Rapport n° 274 (2013-2014) de M. Jean-Pierre LELEUX , sénateur et Mme Maud OLIVIER, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 9 janvier 2014
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N° 1690 |
N° 274 |
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ASSEMBLÉE NATIONALE |
SÉNAT |
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CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE |
SESSION ORDINAIRE 2013 - 2014 |
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Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale |
Enregistré à la présidence du Sénat |
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le 9 janvier 2014 |
le 9 janvier 2014 |
RAPPORT
au nom de
L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
sur
FAIRE CONNAÎTRE ET PARTAGER LES CULTURES
SCIENTIFIQUE,
TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE : UN
IMPÉRATIF
PAR
Mme Maud OLIVIER, députée, et M. Jean-Pierre
LELEUX, sénateur
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Premier Vice-président de l'Office |
Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Bruno SIDO, Président de l'Office |
Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Bruno SIDO, sénateur
Premier Vice-président
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député
Vice-présidents
M. Christian BATAILLE, député M. Roland COURTEAU, sénateur
Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée M. Marcel DENEUX, sénateur
M. Jean-Sébastien VIALATTE, député Mme Virginie KLÈS, sénatrice
DÉPUTÉS |
SÉNATEURS |
M. Gérard BAPT M. Christian BATAILLE M. Denis BAUPIN M. Alain CLAEYS M. Claude de GANAY Mme Anne GROMMERCH Mme Françoise GUÉGOT M. Patrick HETZEL M. Laurent KALINOWSKI Mme Anne-Yvonne LE DAIN M. Jean-Yves LE DÉAUT M. Alain MARTY M. Philippe NAUCHE Mme Maud OLIVIER Mme Dominique ORLIAC M. Bertrand PANCHER M. Jean-Louis TOURAINE M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Gilbert BARBIER Mme Delphine BATAILLE M. Michel BERSON Mme Corinne BOUCHOUX M. Marcel-Pierre CLÉACH M. Roland COURTEAU Mme Michèle DEMESSINE M. Marcel DENEUX Mme Dominique GILLOT Mme Chantal JOUANNO Mme Fabienne KELLER Mme Virginie KLÈS M. Jean-Pierre LELEUX M. Jean-Claude LENOIR M. Christian NAMY M. Jean-Marc PASTOR Mme Catherine PROCACCIA M. Bruno SIDO |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'idée de culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) et de sa diffusion ne sont pas neuves. Elles ont en effet fait l'objet de nombreux rapports notamment parlementaires (1 ( * )) .
Ce rapport, enrichi de ces productions antérieures, a d'abord pour ambition de proposer des cadres d'actions, en termes de gouvernance ou de stratégie nationale, à la hauteur des besoins contemporains en matière de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Il a ensuite vocation à émettre des propositions concrètes et applicables dans le contexte actuel.
Les rapporteurs ont pu prendre la mesure de l'immensité des tâches à accomplir, tant les domaines concernés sont vastes, comme l'illustre la définition de la CSTI suivante émanant de l'association des musées et centres pour le développement de la CSTI (AMCSTI) : « Partie intégrante de la culture au sens large, elle doit permettre au citoyen de comprendre le monde dans lequel il vit et de se préparer à vivre dans celui de demain. En développant l'information et la réflexion des publics sur la science et ses enjeux, en favorisant les échanges avec la communauté scientifique, en partageant les savoirs, en éduquant à une citoyenneté active, elle inscrit la science dans la société. Elle intéresse également les collectivités territoriales dans leur projet d'aménagement du territoire ainsi que le secteur économique, de par son poids en termes de retombées touristiques et d'emplois ».
La culture scientifique, technique et industrielle est un enjeu de politique publique comme le montre l'affectation de crédits d'un montant de 100 millions d'euros dans le programme des « Investissements d'avenir ». Cet enjeu est par ailleurs de nature transversale. Ainsi, au moins quatre ministères sont directement concernés par la CSTI : le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de la culture, le ministère de l'éducation nationale et le ministère du redressement productif. De même, les discussions autour des textes législatifs sur la refondation de l'école en 2012 et sur l'enseignement supérieur et la recherche en 2013 l'ont également montré.
Certes, en ce qui concerne la loi pour la refondation de l'école, il eût été préférable d'insister sur la promotion de la culture scientifique et technologique non plus seulement dans l'annexe mais dans le dispositif même de la loi à travers des dispositions expresses. Pour autant, on peut se féliciter des mesures portant en particulier sur le service public du numérique éducatif, sur l'égalité entre les femmes et les hommes et sur la formation des enseignants. La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche comporte de nombreuses mesures visant à intégrer la CSTI dans les objectifs de la stratégie nationale de la recherche et, de façon opportune, à développer la CSTI dans les établissements d'enseignement supérieur et dans les organes de recherche. De surcroît, anticipant sur le futur Acte III de la décentralisation et mettant fin à la controverse qui a opposé Universcience aux acteurs locaux de la CSTI sur la gestion des crédits de la CSTI, la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche en transfère la compétence aux régions.
