INTERVENTIONS
A. INTERVENTIONS
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente du groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies
Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation pour participer à cette table ronde organisée par le groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies rattaché à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
Comme il se doit pour un débat sur la télévision, nos échanges sont filmés et diffusés en direct sur Internet. Ils seront également diffusés par Public Sénat. Je vous indique également qu'un live tweet est organisé sur le compte officiel du Sénat @Senat_direct.
Je suis très heureuse de cette occasion qui nous est donnée de croiser nos points de vue sur l'avenir de la télévision.
Contrairement à ce que l'on pouvait entendre, il y a encore quelques temps, lorsque l'on nous annonçait la mort de la télévision, inexorablement condamnée à céder du terrain au digital, celle-ci continue à occuper une place de choix dans l'esprit et le coeur des Français. La Coupe du monde de football qui se tient en ce moment au Brésil est là pour nous rappeler que la « petite lucarne » est toujours le média des grands événements, celui qui fédère le plus les Français.
Pourtant, si cette place privilégiée n'est pas contestée, force est de constater que la télévision connaît à son tour une révolution dont l'étendue est encore largement insoupçonnée. Après l'augmentation du nombre de chaînes avec la TNT, après l'arrivée de la haute définition, après la multiplication des supports de réception, l'émergence d'une véritable télévision « à la demande » change radicalement les usages des téléspectateurs.
Tous les Français ont pu se familiariser depuis un ou deux ans avec le « replay », la télévision de rattrapage. Ils découvrent également la vidéo à la demande (VàD) « en ligne » qui se substitue de plus en plus à l'achat de DVDs. Une nouvelle pratique de consommation « au forfait » devrait prendre son essor dans les mois qui viennent qui pourrait changer jusqu'à l'économie même des médias et des infrastructures de diffusion.
Or, comme vous le savez, l'histoire de l'économie nous apprend que lorsqu'un tel processus d'innovation se produit, de nouveaux acteurs apparaissent et conquièrent des parts de marché tandis que les acteurs historiques sous-estiment souvent l'impact des évolutions en cours et entament un déclin qui peut leur être fatal, s'ils ne réagissent pas.
Est-ce que le marché de la télévision est sur le point de connaître un tel bouleversement qui pourrait rebattre les cartes ? Il est beaucoup trop tôt pour le dire mais pas trop tôt pour s'en préoccuper.
Compte tenu de l'importance du secteur audiovisuel pour la production et la diffusion de la création, il nous semble utile aujourd'hui de vous entendre nous parler de l'évolution de votre métier, de votre vision de l'avenir et de la manière dont vous le préparez aujourd'hui.
Une première interrogation concerne les nouveaux usages de la télévision qui vont se développer dans les deux ou trois ans. Est-ce que nous continuerons à regarder nos programmes sur un écran de télévision ou bien sur d'autres types de supports ? Jusqu'où va aller la convergence entre Internet et la télévision ?
Une deuxième interrogation porte sur les réponses à apporter à ces nouveaux usages. Comment allez-vous faire évoluer vos offres et vos modèles d'affaires ?
Enfin, et ce n'est pas la question la moins importante, concernant le cadre législatif et réglementaire, faut-il le faire évoluer pour vous permettre de vous adapter et, si oui, sur quels points précisément et avec quel degré d'urgence ?
Cette dernière question, vous l'aurez compris, n'est pas « innocente ». Dans un contexte marqué par le report à 2015 du projet de loi sur la Création qui devait comporter de nombreuses dispositions relatives à l'audiovisuel et alors que l'on évoque un texte sur le numérique dont les contours semblent encore non stabilisés, nous souhaiterions vivement connaître votre sentiment sur ce sujet également.
Nous avons devant nous environ deux heures puisque je suggère de conclure nos travaux autour de 16 h 30.
Si vous en êtes d'accord, je vous propose dans un premier temps de prendre chacun la parole pour un bref propos liminaire à l'issue duquel un débat pourra s'engager.
Je cède la parole pour débuter à Mme Agnès Lanoë, directrice de la prospective et de la stratégie d'Arte France.
Mme Agnès Lanoë, directrice de la prospective et de la stratégie d'Arte France
Je tenais en premier lieu à vous remercier pour cette invitation.
Arte est une chaîne culturelle franco-allemande et européenne qui se démarque clairement des autres diffuseurs dans le paysage audiovisuel européen. Notre objectif est de renforcer cette spécificité, en faisant d'Arte un média global de référence pour la culture et la créativité en Europe, grâce notamment à une stratégie numérique permettant de déployer la richesse et l'originalité de nos contenus sur l'ensemble des écrans.
Depuis deux ans, nous avons procédé à une relance éditoriale en mettant l'accent sur cette culture et cette créativité et en ancrant les programmes dans le monde actuel. Nous avons parallèlement conçu une stratégie numérique appelée « Galaxie Arte ». Cette stratégie partait d'un constat simple : à une consommation de la télévision traditionnelle, collective et linéaire, s'ajoute désormais une consommation délinéarisée, individuelle et mobile, en dehors de son support et de sa programmation d'origine. Ces différents accès aux contenus audiovisuels ne se cannibalisent pas, bien au contraire : ils se complètent et se renforcent mutuellement. C'est la conviction d'Arte.
