu'il convient de régler le plus tôt possible : il s'agit des « DGF négatives », du financement de la péréquation verticale, de l'effet de seuil de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et du fonctionnement en enveloppes de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Dans un deuxième temps, nous avons étudié les principes pouvant constituer le socle d'une future réforme de la DGF à partir de 2018, étant entendu que tout scénario de réforme devra être accompagné de simulations pluriannuelles exhaustives.

J'en viens tout d'abord aux points à réformer dès le projet de loi de finances pour 2017 avec, en premier lieu, le rebasage de la DGF des communes et des EPCI.

Selon l'article 150, aucune commune ne pourrait voir sa contribution au redressement des finances publiques (CRFP) représenter plus de la moitié de sa dotation forfaitaire : la question des « DGF négatives » est traitée en redonnant une dotation forfaitaire aux communes qui n'en percevaient plus, et donc en les exonérant d'une partie de leur CRFP, alors même que ces communes perçoivent d'importantes recettes par ailleurs.

Le groupe de travail propose, au contraire, de « rebaser » la DGF notamment en élargissant le support de la CRFP à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et en jouant sur les attributions de compensation (AC).

En effet, la CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF, mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement (RRF). Actuellement, cette contribution s'impute sur la DGF, mais rien n'empêche qu'elle le soit sur d'autres vecteurs. Certaines communes font d'ailleurs aujourd'hui l'objet d'un prélèvement sur leurs recettes fiscales, ce sont les « DGF négatives ».

Nous proposons de définir une dotation de référence, calculée notamment à partir de l'ancienne dotation de base, pour chaque commune, ce qui permettrait de supprimer les « DGF négatives » sans remettre en cause la contribution au redressement des finances publiques et d'améliorer ainsi la lisibilité du système.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter : soit le montant support est suffisant pour absorber la CRFP, auquel cas la fraction résiduelle de dotation est ajoutée au montant de la dotation de base pour former la dotation de référence de la commune. Soit le montant support est insuffisant, et le reliquat de CRFP dû est alors acquitté par l'EPCI auquel appartient la commune, qui le répercute automatiquement et obligatoirement sur la commune à travers une minoration de son attribution de compensation. Pour les communes isolées, l'ajustement se ferait à travers leur contribution ou attribution au titre du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR).

En outre, nous proposons de faire remonter la compensation part salaires (CPS) et la DCRTP des communes au niveau des EPCI. Cette opération est neutre pour chaque commune et chaque EPCI, en jouant sur les attributions de compensation, et permet d'homogénéiser la DGF des communes et celle des EPCI en globalisant toutes les compensations de l'ancienne taxe professionnelle au niveau des EPCI, quel que soit leur statut fiscal. Les comparaisons entre communes et entre EPCI auront ainsi plus de sens qu'aujourd'hui.

S'agissant des EPCI, la logique du rebasage est la même : il s'agit de définir une dotation de référence après la CRFP.

Avant et après rebasage, les ressources des communes et des EPCI sont strictement identiques, tant au niveau global que pour chacun d'entre eux. Cette neutralité est assurée à travers la variation des attributions de compensation. De même, ce système est budgétairement neutre pour l'État. Les ministères ont confirmé la neutralité du système, notamment pour l'État. Ce rebasage permet de régler un grand nombre de problèmes, notamment les cas des « DGF négatives ».

J'en viens au deuxième point qu'il faudra régler dès le projet de loi de finances pour 2017 : le financement de la péréquation verticale.

Depuis 2015, l'écrêtement - destiné à financer notamment la hausse de la péréquation verticale - prend la forme d'un prélèvement péréqué portant sur la dotation forfaitaire, plafonné à 3 % de cette dernière. Ce plafonnement à 3 % a plusieurs conséquences sur le financement de la péréquation, aggravées par la CRFP. Tout d'abord, le plafonnement implique que les communes concernées contribuent moins à la péréquation que ce qu'elles devraient. Par ailleurs, la dotation forfaitaire de chaque commune diminue du fait de la CRFP, et donc plus une commune a de RRF, moins elle contribue à la péréquation. Enfin, les 168 communes qui ont une dotation forfaitaire nulle du fait de la CRFP ne contribuent pas au financement de la hausse de la péréquation. Il en résulte un report sur les autres communes qui sera de plus en plus important, et qui s'élève déjà, en 2016, à 51 millions d'euros.

Entre 2013 - dernière année avant la CRFP - et 2015, plus de 10 000 communes ont vu leur prélèvement augmenter plus que proportionnellement à la hausse globale du prélèvement. Pour plus de 7 000 communes, ce prélèvement a augmenté de plus de 50 % et même de plus de 100 % pour 4 500 communes. Ceci a pu expliquer certaines incompréhensions en mars dernier, lors des notifications de la dotation forfaitaire.

Pour mettre fin à ce problème, il pourrait être envisagé de faire évoluer le plafonnement, en le supprimant ou en en augmentant progressivement le taux, étant entendu que le rebasage résoudrait déjà une partie du problème.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Je précise que nos quatre propositions de réformes pour le projet de loi de finances pour 2017 ont été travaillées avec la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et Bercy. Nous ne vous proposons rien qui ne soit réalisable.

En troisième lieu, donc, nous vous proposons de recentrer la DSU et de corriger ses effets de seuil.

À titre de rappel, l'article 150 de la loi de finances pour 2016 prévoit de réformer les trois dotations de péréquation verticale. Il propose ainsi de supprimer la dotation nationale de péréquation (DNP) afin d'abonder les enveloppes de dotation de solidarité rurale (DSR) et de DSU ; de réserver la DSU aux deux premiers tiers des communes de plus de 10 000 habitants et de répartir la progression de la DSU entre l'ensemble des communes éligibles et non plus entre les 250 premières communes dites « DSU cible », avec un coefficient de 0,5 à 2 en fonction du rang de classement à l'indice synthétique.

