II. LE SYSTÈME FISCAL N'EST PAS ADAPTÉ À LA CROISSANCE DES ÉCHANGES ENTRE PARTICULIERS
Les plateformes de mise en relation rassemblent à la fois des « particuliers » et des « professionnels ». Les règles fiscales applicables à ces derniers sont clairement définies et applicables, du moins en principe, dès lors qu'ils déclarent un chiffre d'affaires et un bénéfice 21 ( * ) . Tel n'est pas le cas pour la fiscalité des particuliers et des « faux particuliers », notamment en ce qui concerne l'imposition de leur revenu . Il n'est pas surprenant que les rapides transformations de l'économie numérique précèdent les adaptations du droit ; il importe en revanche que celles-ci interviennent rapidement, au risque de nuire à la fois aux utilisateurs, aux plateformes et à l'État .
1. En théorie, les revenus des particuliers sont imposables dans les conditions de droit commun
Les revenus que les particuliers tirent de l'économie collaborative sont en principe imposables au même titre que leurs autres revenus . Sont par exemple concernés la location d'un logement sur Airbnb ou d'une voiture sur Drivy , le transport d'une personne via les applications Heetch ou Uber , la vente de biens sur Leboncoin ou eBay ou leur location sur Zilok s'ils ont été achetés dans ce but, etc.
En effet, l'article L. 121-1 du code de commerce dispose que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce, sont notamment constitutifs d'un acte de commerce « tout achat de biens meubles pour les revendre » ainsi que « toute entreprise de location de meubles ». Ainsi, dès lors que ces activités sont exercées à titre habituel par un particulier, elles sont considérées comme des activités commerciales , et imposables à ce titre. La notion d'activité exercée « à titre habituel » n'implique pas forcément une répétition fréquente des actes de vente, et peut couvrir des actes peu nombreux mais périodiques. Cette notion, dont la preuve peut être apportée au cas par cas par tout moyen, a donné lieu à la production d'une jurisprudence abondante ; peuvent notamment être considérés la régularité de l'activité, son caractère lucratif, le fait d'acheter dans le but de revendre, l'existence d'un système organisé de vente à distance ou encore la réalisation d'une présentation et d'une promotion des biens et services mis en vente etc. D'une manière générale, l'intention du vendeur semble être le critère déterminant.
En application de l'article 34 du code général des impôts, les revenus tirés de ces activités sont imposables à l'impôt sur le revenu (IR) au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) , ou à défaut au titre des bénéfices non commerciaux (BNC) 22 ( * ) , dans les conditions de droit commun. Les particuliers sont donc soumis à un régime d'imposition au réel (simplifié ou normal) et doivent souscrire une déclaration professionnelle de bénéfices au titre des BIC ou des BNC.
Le plus simple, toutefois, est d'opter pour le statut d'auto-entrepreneur 23 ( * ) : les bénéficiaires du régime de la micro-entreprise, dont les auto-entrepreneurs, doivent simplement reporter leur chiffre d'affaires (CA) annuel sur une déclaration complémentaire à l'impôt sur le revenu. Leur bénéfice imposable est déterminé de manière forfaitaire 24 ( * ) par l'application d'un abattement à leur chiffre d'affaires, égal à 71 % du CA pour les activités d'achat-revente ou de fourniture de logement, 50 % du CA pour les autres activités relevant des BIC, et 34 % du CA pour les BNC. Le barème progressif de l'impôt sur le revenu est ensuite appliqué au bénéfice imposable, au taux de 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 % selon la tranche d'imposition.
S'agissant des prélèvements sociaux , qui dépassent le cadre du présent rapport, ceux-ci sont également dus, dès lors que l'URSSAF considère que le vendeur particulier exerce une activité économique. Celui-ci est alors susceptible de relever du régime social des indépendants (RSI), à l'instar des auto-entrepreneurs 25 ( * ) .