Attributaire d'une seule chaîne de la TNT, nous avons très tôt investi dans le numérique et joué un rôle de pionner, tant dans la création d'offres innovantes - Arte a été la première chaîne en France à faire de la télévision de rattrapage avec le lancement d'Arte+7 en octobre 2007, aujourd'hui 83 % des programmes diffusés sont disponibles - que par notre soutien à la création purement numérique.
Depuis deux ans, nous avons choisi de décliner nos fondamentaux et de mettre en oeuvre une « galaxie » d'offres numériques identifiées à la chaîne pour toucher tous les publics, là où ils se trouvent, et en conquérir de nouveaux. Les thématiques choisies pour ces offres numériques - l'information, la musique et le spectacle vivant, le cinéma, la connaissance, la création numérique - sont représentatives de l'identité et des missions de la chaîne et remplissent pleinement leur double objectif : approfondir ce qui fait la spécificité d'Arte et accroître son rayonnement et la conquête de nouveaux publics, au-delà de l'écran traditionnel, sur les autres écrans.
Grâce à une stratégie éditoriale et à un développement numérique soutenus par les pouvoirs publics, Arte est parvenue en deux ans à des résultats particulièrement probants.
L'audience d'Arte qui se dégradait depuis le lancement de la TNT a progressé de 33 % en deux ans (2 % de part d'audience en 2013 vs 1,5 % en 2011). C'est la plus forte progression des chaînes historiques dans un contexte de concurrence accrue. Notre objectif est d'être la référence culturelle numérique en Europe.
Cela implique d'adapter en permanence nos offres pour répondre aux évolutions des technologies et des usages. En effet, c'est le périmètre même de la télévision connectée qui a fondamentalement évolué depuis un à deux ans : auparavant, elle correspondait à un poste de télévision connecté à Internet et représentait l'irruption du monde Internet sur l'écran du poste de télévision. Désormais, tout est connecté et la télévision connectée englobe outre les postes de télévision, les box ADSL, les consoles de jeux, les lecteurs DVDs mais aussi les tablettes et les téléphones mobiles. Avec le numérique, l'essence de la télévision est devenue télévision connectée dans tous les sens du terme.
Parmi les nombreux enjeux que nous avons identifiés, il y a :
- la nécessaire sécurisation de la diffusion TNT ;
- les enjeux en termes de diversité culturelle, avec l'apparition de nouveaux acteurs extra-européens ;
- la nécessité d'appliquer les mêmes règles à ceux qui exercent la même activité ;
- et, bien entendu, l'élargissement de la redevance vers le multi-écrans.
M. Valéry Gerfaud, directeur général de M6 web
Merci de nous donner l'occasion de cette discussion sur des sujets qui sont relativement complexes et, sur lesquels, il est pris généralement peu de temps pour échanger. Cette opportunité est très intéressante.
Pour ce qui concerne le groupe M6, nous avons toujours considéré que l'évolution des usages allait se faire, mais sans savoir à quels rythmes. Ce que nous constatons, c'est que lorsque nous avons essayé de freiner ces évolutions nous nous sommes trompés et, à chaque fois que nous les avons accompagnées, nous avons été dans le vrai. J'en veux pour preuve le lancement en 2008, peu après Arte France, de la première offre de télévision de rattrapage par une chaîne commerciale. Je crois qu'à ce moment-là, certains concurrents se sont demandé ce que nous faisions à aller aussi fortement sur cette offre de télévision de rattrapage qui permet, depuis 2008, de proposer sur un grand nombre de terminaux quasiment l'ensemble de la grille de M6, de W9 et des autres chaînes du groupe. Nous avons accompagné les usages dont nous sentions assez fortement l'évolution.
Il en est de même pour notre approche du second écran. Nous nous sommes rendus compte, tout simplement, que les gens regardaient la télévision d'une manière différente aujourd'hui qu'il y a quelques années. Plutôt que de laisser ce second écran à d'autres comme Shazam, Twitter et aux autres acteurs qui ne sont pas issus de l'environnement audiovisuel, il nous a semblé important que les groupes audiovisuels prennent ce champ du second écran pleinement en main. C'est pour cette raison que, dès fin 2013, M6 a eu une approche extrêmement agressive sur le second écran en enrichissant un grand nombre des programmes, ce qui s'est traduit par des usages importants qui sont en train d'accélérer. Par exemple, il y a quelques mois, pour le quiz « Qu'est-ce que je sais vraiment ? », plus de 500 000 téléspectateurs se sont simultanément connectés sur leur mobile ou sur leur tablette et ont participé au quiz pour des sessions qui, pour certaines d'entre elles, ont duré en moyenne une heure et demie.
Nous voyons bien que dès que nous accompagnons les usages et que nous les anticipons un peu, nous arrivons à vraiment garder, pour la chaîne ou les groupes audiovisuels, une vraie position de force sur ces nouveaux usages et nous espérons que, dans quelques mois, la prochaine émission à haute teneur en interactivité « Rising Star » nous permettra de franchir de nouveaux paliers en matière de modernité sur les programmes et sera la preuve que la télévision en général n'est pas un média ancien, ringard qui a oublié de se moderniser mais, au contraire, un média en avance sur les nouveaux usages.
