L'IMPLICATION DU PUBLIC DANS LA SCIENCE
Mme Melanie Peters, directrice du Rathenau Instituut, Pays-Bas. Je vous remercie de m'avoir invitée.
Faire participer les citoyens conduit à une meilleure prise de décision. Il ne s'agit bien évidemment pas de mener un débat sur le savoir - les citoyens ne pouvant pas être au même niveau de connaissances que les experts - mais d'échanger autour de nos craintes et de nos espoirs pour l'avenir. Or, sur ce terrain, nous sommes tous égaux.
En tant qu'institut d'évaluation technologique, nous reformulons des questions qui semblent être de nature scientifique mais qui, en réalité, nous concernent tous.
Je suis toxicologue de formation. Dans les années 1990, nous nous sommes dits que nous ne serions pas capables de protéger le public autant que nous le voudrions et qu'il fallait aller à la rencontre des citoyens, trouver des solutions avec la population afin de réduire les risques et de déterminer les substances dont on avait besoin et celles qu'il était possible d'interdire. Ces échanges visaient aussi à définir les risques que nous pouvions accepter pour notre propre bien-être.
Nous avons ensuite besoin du processus politique pour prendre les décisions là où l'action collective, publique, s'impose, par exemple pour interdire l'utilisation de certaines substances, protéger les travailleurs ou les consommateurs, tout en soulignant qu'il n'est pas possible de vivre sans risque.
À l'Institut Rathenau, une récente étude a été réalisée pour examiner la question du gaz de schiste. L'État a refusé de faire participer le public à cette réflexion, ce qui a suscité une véritable méfiance de la part de la population.
Concernant les déchets nucléaires, il est très difficile d'appréhender les effets à long terme. Les citoyens sont néanmoins demandeurs d'échanges et d'informations à ce sujet. Ils savent qu'ils ne sont pas experts mais souhaitent entendre des scientifiques sur ces questions, les interroger, débattre avec eux et être consultés dans la mesure où cela les concerne.
Je tire pour ma part quelque espoir de ce que je vis auprès de mes étudiants. Ils travaillent, par exemple, sur un projet de « futur vert » et prennent conscience ce faisant que les citoyens et les générations à venir ont des droits. Cela est également l'occasion d'une réflexion sur l'éthique. Le philosophe Kant estimait, par exemple, qu'il n'était pas possible d'accorder des droits aux générations futures, considérant qu'il ne serait plus vivant alors et que les générations suivantes ne seraient par conséquent pas en mesure de lui rendre en retour le service que, lui, leur aurait rendu. Nous avons besoin de ce genre de réflexion intergénérationnelle, ce que les scientifiques ne comprennent pas toujours. Le public, en revanche, peut attirer notre attention sur cette question et nous inciter à considérer ces éléments de réflexion.
Il faut créer un pont entre la science, la vie politique et le public, notamment en ce qui concerne le changement climatique. Nous avons besoin des citoyens pour concevoir et bâtir le futur, notre « futur commun » pour reprendre le titre du rapport Brundtland.
Il faut faire participer les citoyens, car cela contribue selon moi à de meilleures prises de décisions.