SECONDE PARTIE : QUELQUES ENSEIGNEMENTS POUR UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE

Les rapporteurs considèrent que l'article 150 de la loi de finances pour 2016, qui constituait le point de départ de la réflexion des groupes de travail, doit voir son application reportée au 1 er janvier 2018 mais ne devrait pas être supprimé, afin de s'assurer qu'une réforme de la DGF demeurera à l'ordre du jour.

L'architecture de la dotation forfaitaire des communes, proposée par l'article 150 de la loi de finances pour 2016 et à partir de laquelle les groupes de travail ont travaillé, repose sur trois dotations :

- une dotation de base, d'un montant de 75,72 euros par habitant, pour toutes les communes ;

- une dotation de centralité, partagée entre l'EPCI et ses communes membres ;

- une dotation de ruralité perçue par les communes les moins denses ;

- un coefficient d'ajustement et un « tunnel » assurant la transition.

Il convient de souligner à ce titre que deux volets importants de la réforme adoptée en 2015 soulèvent des difficultés sérieuses :

- d'une part, le choix de proposer une dotation universelle avec un montant par habitant égal pour toutes les communes , quelle que soit leur situation, rend nécessaire la création de dotations de ruralité et de centralité tenant compte de leurs charges spécifiques ; toutefois, plus le montant de la dotation universelle est élevé , plus les marges de manoeuvre pour prendre en compte la diversité des situations des communes sont réduites ;

- d'autre part, la redistribution, à l'aveugle, de toutes les garanties, a des effets particulièrement brutaux pour certaines communes en difficulté : toutes les garanties ne sont pas injustifiées et certaines, correspondant notamment à d'anciennes dotations de péréquation, paraissent au contraire justifiées.

Plus généralement, à l'issue d'une réforme réussie, les écarts de DGF par habitant devraient être corrélés aux écarts de dépenses de fonctionnement, de richesse des collectivités par habitant ainsi qu'à leurs efforts fiscaux.

I. L'ARCHITECTURE DE LA DOTATION FORFAITAIRE

A. UNE DOTATION DE CENTRALITÉ À PROFONDÉMENT REMANIER

La dotation de centralité ayant été la plus critiquée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, les rapporteurs proposent de la modifier profondément.

1. Rappel du fonctionnement de la dotation de centralité prévue par l'article 150 de la loi de finances pour 2016

L'article 150 prévoit que la dotation de centralité est calculée au niveau de l'ensemble intercommunal, c'est-à-dire l'EPCI et ses communes membres. Seuls les ensembles intercommunaux de plus de 500 habitants la percevraient.

Pour chaque ensemble intercommunal, le montant par habitant de la dotation de centralité dépend de sa population, à laquelle est appliqué un coefficient logarithmique variant de 1 à 3.

Ainsi, les ensembles intercommunaux les moins peuplés perçoivent 15 euros par habitant au titre de la dotation de centralité, tandis que les plus peuplés bénéficieraient de 45 euros par habitant.

Ainsi calculée, la dotation de centralité est ensuite répartie entre l'EPCI et l'ensemble de ses communes membres en fonction du coefficient d'intégration fiscale (CIF) - dans la limite de 40 % et à l'exception des EPCI à fiscalité additionnelle qui ne perçoivent pas cette dotation. La part communale de cette dotation est alors répartie en fonction de leur poids démographique dans l'ensemble intercommunal, porté à la puissance 5.

Exemples de répartition
de la part communale de la dotation de centralité (DC)

Commune 1

Commune 2

Commune 3

Commune 4

Cas A

Population

10 000

2 500

2 800

8 000

Part de la DC

75,2 %

0,1 %

0,1 %

24,6 %

Cas B

Population

10 000

8 000

7 000

6 000

Part de la DC

63,6 %

20,8 %

10,7 %

4,9 %

Cas C

Population

10 000

2 000

2 000

2 000

Part de la DC

99,9 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Source : rapport spécial de MM. Charles Guené et Claude Raynal sur le projet de loi de finances pour 2016 (annexe n° 26 au rapport général de M. Albéric de Montgolfier)

2. Les difficultés identifiées

La répartition de la dotation de centralité, notamment s'agissant de la part communale, dépendait étroitement du périmètre intercommunal, alors en pleine redéfinition : les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) n'étant pas connus lors du vote de la loi de finances, le montant de la dotation de centralité effectivement perçu par une même commune pouvait varier très brutalement (en raison de la « puissance 5 »), en fonction de son poids démographique par rapport aux autres communes du nouvel EPCI.