De ce point de vue, nous avons la chance en France d'avoir des groupes audiovisuels qui, dans l'ensemble, innovent dans ces domaines-là. Les téléspectateurs français peuvent profiter de l'offre de télévision de rattrapage la plus riche au monde, la plus accessible en termes de terminaux et, ceci, gratuitement. Dans beaucoup de pays, la télévision de rattrapage n'est pas gratuite et je crois qu'on oublie de le dire. Je laisserai certains de mes confrères qui sont sur la télévision payante en parler. Pour le gratuit, l'offre de télévision de rattrapage est très forte, l'offre de second écran est également très forte et il faut s'en féliciter.
Il y a des enjeux importants qui tiennent notamment à la nécessité de mieux encadrer notre secteur d'activité. Je rappellerai que le piratage reste un souci permanent pour nos groupes audiovisuels. Malheureusement, les évolutions sur ce sujet ne sont pas forcément très encourageantes. Les efforts à destination des consommateurs pour leur expliquer la nocivité du piratage restent insuffisants. Il y a un laisser-aller dont tout le monde sait qu'il est préjudiciable aux développements, non seulement des offres audiovisuelles gratuites sur le web, mais aussi des offres payantes.
Certaines plateformes remettent en cause les fondements même du fonctionnement d'une chaîne de télévision et du métier d'éditeur de programmes audiovisuels. Au motif de proposer une ergonomie plus satisfaisante aux téléspectateurs, c'est finalement le métier de diffuseur qui consiste à packager, choisir et présenter des programmes d'une certaine manière aux téléspectateurs qui est menacé. C'est un grand sujet de préoccupation pour nous.
Un autre problème concerne la question du parasitage. Les nouvelles technologies permettent un certain nombre de parasites autour du signal, parasites qui peuvent être des services qui se superposent à notre signal, ou d'autres types de parasites plus subtils qui remettent en cause l'équilibre entre les engagements que prennent les chaînes et finalement « l'avantage » dont elles disposent en contrepartie de ces engagements.
Enfin, les sénateurs ont reçu, il y a quelque temps, le commissaire européen M. Joaquín Almunia. Il y a de plus en plus de choses qui se passent au niveau de la Commission européenne qui auront des impacts extrêmement forts pour le digital en général, et les groupes audiovisuels dont le volet digital devient de plus en plus important. En tout cas, le fait que les sénateurs aient questionné le commissaire Almunia par exemple sur sa position vis-à-vis de Google dans le différend qui oppose cette société à la Commission européenne à la suite de la plainte déposée en 2010, est très important pour nous puisque en tant qu'éditeurs de services audiovisuels, on a vraiment besoin du soutien de nos gouvernants pour défendre notre cause, y compris auprès de la Commission européenne. Celle-ci est en effet appelée à jouer un grand rôle dans les décisions visant, sinon à réguler, au moins à faire que l'environnement de développement de nos chaînes soit « équilibré » et qu'il soit mis un terme au laisser-aller dont bénéficient les acteurs américains qui viennent opérer sur notre territoire.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente du groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies
Je salue tout particulièrement l'arrivée de notre collègue David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel pour la commission de la culture.
M. Philippe Deloeuvre, directeur de la stratégie de France Télévisions
Merci de nous donner l'opportunité d'évoquer ces sujets complexes.
Il y a trois ans, Mark Andreessen, à l'origine de la création du premier navigateur Netscape, écrivait un article « Software is eating the world », en bon français « Le numérique dévore le monde ». Comme une prophétie, on se rend compte, quelques années après, qu'en effet de grosses entreprises souvent américaines ont pris une place essentielle dans de nombreux secteurs économiques : Amazon est la plus grande librairie du monde, Netflix le premier service de vidéo à la demande, on n'imagine plus la distribution de la musique sans parler d'Itunes, Spotify ou Deezer.
Je pourrais égrener ici la liste. Je veux dire que le numérique n'est pas quelque chose qui vient s'ajouter comme une couche de plus, il est bien à l'oeuvre dans la transformation du secteur, lourdement, de l'intérieur. En ce sens, il nous demande des efforts d'imagination, et pas seulement des efforts d'adaptation parfois de telle ou telle réglementation, de tel ou tel cadre, mais bien de penser un peu « en dehors de la boîte » pour essayer de repenser et de sauver l'essentiel. L'essentiel pour nous, c'est évidemment l'exposition de contenus locaux produits ici en France au plus large public, y compris quand cela nous demande de repenser complètement les choses.