Afin d'éviter le saupoudrage de la DSU et de limiter les effets de seuils, nous proposons de réformer la DSU dès le projet de loi de finances pour 2017. En revanche, il est préférable de ne pas réformer l'architecture des dotations de péréquation en 2017. Nous proposons une opération a minima pour traiter la question de la DSU. Une refonte de la péréquation devra nécessairement s'inscrire dans le cadre d'une réforme plus large de la DGF.

Il apparaît donc souhaitable de conserver la DNP en l'état, dans l'attente d'une réforme globale, qui pourrait reposer sur deux enveloppes (DSU et DSR élargies) ou trois enveloppes (DSU, DSR et DNP), car il serait sans doute difficile de recréer une dotation générale de péréquation une fois la DNP supprimée.

S'agissant de la DSU, dans la continuité de ce que prévoit l'article 150 de la loi de finances pour 2016, nous proposons de recentrer l'éligibilité à la DSU des communes de plus de 10 000 habitants des trois premiers quarts aux deux premiers tiers et de passer ainsi de 751 à 667 communes. Le Comité des finances locales (CFL) travaille actuellement également en ce sens. Nous proposons aussi de répartir l'augmentation annuelle de la DSU sur les 667 communes éligibles et non plus seulement sur les 250 premières - à défaut, les écarts deviendraient excessifs. Cette répartition pourra être affectée d'un coefficient multiplicateur pour tenir compte des écarts de ressources et de charges.

Enfin, pour 2017, nous souhaitons corriger le fonctionnement en enveloppes de la dotation des EPCI. À l'heure actuelle, l'enveloppe fonctionne par catégorie juridique d'EPCI. Cette année, les changements de catégories de certains EPCI ont mis en tension la dotation d'intercommunalité, notamment celle des communautés d'agglomération.

En effet, l'enveloppe de dotation d'intercommunalité de chaque catégorie d'EPCI est calculée en fonction de la population et d'un montant par habitant. Cette enveloppe est ensuite répartie en fonction de critères, tels que le coefficient d'intégration fiscal (CIF), le potentiel fiscal, la population, etc... Ainsi, l'enveloppe des communautés d'agglomération est égale à 45,40 euros multiplié par le nombre d'habitants, mais le montant que chaque communauté d'agglomération perçoit effectivement est compris entre 9 euros et 128 euros par habitant.

Les 28 communautés d'agglomération qui sont devenues communautés urbaines ou métropoles en 2016 percevaient en moyenne 35,10 euros par habitant. Toutes choses égales par ailleurs, la dotation d'intercommunalité perçue par les communautés d'agglomération restantes a diminué d'environ 50 millions d'euros en raison du seul changement de catégorie juridique de ces 28 communautés. Il faudra donc trouver un moyen de résoudre ce problème qui peut avoir des conséquences particulièrement importantes pour les communautés d'agglomération. Il existe quelques solutions techniques, mais elles ne sont pas simples, d'autant que l'enveloppe globale est constante.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous en arrivons aux éventuelles améliorations à apporter ultérieurement à l'article 150.

Faut-il un report d'un an de l'article 150 afin de s'assurer que la réforme sera bien menée, ou bien est-il préférable de le supprimer ? Avec nos collègues de l'Assemblée nationale, nous préférons reporter la réforme d'un an plutôt que de laisser croire qu'elle n'a pas ou plus lieu d'être.

Deux orientations majeures de la réforme soulèvent des difficultés sérieuses : le choix de proposer une dotation universelle au montant relativement élevé, 75,72 euros par habitant dans l'article 150, réduit les marges de manoeuvre restantes pour prendre en compte la diversité des situations des communes et les garanties dont elles bénéficient. En second lieu, la redistribution, à l'aveugle, de toutes les garanties, a des effets particulièrement brutaux pour certaines communes en difficulté : toutes les garanties ne sont en effet pas injustifiées.

En ce qui concerne la structure de la dotation forfaitaire, l'article 150 prévoit une dotation de base, une dotation de centralité partagée entre l'EPCI et ses communes membres en fonction de la part de la population communale dans l'EPCI portée à la « puissance 5 » - ce qui nous avait laissés pantois - et une dotation de ruralité.

Cet article pose plusieurs difficultés majeures : la non-prise en compte des nouveaux périmètres intercommunaux alors qu'ils sont déterminants dans la répartition de la dotation de centralité ; l'utilisation de la « puissance 5 » entraîne des résultats absurdes sur certains territoires polycentraux ; l'appréhension difficile de la notion de charges de centralité ; la sensibilité de la question de la territorialisation d'une part de la dotation forfaitaire des communes ; l'illisibilité du coefficient de majoration et du tunnel.

Les groupes de travail proposent donc de remanier fortement la dotation de centralité. Nous abandonnerions la territorialisation en créant une nouvelle dotation de centralité réservée aux communes au-dessus d'un certain seul de population et répartie en fonction d'un coefficient logarithmique pour prendre en compte les charges des communes. Une majoration serait prévue en fonction du poids démographique de la commune dans le département, en considérant les charges spécifiques des communes centres qui offrent des équipements et des services aux populations alentours. Ce nouveau système serait bien préférable à la « puissance 5 » qui ne fonctionnait absolument pas.

Nous proposons aussi d'adapter à la marge la dotation de ruralité. Elle serait réservée aux communes en deçà de seuils démographique et de densité et serait répartie en fonction de la densité et de la population, majorée pour les communes accueillant un parc naturel, et pourrait être assortie de plafonds (par habitant, voire par hectare).