Se pencher sur la culture scientifique, technique et industrielle en France, c'est se plonger dans un monde foisonnant d'acteurs et d'initiatives. Comme le rappelle Rémi Barré, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, « le milieu contient une galaxie d'acteurs aux objectifs différents : des acteurs militants issus du mouvement de l'éducation populaire, comme les Petits Débrouillards , qui travaillent en lien avec les régions, des musées qui travaillent en région, mais aussi des services de communication en lien avec les institutions de recherche. À cela il faut ajouter tous les professionnels « freelance » qui réalisent une grande variété d'actions, notamment autour des réseaux sociaux, et qui inventent de nouvelles façons de faire de la culture scientifique et technique » (2 ( * )) .
Concernant les associations et centres de CSTI, les rapporteurs ont pu constater, à l'occasion des auditions qu'ils ont conduites, que ces acteurs accomplissent leurs missions avec beaucoup de compétence, car malgré la baisse des subventions à laquelle ils sont confrontés, ils tentent d'apporter des réponses inventives à certains des chantiers de la CSTI qui restent à mener.
Se plonger dans ce milieu, c'est aussi prendre conscience de l'impérieuse nécessité de la diffusion de cette culture pour au moins deux raisons :
- l'accessibilité de toutes et tous à la culture scientifique est une mesure démocratique promouvant d'une part la possibilité pour chacune et chacun de choisir une carrière professionnelle dans le domaine scientifique, et assurant d'autre part la capacité de tous citoyens à participer aux débats contemporains le plus souvent liés aux sciences ;
- le développement économique de notre pays, dans une économie mondialisée, ne peut aller sans une population hautement qualifiée, à même d'inscrire la France parmi les pays les plus en pointe dans les domaines de la recherche fondamentale ou appliquée.
Au regard de ces trois objectifs, on ne peut que constater que la CSTI n'est pas encore considérée à la hauteur de ce qu'elle devrait être, à savoir une priorité nationale. Il y a bien eu des tentatives, comme celle de l'installation du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle par le décret du 24 avril 2012. Loin de régler les problèmes de gouvernance de la CSTI, il n'en est pas moins chargé, pour une durée de cinq ans, d'apporter son expertise à l'élaboration de la politique nationale de CSTI et de coordonner l'action des différents acteurs intervenant dans ce secteur.
Ce besoin impérieux de développer la diffusion de la CSTI est illustré par différentes problématiques que connaît actuellement notre pays. D'abord, on constate que notre système éducatif a de plus en plus de difficultés à réduire les inégalités, voire qu'au contraire, il les accroît. C'est ce que montre le dernier rapport PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) que l'OCDE a publié en novembre 2013 et, ce, alors même que l'offre culturelle n'a jamais été aussi importante.
S'y ajoute la persistance d'un décalage entre les femmes et les hommes dans les carrières et les formations. Ainsi, par exemple, le nombre de femmes ingénieures diplômées ne s'élevait-t-il qu'à 27,9 % en 2011, tandis que celui des femmes présidentes d'université a été ramené, à la suite des élections, de 16 en 2008 à 8, soit un nombre à peine supérieur à celui de 2004.
Quant aux crispations autour des enjeux liés au nucléaire ou à la biologie de synthèse par exemple, elles montrent les progrès à accomplir pour créer les conditions d'un débat public serein sur les questions scientifiques.
Enfin, on constate un désintérêt croissant pour les filières scientifiques et en particulier pour la recherche fondamentale. À cet égard, l'Académie des sciences a indiqué que 0,1 % des élèves de terminale S s'inscrivait en magistère de recherche (3 ( * )) .
Face à ces différentes problématiques, les rapporteurs vont tenter d'apporter à la fois des cadres d'actions et de réflexion globaux, et des propositions concrètes donnant à la diffusion de la CSTI le poids qu'ils jugent lui revenir. Et pour commencer, les rapporteurs ont souhaité proposer un double changement de terminologie.
Le premier touche à la remise en cause de l'expression utilisée jusqu'à présent au singulier de culture scientifique, technique et industrielle.
Comme plusieurs de leurs interlocuteurs, les rapporteurs
considèrent que cette formulation est inadéquate. Car, d'une
part, elle donne l'impression
- erronée - que la science,
la technique et l'industrie peuvent, en dépit de leurs
spécificités respectives, être réunies dans la
même notion. D'autre part et surtout, l'intégration de ces
composantes dans la « culture » risque d'être
minorée, ou même niée, au regard de la culture
littéraire ou artistique
(4
(
*
))
, démarche qui, ce faisant,
méconnaît les diverses expériences de rapprochement entre
les sciences, les techniques, l'industrie et les arts.