L'auto-entrepreneur peut également opter pour un versement libératoire social et fiscal 26 ( * ) , qui permet de régler en une seule fois l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, au taux 14,3 % pour les ventes de marchandises en BIC, de 24,6 % pour les prestations de services en BIC, et de 25,1 % pour les BNC.
Les seuils du régime de la micro-entreprise et de l'auto-entreprise sont actuellement de 82 200 euros annuels pour les activités de commerce et d'hébergement, et de 32 900 euros annuels pour les prestations de service et les professions libérales 27 ( * ) . Par conséquent, l'essentiel des personnes tirant un revenu de l'économie collaborative relèvent de la micro-entreprise 28 ( * ) .
En application de ces différentes règles, un particulier optant pour le prélèvement social et fiscal libératoire serait imposé de la manière suivante, selon que son activité porte sur des ventes de biens ou de services :
Résumé simplifié de l'imposition
d'un particulier
(prélèvement social et fiscal
libératoire)
(en euros) (barème 2015)
Vente de marchandises (BIC) |
|||
Revenu sur Internet |
4 500 |
8 000 |
20 000 |
Impôt et prélèvements sociaux (prélèvement forfaitaire libératoire : 14,3 %) |
644 |
1 144 |
2 860 |
Taux d'imposition effectif |
14,3% |
14,3% |
14,3% |
Prestation de services (BIC) |
|||
Revenu sur Internet |
4 500 |
8 000 |
20 000 |
Impôt et prélèvements sociaux (prélèvement forfaitaire libératoire : 24,6 %) |
1 107 |
1 968 |
4 920 |
Taux d'imposition effectif |
24,6% |
24,6% |
24,6% |
Source : commission des finances du Sénat. Calcul simplifié ; les taxes sectorielles (taxe de séjour etc.) sont ignorées.
Certains revenus sont toutefois exonérés :
- premièrement, les ventes d'occasion par un particulier ne sont pas imposables , dès lors que celles-ci n'ont pas un caractère régulier 29 ( * ) . Revendre ses vêtements, sa télévision ou sa voiture sur Leboncoin ou sur eBay n'entraîne donc en principe pas d'obligation déclarative ni d'impôt supplémentaires. Il en va de même, par exemple, pour la mise en location d'une chambre chez l'habitant, dans la résidence principale du particulier, qui est à la base du business model du site Homestay ;
- deuxièmement, le covoiturage représente un cas particulier, déjà encadré par le code des transports 30 ( * ) . Le conducteur n'est pas imposable et n'est soumis à aucune obligation déclarative dès lors qu'il se limite à réaliser une économie sur ses frais de déplacement ; cette exonération se justifie à la fois par une volonté de simplification et une préoccupation écologique. Un tel régime, toutefois, n'est pas aujourd'hui valable pour le reste de l'économie collaborative.
Au-delà de la question des revenus se pose la question de la fiscalité des transactions dans le cadre de l'économie collaborative. Là encore, les transactions sont assujetties à la TVA dès lors qu'elles se rattachent à une activité commerciale ; les détails du régime applicable sont exposés dans le deuxième rapport du groupe de travail, portant plus particulièrement sur le e-commerce 31 ( * ) . Toutefois, les personnes - particuliers ou entreprises - dont le chiffre d'affaires de l'année précédente ne dépasse pas certains seuils bénéficient du régime de « franchise en base de TVA » prévu par l'article 293 B du code général des impôts, et sont donc dispensées de la collecte, de la déclaration et du paiement de la taxe. Ils n'ont en revanche pas la possibilité de déduire la TVA sur leurs propres achats. Les seuils de la franchise en base de TVA, soit 82 200 euros et 32 900 euros , sont identiques à celui du régime de la micro-entreprise ; compte tenu du niveau élevé de ces seuils, les personnes tirant un revenu de l'économie collaborative sont dans leur grande majorité dispensées du paiement de la TVA .