Nous souhaitons également un changement de logique de la dotation de base : au lieu de déterminer, en amont, le montant par habitant de cette dotation, celle-ci serait considérée comme le solde de l'enveloppe restant après le calcul des enveloppes dédiées à la centralité et à la ruralité. L'avantage de cette formule serait que chaque année, le montant total de la dotation forfaitaire serait réparti sans nécessiter l'introduction d'un coefficient de majoration, ce qui améliorerait sensiblement la lisibilité de la répartition.

La dotation forfaitaire serait répartie exclusivement en fonction de critères de charges et les dotations de centralité et de ruralité seraient exclusives l'une de l'autre, en fonction d'un seuil de population. Nous rencontrons néanmoins une difficulté : l'article 150 prévoit une suppression de toutes les garanties comprises au sein de la dotation forfaitaire des communes. Mais derrière un même montant de garanties, se cachent des communes à la situation financière très différente. La répartition du complément de garantie par habitant de toutes les communes en fonction de leur potentiel fiscal par habitant montre qu'il n'y a absolument aucune corrélation entre les deux. C'est pourquoi il est indispensable d'envisager la création d'une dotation spécifique, qui consoliderait les anciennes garanties de certaines communes, par exemple en fonction d'un seuil de potentiel financier et d'effort fiscal. Certes, la création d'une telle dotation n'est pas satisfaisante puisqu'elle revient à cristalliser une partie du passé. L'alternative serait d'augmenter significativement le caractère péréquateur de la DGF, ce qui pourrait être complexe à mettre en oeuvre.

J'en arrive à la structure de la péréquation verticale. Les communes dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne nationale ne sont pas uniquement des communes en grande difficulté, mais également des « communes moyennement pauvres », qui doivent également bénéficier de la solidarité nationale.

Trois principes à l'oeuvre dans l'article 150 appellent une analyse particulière au regard de ces « communes moyennement pauvres ». Dès lors que la dotation de base absorbe les trois quarts de la dotation forfaitaire et qu'elle est répartie en fonction de la population, il en découle que les communes qui ne bénéficieront pas de la péréquation verticale seront pratiquement traitées de façon identiques entre elles, alors que les différences de richesse peuvent être considérables.

L'article 150 prévoit de réduire le nombre de communes bénéficiaires de la DSU et de la DSR afin d'éviter le saupoudrage et de supprimer la DNP. Les « communes moyennement pauvres » risquent ainsi d'être exclues de toute péréquation verticale et traitées de la même façon que des communes beaucoup plus riches. Il est donc proposé de conserver une dotation de péréquation générale, en miroir de la dotation de base, soit en reconduisant en son sein le montant de la DNP, soit en l'abondant de la DSR péréquation et de la DSU « non cible ».

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - S'agissant de la structure de la DGF des EPCI, outre la question spécifique de la dotation de centralité, la proposition du Gouvernement était considérée comme insoutenable pour certains EPCI, notamment les plus peuplés, en raison de la remise en cause brutale de la dotation de compensation qui aurait été totalement redistribuée. Les capacités financières des territoires industriels seraient donc totalement redistribuées, ce qui semble insoutenable. Un système de garanties était prévu pour les EPCI dont le CIF était supérieur à 50 %. Il suffisait donc que tous ces territoires augmentent leur CIF au-dessus de ce seuil pour vider de ses effets la réforme.

La solution étudiée par les groupes de travail vise à recycler progressivement la dotation de compensation, sur une période de dix ans : chaque année, 10 % de son montant abonderaient la dotation d'intercommunalité. Celle-ci serait composée de trois parts : une dotation d'intégration, prenant en compte le CIF ; une dotation de péréquation, prenant en compte des critères de richesse et, enfin, une dotation territoriale, qui serait répartie en fonction de critères relatifs à l'ensemble intercommunal, mais serait perçue uniquement par l'EPCI. L'enjeu de la DGF des EPCI est donc de trouver un rythme de recyclage de la dotation de compensation qui soit acceptable, en lien avec la croissance des autres ressources de l'EPCI.

Le dernier point concerne le système de transition. Le tunnel proposé par l'article 150 a trois défauts : le système de garanties n'est pas autofinancé car les garanties des uns ne sont pas automatiquement financées par les écrêtements des autres, ce qui rendait nécessaire le maintien d'un coefficient de majoration dans la dotation forfaitaire. En outre, une commune dont la dotation aurait dû à terme augmenter de 50 % gagne autant la première année qu'une commune dont la dotation aurait dû à terme augmenter de 5 %. Enfin, la réforme n'était entièrement mise en oeuvre qu'au bout de quarante ans.

Nous vous proposons donc de mettre en place une transition progressive sur dix ans : la première année, chaque commune percevrait 10 % de sa nouvelle dotation forfaitaire et 90 % de sa dotation de référence, puis 20 % et 80 %, etc. C'est d'ailleurs ce qui avait été fait lors de la réforme de la DGF en 1985.

En conclusion, il est nécessaire dès 2017 de remédier à quatre problèmes posés par la DGF actuelle : rebaser la DGF en élargissant le support de la CRFP, afin notamment de supprimer les « DGF négatives ». Aujourd'hui, certains élus comparent l'évolution de leur DGF alors qu'ils devraient comparer l'évolution de leurs recettes réelles de fonctionnement.

En second lieu, il faut un financement équitable de la péréquation verticale en réformant le plafonnement à 3 % de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes. Si l'on ne procède pas à cette modification, le système ne pourra perdurer.