C'est pourquoi, conformément à une proposition qui a été préconisée lors de l'audition publique du 13 juin 2013 (5 ( * )) , les rapporteurs emploieront, dans ce rapport, l'expression au pluriel de « cultures scientifique, technique et industrielle ».
Ce premier changement de terminologie en appelle un second, qui a trait à celui de diffusion.
La notion de diffusion renvoie à une conception très verticale de l'apprentissage et du développement des connaissances. C'est-à-dire au devoir incombant aux sachants, aux médias, aux décideurs, de faire connaître les cultures scientifique, technique et industrielle. À l'heure de la société de la connaissance et du développement des nouvelles technologies et face à la multiplicité des types d'acteurs intervenant dans le domaine des CSTI, le terme de partage paraît plus approprié . Ce faisant, les rapporteurs se conformeraient à la terminologie qui a déjà été consacrée par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 et par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Dans ce contexte, les rapporteurs souhaiteraient formuler des propositions qui soient les plus concrètes possibles.
Mais avant d'examiner ces propositions, il importe de rappeler que, dans la situation actuelle, les politiques mises en oeuvre ont été le fruit de la volonté de multiples acteurs.
PREMIÈRE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT DU PARTAGE DES CULTURES SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE (CSTI) : LE FRUIT DE LA VOLONTÉ DE MULTIPLES ACTEURS
Ces différents acteurs concourent - en France et dans d'autres États -à la poursuite de deux objectifs :
- le premier - qui trouve sa source dans les Lumières, en France, mais aussi dans des pays comme l'Allemagne - vise à promouvoir l'accès du plus grand nombre aux savoirs scientifiques et aux technologies, la démocratisation de ces derniers étant conçue comme le corollaire de la démocratie politique, ce que Condorcet résume par son propos célèbre : « Il n'y a pas de démocratie du pouvoir sans démocratie du savoir » ;
- le deuxième objectif illustre la volonté des États de satisfaire à l'exigence d'excellence de leurs systèmes d'enseignement et de recherche, dans un contexte marqué par la concurrence de plus en plus vive qu'ils se livrent.
I. LA PROMOTION DE L'ACCÈS DU PLUS GRAND NOMBRE AUX SAVOIRS SCIENTIFIQUES ET AUX TECHNOLOGIES
C'est par trois voies différentes, mais non
dépourvues de liens entre elles
- du fait que plusieurs acteurs
sont à l'intersection de ces voies - que cet objectif de
démocratisation à été poursuivi :
- le développement de l'éducation dite informelle, c'est-à-dire l'acquisition des connaissances et/ou des savoir-faire en dehors des systèmes d'enseignement institutionnels, ces derniers étant, par opposition, qualifiés de système d'éducation formelle ;
- les mutations des systèmes d'éducation formelle, qui résultent des technologies numériques et de la rénovation de leurs propres méthodes ;
- l'instauration d'un dialogue entre les sciences et la société : ce processus est né d'actions de la communauté scientifique et de diverses institutions jouant le rôle d'interface entre cette dernière et la société.
A. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉDUCATION INFORMELLE
En l'absence de définition universelle de l'éducation informelle, celle-ci est l'objet de diverses approches. Pour les uns, « l'éducation informelle est présente partout dans les familles, sur le lieu de travail, dans les ONG ou dans les groupes de théâtre. Elle peut également faire référence à des activités pratiquées à la maison, comme la lecture d'un livre » (6 ( * )) .
Pour d'autres, « tout apprentissage effectué à l'extérieur d'une classe pourrait être qualifié d'apprentissage informel » (7 ( * )) .
Différents acteurs concourent à cette éducation informelle, selon des modalités variées. Le cadre dans lequel ils agissent a été bouleversé par la révolution numérique.
1. Un développement reposant sur des réseaux variés
On distingue les acteurs traditionnels - musées, associations et médias - et les nouveaux acteurs - centres de sciences, entreprises et collectivités territoriales.
a. Les réseaux traditionnels
i. Les musées
Il existe trois catégories de musées : les musées d'histoire naturelle, les musées des sciences et des techniques et les musées d'art.
On a fait observer que « les musées constituent des lieux de formation informelle qui dialoguent depuis toujours avec l'école » (8 ( * )) .
Cette fonction pédagogique est rappelée par la définition consacrée par l'article 2, paragraphe 11, des statuts de l'ICOM (International Council of Museums).
« Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l'homme et de son environnement, acquiert ceux-ci, les conserve, les communique et, notamment, les expose à des fins d'études, d'éducation et de délectation ».
