CONCLUSION
Notre système fiscal, qu'il s'agisse des règles d'assiette ou des procédures de recouvrement, n'était pas préparé à l'émergence de l'économie collaborative - ni d'ailleurs des autres bouleversements induits par la révolution numérique. Les ajustements nécessaires, toutefois, ne sont pas d'une ampleur insurmontable .
Dans ce contexte, le groupe de travail formule deux propositions : d'une part, l'instauration d'une franchise unique de 5 000 euros pour tous les revenus de l'économie collaborative ; d'autre part, la mise en place d'un système de déclaration automatique des revenus , à partir des informations dont disposent déjà les plateformes, en vue de simplifier les obligations du contribuable et les tâches de l'administration. En clair, le groupe de travail propose un impôt moins élevé, mais plus sûrement collecté .
Les défis posés par l'économie collaborative, ceci dit, dépassent largement le seul cadre fiscal . Dans un contexte où le salariat est de moins en moins la norme et où le travail indépendant progresse, parfois en marge du cadre légal, il devient nécessaire de repenser globalement le statut de ces travailleurs de l'économie collaborative , au regard du droit du travail 63 ( * ) , de la protection sociale, du droit de la consommation, de la responsabilité civile et contractuelle des plateformes, du droit de la concurrence, des professions réglementées etc. À terme, la question du passage à un modèle où les obligations contributives et la protection sociale ne sont plus attachées au statut (salarié etc.) mais à l' individu se posera.
Dans son rapport intitulé « Ambition numérique - Pour une politique française et européenne de la transition numérique » et remis au Premier ministre le 18 juin 2015, le Conseil national du numérique (CNNum) a ainsi appelé à une réflexion sur le sujet en vue d'établir un cadre réglementaire adapté . La proposition n° 47 consiste à « améliorer notre compréhension des activités et des statuts porteurs de valeur économique, sociale et environnementale, y compris hors du cadre marchand classique » ; la proposition n° 48 appelle à « rendre visible et accompagner une économie contributive, coopérative, facteur de cohésion et d'innovation sociales ». À plusieurs reprises, le président du CNNum, Benoît Thieulin, s'est prononcé en faveur de l'instauration de seuil pour tracer la limite entre la « pure » économie collaborative et les activités commerciales.
En tout état de cause, il importe de mettre en place un cadre fiscal et réglementaire adapté , qui permette à l'économie collaborative de se développer mais qui ne laisse pas de « zones grises », et qui ne repose pas sur des obligations déclaratives excessives ou des contrôles matériellement irréalisables. Créer un impôt spécifique pour les échanges sur Internet est une fausse piste - car tous les échanges et tous les secteurs économiques sont potentiellement concernés, Internet n'étant qu'un moyen.
Il semble que le moment soit opportun pour agir : les plateformes de l'économie collaborative, aidées par l'aiguillon de la pression médiatique, les interrogations de leurs utilisateurs et la mobilisation croissante des décideurs politiques, semblent aujourd'hui adopter une attitude constructive - c'est du moins ce qui ressort des auditions du groupe de travail. Les utilisateurs, les plateformes et l'État ont chacun beaucoup à y gagner.
* 63 L'une des questions les plus importantes est celle de la requalification éventuelle des plateformes comme employeurs de fait. Une décision de justice de Californie a récemment requalifié la relation entre les chauffeurs UberPop et la société Uber en contrat de travail, avec les droits qui s'y attachent.