S'agissant enfin des taxes sectorielles , elles sont également dues à raison de certaines activités exercées par des particuliers sur des plateformes de l'économie collaborative. C'est notamment le cas de la taxe de séjour , due sur les nuits à l'hôtel ou en meublé touristique. La loi de finances pour 2015 a prévu que les plateformes Internet de type Airbnb puissent collecter la taxe de séjour pour le compte des loueurs et la reverser directement aux communes (cf. infra ).
En conclusion, les revenus tirés par les particuliers présents sur des sites Internet de mise en relation sont en principe imposables - d'ailleurs dans des conditions assez favorables qui tiennent au régime de la micro-entreprise et à la franchise de TVA. Il n'y a donc pas, strico sensu , de vide juridique en matière d'économie collaborative. Toutefois, la réalité donne à voir un tableau bien différent .
2. En pratique, le système actuel est inadapté aux évolutions des échanges sur Internet, et ne permet pas de payer l'impôt
Loin de se fondre dans le cadre juridique préexistant, la réalité de l'économie collaborative et des nouveaux échanges en ligne est celle d'une grande variété des revenus, où l'absence de déclaration et de paiement des impôts est la norme et non pas l'exception .
Cette situation tient d'abord au flou qui entoure la distinction entre « particuliers » et « professionnels » , ou plus exactement entre les revenus non imposables et les revenus tirés d'une activité commerciale au sens de la loi, donc imposables. De fait, la distinction est souvent difficile à faire, et la loi ne fixe aucun seuil à partir duquel une activité doit être regardée comme commerciale . Au-delà de la loi, il n'existe à ce jour ni doctrine administrative officielle, ni jurisprudence reconnue, ni système de déclaration et de paiement simple à utiliser. Tout au plus évoque-t-on parfois des seuils « officieux » au sein de l'administration - selon certaines sources, l'activité deviendrait « régulière » à partir de 500 euros, et « professionnelle » à partir de 1500 euros à 2 000 euros par mois 32 ( * ) -, mais il est impossible de savoir si ces limites sont véritablement appliquées.
Il faut souligner que bien souvent, la bonne foi des particuliers n'est pas en cause : les auditions du groupe de travail ont montré que la question des modalités de déclaration et d'imposition des revenus est une préoccupation récurrente des utilisateurs des plateformes. Fréquemment, les particuliers qui perçoivent un modeste complément de revenu du fait de leur présence sur tel ou tel site se posent la question du statut de ce revenu ; mais ils ne savent tout simplement ni quoi faire, ni comment le faire - et comme l'enjeu et les risques sont faibles, ils ne font rien. On constate bien que le statut de l'auto-entrepreneur, adapté au-delà de quelques milliers d'euros de revenu annuel, demeure trop contraignant pour les gains les plus modestes.
Par ailleurs, il existe de nombreux « faux particuliers », et en réalité vrais professionnels , qui réalisent un revenu important et régulier sur des marketplaces ( Leboncoin , eBay etc.) ou sur des sites de mise en relation ( Uber , Airbnb etc.), sans le déclarer. Là encore, la faiblesse du système actuel est patente : l'administration fiscale n'a aucun moyen d'avoir connaissance de ces revenus, sauf à réaliser un contrôle sur pièces par définition exceptionnel et ciblé , ou à mettre en oeuvre son droit de communication qui trouve vite ses limites à l'égard des plateformes Internet (cf. infra ).
Le dysfonctionnement ne provient donc pas tant des contribuables et les plateformes que du système de prélèvement lui-même .
Par conséquent, la situation actuelle se caractérise par une grande insécurité juridique pour les plateformes et les utilisateurs, qui d'ailleurs s'étend bien au-delà du seul domaine fiscal. In fine , cette situation est également préjudiciable à l'État. Pour tenter de remédier à ce problème, les acteurs d'Internet eux-mêmes ont pris des mesures de leur propre initiative.