Depuis plusieurs années, les musées d'histoire naturelle et de sciences, notamment, enregistrent une hausse de leur fréquentation.
En ce qui concerne le Muséum national d'histoire naturelle de Paris, le Jardin des Plantes accueille plusieurs millions de personnes, tandis que les espaces payants reçoivent plus de 2 millions de visiteurs. En 2015, lorsque le parc zoologique et le Musée de l'Homme seront rouverts, ce seront plus de 4 millions de visiteurs qui fréquenteront les espaces du Muséum.
Le Muséum d'histoire naturelle de Londres avait, quant à lui, accueilli entre 2001 et 2009 25 millions de visiteurs depuis qu'en 2001, le principe de l'entrée gratuite avait été posé. Dans un communiqué à la presse, le Dr Michael Dixon - son directeur - tout en se félicitant de ces résultats, n'en avait pas moins regretté que seulement 45 % des Britanniques aient su que l'entrée était gratuite, ce qui confirme bien la nécessité de faire connaître de la façon la plus large et la plus efficace possible les outils dont le public peut disposer.
La même tendance à une fréquentation accrue caractérise le British Museum de Londres. En 2012, avec environ 5,6 millions de visiteurs, et un public virtuel de 27,3 millions de visiteurs, il a été le centre culturel le plus visité du Royaume-Uni.
Lors du premier semestre de 2013, le nombre de visiteurs s'est accru de 42 % par rapport au premier semestre de 2012.
Le public du British Museum est varié, presque majoritairement composé de jeunes, 43 % des visiteurs étant âgés de 16 à 34 ans. Les familles représentent 30 % des visiteurs.
Outre le succès de certaines expositions (9 ( * )) , le recours aux technologies numériques, sur lequel on reviendra, joue un rôle important dans ces résultats.
Mais d'autres facteurs entrent également en ligne de compte. Certains invoquent l'originalité de l'offre des musées. À la différence des établissements scolaires, les musées peuvent mettre à la disposition des élèves et de leurs professeurs, mais aussi des autres publics, le matériel nécessaire - à travers leurs collections et leurs objets - et ce, en vue de stimuler l'esprit de découverte (10 ( * )) .
D'autres soulignent la tendance générale des muséums et des musées de sciences à relier leurs collections (11 ( * )) aux problèmes scientifiques et technologiques contemporains tels que la biodiversité, le changement climatique, l'exploitation des ressources naturelles, le brevetage du vivant ou encore la bioéthique. À cet égard, M. Francis Duranthon, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Toulouse, fait remarquer que « de tels établissements étaient considérés comme dépassés il y a une trentaine d'années. Ils ont été remis en selle par les acteurs de la société, le public les considérant comme des lieux de médiation naturelle et privilégiée sur les questions d'environnement, de société ou de développement durable » (12 ( * )) . Il en est ainsi parce que, pour Mme Florenc Belaën, chef de projets à l'Office de coopération et d'information muséales (OCIM), « les musées bénéficient toujours d'une bonne image auprès du public et ne font pas l'objet d'une vraie défiance, comme c'est le cas de nombreuses institutions, notamment médiatiques » (13 ( * )) .
Pour autant, M. Duranthon appelle l'attention sur la fragilité financière des muséums, lesquels sont subventionnés principalement par les collectivités territoriales, du fait de la très faible participation de l'État.
La même situation a été déplorée par les muséums d'histoire naturelle d'Allemagne qui, lors d'une réunion le 15 février 2013, ont jugé nécessaire d'instaurer une entraide financière entre les musées les plus riches et les autres.
Pour faire face à ces problèmes financiers, les muséums, les musées de sciences recourent au partenariat public-privé, ou au mécénat.
ii. Les associations
La densité du réseau associatif et le maillage territorial dont bénéficient certaines associations sont deux particularités très fortes du système français de diffusion des CSTI. Ainsi, par exemple, le nombre d'associations s'établit-il à plus de 200 dans la région de Toulouse (14 ( * )) . De même, les associations d'éducation populaire affirment-elles toucher, par leurs activités, près de 2 millions d'enfants et d'adolescents, et plus de 3 millions de lecteurs et d'internautes (15 ( * )) .
Cette vitalité et cette richesse du milieu associatif ne sont pas le fruit du hasard. Elles seraient - selon les termes de l'historien Pierre Rosanvallon - des « amendements au jacobisme », à savoir que les associations ont parfaitement su faire la preuve du caractère indispensable de leurs interventions face à l'État central, dont le désengagement progressif dans le domaine des CSTI est déploré par les acteurs.
Les associations que les rapporteurs ont rencontrées ou celles dont ils ont pris connaissance exercent leurs activités selon des modalités variables. Elles présentent toutefois de nombreux points communs quant à leurs méthodes et à leurs objectifs.