Les enjeux sont au nombre de quatre :
- un enjeu de distribution : la distribution/diffusion va encore évoluer. La distribution de la télévision en IP ( Internet protocol ) est déjà plus que majoritaire en France mais il est probable que la distribution sans passer par les boxes des opérateurs, en OTT ( over the top ), va encore beaucoup bouleverser la façon dont les Français vont recevoir les contenus ;
- les usages : nous sommes au tout début de l'histoire de la délinéarisation, nous allons devoir imaginer les moyens de donner à voir une profusion de contenus. Évidemment il faut encore faire un effort d'imagination, même si la télévision de rattrapage est déjà un outil important, pour imaginer tout ce que les algorithmes vont pouvoir proposer comme contenus et la concurrence que cela représentera pour des modèles linéaires ou des modèles de télévision plus classiques ;
- le troisième enjeu tourne autour des données : la semaine dernière, France Télévisions a lancé une charte pour essayer de prendre des positions en la matière. Leur collecte, leur utilisation, tout ce que cela va poser comme questions dans le débat public ;
- la question du financement et des modèles économiques. Vous disiez tout à l'heure « la télévision est au bord d'une révolution dont l'évolution est insoupçonnée ». Que devient la redevance dans ce modèle économique ? À l'heure où on accède à l'info et au divertissement par d'autres moyens que sa télévision, comment sera financé un audiovisuel public dont les contenus seront multisupports ?
M. Christian Bombrun, directeur marketing, divertissements et nouveaux usages d'Orange France
C'est une autre vision de la législation que nous avons aujourd'hui. Nous appréhendons le sujet sous un angle différent bien que nous ayons une partie de notre activité comme éditeur de télévision avec OCS. Je représente ici plutôt le distributeur de télévision. Nous avons une position un peu unique dans la discussion aujourd'hui. Nous voyons passer tous les services dont nous parlons aujourd'hui, qu'ils soient gratuits ou payants, linéaires ou pas puisqu'ils passent pour une grande partie par nos réseaux et pour le consommateur, ils sont distribués pour une grande partie via nos décodeurs.
Nous ne constatons pas de baisse de la consommation de la télévision traditionnelle linéaire. Quand nous la mesurons, elle est plutôt globalement en légère augmentation. Nous constatons plutôt une digitalisation des services de divertissement. Le spectateur passe de plus en plus de temps à utiliser ces services globalement. Nous assistons plutôt, si j'étends le débat, à la transformation du livre traditionnel vers le livre numérique. La télévision est déjà entièrement digitale. On peut appeler « télévision » un ensemble plus large et tous les groupes de télévision, ici présents, ont leur coeur de métier aujourd'hui bien au-delà de la chaîne de télévision linéaire traditionnelle.
Quand nous examinons les usages, nous voyons bien que la consommation de la télévision linéaire traditionnelle sur un écran de télévision classique reste importante. À côté de cela, nous assistons à une délinéarisation des antennes à laquelle s'ajoutent des nouveaux médias de type Youtube, Dailymotion, qui proposent des contenus un peu différents. Aujourd'hui, ce que je retiens, c'est que tout cela s'additionne plus que cela ne se concurrence.
Si nous considérons l'angle gratuit/payant : le gratuit décolle fortement avec la télévision de rattrapage financée par la publicité et le payant ne se porte pas si mal. La vidéo à la demande (VàD), après une année un peu difficile, l'année dernière, repart dans des tendances très bonnes depuis le début d'année. On est de nouveau reparti en croissance sur la vidéo à la demande à l'acte. La télévision payante est dans une dynamique plutôt bonne. Actuellement, avec la Coupe du monde, nous avons des abonnements record sur beIN SPORTS, qui propose toute la Coupe du monde. Nous sommes très surpris par les résultats commerciaux des dernières semaines et, avec la reprise du championnat de France de football, la dynamique à venir nous laisse très optimistes sur ce que nous allons faire à la rentrée avec Canal+. Ce secteur est loin d'être statique et il est aussi dans une dynamique économique pas si mauvaise que cela.
En ce qui concerne Orange, opérateur télécom, nous sommes très présents sur ce sujet. Avec nos décodeurs nous avons une offre très large puisque nous distribuons 32 bouquets de télévision payante auprès de nos clients. Nous avons 16 000 contenus de rattrapage fournis par mes camarades autour de la table, 7 000 vidéos à la demande mais on est aussi un fournisseur global de services de divertissement : 150 jeux de type console sont disponibles sur nos décodeurs, 30 millions de titres de musique via notre offre Deezer. Nous avons une plateforme de divertissements complète fabriquée avec les grandes marques de médias. En cela, nous avons un rôle particulier. Nous distribuons pour une grande partie des contenus fabriqués par les principaux médias, que ce soit Canal+, Deezer ou les grands acteurs des jeux, Electronic Art, Ubisoft, français ou américains.
Depuis un an, avec le déploiement simultané de la 4G sur les mobiles et de la fibre sur le réseau fixe nous mesurons des croissances importantes de consommation de contenus liées assez mécaniquement à l'augmentation des débits. Sur les réseaux mobiles, on constate une augmentation de plus de 50 % de la consultation des vidéos lorsqu'on est en 4G. Sur le fixe, nous menons une expérimentation à Palaiseau où nous avons complètement arrêté le réseau cuivre pour passer à la fibre à 100 %. Sur cette zone, nous constatons des usages extrêmement importants de l'ensemble des contenus digitaux, qu'il s'agisse des contenus à la demande ou des jeux. Les consommateurs avec plus de débit utilisent plus nos services digitaux et consomment plus de médias, plus d'oeuvres qui sont donc plus exposées.
