DEUXIÈME PARTIE
UN OBJECTIF À L'HORIZON 2020 : RÉUNIR TOUS LES MÉDIAS DE SERVICE PUBLIC DANS UN MÊME GROUPE DOTÉ D'UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ET D'UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉS
Les travaux menés par vos rapporteurs ont permis d'établir la nécessité de définir un nouveau modèle économique et financier pour les sociétés de l'audiovisuel public, qui doit reposer à la fois sur des ressources suffisantes, des coûts maîtrisés et une offre de programmes plus qualitative. Cette évolution nécessite de favoriser une nouvelle culture d'entreprise au sein des médias de service public et de désigner la recherche de mutualisations comme premier objectif, afin de recréer des marges de manoeuvre financières. Une telle évolution ne doit pas avoir pour seule justification des motifs financiers. Elle doit également avoir pour objectif de permettre de renforcer l'identité des médias de service public et de mieux différencier leur offre de programmes.
Dans ces conditions, vos rapporteurs ont été amenés à examiner, puis à retenir, l'idée de regrouper à moyen terme, d'ici 2020, l'ensemble des médias de services publics au sein d'une même entité qui pourrait être dénommée « France Médias » afin - sur le modèle le plus attractif en Europe - de pouvoir mieux affirmer l'identité propre au service public, renforcer les synergies et investir davantage dans le numérique et les contenus les plus innovants . Si l'audiovisuel a besoin de pouvoir s'appuyer sur des moyens sécurisés dans la durée, vos rapporteurs sont aujourd'hui convaincus que ces moyens, pour être légitimes, doivent s'inscrire dans le cadre d'un projet ambitieux et mobilisateur pour les créateurs, les personnels de l'audiovisuel public et le public.
Le choix de la date de 2020 pour la création de ce nouveau groupe, « France Médias », vise d'abord à engager un processus progressif de rapprochement des structures existantes qui permettra de respecter à la fois le temps de l'indispensable dialogue social et les mandats des dirigeants actuels des sociétés publiques qui recevraient la mission de préparer l'échéance de 2020. Chaque mandat arrivant à son terme ne serait, dès lors, renouvelé que pour la durée restant à courir d'ici la date de constitution du nouveau groupe, qui serait doté d'une nouvelle gouvernance.
I. RÉAFFIRMER LES PRINCIPES ET LES VALEURS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
L'Union européenne de radio-télévision (UER, en anglais, European Broadcasting Union , EBU), association professionnelle européenne de radiodiffuseurs nationaux, a élaboré une déclaration relative aux valeurs fondamentales des médias de service public (MSP) qui énumère les six valeurs fondamentales suivantes :
« Universalité: s'adresser à tous, partout ;
« Indépendance: jouir de la confiance du public ;
« Excellence: se comporter avec intégrité et professionnalisme ;
« Diversité: adopter une approche pluraliste ;
« Obligation de rendre compte : savoir être à l'écoute du public et ouvrir un débat riche de sens ;
« Innovation: être un moteur de l'innovation et de la créativité ».
Le groupe de travail coordonné par Marc Schwartz les a repris à son compte lorsqu'il énonce : « Les médias de service public sont garants de valeurs et d'exigences propres : l'universalité, l'indépendance, la diversité, l'excellence et l'innovation dans les programmes, l'obligation spécifique de rendre des comptes aux citoyens sur la qualité de leurs programmes et leur gestion ».
Vos rapporteurs estiment que le service public doit présenter une réelle spécificité et se distinguer des chaînes privées en termes de contenus . C'est d'ailleurs en partie ce qui justifie son financement public. Entendue par vos rapporteurs, Frédérique Pfrunder, déléguée générale de « Le Mouvement associatif », nommée administratrice de Radio France en avril 2014 en application de l'article 47-2 130 ( * ) de la loi de 1986 tel que modifiée par l'article 10 de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, indiquait que le rapport au temps ainsi que la capacité de pouvoir mener de vrais débats de fond sur la durée , sans être interrompus par la publicité, constituaient pour elle un atout réel du service public par rapport aux médias privés.
Dans cet esprit, vos rapporteurs souhaitent rappeler les principales valeurs que doit incarner selon eux le service public audiovisuel :
- contribuer à créer du lien social ;
- produire des programmes fondés sur l'audace, la créativité , la diversité et la réalité de la société contemporaine dans toutes ses dimensions ;
- s'adresser à tous les publics, avec une offre plurielle , alors que, comme le rappelait Marc Schwartz devant votre commission de la culture 131 ( * ) , l'âge moyen des téléspectateurs de France Télévisions est aujourd'hui de 58 ans, quand le téléspectateur moyen a 50 ans et que l'âge moyen de la population française est de 42 ans. De même, entendu par vos rapporteurs, Mathieu Gallet soulignait que les auditeurs de Radio France constituent un public relativement âgé et issu des catégories socio-professionnelles supérieures ;
- garantir une couverture la plus large possible du territoire.
Au-delà, vos rapporteurs estiment que, dans l'objectif de recréer du lien entre le public et l'audiovisuel public et de favoriser l'acceptabilité de la CAP, il serait sain, à l'exemple de ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni concernant l'avenir de la BBC, d'offrir la possibilité au public de s'exprimer périodiquement sur les questions structurantes , à travers des consultations de type livre vert ou livre blanc 132 ( * ) . Les personnes consultées devraient être redevables de la CAP.
Proposition n° 1 : organiser des consultations régulières de redevables de la contribution à l'audiovisuel public sur le périmètre, le financement, la gouvernance et le contenu du service public, par exemple à l'occasion de la révision des contrats d'objectifs et de moyens (COM). |
La spécificité du service public de l'audiovisuel ne peut s'incarner uniquement dans l'affirmation de valeurs, elle doit également « se voir » dans la réalité des programmes et dans la ligne éditoriale. À cet égard, vos rapporteurs réaffirment que les différences entre l'audiovisuel public et privé doivent être immédiatement perceptibles . Cette exigence particulière doit amener le service public à reconsidérer son rapport à l'audience afin d'avoir toujours en tête le double souci de s'adresser au plus grand nombre en respectant toujours le public. Trop souvent, France Télévisions, dans ses choix de programmation a, par le passé, donné le sentiment qu'elle privilégiait plus l'audience qu'une relation adulte avec le public en proposant des programmes convenus ou peu innovants (séries américaines peu originales, émissions de divertissement accrocheuses, fictions françaises sans relief...).
* 130 « Le conseil d'administration de la société Radio France comprend, outre le président, douze membres dont le mandat est de cinq ans :
1° Deux parlementaires désignés respectivement par les commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
2° Quatre représentants de l'État ;
3° Quatre personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à raison de leur compétence, dont une représente les associations de défense des consommateurs agréées au niveau national conformément à l'article L. 411-1 du code de la consommation ;
4° Deux représentants du personnel élus conformément aux dispositions applicables à l'élection des représentants du personnel aux conseils d'administration des entreprises visées au 4 de l'article 1 er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée. Pour les nominations effectuées en application des 2° et 3°, l'écart entre le nombre de membres de chaque sexe n'est pas supérieur à un ».
* 131 Audition de Marc Schwartz devant la commission de la culture du Sénat, 11 mars 2015.
* 132 Voir la consultation lancée par le gouvernement britannique :
https://www.gov.uk/government/consultations/bbc-charter-review-public-consultation et celle menée en ligne par la BBC :
https://consultations.external.bbc.co.uk/bbc/tomorrows-bbc/consultation/intro/view.