En troisième lieu, il convient de réformer la DSU pour éviter son saupoudrage et limiter les effets de seuil. Il est anormal que tout ceci ait été gelé pendant des années.

Quatrièmement, nous devons remédier aux effets de transfert de DGF des EPCI liés aux changements de catégories juridiques.

Pour le reste, nous souhaitons fixer les principes d'une réforme de la DGF du bloc communal à partir de 2018, notamment en ce qui concerne la dotation forfaitaire des communes, avec un système de transition efficace, les dotations de péréquation et la DGF des EPCI.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous vous avons présenté un rapport d'étape. La répartition actuelle de la DGF comporte de nombreuses injustices et une réforme est nécessaire.

La situation de l'outre-mer est particulière et difficile à appréhender avec les dispositions de droit commun. Il convient donc, le cas échéant, de les adapter aux spécificités des communes d'outre-mer.

Dans la perspective de la réforme de la DGF, qui devra préalablement faire l'objet de simulations pluriannuelles, nous devrions mettre les prochains mois à profit pour continuer à travailler sur la question des indicateurs et notamment sur le potentiel fiscal, le potentiel financier, l'effort fiscal, le coefficient d'intégration fiscale et sur la définition de la « population DGF ». Nous devrons également réfléchir aux effets cumulés de la péréquation verticale et de la péréquation horizontale, c'est-à-dire du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Par ailleurs, l'appréhension des charges des collectivités passe trop souvent par des indices synthétiques et des logarithmes, qui ne suffisent plus à apprécier assez finement les contraintes de chaque territoire et dont la définition n'est jamais consensuelle. À ce titre, le système italien des « besoins de financement standard » pourrait être utile.

À notre avis, la réforme de la DGF devrait beaucoup plus tenir compte des ressources et des charges qu'il convient de redéfinir de façon bien plus précise et contemporaine.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Merci pour ce travail sur un sujet aride et complexe. Faut-il sauver l'article 150 ou proposer une autre réforme ? Je regrette le manque d'ambition de cette réforme, qui ne supprime pas les mécanismes incompréhensibles, comme le FPIC. On reprend d'une main ce qu'on accorde de l'autre ? Il suffirait que la DGF tienne compte de la réalité pour ne plus avoir besoin de péréquation horizontale.

M. Michel Bouvard . - Tout à fait !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comment accepter des « DGF négatives » ? Ne faut-il pas aller au-delà de l'article 150 ?

M. Jacques Mézard , vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation . - Si nous n'avons pas toutes les solutions, l'essentiel des questions vient d'être posé.

Comme vient de le dire le rapporteur général, nous devons revisiter l'ensemble du système de financement de nos collectivités, devenu incompréhensible pour nos collègues élus locaux et pour nos concitoyens. En attendant, des solutions concrètes doivent être trouvées dès 2017.

Le Cantal et la Lozère seraient durement touchés par cette réforme, alors que nous connaissons leur situation financière. Si le système actuel est maintenu, ma communauté d'agglomération sera étranglée en raison de la transformation d'autres communautés d'agglomération en communautés urbaines ou métropoles. Or lors de l'examen du projet de loi sur les métropoles au Sénat, au cours duquel la ville de Dijon avait été bien défendue, le Gouvernement s'était formellement engagé à maintenir l'enveloppe pour les communautés d'agglomération qui ne changeaient pas de statut. Mais, une fois de plus, les engagements pris en séance n'ont pas été tenus. J'espère que la commission des finances fera des propositions pour gommer ces injustices.

Puisqu'il n'est plus urgent d'aller très vite, profitons-en pour faire le ménage.

M. Philippe Dallier . - Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ?

Je salue le travail de nos rapporteurs et la démarche commune avec l'Assemblée nationale. Il y a longtemps qu'on aurait dû procéder de la sorte pour se réapproprier les sujets difficiles et jusqu'à présent souvent traités en dehors du Parlement. Grâce à vous, la question de « DGF négatives » sera traitée. Le déplafonnement était également fondamental : vos propositions vont dans le bon sens. Nous allons sortir de ces sept longues années durant lesquelles l'augmentation de la DSU aura été concentrée sur 250 communes. Cependant, je regrette que vous ne reveniez pas sur la cristallisation de la DSU perçue par les communes « non cible ».

Concernant la réforme de la DGF, il faut avoir le courage de dire les choses : l'article 150 ne fonctionne pas. Autant le supprimer plutôt que de repousser son application à 2018. En revanche, les chiffres que nous avons étudiés en groupe de travail montrent que nous n'avons pas de solution de rechange « clé en main ».

Nous partons d'une situation tellement inextricable qu'il nous faut tout remettre à plat, y compris le FPIC et le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Pourquoi ne pas utiliser des critères de charges objectifs ?

Le travail a été intéressant, mais n'est pas parvenu à une réforme alternative. J'espère que le futur Gouvernement aura le courage de remettre l'ouvrage sur le métier.

M. Vincent Delahaye . - Comme l'a dit Philippe Dallier, le groupe de travail a bien travaillé, mais une revue d'ensemble devrait être effectuée. Les simulations ont démontré des anomalies dues notamment aux garanties. Il faut donc repartir sur de nouvelles bases, en abrogeant l'article 150, même si des ajustements doivent être effectués dès 2017.

Les propositions sur l'intercommunalité me semblent peu claires. Pourquoi accorder plus de dotations aux EPCI qui sont les plus intégrés ? J'ai toujours pensé que ces intégrations devaient permettre de réaliser des économies et donc ne justifiaient pas des dotations en hausse.