Des activités exercées selon des modalités variables
Il existe des différences sensibles entre l'Arbre des connaissances, Paris-Montagne et d'autres associations.
L'Arbre des connaissances a été fondé en 2004 par des chercheurs du secteur biomédical et réunit principalement des biologistes, des physiciens, des chimistes et des géologues désireux de rapprocher la recherche de la société civile à travers des actions de médiation scientifique auprès de collégiens et de lycéens âgés de 14 à 19 ans.
Le dispositif des Apprentis Chercheurs, mis en place dans 25 centres de recherche en France, permet à un chercheur d'encadrer un binôme composé d'un collégien et d'un lycéen (16 ( * )) . Les jeunes ont ainsi la possibilité de mener un projet de recherche en laboratoire et de s'initier à la démarche scientifique via l'expérimentation, tout au long de l'année à raison d'une dizaine de séances. La restitution des travaux est effectuée en fin d'année scolaire au sein de chaque centre de recherche en présence des familles, des enseignants des condisciples et des chercheurs.
En parallèle à cette activité d'encadrement, l'association initie les lycéens d'une classe au débat, via l'action Jouer à Débattre . À travers un jeu de rôles, il s'agit de développer une approche pluridisciplinaire des sciences. La méthode d'élaboration des jeux a été définie par un comité de pilotage composé notamment de spécialistes des sciences cognitives, de l'éthique, de la médiation et de scientifiques.
Dans la perspective de construire des jeux adaptés aux jeunes et aux contextes de diffusion auxquels ils se destinent, une classe travaille une fois tous les quinze jours dans une médiathèque, sur un thème déterminé (17 ( * )) . En outre, cette classe prépare des interviews auprès des acteurs concernés.
Le travail documentaire produit par les jeunes, et dans lequel les professeurs de sciences, d'histoire et les bibliothécaires sont impliqués, sert ensuite à la construction du jeu de rôles. Celui-ci est enfin téléchargeable gratuitement pour jouer en classe ou en médiathèque. Les médiathèques (4 500 bibliothèques en villes et en zones rurales françaises), souvent peu tournées vers les sciences, ont là un outil d'animation qui leur permet d'inscrire les sciences dans la culture mais aussi d'inscrire le jeu comme un moyen d'ouverture vers les jeunes.
Pour ce qui est de l'association Paris-Montagne, elle a été créée en 2005, à la suite des évènements intervenus dans les banlieues par différents étudiants, plusieurs provenant de l'École normale supérieure.
Le but de cette association a été de permettre à des lycéens issus de ces banlieues de rencontrer des scientifiques en leur permettant d'effectuer un stage en laboratoire. Depuis la création de l'association, 200 lycéens par an, soit au total entre 1 500 et 1 600 lycéens ont bénéficié de cette possibilité. Le responsable de l'association, M. Livio Riboli-Sasco, précise cependant que les laboratoires sont parfois réticents à accepter des stagiaires.
Par ailleurs, l'association assure des formations doctorales pour lesquelles elle est payée par les universités.
Les autres associations rencontrées par les rapporteurs exercent leurs activités dans un cadre qui n'est pas exclusivement limité aux publics scolaire et universitaire.
Il s'agit d'acteurs de terrain qui vont à la rencontre du public - jeunes et familles - que ce soit sur les marchés ou dans les centres commerciaux, comme c'est le cas de Sciences Essonne, ou dans les quartiers difficiles où Planète Sciences initie les jeunes à la construction de fusées.
Quant au Cirasti, collectif d'associations d'éducation populaire, il touche également plusieurs publics à travers les manifestations qu'il organise : café des sciences ou encore exposciences dont il détient le label.
Une exposcience est une exposition dans laquelle des centaines de jeunes présentent au plus large public entre 30 et 60 projets de découverte scientifique ou technique pendant quelques jours.
Le Cirasti coordonne au niveau national les collectifs territoriaux qui, dans vingt régions et dans plus de vingt départements, organisent ces exposciences.
Depuis 1985, date de la création des premières exposciences en France et du Cirasti, près de 300 exposciences régionales ou départementales ont été organisées dans lesquelles plus de 10 000 équipes de jeunes ont présenté leurs projets scientifiques ou techniques. 500 projets de jeunes Français ont, par ce biais, participé ensuite à l'une des 14 exposciences internationales coordonnées par le Mouvement international pour le loisir scientifique et technique (Milset), tandis que 68 équipes ont présenté leurs projets lors de huit exposciences européennes
Tout en étant des acteurs de terrain, certaines de ces associations, comme Planète sciences, forment leurs animateurs, que ce soit pour des publics empêchés - tels que les détenus et les handicapés - ou les publics des quartiers difficiles, à travers une co-animation dirigée par des animateurs connaissant ces milieux.