En tant qu'opérateur télécom, nous sommes un acteur important du financement de la création en France. Nous avons calculé que nous dépensions 500 millions d'euros par an dans l'écosystème des médias. Ceci à travers notre opération Cinéday pour les salles, notre studio de cinéma Orange Studio qui a financé plus d'une centaine de films depuis sa création et qui a injecté 150 millions d'euros dans l'économie du cinéma en France ou notre filiale de télévision payante OCS qui vient de renouveler un accord d'engagement de financement du cinéma français et européen pour 180 millions d'euros par an. Ce sont des sommes tout à fait significatives à l'échelle de l'économie de ce secteur et même à l'échelle d'Orange. Ce sont des sommes importantes injectées dans notre économie. Évidemment, nous le faisons parce que cela renforce la fidélité de nos clients, cela nous aide à vendre nos offres et, bien sûr, nous avons une activité économique derrière cela.
Je souscris aux propos de Mme Lanoë. Nous suivons avec attention tous ces changements, sur lesquels on va revenir, et l'arrivée de tous ces nouveaux acteurs internationaux. Nous pensons que les acteurs français ne sont pas si mal armés que cela. La discussion d'aujourd'hui va l'illustrer. Il y a beaucoup d'innovations qui sont portées par les médias français.
Nous sommes par ailleurs très vigilants sur tous les sujets d'iniquité et d'asymétrie de la concurrence. Aujourd'hui, selon l'emplacement géographique des sièges sociaux d'un certain nombre de médias, dont les acteurs internationaux évoqués précédemment, les règles du jeu sont très différentes de celles qui s'appliquent à la fois aux éditeurs et aux distributeurs français : les règles de TVA, les obligations de financement de la création, les obligations d'exposition des oeuvres, tout un ensemble de règles dont il est relativement simple de s'affranchir lorsque l'on n'est pas basé en France. C'est un sujet qui nous soucie et sur lequel il nous semblerait judicieux d'ouvrir un débat, non pas pour rajouter de nouvelles règles pour tout le monde mais, peut-être, plutôt pour revoir quelques règles ou quelques taxes dont la pertinence peut être rediscutée. Je pense à la taxe sur la VàD qui est une double peine pour nous car nous payons sur deux assiettes différentes.
Enfin, le message que je voulais partager avec vous tient au fait que notre bonne santé économique en tant qu'opérateur télécom est aussi un gage de notre capacité à continuer à exposer l'ensemble des oeuvres qui sont mises en production par les différents médias sur le territoire, grâce à notre capacité à investir dans les réseaux, à continuer à déployer la fibre et la 4G. Avoir des opérateurs télécom en bonne santé, c'est aussi avoir des médias en bonne santé. Globalement nous sommes très optimistes pour les prochaines années puisque nous pensons que les usages vont continuer à se développer et que des usages naissent l'innovation, la transformation, et, potentiellement, l'activité économique.
M. Manuel Alduy, directeur de Canal-OTT (groupe Canal+)
Beaucoup de choses ont été dites. Je vais essayer d'apporter deux éclairages différents, voire complémentaires.
Le premier éclairage concerne le fait que les diffuseurs, notamment ceux de télévision payante que nous sommes, s'adressaient jusqu'alors à des foyers à travers des réseaux de diffusion assez encadrés - terrestre, câble, satellite, ADSL ( Asymmetric Digital Subscriber Line / ligne asymétrique numérique d'abonné) en passant par les FAI (fournisseurs d'accès à Internet) - et qu'aujourd'hui, nous devons nous adresser à des individus, un peu comme les opérateurs de téléphonie fixe qui ont réussi à vendre un téléphone portable et des offres à chacun des membres du foyer.
Ce phénomène se voit très bien avec la forte croissance de la consommation audiovisuelle sur l'Internet gratuit de façon légale ou illégale. De façon légale, depuis deux ou trois ans, le temps passé par les plus jeunes d'entre nous sur Internet à regarder de la vidéo, pas simplement à surfer sur Internet, progresse. Les formats sont différents, les talents sont différents, les règles de diffusion sont très différentes de l'écosystème traditionnel. L'individualisation de la consommation audiovisuelle constitue un premier phénomène qui nous affecte. J'y reviendrai ultérieurement.
Le second point, qui est nouveau et que nous cherchons à prendre en compte au sein du groupe Canal+, tient au fait de savoir comment préserver l'écosystème vertueux qui régissait notre rapport à la création, c'est-à-dire au producteur et au distributeur de programmes. Initialement, nous étions diffusés sur des réseaux assez encadrés et nous pouvions nous permettre de commercialiser des oeuvres au forfait, de manière assez stable, et cela permettait, en retour, de souscrire à des obligations d'investissement dans la création et d'investir fortement dans les contenus, dans le cinéma, les oeuvres audiovisuelles en général, pour ne citer que ces deux exemples. Pour l'instant, nous n'avons pas trouvé la solution pour financer un film français à cinq millions d'euros uniquement au travers de la demande individuelle, aussi forte soit-elle sur Internet ou sur nos plateformes. Nous avions coutume de dire au sein de Canal+ que « les abonnés qui sont là pour le football, payent le cinéma et ceux qui sont là pour le cinéma, payent aussi le football ». C'est cette offre globale qui permettait de faire progresser l'ensemble sans avoir à confronter une oeuvre donnée à la réalité économique brutale immédiate de sa consommation, c'est-à-dire au nombre de téléspectateurs ou de spectateurs.