Comment financerons-nous à l'avenir les effets d'aubaine des changements de statut de certaines communautés ? Les dotations des communautés urbaines étant plus intéressantes que les communautés d'agglomération, la tentation existe... Faut-il accepter que certaines y gagnent au détriment des autres ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je salue le travail considérable mené par les deux groupes de travail et qui montre que notre résistance de l'an passé était justifiée. Il y a un paradoxe à se féliciter du report tout en commençant à opérer le malade. Nous venons de rappeler la nécessité d'avoir une vue globale en ces matières : faut-il commencer à réformer ? N'oublions pas qu'en Île-de-France, la première couronne connaît des effets qui n'ont pas encore été examinés.

Le rebasage sera neutre pour les communes, les EPCI et l'État, mais attention aux flux entre les EPCI et les communes. Si tout n'est pas automatique, certaines communes feront de la résistance pour conserver leurs dotations. Prenons garde aux usines à gaz !

Comme nous avons coupé le lien entre les communes et les projets de développement économiques, certaines n'ont pas envie d'investir. Dans la première couronne de l'Île-de-France, le système est déresponsabilisant : si les établissements publics territoriaux n'équilibrent pas leurs comptes, les impôts des communes augmentent automatiquement.

Certes, il faut éviter le saupoudrage pour la DSU, mais vous dites aussi que les « communes moyennement pauvres » doivent être aidées. Or, la DSU leur apporte une petite bouffée d'oxygène.

Vous estimez que la démographie est l'élément majeur qui doit être pris en compte pour la dotation de centralité. Certaines communes peuvent faire fonction de ville centre, car elles ont beaucoup d'équipements, sans être pour autant les plus peuplées.

M. Michel Bouvard . - Je m'associe aux remerciements que mes collègues ont adressés aux rapporteurs. Leur tâche était ingrate et les observations du rapporteur général sont fondées. Le document finalisé a le mérite d'identifier les problèmes majeurs soulevés par l'article 150 et de formuler quatre propositions pour remédier à des difficultés actuelles. Elles me paraissent fonctionner sous réserve de vérifier la soutenabilité des effets de la suppression du plafonnement.

En revanche, comme l'a dit Charles Guéné, nous manquons de critères objectifs pour refléter les charges, car on ne peut pas sérieusement s'en tenir au revenu moyen par habitant. Une mécanique d'identification des charges par catégorie de collectivités s'impose, qui prendra en compte des critères comme la présence de logements sociaux, les contraintes liées à la géographie ou au relief, etc.

La définition de la population DGF est également essentielle pour les communes où l'on constate un écart considérable entre la population permanente et la population saisonnière. C'est un critère d'autant plus important que la dotation touristique qui figurait autrefois dans la dotation forfaitaire a été définitivement enterrée. À ne pas le prendre en compte, on risque de tuer l'outil de travail que constituent les équipements touristiques pour un certain nombre de communes, avec les conséquences qui s'ensuivent en matière d'emploi, de performance et de compétitivité.

Je regrette que l'on n'ait pas intégré dans le potentiel financier les sommes prélevées ou reçues par les communes au titre des dotations de solidarité ou du FPIC. C'est pourtant une évidence : on n'est pas riche de ce que l'on a donné et on améliore sa situation à recevoir une dotation.

Le mérite principal du rapport reste d'avoir identifié la difficulté à traiter les garanties. Les simulations d'application de la réforme sur le bloc communal ont fait apparaître des distorsions qui touchent les communes, mais pas les intercommunalités, car le poids des garanties pèse davantage sur les communes que sur les EPCI. Il faudra en tenir compte pour ne pas déstabiliser le mode de fonctionnement d'un certain nombre de collectivités.

Le président Mézard disait tout à l'heure que les promesses faites devant les parlementaires n'étaient pas toujours tenues. Je tiens également à dire combien je suis choqué : le Gouvernement avait pris l'engagement d'autoriser le cumul de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et du fonds de soutien à l'investissement local, engagement confirmé par une circulaire du Premier ministre adressée aux préfets. Or, l'un des préfets de la République considère que cette disposition n'est pas applicable sur une partie du territoire de la République, en l'occurrence la région Auvergne-Rhône-Alpes. C'est inacceptable. D'autant qu'on pénalise ainsi les territoires qui contribuent le plus au FPIC et qui subissent les plus fortes baisses de dotation. C'est précisément là qu'on aurait besoin d'un soutien à l'investissement. Pourquoi nous interdire ce cumul alors qu'il est autorisé sur le reste du territoire ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce genre de problèmes se résout le mercredi matin en conseil des ministres. Je suis estomaqué.

M. Maurice Vincent . - Ce n'est peut-être pas le seul critère qui préside à la nomination et au maintien en place d'un préfet.

Mme Michèle André , présidente . - Les élus d'Auvergne-Rhône-Alpes sont très mobilisés sur ce sujet. Pour avoir travaillé avec le préfet en question, je crois qu'il est homme à s'adapter à toutes les situations. Nous ne pouvons que nous étonner de cette manière de procéder. Il y a sans doute une explication.

M. Jacques Genest . - Le groupe de travail a réalisé un gros travail. J'y ai participé modestement. Les résultats sont peu satisfaisants et même surprenants. On a trouvé des lièvres ; on ne les a pas encore tués. Remplacer un système compliqué et injuste par un autre système qui multiplie ces défauts ne peut être que dangereux.

Je suis un homme pragmatique. Plutôt que de philosopher, j'ai préféré regarder les tirs à blanc du groupe de travail, en partant des simulations. Elles montrent qu'en Ardèche, la situation serait beaucoup plus catastrophique si l'on n'appliquait pas l'article 150. Par exemple, la commune la plus riche de l'Ardèche, où l'on a implanté une centrale nucléaire, et qui compte parmi les plus riches de la région Auvergne-Rhône-Alpes touche davantage que les petites communes bourg-centres.