Ainsi, plusieurs plateformes ont déterminé des seuils à partir desquels elles « conseillent » à leurs utilisateurs de déclarer leurs revenus . Par exemple, la société Uber « conseillait » aux chauffeurs UberPOP , jusqu'à la suspension du service, de déclarer leur revenu à partir d'un seuil de 7 500 euros 33 ( * ) , correspondant peu ou prou aux charges du véhicule. L'application Heetch a même choisi un système contraignant : au-delà de 6 000 euros de revenu annuel, les conducteurs ne peuvent plus rien gagner. D'autres plateformes collaboratives, dont certaines ont été entendues par le groupe de travail, ont également leurs propres seuils « officieux ».
Toutefois, ces seuils n'ont à ce jour aucune base légale. En théorie, c'est bien le droit commun qui doit s'appliquer, c'est-à-dire l'imposition au premier euro au titre des BIC pour les revenus de nature commerciale.
Certaines plateformes ont également mis en place des rubriques fiscales assez fournies sur leurs sites afin d'aider leurs utilisateurs à se conformer à leurs obligations, et le cas échéant de se libérer de toute responsabilité. Il faut toutefois convenir que la tâche n'est pas aisée, compte tenu de la multiplicité des règles nationales auxquelles ces plateformes doivent s'adapter.
Par ailleurs, les principales plateformes Internet mènent une politique active pour repérer les « faux particuliers » , et le cas échéant les obliger à utiliser un compte de vendeur professionnel - souvent payant en échange d'une visibilité accrue. Ainsi, sur Leboncoin , une équipe de modération détecte les vendeurs ayant une activité régulière et importante, à partir d'un certain nombre de critères (prix, volume, nombre d'articles etc.). Ceux-ci se voient proposer un statut de « professionnel », payant par abonnement, qui inclut des options de visibilité supérieure.
Du côté des plateformes de mise en relation, la société Uber impose dorénavant aux chauffeurs de ses services professionnels UberX ou Uber BlackCar de créer une société (SASU, EURL, EIRL) ou de s'enregistrer comme auto-entrepreneur - mais cela ne s'applique pas aux chauffeurs UberPop .
Si ces initiatives doivent être saluées, il faut toutefois préciser qu' il n'est évidemment pas de la responsabilité des plateformes de s'assurer in fine du respect par les utilisateurs de leurs obligations fiscales , quand bien même ceux-ci disposeraient d'un compte « professionnel ». D'ailleurs, la priorité des sites de petites annonces n'est pas tant la lutte contre la fraude fiscale que la chasse aux escroqueries dont sont victimes les clients - à cet égard, le label de « professionnel » représente une garantie notable dans un modèle économique qui repose avant tout sur la confiance. De même, demander à un vendeur de fournir son numéro SIREN lors de son inscription n'empêche en rien celui-ci de réaliser l'essentiel de son chiffre d'affaires sur la plateforme « au noir » et de n'en déclarer qu'une petite partie.
Par ailleurs, on ne peut exclure que certaines plateformes fassent volontairement preuve d'une certaine complaisance à l'égard des « faux particuliers » qui sont en fait des vendeurs importants , au point même d'en faire un argument commercial implicite . De fait, il ressort des auditions menées par le groupe de travail que les garde-fous mis en place sont très variables selon les plateformes.
3. L'administration fiscale est démunie et peu mobilisée
L'administration fiscale apparaît bien démunie face à cette croissance des échanges marchands entre particuliers . Même s'il existait des règles fiscales claires et adaptées, leur portée serait de toute façon modeste compte tenu du caractère déclaratif de l'impôt sur le revenu et de l'absence de système de déclaration efficace.
Or il n'est pas souhaitable de concentrer des moyens excessifs sur le contrôle . De fait, les outils de l'administration fiscale, limités, reposent sur le contrôle fiscal a posteriori , qui a du sens lorsqu'il s'agit de cibler un petit nombre de contribuables à fort enjeu, mais qui perd toute efficacité dès lors qu'il s'agit de contrôler une multiplicité de contribuables, représentant chacun un enjeu modeste - mais collectivement important. De surcroît, les caractéristiques même de l'économie numérique compliquent la tâche : utilisation de pseudonymes, présence sur de multiples plateformes etc.