Au-delà de la non prise en compte des nouveaux périmètres intercommunaux, pourtant déterminants dans la répartition de la dotation de centralité, le fait de répartir la part communale entre les communes en fonction du poids démographique de chacune porté à la puissance 5 entraînait des résultats absurdes, notamment dans le cas des EPCI « polycentriques ».

Par ailleurs, on peut s'interroger sur la notion même de « centralité intercommunale ».

En effet, dans les EPCI à fiscalité professionnelle unique, les charges de centralité sont prises en compte dans l'attribution de compensation versée aux villes centres. Dans les EPCI à fiscalité additionnelle, les charges de centralité sont financées par l'ensemble du territoire par le biais de la fiscalité.

En l'état, l'approche d'une dotation de centralité calculée au niveau de l'ensemble intercommunal nous semble devoir être différée.

En outre, la définition des critères de centralité s'avère particulièrement difficile.

Enfin, le fait qu'une part de la dotation forfaitaire des communes soit « territorialisée », c'est-à-dire calculée au niveau de l'ensemble intercommunal et en partie perçue par l'EPCI - au lieu de ses seules communes membres demeure un point particulièrement sensible, qui ne fait pas l'objet d'un consensus. Les rapporteurs le regrettent.

3. Les principes d'une nouvelle dotation de centralité

Pour l'ensemble de ces raisons, les rapporteurs ont considéré qu'il convenait d'abandonner la territorialisation de la dotation de centralité et, par conséquent, de la répartition entre communes en fonction de leur poids démographique dans le territoire porté à la puissance 5.

La nouvelle dotation de centralité pourrait être perçue par les communes à partir d'un seuil démographique. Ce critère d'éligibilité permettrait de fixer le montant de l'enveloppe de la dotation de centralité : il correspondrait à la population des communes éligibles, multipliée par un montant par habitant.

Une fois l'enveloppe de dotation de centralité déterminée, elle serait répartie en fonction de la population :

- pondérée par un coefficient logarithmique (variant de 1 à 2) pour prendre en compte les charges des communes les plus peuplées ;

- majorée en fonction du poids démographique de la commune par rapport à celui de l'ensemble des communes éligibles du département, afin de prendre en compte les charges spécifiques des communes centres qui offrent des équipements et des services aux communes alentours.

Cette majoration permettrait de conserver une notion de centralité, non plus par rapport au territoire intercommunal mais par rapport à celui du département, ce qui limiterait également les effets des changements de périmètres intercommunaux.

La dotation de centralité serait donc répartie uniquement en fonction de critères de charges (population, centralité).

À ce titre, la part « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale (DSR) - bien qu'elle soit considérée comme une dotation de péréquation - répond à des préoccupations du même ordre dans la mesure où elle prend en compte les charges de centralité en zone rurale. Dans l'architecture de la dotation forfaitaire, l'enveloppe constituée de la part « bourg-centre » de la DSR pourrait donc être considérée comme une composante de la dotation forfaitaire : son enveloppe demeurerait séparée de la dotation de centralité et ses critères, comme ses bénéficiaires, ne seraient pas modifiés. Des adaptations à la marge de la dotation de ruralité

La loi de finances pour 2016 prévoit que les communes dont la densité est inférieure à 75 % de la moyenne nationale sont éligibles à la dotation de ruralité. L'enveloppe nationale est calculée en multipliant la population des communes éligibles par 20 euros.

La répartition entre communes éligibles s'effectue ensuite en fonction de leur population et du rapport entre la densité moyenne et leur propre densité. La dotation de ruralité est plafonnée à quatre fois la dotation de base et les communes accueillant un parc national ou un parc naturel marin bénéficient d'une majoration.

Contrairement à la dotation de centralité, aucun dysfonctionnement majeur de la dotation de ruralité n'a été observé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 .

Les rapporteurs considèrent toutefois qu'en raison du montant élevé de la dotation de base, il est préférable de considérer que les dotations de centralité et de ruralité doivent être exclusives l'une de l'autre en fonction d'un seuil démographique. Autrement dit, aucune commune ne pourrait cumuler les deux dotations : en-deçà d'un seuil de population, elles pourraient percevoir la dotation de ruralité, au-delà de ce seuil, elles pourraient bénéficier de la dotation de centralité.

À ce seuil démographique s'ajouterait un critère de sous-densité, à la fois pour déterminer l'éligibilité à la dotation de ruralité et donc pour calculer le montant de l'enveloppe de cette dotation, mais aussi pour la répartir.

Une pondération de la densité serait prévue pour les communes accueillant des parcs naturels et un plafonnement devrait nécessairement être introduit, par habitant voire par hectare.

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