De cette façon, cette association est en mesure d'assurer la continuité des activités de terrain durant plusieurs années, de fidéliser les publics et de créer des clubs et associations locales qui serviront de relais pour ces actions.
S'agissant d'abord des méthodes , celles-ci reposent sur trois principes :
- Le premier principe vise à promouvoir une éducation à la science et à la technologie à travers la pratique. Comme l'a indiqué aux rapporteurs Mme Valérie Lallemand, présidente de l'Arbre des connaissances, c'est la pratique qui est la porte d'accès à la connaissance et non l'inverse.
- Le second principe réside dans le développement de l'approche critique par les publics. C'est ce à quoi visent l'initiation au débat organisé par l'Arbre des connaissances et la pédagogie de projets mise en oeuvre par les associations d'éducation populaire.
- Le troisième principe fait appel à l'approche pluridisciplinaire des sciences. C'est, comme on l'a vu, l'une des démarches promues par l'Arbre des connaissances. Les associations d'éducation populaire soulignent qu'elles suscitent la curiosité de nombreux publics en proposant d'aborder les liens entre les sens et la chimie dans les ateliers de cuisine, ou encore la physique dans les arts plastiques.
De même, l'association Diagonale - qui fédère, depuis 2010, 23 établissements du plateau de Saclay et des associations - aborde-t-elle le savoir scientifique par des propositions non scientifiques, telles que l'art ou le sport. Comme ils l'ont déclaré aux rapporteurs, les représentants de Diagonale s'estiment tenus, dans ces types d'action, de partir des besoins de la population et d'offrir des propositions innovantes.
Quant aux objectifs poursuivis par ces associations, ils présentent d'importants points communs :
- Donner le goût des sciences et des techniques aux jeunes et aux familles : cet objectif apparaît très clairement dans les actions de ces associations. À cet égard, Diagonale a informé les rapporteurs que la Maison d'initiation et de sensibilisation aux sciences qui s'ouvrira en 2014 à l'initiative de la région Île-de-France accueillera - au sein de l'Université Paris Sud - le public et, en particulier, les jeunes.
- Contribuer au redémarrage de l'ascenseur social : par les actions qu'elle mène dans les quartiers difficiles, l'association Planète sciences permet, comme l'a déclaré son président M. Jean-Pierre Ledey, de lutter contre le décrochage scolaire de certains jeunes. Dans une perspective analogue, le Cirasti entreprend des actions de tutorat. Quant à Paris-Montagne, c'est bien en direction de jeunes défavorisés qu'elle agit.
Ces objectifs d'ordre social ne sont peut-être pas étrangers au fait que les projets de certaines associations ont été lauréats des investissements d'avenir.
iii. Les médias
M. Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à l'Université de Paris-IV-Sorbonne, a déclaré fort justement aux rapporteurs que « par ce qu'ils donnent à voir et à entendre, les médias sont la clé de la CSTI ».
À ce titre ils sont, plus qu'aucun autre acteur des CSTI, l'objet de jugements contradictoires.
Ils peuvent ainsi être considérés comme des outils efficaces de l'éducation informelle, tout comme la source de comportements pouvant desservir le savoir scientifique ou les technologies.
Des outils efficaces de l'éducation informelle
Les médias sont capables de proposer des offres de qualité au grand public ou à des publics spécifiques.
En France
S'agissant de la télévision , Mme Mathilde Michel, secrétaire générale des programmes de France Télévisions, a indiqué, lors de l'audition publique du 13 juin 2013, que, conformément au cahier des charges (18 ( * )) , l'ensemble des chaînes diffusent des émissions scientifiques à un rythme régulier, telles que C'est pas sorcier (19 ( * )) ou On n'est pas que des cobayes . Dans le cadre de cette dernière émission, il est proposé aux enfants de reproduire des expériences et de se filmer, les meilleurs films étant diffusés pendant l'émission.
Mme Élodie Buronfosse, directrice des actions éducatives de France Télévisions, a, pour sa part, évoqué les actions entreprise par France TV Éducation qui fonctionne depuis novembre 2012. Cette chaîne propose ainsi des contenus scientifiques à hauteur de 20 % des contenus de sa plateforme éducative. En second lieu, depuis juillet 2013 se déroule une opération appelée le Science Tour , associant FR3, l'émission C'est pas sorcier et plusieurs organes de recherche (CNRS, CNAM et INSERM). Lauréate des investissements d'avenir, cette opération repose sur une flotte de camions qui iront à la rencontre des jeunes. Ils seront équipés d'outils :
- laboratoires mobiles pour investiguer le milieu naturel, faire des reportages et recueillir des données ;
- malles thématiques pour observer, mesurer et analyser les phénomènes ;
- expositions pour décrypter, expérimenter et comprendre les concepts ;
- espaces de débats et de rencontre avec des chercheurs.
