B. ... ET SES INCIDENCES NÉGATIVES ONT PU ÊTRE EN GRANDE PARTIE « ABSORBÉES »...
1. La baisse des charges et les gains de productivité ont permis d'éviter une nouvelle dégradation de la compétitivité...
Comme cela a été montré précédemment, la réduction du temps de travail (RTT) - dans ses différentes composantes - a été à l'origine d'un ralentissement de la hausse des coûts salariaux unitaires , par rapport aux premières années de la décennie 1990. Ainsi, il ne semble pas, à court terme, que les 35 heures aient contribué à dégrader la compétitivité des entreprises françaises - du moins les plus importantes d'entre elles -, du fait des gains de productivité et des allègements de cotisations qui y étaient associés.
Graphique n°
3
:
Évolution des parts de marché de la France et de l'Allemagne
(1995-2014)
(base 100 en 1998)
Note de lecture : les parts de marché correspondent au poids des exportations françaises et allemandes dans les exportations totales des pays de l'OCDE.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'OCDE)
Dans ces conditions, comment expliquer le recul considérable des parts de marché de la France observé depuis 2001 ? En effet, comme le montre le graphique ci-avant, les parts de marché à l'exportation de la France par rapport aux autres pays de l'OCDE ont cédé près de 21 points entre 2001 et 2014 , alors que celles de l'Allemagne ont progressé de 12 points au cours de la même période.
Selon Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, qui s'est livré à un exercice similaire, la chute des parts de marché françaises connaîtrait deux raisons principales : « d'abord la perte de compétitivité-prix des exportations françaises consécutive à l'appréciation du taux de change effectif nominal de la France comparable à celle observée au début des années 1990, et ensuite, l'engagement d'une politique de réduction drastique des coûts de production par l'Allemagne . Ainsi, engagée depuis 2002 dans une thérapie visant l'amélioration de l'offre par la restriction des revenus et des transferts sociaux (réformes Hartz, TVA sociale), l'Allemagne a vu ses coûts salariaux unitaires diminuer en niveau absolu mais aussi relativement à ses autres partenaires européens, dont la France. Cette politique expliquerait 30 % des pertes de parts de marché françaises enregistrées au cours de la période 2002-2007 » 32 ( * ) .
Ainsi, si la réduction du temps de travail (RTT) n'a pas, à court terme, nuit à la compétitivité des entreprises françaises, la France n'a pas su, de toute évidence, prendre le « virage » du début des années 2000 lui permettant de préserver sa compétitivité à plus long term e.
2. ... de même qu'un recul durable du taux de marge des entreprises
En outre, la réduction du temps de travail ne semble pas avoir eu pour effet de dégrader durablement le taux de marge des entreprises , soit la « part » de la richesse produite revenant à ces dernières - le reste allant à la rémunération du travail, qui comprend tous les versements directs ou indirects aux salariés.
Ainsi que le fait apparaître le graphique
ci-après, en 1997, soit l'année précédant la
décision d'une réduction de la durée légale du
travail à 35 heures, le taux de marge des sociétés non
financières (SNF) était de 32,5 %.
En 2002, soit
l'année au cours de laquelle la réduction du temps de travail est
devenue obligatoire pour l'ensemble des entreprises, le taux de marge a
reculé à 32,2 %
, soit de 0,6 point par rapport
à l'année précédente
- ce qui correspondait
à un transfert de près de 5 milliards d'euros vers la
rémunération du travail.
Néanmoins, si la réduction du temps de travail a bien été à l'origine d'une hausse relative du coût salarial l'année de sa généralisation, ses effets sur le taux de marge n'ont été que transitoires, celui-ci ayant retrouvé son niveau de 1997 dès 2004 , puis son niveau de 2001 en 2007. Par suite, à en croire Denis Clerc, « les 35 heures sont donc digérées sur le plan des coûts salariaux » 33 ( * ) .
Graphique n°
4
:
Évolution du taux de marge des sociétés non
financières
(1990-2006)
(en % de la valeur ajoutée)
Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)
* 32 É. Heyer, « Les 35 heures ont-elles réellement "plombé" l'économie française ? », Le Blog de l'OFCE, 27 novembre 2013.
* 33 D. Clerc, « Les 35 heures : le bilan », L'économie politique , n° 54, 2012, p. 57.