Surtout, le droit de communication , qui permet aux agents de l'administration d'obtenir des informations auprès des plateformes collaboratives et des sites de paiement (identité, régularité des transactions, montant des revenus, localisation etc.), souffre d'une faiblesse majeure en dépit de son renforcement récent : il n'a pas de portée extraterritoriale, et s'expose donc à une fin de non-revoir de la part des plateformes situées à l'étranger - ce qui est très souvent le cas. Pour mémoire, le service de mise en relation proposé par Uber est rendu depuis les Pays-Bas, et celui que propose Airbnb est rendu depuis l'Irlande 34 ( * ) . La société PayPal est un établissement de crédit enregistré au Luxembourg. Les plateformes entendues par le groupe de travail ont confirmé qu'il arrivait - sans plus de précisions - que la DGFiP exerce son droit de communication à leur endroit, quand bien même elles seraient situées à l'étranger.
Des développements plus complets sont consacrés à cette question dans l'autre rapport du groupe de travail : « Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source ».
Les difficultés du contrôle au cas par cas dépassent d'ailleurs largement le seul domaine fiscal . En mai 2015, la Marie de Paris a lancé une opération visant à contrôler la légalité de la location d'appartements par des particuliers dans le Marais 35 ( * ) (hors résidence principale, la mise en location d'un appartement implique une autorisation de changement d'usage des lieux). Mais que peuvent les quelques agents de la direction « logement et habitat » de la Marie face aux 50 000 annonces présentes sur le site pour la ville de Paris ? En 2014, 20 condamnations ont été prononcées, représentant 56 logements loués et environ 560 000 euros d'amende 36 ( * ) . Ces problématiques, toutefois, dépassent le cadre du présent rapport.
Face à ces questions, l'attentisme a jusqu'ici prévalu au sein de l'administration et du Gouvernement - mais il est vrai qu'il s'agit d'une révolution récente, et aux enjeux fiscaux somme toute modestes. Longtemps, le renvoi au droit existant a tenu lieu de doctrine officielle . Ainsi, le ministre délégué chargé du budget, Bernard Cazeneuve, rappelait à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 par l'Assemblée nationale que « la jurisprudence et la doctrine fiscale permettent d'ores et déjà de taxer en tant que BIC les revenus d'activités commerciales exercées à titre habituel, telles que la location de biens meubles 37 ( * ) ». L'administration fiscale a plusieurs fois fourni la même réponse aux interrogations du groupe de travail : « la législation actuelle permet déjà d'appréhender fiscalement cette source de revenus et de la contrôler si nécessaire 38 ( * ) ».
Ces derniers mois, la nécessité de fixer un cadre juridique aux plateformes a toutefois gagné en reconnaissance. Par exemple, la loi « Macron » pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 39 ( * ) prévoit que les « marketplaces » et autres plateformes de mise en relation entre vendeurs et acheteurs soient dorénavant tenus de fournir « une information loyale, claire et transparente » à leurs utilisateurs. Certes, ces dispositions ne contiennent aucun volet fiscal , et leur portée exacte demande encore à être précisée par décret 40 ( * ) . Mais c'est un début.
De prochains projets de loi sur l'économie numérique pourraient être l'occasion de préciser les règles d'assiette et de recouvrement de l'impôt adaptés à la nouvelle économie (cf. infra ), notamment en conférant un statut juridique aux plateformes .
Au niveau de la société civile, en revanche, la prise de conscience est ancienne - mais la doctrine tarde à lui emboîter le pas. La question du régime fiscal et social applicable aux revenus gagnés sur des plateformes collaboratives fait partie des questions les plus fréquemment posées par les entrepreneurs et par les utilisateurs, comme cela a été dit à plusieurs reprises lors des auditions. Mais peu de spécialistes se sont saisis du sujet à ce jour. On peut toutefois saluer certaines initiatives, à l'instar du blog Droit du partage , fondé en 2013 par trois jeunes juristes.