Dans la mesure où la dotation de base serait un solde, il risque d'être pénalisant pour les petites communes rurales. Elles souffriront également de la suppression de la DNP. Par ailleurs, le fonctionnement par strates est injuste. Lorsqu'elles ont été instituées, les garanties avaient leur raison d'être, restons prudents avant de les supprimer. Pour l'instant, les pistes explorées par la réforme pénalisent les bourg-centres qui supportent les mêmes charges qu'auparavant. Comme le disait Michel Bouvard, le revenu moyen par habitant ne veut absolument rien dire. Deux retraités de l'industrie avec de gros salaires suffisent à classer une petite commune parmi les communes riches, même si le reste de la population est pauvre. Cela n'aurait aucun sens d'y augmenter les impôts. Mieux vaudrait adopter des critères objectifs.

En ce qui concerne la voirie, à aucun moment on ne prend en compte les zones de montagne. Le département accordait des aides aux petites communes pour le déneigement ; elles risquent de disparaître. Comment feront les maires ? Si on ne déneige pas, les gens ne viendront pas. Le critère d'altitude et de montagne doit pouvoir jouer. La commune bourg-centre supporte également les charges des élèves scolarisés, ainsi que celles des logements sociaux en milieu rural. La vie associative est un autre critère important. Plus elle est développée, plus la commune aura de frais.

Le travail est excellent ; le résultat l'est moins. Il est urgent d'attendre. Les deux premiers points de l'article 150 étaient bons ; le troisième pose problème. Abrogeons l'article et reportons la tâche sur le prochain Gouvernement.

Je ne peux être que très favorable à ce qu'ont dit Michel Bouvard et le rapporteur général au sujet de l'attitude du préfet de Auvergne-Rhône-Alpes. Il est inadmissible qu'un préfet n'applique pas les directives de l'État. C'est dire si l'État est devenu faible.

M. Yannick Botrel . - Je tiens à complimenter nos collègues pour leur aisance à traiter ce dossier très technique, qui me laisse avec une conviction : on ne pourra pas prévoir de manière précise les conséquences des options retenues. Si l'on prévoit dix ans pour mettre en place cette réforme, on risque fort de devoir se soumettre à une réévaluation permanente du dispositif en fonction des conséquences réelles de la réforme.

Dans le département des Côtes-d'Armor, nous allons passer de 32 à 8 intercommunalités. En plus d'un pôle structurant, il faut dégager des pôles d'équilibre correspondant aux anciens chefs-lieux de canton, pour jouer un rôle de proximité auprès de la population. Certains d'entre eux peuvent ne pas être très peuplés. En Bretagne, la densité de population s'accroît à mesure que l'on approche de la côte, et inversement.

Quels critères appliquer pour définir la dotation de centralité ? Si les communes participent en général au fonctionnement de l'école, l'investissement reste à la charge de la commune-centre. Le déficit du restaurant scolaire est un autre critère très concret, tout comme la présence d'équipements sportifs ou culturels à la charge du bourg-centre. Le seuil de population doit être envisagé par rapport à la situation globale de l'intercommunalité et ne peut pas être décrété sans tenir compte de la réalité du territoire.

M. Marc Laménie . - Compliments à nos rapporteurs pour ce travail très complexe. Comment construire un système idéal ? Vous connaissez tous l'historique de la DGF et de ses composantes. Comment simplifier la péréquation, qu'elle soit verticale ou horizontale ? J'ajouterai une interrogation annexe : quel devenir pour les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?

M. François Marc . - Les rapporteurs ont été largement remerciés et félicités, à juste titre, pour leur prestation sur un sujet à la fois technique et exigeant. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec eux. Je me félicite de la contribution du cabinet RCF. Grâce à lui, nous disposons de simulations pour construire l'avenir. Restent à définir les perspectives de notre projet. Je suis d'accord avec les orientations qui ont été dégagées pour mettre en oeuvre cette réforme dès 2017, car il faut effectivement aller vite. Je ne suis pas non plus en désaccord avec les principes qui ont été définis pour la réforme de la DGF du bloc communal.

En revanche, je ne partage pas la position de Jacques Genest selon laquelle il est urgent d'attendre, en espérant qu'un autre gouvernement trouvera les moyens de faire plaisir à tout le monde. Plus on tarde à agir, plus on affaiblit le statut communal. Si l'on n'est pas capable de répondre au problème souligné par Jean Germain et Christine Pires Beaune sur les inégalités très fortes entre communes créées par la DGF, la seule solution technique qui s'imposera sera la dotation communautaire à répartir au sein de chaque territoire. Ceux qui plaident pour un report sont donc en train d'enterrer la commune.

Je partage la totalité des conclusions du rapport et des orientations qui s'en dégagent. À titre personnel, je reste convaincu que l'on aurait pu finaliser cette réforme fin 2015, moyennant quelques aménagements sur la centralité. Avec les améliorations apportées et les nouvelles simulations dont nous disposons, nous sommes en capacité de la mettre en oeuvre dès l'année prochaine, quitte à déposer un amendement conséquent sur l'article 150. C'est la seule manière de préserver la commune. Si on ne corrige pas les inégalités, avec le temps, c'est la dotation communautaire qui s'imposera.

M. Bernard Delcros . - J'adresse mes remerciements aux rapporteurs qui ont animé ce groupe de travail avec autant d'engagement que de compétence. Je salue la démarche qui a consisté à réunir des groupes de travail des deux assemblées, de sorte que le Parlement s'est approprié ce sujet extrêmement important. C'est une stratégie à reprendre dans d'autres domaines.