L'individualisation des consommations et la délinéarisation générale nous mettent face à cet enjeu et à cette mutation-là. Ceci explique beaucoup de nos attitudes et de nos réflexes par rapport à des évolutions de règlementation diverses et variées. Tous les diffuseurs aidés par les plateformes existantes - dont Orange fait partie - ont d'abord cherché à individualiser, à personnaliser l'expérience de la télévision qu'elles proposaient à l'ensemble de leurs abonnés ou de leurs téléspectateurs. Concernant les applications de second écran, nous avons proposé aussitôt que tout le monde une offre permettant à nos abonnés de regarder Canal+ à la demande, comprise dans leur abonnement, pour ne pas être tributaire des horaires. Nous avons développé d'autres chaînes, multiplié les occasions de pouvoir voir nos programmes, et personnalisé l'expérience de la télévision à travers toute sortes d'outils de recommandation et d'identification des usages. Nous avons également développé des applications de second écran pour enrichir le spectacle du football à la télévision avec une application sur tablette.
Globalement, cette individualisation de l'expérience de la télévision, nous la menons tous, ce qui fait qu'aujourd'hui le marché français, par rapport à d'autres marchés qui nous sont opposés en comparaison de façon régulière et rapide, a plusieurs spécificités fortes : une très grande offre de programmes à la télévision, sur le petit écran traditionnel (films, séries, créations françaises) mais aussi une très grande offre en France de programmes à la demande depuis la VàD transactionnelle qu'évoquait Christian Bombrun jusqu'à toutes les offres de télévision de rattrapage, les services de vidéo à la demande par abonnement et, enfin, malheureusement, une offre pirate assez importante qui perturbe l'écosystème de façon durable car ce n'est pas un phénomène nouveau.
Un journaliste du Monde a écrit un article récemment dont je souhaite vous donner la teneur. En arrivant à San Francisco, il a souscrit un abonnement à une plateforme concurrente qui arrivera bientôt en France. Il a été surpris de trouver des trous dans l'offre qui, finalement, n'est pas si grande, ni si exhaustive que cela, et il s'est mis à télécharger illégalement un programme pour compléter sa demande. Il a tout de suite reçu un message de son FAI qui lui a dit « attention la prochaine fois on vous coupe Internet. Si vous voulez regarder cela, voilà où cela se trouve dans nos offres payantes légales ou gratuites légales ». Sans ouvrir le débat sur Hadopi, cela n'existe pas en France. Le phénomène du téléchargement et du streaming illégal, c'est presque le premier nouvel usage qui nous force depuis quelques années à bouger et c'est compliqué car, contre le gratuit illégal, les opérateurs payants légaux partent avec un certain handicap.
Donc, il y a trois grandes spécificités du marché français pour le téléspectateur ou le spectateur : une offre de films, d'oeuvres audiovisuelles très riche, j'aurais pu élargir jusqu'aux salles de cinéma et la fréquentation en salles, une offre à la demande également très développée de façon non linéaire et malheureusement une offre illégale.
Au-delà de l'individualisation de l'expérience de la télévision, ce que nous essayons aujourd'hui de faire en tant que groupe de télévision pourtant très ancré dans le secteur payant et peu dans le gratuit bien que nous ayons les chaînes D8, D17 et I-télé dans notre giron, c'est d'augmenter notre présence dans l'Internet gratuit. Le problème de l'Internet gratuit, quand il n'est pas encadré par des FAI, est qu'il est largement dominé par des plateformes comme Google et Youtube qui recourent à des algorithmes que nous ne maîtrisons pas. La monétisation publicitaire dans un monde gratuit et moins encadré nous amène à devoir trouver des modes de financement plus difficiles que dans un monde linéaire ou non linéaire encadré traditionnel, dans un contexte marqué par une augmentation de la consommation audiovisuelle très forte.
Pour donner quelques chiffres, Youtube en France représente environ un milliard de vidéos vues par mois et Dailymotion représente environ 300 millions de vidéos vues par mois de façon gratuite et légale. Notre premier enjeu depuis un an est d'investir plus fortement l'Internet gratuit pour augmenter notre visibilité, pas pour y gagner de l'argent mais pour être présents, en tant que marque, en tant que diffuseur de télévision dans cet écosystème-là.
Le deuxième volet que nous essayons de renforcer au sein de nos offres concerne les propositions individuelles de télévision, On a plusieurs niveaux d'offres au sein du groupe Canal+. L'offre premium de Canal+ est un modèle assez stable, assez vertueux, challengé comme tous les autres, mais qui propose des contenus inédits suffisamment forts pour tenir. Le sujet est de pouvoir proposer des offres moins chères - on n'arrivera jamais à faire des offres aussi peu chères que l'illégal - et plus individuelles. Il n'est pas possible de financer et proposer des oeuvres inédites quelles qu'elles soient, à travers des offres trop peu chères. L'écosystème n'est pas favorable pour cela.