Il est prévu d'installer une plateforme numérique destinée à permettre la mise en réseau des projets de jeunes, cela devant déboucher sur un grand jeu.
Cette opération mérite sans conteste d'être saluée, parce qu'elle peut être un jeu à somme positive pour les jeunes et les chercheurs qui pourront en tirer profit pour faire de la médiation.
Pour ce qui est de la radio , son offre est jugée de grande qualité par certaines personnalités que les rapporteurs ont rencontrées. Ainsi M. Albert Fert, Prix Nobel de physique, a-t-il déclaré apprécier La tête au carré diffusée par France Inter, tout en regrettant que, programmée l'après-midi, cette émission ait un public qui risque d'être restreint. De même, M. Pierre Chirsen, président de la Fédération des étudiants en sciences de France, a indiqué que M. Mathieu Vidard, producteur de La tête au carré , avait été invité à plusieurs reprises au congrès de sa Fédération, celle-ci ayant estimé que M. Vidard pourrait l'aider utilement à l'initier à la communication scientifique.
Quant à la presse écrite , son intérêt pour la science n'a pas diminué, malgré la crise à laquelle est confrontée, comme l'illustrent le partenariat conclu entre Le Figaro et l'Académie des sciences, l'existence, depuis deux ans, de l'édition dans Le Monde d'un supplément hebdomadaire Sciences et médecine et l'organisation d'un forum de débats annuel avec La Recherche appelé Forum Sciences et recherche.
Au Royaume-Uni
Une étude du service Science et technologie de l'ambassade de France à Londres (20 ( * )) souligne la très grande richesse du traitement de la science par les médias britanniques.
Dans sa conclusion qui aborde les enseignements que la France peut en tirer, cette étude affirme que la science a bien sa place dans les médias. Elle insiste sur le fait que les différents médias offrent des contenus de qualité accessibles à tous les publics, citant une émission de télévision - Wonders of the Universe - qui attire plus de 3,5 millions de téléspectateurs par diffusion.
Ce succès tient notamment à ce que des scientifiques prestigieux présentent eux-mêmes des émissions qui, grâce à leur charisme et à leur talent pédagogique, parviennent à faire des émissions très populaires.
En Allemagne
L'offre est importante et diversifiée (21 ( * )) , comme le montrent, par exemple, les huit journaux scientifiques destinés aux enfants. À cet égard, M. Harmut Wetwetzer, journaliste scientifique au Tagesspiegel , a déclaré aux rapporteurs, lors de leur déplacement à Berlin, que, chaque semaine, il écrivait un article destiné à répondre aux questions posées par des enfants.
Il s'agit-là d'une initiative intéressante, que les rapporteurs jugent judicieux de reprendre sous la forme d'une recommandation. Ainsi conviendra-t-il d'inciter les médias télévisés à développer des chroniques scientifiques courtes et ludiques s'adressant aux enfants .
De façon générale, M. Wetwetzer a souligné que les médias allemands accordaient un intérêt accru à la science. Peut-être faut-il y voir leur souhait d'apporter leur contribution à la politique de Wissensschaftskommunikation (22 ( * )) , qui a été officiellement mise en oeuvre en 1999 à travers l'institution de l'opérateur fédéral Wissensschafts im Dialog (WiD) . C'est ainsi que l'association des journalistes scientifiques participe aux congrès annuels de WiD.
*
Certains comportements des médias sont susceptibles de contrarier le partage pertinent des savoirs.
Dans la deuxième partie de ce rapport, les rapporteurs analyseront, de façon plus détaillée, les difficultés rencontrées par les médias dans leur mission d'information.
Mais, à ce stade, les rapporteurs souhaiteraient d'ores et déjà évoquer deux éléments récurrents de ce débat, la frilosité et la tentation du sensationnalisme, qui peuvent être vues comme deux faces de la pression exercée par l'audimat.
Au sein du comité de pilotage, des points de vue contrastés ont été exprimés sur la place accordée à la science par les médias en France. Ainsi, M. Emmanuel Eastes, fondateur du groupe Traces, évoquant le rôle positif joué par l'émission C'est pas sorcier , a considéré, d'une part, que la télévision diffusait des émissions scientifiques, même si c'est en nombre insuffisant à ses yeux. D'autre part, il a estimé qu'il existait un nombre croissant de médias scientifiques, ajoutant que son association avait participé à la création de l'École de la médiation au sein d'Universcience.
En revanche, M. Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à l'Université de Paris IV, s'est interrogé sur l'absence de mobilisation des élus, afin qu'il y ait des « fenêtres », selon ses propres termes, de science à la télévision.