La réforme de la DGF est déterminante pour l'avenir des territoires. La contribution au redressement des finances publiques a accru les inégalités territoriales, en s'appuyant uniquement sur les recettes des collectivités sans prendre en compte leur capacité contributive. Les enveloppes de dotation sont constantes ou en baisse. Pour une DGF plus juste, il faut que certaines collectivités acceptent de recevoir moins pour que d'autres reçoivent plus. D'où la difficulté de la réforme. D'autant qu'on ne connaît pas encore l'impact sur les dotations de la réorganisation territoriale et du changement de statut d'un certain nombre de collectivités.

Je suis favorable aux quatre dispositions à mettre en oeuvre dès la loi de finances pour 2017. Il est urgent de procéder à un rebasage pour éviter les « DGF négatives ». Comment accepter que les collectivités qui ont le plus de capacités contributives ne participent pas à l'effort de redressement des finances publiques ? Idem pour le financement de la péréquation verticale avec la suppression du plafonnement à 3 %. Enfin, il faut approfondir la réflexion sur le fonctionnement de la DGF des EPCI, en prenant en compte les modifications de statut.

Faut-il reporter ou non l'article 150 ? S'il s'agit d'améliorer le système de la DGF, mieux vaut le maintenir, car son architecture est bonne et seule la définition des critères et des curseurs est à revoir. Quant à choisir la voie d'une réforme plus globale, c'est la meilleure façon de ne rien faire. En ce qui concerne les curseurs, dans la mesure où le montant par habitant reste très important, soit un peu plus de 75 euros, l'enveloppe pour la péréquation est faible. La dotation de ruralité fonctionne aussi sur un montant par habitant, alors qu'il faudrait introduire d'autres critères.

Je suis favorable à l'idée de relativiser le poids démographique des communes en le rapportant à la démographie du département : un petit bourg de 1 500 habitants peut jouer le rôle de bourg-centre et de rassemblement de services dans un petit département, alors que ce ne sera pas forcément le cas dans un département plus important. Je crois également qu'il faut ramener le dispositif de transition à dix ans plutôt que quarante ans.

Quant au cumul de la DETR et du fonds de soutien à l'investissement local, il doit être possible car il permet de mieux financer certains projets, mais implique d'en financer moins. Dans le Cantal, nous avons préféré financer davantage de projets en ne cumulant pas la DETR et le fonds de soutien à l'investissement. Plutôt que d'appliquer une règle générale, mieux vaut faire preuve de bon sens en fonction des particularités de chaque département.

Je suis favorable à ce que l'on prenne en compte l'effort fiscal, mais avec précaution. On ne peut pas vouloir d'un côté alléger la pression fiscale sur les habitants et de l'autre pénaliser les collectivités qui le font. S'il faut effectivement prendre en compte l'effort fiscal, on ne peut pas le déconnecter du revenu par habitant.

Je m'associe à mon collègue de l'Ardèche. Il faut conserver le doublement de la voirie communale en zone de montagne. En revanche, la dotation de superficie et donc sa majoration dans les zones de montagne est supprimée. Les communes de montagne comptent peu d'habitants, mais doivent faire face à des charges supplémentaires liées à l'altitude, aux grands espaces, aux longueurs de voirie, au déneigement, à la dégradation des routes... Ce serait une mesure d'équité et de justice que de les prendre en compte, d'autant que les sommes à engager seraient relativement faibles au regard de la DGF.

M. Vincent Eblé . - Une fois n'est pas coutume, je partage les convictions de collègues d'autres groupes que le mien et notamment de Philippe Dallier qui réclame une réforme ambitieuse et lourde. Notre difficulté à concrétiser l'intention de la réforme ne vient pas d'un obstacle technique, mais d'un manque de volonté politique pour s'engager dans une réforme où certains ont à perdre. À toute chose malheur est bon. La décision du Parlement de limiter le cumul des mandats de parlementaire et de membre d'un exécutif local devrait donner de la hauteur à notre positionnement politique et favoriser l'intérêt général. Je suis favorable à une réforme qui refonde les modalités de contribution de l'État au financement des collectivités territoriales.

Puisque la réforme de la DGF du bloc communal a été ralentie voire interrompue, pourquoi n'avons-nous pas profité de cette année pour réformer la DGF des départements, tout aussi inéquitable et scandaleuse ? Nous aurions pu définir ainsi quelques principes pour établir un différentiel de charges entre les collectivités. Chacun y va de son couplet, la ruralité, l'urbanité, la mer, la montagne... On gagnerait à exploiter les agrégats financiers pour identifier les charges et leur adosser ensuite les critères de contribution financière. Composition de la population, contraintes territoriales, voirie, montagne : intégrons toutes ces charges selon ce qu'elles représentent dans le budget des collectivités territoriales. Nous aurons ainsi les modalités de pondération des dotations financières.

Cette réforme est indispensable, car le système craque de partout. Preuve en est, les dispositifs correctifs sont légion : péréquations spécifiques à l'Île-de-France, ou qui valent au niveau national, péréquations à l'intérieur du bloc communal ... Si nous maintenons tous ces systèmes sans les refonder, nous risquons l'explosion. Priver quelqu'un d'une recette pour la donner à plus pauvre : si le principe est bon, la réalité est difficile à vivre et ne pourra susciter que réticences et blocages. Arrêtons avec les péréquations et travaillons à ce que la dotation initiale dont les collectivités peuvent bénéficier pour conduire les politiques publiques soit juste. C'est ainsi qu'on évitera les jalousies. Je suis favorable à une révolution de la DGF, révolution tranquille, mais révolution tout de même.