En tout état de cause, compte tenu des enjeux financiers croissants et de l'incertitude juridique qui est préjudiciable à la fois aux particuliers, aux plateformes et aux États, il importe aujourd'hui d'avancer vers une réforme du système en vigueur.
* 21 Les revenues des plateformes elles-mêmes (commissions, publicité etc.) sont imposés dans les conditions de droit commun, à l'impôt sur les sociétés et à la TVA notamment.
* 22 Aux termes de l'article 92 du code général des impôts, sont considérés comme des BNC « toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Les BNC incluent notamment les revenus provenant de l'exercice d'une profession libérale.
* 23 Ce régime a été modifié par la loi « Pinel » n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Il est désormais appelé régime du « micro-entrepreneur ». Il est codifié à l'article 50-0 du code général des impôts.
* 24 Il est donc impossible de déduire les charges du chiffre d'affaires, et d'amortir les investissements.
* 25 Les auto-entrepreneurs sont soumis au régime micro-social simplifié, dont les taux en vigueur en 2015 sont de 13,3 % pour les ventes de marchandises, et de 22,9 % pour les prestations services et les professions libérales.
* 26 Article 151-0 du code général des impôts et articles L. 133-6-8 à L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale.
* 27 L'option pour le versement libératoire est toutefois soumise à des seuils inférieurs, qui tiennent compte de la composition du foyer fiscal : 26 631 euros pour une part (personne seule), 53 262 euros pour deux parts (couple), 79 893 euros pour trois parts (couple avec deux enfants). Seuils 2015 basés sur le revenu fiscal de référence (RFR) de l'année 2013.
* 28 Article 50-0 du code général des impôts.
* 29 En application de l'article 150 UA du code général des impôts, qui précise que les dispositions relatives à l'imposition des plus-values mobilières des particuliers ne s'appliquent pas « aux meubles meublants, aux appareils ménagers et aux voitures automobiles ». Pour mémoire, les vide-greniers « physiques » sont soumis au régime de la vente au déballage fixé à l'article L. 310-2 du code de commerce : sous réserve qu'ils ne participent à ce type d'événement que deux fois par an et qu'ils ne vendent que des objets personnels et usagés, les particuliers sont exonérés d'impôts.
* 30 L'article 1231-15 du code des transports définit le covoiturage comme « l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers majeurs pour un trajet commun ». Pour la question du partage de frais, voir Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mars 2013, 11-21.908.
* 31 Voir à cet égard le second rapport du groupe de travail, « Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source », rapport n° 691 (2014-2015).
* 32 Source : L'économie collaborative rattrapée par le code du travail, Le Figaro du 12 juillet 2015.
* 33 Source : Le Monde du 30 juin 2015.
* 34 Depuis le 1 er janvier 2015, ces plateformes appliquent toutefois la TVA du pays du client sur le montant de leurs prestations, en application du « principe de destination ». Voir à ce sujet l'autre rapport du groupe de travail : « Le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source », rapport n° 691 (2014-2015).
* 35 Durant l'été 2014, 66 320 personnes ont séjourné dans le Marais via Airbnb , alors que seuls 64 795 habitants y ont leur résidence principale.
* 36 Source : Le Figaro du 29 juin 2015.
* 37 Assemblée nationale, compte rendu des débats de la séance du 14 novembre 2013.
* 38 Source : réponse de la DGFiP au questionnaire du groupe de travail.
* 39 Article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 40 Il est notamment question que utilisateurs puissent bénéficier d'informations transparentes sur les critères de référencement des contenus, la qualité de l'annonceur, les conditions de retrait des offres, les droits et obligations des parties, les informations précontractuelles etc.