LE MAROC, PAYS STRATÉGIQUE EN MUTATION
I. LE MAROC PAYS STRATÉGIQUE EN MUTATION
Les échanges que la délégation de la commission a pu avoir, notamment lors des entretiens qu'ont bien voulu lui accorder les présidents des deux assemblées composant le Parlement du Maroc - M. Rachid Talbi Alami, président de la chambre des représentants, et M. Mohamed Cheikh Biadillah, président de la chambre des conseillers - ainsi que le président du groupe d'amitié Maroc-France, M. Abderrahim Atmoun, l'ont fortement impressionnée. Toutes les questions ont été abordées avec franchise et sans détour, le contexte international, les défis du monde contemporain, notamment pour la jeunesse, les enjeux de la position stratégique du pays.
A. UN VENT DE RÉFORME DANS UN PAYS AU CoeUR DES ENJEUX CONTEMPORAINS
1. Un pays stratégique
Les préoccupations exprimées au cours de l'entretien rejoignaient celles émises lors du deuxième forum parlementaire franco-marocain en matière de lutte contre le terrorisme qui s'est tenu à Paris quelques jours avant le déplacement de la commission 1 ( * ) .
Au-delà, c'est la variété des sujets d'intérêts communs et la convergence des approches qui a frappé la délégation, qu'il s'agisse de l'attachement des deux pays à la stabilité et au développement du continent africain ou de la volonté de participer pleinement à la lutte contre le changement climatique, d'autant qu'après la conférence sur le climat (dite COP21) tenue à Paris en décembre, c'est au Maroc qu'il revient d'assurer la présidence de la conférence qui suivra (COP22).
En matière de lutte contre le terrorisme, sujet global d'inquiétude, le Maroc a, s'agissant de la formation, choisi de promouvoir une voie originale et porteuse d'avenir - la formation d'imams et de prédicatrices.
L'Institut de formation des imams et prédicatrices de Rabat, inauguré en mars 2015, accueille près de 700 étudiants. Il a pour objectif d' « enseigner aux nouvelles générations d'imams et de mourchidates [ prédicatrices ] les valeurs de l'islam du juste milieu en vue de prémunir le Maroc contre les velléités de l'extrémisme ». Au-delà, comme le souligne Ruth Grosrichard, professeure agrégée de langue arabe et de civilisation arabo-islamique à Sciences Po Paris, cet institut témoigne d' « une volonté de préserver "la sécurité spirituelle du Maroc" qui trouve des prolongements en Afrique subsaharienne , d'où est originaire la majorité des inscrits, ainsi qu'en France ». 2 ( * )
De fait, en 2014 et 2015, sur les 697 étudiants et étudiantes inscrits, l'institut comptait 447 étrangers, venant principalement d'Afrique subsaharienne (112 du Mali, 100 de Guinée-Conakry et autant de Côte d'Ivoire), mais aussi 23 Français, envoyés à l'initiative de l'Union des mosquées de France.
Cette politique de formation s'est concrétisée par la signature d'un accord pour la formation d'imams français au Maroc, lors de la visite qu'y a effectuée le Président de la République, les 19 et 20 septembre 2015. Elle illustre la volonté du Maroc de se doter d'instruments non violents de lutte contre la radicalisation et au-delà, par cette diplomatie du rayonnement religieux, de constituer un pont entre l'Europe et l'Afrique, qui lui conférait déjà pour partie le « statut avancé » obtenu par le Maroc dans le contexte de l'intensification de ses relations avec l'Union européenne, le 13 octobre 2008.
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Les interlocuteurs de la délégation ont évoqué la place du Maroc après le printemps arabe, au sein d'un ensemble régional élargi au Sahel. Ils ont souligné que le pays ne constituait plus un simple lieu de transit vers l'Europe mais un pays d'émigration. Ils ont également fait part à la délégation de leurs préoccupations en matière de sécurité.
2. Un État de droit qui avance
Comme le soulignait le compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc dans ce pays du 1 er au 5 mai 2013 3 ( * ) , « les réformes engagées au Maroc, à travers notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution en 2011, ont permis de répondre à beaucoup d'aspirations populaires exprimées dans le pays dans le contexte des printemps arabes ». Une délégation de la commission des affaires européennes dressait le même constat à l'occasion d'une mission sur la politique méditerranéenne de l'Union européenne après le printemps arabe 4 ( * ) .
Dès avant, particulièrement emblématique, un nouveau code de la famille ( Mondawana ) avait été adopté en décembre 2004, qui, comme le rappelle son préambule, résulte de la volonté du Roi Mohammed VI de placer « la promotion des droits de l'Homme au centre du projet sociétal démocratique et moderne. Ce projet se propose notamment de rendre justice à la femme, de protéger les droits de l'enfant et de préserver la dignité de l'homme, tout en demeurant fidèle aux desseins de tolérance de l'Islam en matière de justice, d'égalité, de solidarité, d'effort jurisprudentiel (ljtihad) et d'ouverture sur l'esprit de l'époque et les exigences du développement et du progrès ».
À cette réforme fondamentale ont succédé plusieurs évolutions relatives aux libertés publiques, dont plusieurs directement liées aux domaines de compétence de la commission - presse et communication.
* 1 Cf. Doc. Sénat n° CR 2015-01.
* 2 Le Monde du 20 janvier 2016.
* 3 Doc. Sénat n° GA 107 - Juin 2013.
* 4 Doc. Sénat n° 100 - Octobre 2013.