M. Thierry Carcenac . - Une grande réforme est toujours intéressante. Je ne crois pas pour autant que le grand soir pourra se réaliser. Je félicite les rapporteurs pour leur pragmatisme. Le rebasage, le déplafonnement du prélèvement à 3 % et les modifications de la péréquation verticale sont de bonnes mesures grâce auxquelles nous pourrons régler certains problèmes dès 2017. Que faire de l'article 150 ? Si on le supprime, la réforme deviendra trop complexe à mettre en oeuvre. Maintenons-le, quitte à le modifier plus tard.

Votre approche de la dotation forfaitaire est très intéressante. Nous avons eu une réforme de la DGF des départements en 2005. Je me rappelle le grand débat qu'avait suscité la proposition de Gilles Carrez, avec pour résultat l'institution d'une dotation forfaitaire pour les départements, fixée à 74,02 euros. Il s'agissait de donner la même chose à tout le monde, ce qui a naturellement entraîné la création de dotations de garantie et de compensation. Imaginez : les 100 départements bénéficiaient de la dotation. Il a fallu attendre le dernier moment pour en exclure les Hauts-de-Seine qui recevaient encore 5 euros par habitant. Le sujet mérite réflexion. L'inversion que vous réalisez en privilégiant les dotations de ruralité et de centralité nous invite à définir précisément ces notions pour mettre en place les critères adaptés. En tout état de cause, il est plus intéressant de travailler à partir d'une dotation de base prévue dans le cadre d'une enveloppe définie en aval plutôt qu'en amont.

Plutôt que la population départementale, je prendrais en compte la densité de population par territoire. Je suis président d'un conseil départemental, dans un territoire où coexistent des zones de montagne peu denses et des métropoles très peuplées. La densité de population par territoire reflète ce déséquilibre.

Enfin, l'effort fiscal et le revenu par habitant vont de pair. Nous n'aurons pas d'autre choix que de procéder à une révision des valeurs locatives, si nous souhaitons plus de justice.

M. Michel Canevet . - J'apprécie les propositions de nos excellents rapporteurs. La répartition de la dotation de centralité dans l'article 150 était inadaptée. Il est beaucoup plus pertinent que la dotation de base soit un solde. Je partage les regrets de François Marc : cette réforme est indispensable, ne la retardons pas. Je ne crois pas que le non-cumul des mandats nous sera très favorable : il risque au contraire de nous faire perdre en expertise.

Cette réforme s'inscrit dans un contexte particulier de participation à l'effort de réduction des dépenses publiques. Nous devons nous attendre à ce que le Gouvernement demande de nouveaux efforts aux collectivités territoriales. La réforme n'en sera que plus difficile. D'où l'importance de l'engager rapidement. Les évolutions sur le périmètre intercommunal favoriseront les effets d'aubaine, car un certain nombre de communautés de communes se transformeront en communautés d'agglomération et bénéficieront à ce titre de dotations supplémentaires. De plus, le coefficient d'intégration fiscale n'intègre pas les mêmes ressources pour les communautés de communes et pour les communautés d'agglomération : par exemple, la redevance assainissement n'est prise en compte que pour les communautés d'agglomération.

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Nous avons travaillé de manière transpartisane sur les bases de l'article 150. Les analyses du cabinet RCF nous ont aidé à mettre en lumière ses limites. Nous en avons tiré des conclusions utiles et nous avons défini les modifications immédiates auxquelles nous devons procéder. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes contre une réforme globale. L'article 150 appartient au système actuel des finances locales, un système vieux de près d'un demi-siècle. Mais notre fiscalité locale ne correspond sans doute plus à notre époque.

Si l'on engage une réforme, il faudra veiller à ce qu'elle appréhende la totalité des recettes et la réalité des charges. Il y a cinquante ans, chaque territoire pouvait dégager des recettes ; ce n'est plus le cas. Quant aux charges, on était à l'époque à peine sortis de la gestion en bon père de famille des biens communaux. Rien à voir avec les montants actuels. Par conséquent, il faut une remise en cause complète de notre système de fiscalité locale. Tous les pays voisins pratiquent des impôts nationaux avec des taux nationaux. Il faudra également mettre fin à une schizophrénie : on peut appréhender les charges sur un territoire sans pour autant tuer la commune. Inspirons-nous des Italiens qui ont pu définir des coûts standards pour étudier les charges. Demain, il y aura 1 250 territoires en France. Cela nous facilitera peut-être la tâche.

Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Notre rapport est une étape. Devons-nous attendre le projet de loi d'un Gouvernement ou continuer à travailler au Parlement ? Ce n'est pas seulement à moi de répondre.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Je remercie nos collègues qui ont participé à ce groupe de travail dans une ambiance positive, où a primé la recherche de solutions, sur des sujets difficiles. Les premières simulations que nous avons réalisées méritent d'être approfondies. Nous avions tenté de maintenir le montant par habitant de la dotation de base à ce que prévoyait l'article 150. Peut-être faudrait-il prendre un peu plus sur la dotation de base pour mieux redistribuer, comme le suggérait Thierry Carcenac ? Pour éviter de conserver certaines garanties, qu'elles se justifient par leur ancienneté ou par leur logique, il faudrait des systèmes de péréquation très forts et une dotation de base faible. Je suis plutôt favorable au maintien de l'article 150. Chacun pourra ainsi se saisir de la question chaque année pour la faire progresser. Supprimer l'article 150 reviendrait à enterrer la réforme plutôt qu'à l'améliorer.

Mme Michèle André , présidente . - Au nom de la commission, je souhaite que nous poursuivions ce travail pour pouvoir l'exploiter au moment de la prochaine loi de finances. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, comme on dit en Auvergne.

La commission a donné acte de sa communication à MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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