CONCLUSION GÉNÉRALE
Le dérèglement climatique est aujourd'hui une certitude, documentée par les travaux du GIEC, dont les constats ne cessent d'être aggravés de rapport en rapport. Les conséquences de ce phénomène sont connues, même si leur ampleur et leur échéance restent indéterminées. Ces conséquences ne sont pas qu'écologiques, économiques et sociales. Elles sont aussi d'ordre géostratégique. Le changement climatique comporte des risques pour la stabilité internationale, notamment du fait de la montée du niveau des mers et océans, mais aussi, plus généralement, en conséquence de l'intensité croissante des catastrophes naturelles et de l'augmentation des tensions sur les ressources alimentaires, hydriques et énergétiques.
Le changement climatique est, par ailleurs, susceptible de modifier des équilibres régionaux, tel que celui existant en Arctique, avec des conséquences potentiellement mondiales puisque plusieurs grandes puissances coexistent dans cette région, tandis que d'autres - en Asie - en suivent de près les évolutions.
Le dérèglement climatique peut rarement être désigné comme cause unique d'un phénomène. Il vient s'ajouter à d'autres facteurs, intervient comme élément déclencheur ou accroît la fréquence d'événements qui se produisaient déjà par le passé. C'est le cas pour les phénomènes météorologiques violents, sans qu'il soit aisé de distinguer si la multiplication de leurs impacts est liée à l'accroissement des risques ou à l'augmentation de la vulnérabilité de la population, du fait des tendances à l'urbanisation et à la littoralisation, dans un contexte de forte croissance démographique, au niveau mondial. Le changement climatique intervient de façon transversale sur de multiples variables. Ses impacts sont multiples et non uniformes selon les pays, mais son effet propre, difficilement individualisable et quantifiable, et difficilement prévisible aux échelles régionale et locale -ce qui doit inciter, en premier lieu, à poursuivre les travaux de recherche scientifique afin d'améliorer notre compréhension des phénomènes-, est bien réel.
Nous ne sommes toutefois pas qu'observateurs mais aussi et surtout acteurs du dérèglement climatique. Son ampleur dépendra avant tout de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, afin de maintenir le réchauffement sous un seuil, celui de +2°C, minimum au-delà duquel des points de rupture pourraient être atteints, rendant la maîtrise des évolutions très critique.
Si nous n'agissons pas rapidement, par des mesures d'atténuation et d'adaptation, il en résultera inévitablement une aggravation des fractures entre pays pauvres et pays riches, entre hémisphère sud et hémisphère nord, démultipliant des problèmes déjà existants et accroissant les injustices à l'échelle mondiale puisque les pays qui subiront en première ligne les impacts du dérèglement climatique ne seront pas les principaux émetteurs actuels et historiques de gaz à effet de serre.
Une forte augmentation des déplacements de population est, en particulier, possible à un horizon incertain mais qui pourrait être relativement proche, dès 2020-2030.
Or, confrontée aux migrations actuelles en Méditerranée et à leurs conséquences dramatiques, l'Europe peine à trouver des réponses communes satisfaisantes. Cette situation questionne notre capacité à faire face à des déplacements massifs de population, tels que ceux que le dérèglement climatique pourrait engendrer. Ces déplacements seront, certes, pour une grande part, internes aux États, ce qui n'interdit pas d'y réfléchir car nombre des États concernés risquent d'être très démunis pour y répondre, avec un risque de fragilisation voire d'effondrement de leurs équilibres internes. Ces déplacements seront aussi très probablement internationaux, notamment lorsque de vastes espaces sont menacés de submersion, remettant en cause l'intégrité territoriale voire l'existence même de certains États.
Ces évolutions doivent être anticipées et préparées. Elles ne sont toutefois pas inéluctables. Répondre aux impacts du dérèglement climatique représentera un défi gigantesque pour la coopération internationale, bien plus grand encore que celui que représente, à court terme, la réussite de la COP 21.