Nous avons une offre Canalplay. Nous nous concentrons aujourd'hui sur ce que les gens connaissent. Dans l'univers du « à la demande », le métier d'éditeur est challengé parce qu'il est un peu effacé. Or, le rôle de l'éditeur est de mettre en avant des oeuvres sur lesquelles le public ne viendrait pas spontanément se porter. Dans un univers totalement non linéaire, sur Canalplay par exemple, vous avez à peu près de tout, du cinéma d'auteur, du cinéma américain, des séries connues, pas connues, issues de l'univers Canal et d'autres chaînes. Qu'est-ce que les gens regardent ? Ils vont regarder spontanément ce qu'ils connaissent. Si les oeuvres inconnues ne sont pas mises en avant, personne ne va les chercher. Le piratage ne se porte pas sur les oeuvres inconnues, il se porte sur les oeuvres connues. C'est pareil dans les offres légales à la demande. Nous avons de nombreuses idées d'amélioration de l'écosystème.
M. Olivier Abecassis, directeur général d'e-TF1
Étant le dernier intervenant, je vais essayer d'être synthétique pour ne pas reprendre un certain nombre de points qui ont été mis en avant et sur lesquels nous sommes en phase. Je souhaite vous dire pourquoi le digital est une opportunité pour le groupe TF1 et en quoi, au travers de quelques exemples, cette opportunité est réalisée, pour parler ensuite des menaces et de notre ambition de croissance collective.
Pourquoi est-ce une opportunité ? En 2008, quand Nonce Paolini a pris la direction générale de TF1, il a mis le digital dans toutes les réflexions. Avant tout c'est une possibilité pour nous de toucher encore plus de téléspectateurs et pour prendre un seul exemple, vous avez cité la Coupe du monde, sur le match de vendredi dernier nous avons eu seize millions de téléspectateurs en télévision et un million de plus sur les écrans numériques. Ce qui veut dire que sur des scores en télévision jamais atteints, nous réussissons à aller plus loin car le digital, c'est la connexion quand on n'a pas un écran devant soi mais qu'on a un mobile, une tablette et la capacité de consommer un match différemment. Le digital constitue bien un accroissement potentiel du nombre de nos consommateurs.
La deuxième chose, c'est une opportunité parce que le digital n'est plus une verticale au sein d'une organisation. Il est partout dans les contenus, on pense digital dans l'écriture de l'ensemble des contenus, dans la programmation, dans la vente, vis-à-vis de nos annonceurs, dans la distribution. Nous sommes passés d'un mode où le digital faisait peur à certains groupes de médias, qui étaient considérés comme des anciens médias, à une situation où le digital est la composante clé.
C'est l'opportunité d'aller vers de nouveaux modèles d'affaires qui souvent passent par la remise en cause de l'existant. La vidéo à la demande est probablement une des causes majeures de la baisse substantielle des ventes de DVDs. Là où vous deviez acheter un film entre quinze et vingt euros, vous pouvez le voir maintenant pour cinq euros. Le besoin de posséder le support a perdu de son importance laissant la place à un métier d'accès. Cet investissement, que le groupe a fait dès 2005 sur la VàD, a été motivé par le fait qu'au travers du digital se présenteraient de nouvelles opportunités.
Pour ce qui est des menaces, nous considérons qu'il y en a trois.
La première, concerne le fait que le digital, d'une façon générale, et y compris pour notre métier de télévision, n'est plus national mais mondial. Les frontières n'existent plus. Cela veut dire plusieurs choses. Nos concurrents sont certes autour de cette table mais, fondamentalement, sur le digital, nos concurrents sont les Américains qui ont une taille de marché, une capacité de production substantiellement plus importantes. Avec un élément essentiel, c'est que notre marché national - qui sur le marché de la télévision a toujours été suffisamment gros pour nous permettre de nous développer, de financer les contenus et d'avoir une capacité à proposer à l'ensemble de nos spectateurs une offre de qualité - est probablement trop petit pour la télévision numérique. Il est trop petit parce qu'en matière de digital, il s'agit de contenus mais aussi de logiciels. La différence se fait sur la qualité des produits. Pour vous donner un seul chiffre, Netflix a aujourd'hui une équipe de 900 ingénieurs. Aucune chaîne de télévision n'est capable d'embaucher 900 ingénieurs. Ce qui est dommage car ces ingénieurs existent en France, ils ont été formés. Ils ont souvent le niveau et partent d'ailleurs souvent à l'étranger. Nous avons donc cette capacité technologique mais pas la capacité financière pour investir dans des produits suffisamment forts.
Deuxième point : Souvent ces concurrents internationaux installent leurs sièges hors de France pour éviter les contraintes. Vous avez suffisamment d'exemples sur cette question.
