C. L'INVESTISSEMENT AU MOYEN-ORIENT
Compte tenu du contexte de tension et de déstabilisation croissante dans la région, il est hautement improbable que les États-Unis se désengagent à la fois par fidélité à leurs alliances régionales majeures (Israël, Arabie Saoudite), parce qu'il est du plus grand intérêt pour leur économie de garantir la liberté de circulation et d'approvisionnement de l'économie mondiale en hydrocarbures, et parce qu'un certain nombre de menaces qui pourraient toucher y compris le territoire américain n'ont pas été résolues (terrorisme, prolifération nucléaire).
Le véritable enjeu de la politique américaine au Moyen-Orient restera la relation entre l'Iran et l'Arabie Saoudite qui façonne tous les conflits de la région.
La présence américaine évolue davantage qu'elle ne s'efface. Reste à déterminer les formes et le sens de leur engagement qui peut varier selon les approches politiques retenues en interne mais aussi selon l'évolution des menaces.
D. LA STABILITÉ DE L'EUROPE : LES LIMITES DE LA RÉASSURANCE
S'agissant de l'Europe, les États-Unis, sauf intensification de la menace russe, auront des réticences à s'engager au-delà des obligations fortes du traité de l'Alliance atlantique . Ils considèreront leurs alliés comme suffisamment outillés et aisés pour prendre un charge de façon plus conséquente la défense de leur territoire.
En revanche, il est probable que les États-Unis souhaiteront consolider le lien transatlantique en s'appuyant plus que par le passé sur l'Union européenne « L'Europe, notamment l'Union européenne, est la pierre angulaire de notre engagement dans le monde » 253 ( * ) .
E. LE RETOUR DE LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE
Le retour de l'économie américaine se produit dans un contexte de repli ou de pause sur le plan stratégique.
Comme le note l'économiste Patrick Allard : « les périodes de repli stratégique de la puissance américaine sont aussi des périodes de diplomatie économique active » .
L'étude du Pew Research Center 254 ( * ) , réalisée en 2013, a montré que l'opinion publique considérait que les États-Unis s'engageaient trop pour résoudre les problèmes mondiaux (51 % contre 17 % insuffisamment et 28 % suffisamment) et qu'une attention plus grande devait être portée aux problèmes intérieurs. Pour autant, l'opinion publique ne manifeste pas une telle reluctance à l'engagement des États-Unis dans l'économie mondiale. 77 % des personnes interrogées estiment que la croissance du commerce et des relations d'affaires entre les États-Unis et les autres pays sont une bonne chose (24 % de plus qu'en 2008). Les deux tiers voient plus de bénéfices que de risques à un plus grand engagement dans l'économie mondiale car cela offre de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités pour la croissance. Cette appréciation est partagée par l'ensemble des catégories sociales et par les différentes sensibilités politiques.
Les préoccupations économiques exerceront donc un effet déterminant sur la politique suivie par l'administration américaine, y compris sur sa politique étrangère . « En compensation du repli stratégique, la diplomatie économique prend un relief inhabituel » qui rappelle les politiques actives menées sous les présidences Clinton ou même Nixon.
Les États-Unis ont lancé d'ambitieuses négociations commerciales transcontinentales avec leurs alliés européens (PTCI) et asiatiques (TTP) (voir supra p. 71 et p. 96) avec comme enjeu avoué une ouverture des marchés par l'harmonisation réglementaire et comme enjeu sous-jacent une redéfinition des règles du commerce mondial contournant l'OMC et les grands émergents et assurant notamment la protection de la propriété intellectuelle.
Dans ce domaine, les États-Unis auront probablement la volonté de s'impliquer pleinement , « leading from the front » 255 ( * ) . Comme l'explique M. Robert Zoellick : « un engagement fort dans le domaine du commerce montre l'intérêt des États-Unis pour le reste du monde à un moment où certains s'inquiètent de leur effacement. Le libre-échange favorise le développement et les réformes économiques dans le monde et soutient la croissance des États-Unis. Pour beaucoup dans le monde, l'engagement américain pour la stabilité paraît plus crédible lorsqu'il est construit sur des fondations économiques. La diplomatie économique peut être la base de la puissance dans toutes ses dimensions ». Ils auront aussi la volonté d'entraîner à leurs côtés, les pays partageant les mêmes valeurs.
* 253 Le Président Obama à l'issue du sommet UE-États-Unis le 26 mars 2014 à Bruxelles.
* 254 http://www.people-press.org/2013/12/03/public-sees-u-s-power-declining-as-support-for-global-engagement-slips/
* 255 Pour reprendre l'expression de Robert B. Zoellick, ancien président de la Banque mondiale dans une tribune publiée dans le Wall Street Journal , le 12 janvier 2014 « Leading from the front on free trade » http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303933104579302452830547782