Dernier point sur cette mondialisation, elle rend la compétition difficile. Autre exemple, quand Netflix se lance en Angleterre, c'est un investissement de 200 millions de dollars pour lancer le service. Ces 200 millions de dollars ne seront jamais rentabilisés par le marché anglais. Cela veut dire que le succès de Netflix aux États-Unis lui permet de financer le développement sur un nouveau territoire, d'écraser la concurrence - parce qu'il n'y a aucun acteur local qui peut se mettre en face - et de se retrouver ensuite dans une position où cet investissement, peut-être à perte, deviendra une force. Une fois leader, Netflix aura la capacité d'investir dans des contenus dans des conditions nouvelles puisqu'on était dans un marché de vente de contenus qui était jusque-là national.
Deuxième menace : elle concerne les modèles d'affaires qui permettent de continuer à financer les contenus qui irriguent les réseaux. D'après les estimations de Cisco, 90 % du trafic Internet est aujourd'hui le fait des contenus audiovisuels. C'est évidemment une opportunité mais, ces contenus, nous devons continuer à les financer. Si Orange investit 500 millions d'euros par an dans les contenus, ce montant s'élève à un milliard d'euros pour le groupe TF1. Si vous prenez l'ensemble des acteurs autour de cette table sur dix ans, nous avons dû mettre ensemble 40 milliards d'euros dans les contenus. C'est un investissement colossal. Cet investissement dans les contenus, il est nécessaire de continuer à le sécuriser et à l'étendre puisqu'on voit bien que c'est la diversité et la complémentarité des offres qui fait la différence.
Troisième menace c'est le piratage : il ne cesse de se réinventer et de trouver des formes différentes qui sont parfois du parasitisme. Sur la Coupe du monde, nous diffusons les vingt-huit matchs sur le digital avec un modèle publicitaire. 25 % des internautes qui nous regardent en ligne - le million dont je parlais tout à l'heure sur France-Suisse et nous en espérons autant ce soir - utilisent un logiciel qui enlève la publicité, ce qui veut dire qu'à un moment donné, nous avons réussi à développer une offre, à la mettre en ligne avec des produits. Nous avons innové, notamment avec Orange sur cette Coupe de monde, pour avoir plus d'axes, plus d'éditorial. Puis nous voyons apparaître des acteurs qui ont pignon sur rue qui développent des solutions qui font que la publicité disparaît, que la capacité à monétiser notre offre disparaît.
Le piratage a commencé avec le peer to peer et il se réinvente en permanence. Quand on a le sentiment d'avoir trouvé une solution, il en apparaît dix autres à côté. Cela devient un problème évidemment majeur quand on se met à diffuser un événement qui coûte beaucoup d'argent sans avoir la possibilité de le monétiser, on se met en danger.
Il faut que nous travaillions ensemble sur ces menaces pour les gérer et libérer la créativité et l'innovation pour faire en sorte que nos métiers dans les années à venir poursuivent leur développement et permettent à la fois de continuer à recruter des ingénieurs pour innover, à acheter ou à développer les contenus.
La première chose à faire est probablement de garantir que la règlementation soit la même pour tous. Nous voyons qu'au travers d'une implantation à l'étranger, il est possible d'avoir une réglementation différente et probablement même d'en avoir une qui soit la plus légère possible pour libérer l'activité et l'innovation au lieu de la contraindre.
La deuxième nécessité est de faire en sorte que nous puissions mettre plus d'argent dans le développement de nos produits et donc, dans le recrutement d'ingénieurs. Un certain nombre de start ups ont pu bénéficier du dispositif « jeunes entreprises innovantes » et du « crédit impôt recherche ». C'est quelque chose qui fonctionne bien et qui permet aux start ups de se développer pour faire en sorte d'avoir de bons produits. C'est quelque chose qu'il faut étendre, y compris à des groupes qui pourront investir pour développer de meilleurs produits.
Nous avons aussi probablement besoin d'adapter le code du travail pour faire en sorte que les compétences du digital qui constituent de réelles compétences nouvelles circulent mieux d'une entreprise à l'autre et se développent.
Avant-dernier point : nous avons besoin de voir plus loin que la France, d'aller conquérir d'autres marchés parce qu'il n'y aura plus de succès seulement locaux. Il faut que nous soyons en capacité de développer ces nouveaux marchés pour faire en sorte que la valeur créée revienne ensuite localement pour être investie dans des projets à venir.
En gros, nous avons le sentiment qu'on fonctionne à l'envers. La règlementation a permis la création de valeur chez des acteurs étrangers qui prennent cette valeur pour l'investir ailleurs. Nous souhaiterions que ce soient les acteurs nationaux qui développent cette valeur, avec votre aide, et que cette valeur une fois bâtie sur un ensemble de marchés nous serve à alimenter un cercle vertueux qui nous permettra d'aller plus loin.
J'ai le sentiment que la France a su le faire, il y a quelques dizaines d'années, sur des secteurs comme l'énergie et le transport. Il nous semble opportun de créer le même écosystème à travers la télévision numérique. Cet écosystème, d'autres l'ont fait. Nous avons vu l'éclosion de la « start up nation » que constitue Israël basée sur une capacité à créer un écosystème favorable à ce développement. Nous croyons que nous avons la capacité de faire la même chose pour les contenus en France.