Quant à la tentation du sensationnalisme, les rapporteurs ont pu, malheureusement, constater récemment, à l'occasion de l'affaire Séralini, sur laquelle ils reviendront, que la médiatisation de résultats contestés par une partie de la communauté scientifique était de nature à susciter inutilement des peurs dans le public. Mais surtout, il y a lieu de craindre que les perspectives du débat fondateur sur les OGM, que M. Jean-Yves le Déaut, premier vice-président de l'Opecst, avait appelé de ses voeux dans un rapport (23 ( * )) , ne s'éloignent davantage encore.
Ces différents comportements ne sont malheureusement pas propres aux seuls médias français, comme on pourra le voir ultérieurement.
b. Les nouveaux réseaux
i. Les centres de sciences
En France
Au regard d'autres pays, la situation de la France apparaît particulière. Ainsi, la fonction de centres de sciences est-elle assumée par des entités locales, les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) et une entité nationale, Universcience.
Les CCSTI
Les CCSTI sont issus d'une longue histoire, dont la création du Palais de la Découverte et celle de l'Exploratorium de San Francisco sont les deux premières étapes.
Comme l'ont rappelé MM. Jack Guichard, ancien directeur général du Palais de la Découverte, et Guy Simonin, directeur scientifique du Palais de la Découverte (24 ( * )) , la création en 1937 du Palais de la Découverte répondait au souci du physicien Jean Perrin de populariser la science par des expériences effectuées devant le public. Il s'agissait de « sortir la science du laboratoire ».
L'expérience du Palais de la Découverte a inspiré des scientifiques comme le physicien américain Frank Oppenheimer, qui a fondé l'Exploratorium de San Francisco. Aux démonstrations du Palais de la Découverte succèdent alors les manipulations interactives dans lesquelles le visiteur entre en interaction avec l'objet ou l'expérience (25 ( * )) .
De fait, l'Exploratorium, le premier musée des sciences basé sur l'interactivité, a inspiré tous les musées de sciences du monde.
Dans l'histoire de la création du premier CCSTI à Grenoble en 1979, c'est davantage l'influence du Palais de la Découverte que celle de l'Exploratorium qui s'est exercée. Le CCSTI de Grenoble s'est, en effet, inscrit dans la lignée du mouvement lancé dans les années soixante, dit de « physique dans la rue » (26 ( * )) .
Le soutien apporté par la ville de Grenoble a été un précieux relais de la démarche scientifique qui, dès 1966, avait exprimé le souhait d'intégrer une animation scientifique dans la future maison de la culture de la ville, dans le but de « faire admettre que les sciences sont un élément constitutif de la culture contemporaine » (27 ( * )) .
L'histoire de la trentaine de CCSTI qui a été créée ultérieurement confirme que, dans de nombreux cas, c'est l'intervention des milieux académiques et des collectivités territoriales qui a permis aux CCSTI, comme à Grenoble, de bénéficier d'un fort ancrage territorial, lequel a été le facteur majeur de leur développement.
Il en a été ainsi notamment de l'Espace des sciences à Rennes, de Cap Sciences à Bordeaux ou encore de Relais d'Sciences en Basse-Normandie. Précisément, ce dernier a été créé par l'État et la région qui lui ont assigné des missions très claires, à savoir celles d'être à la fois un acteur culturel et un animateur territorial (28 ( * )) .
L'implication des collectivités territoriales dans le fonctionnement des CCSTI est d'autant plus forte que non seulement leurs représentants siègent au conseil d'administration de ceux qui en sont dotés. Mais surtout, elles leur versent des subventions et leur proposent des appels à projets.
Quant aux universitaires et aux chercheurs, ils sont tout autant impliqués que les collectivités territoriales. Comme celles-ci, ils sont représentés également dans les conseils d'administration (29 ( * )) ou, lorsqu'ils sont institués, dans les conseils scientifiques.
Dans certains cas tels que le Jardin des sciences de Strasbourg, le CCSTI est un service même de l'université, tandis que La Rotonde de Saint-Étienne est installée dans les locaux de l'École des mines de Saint-Étienne.
Cette participation étroite du monde académique à la gestion des CCSTI permet à ces derniers de bénéficier d'une validation du contenu scientifique de leurs actions. Cette garantie s'avère d'autant plus nécessaire lorsque, comme c'est le cas de Cap sciences, la convention le liant à l'Université de Bordeaux prévoit parmi ses axes l'initiation et la formation à la médiation scientifique des étudiants et des enseignants-chercheurs, le développement de l'action culturelle auprès des étudiants, des enseignants et des personnels de l'Université (30 ( * )) .
Enfin, le développement des CCSTI tient aussi, comme l'a fait remarquer M. Philippe Guillet, président de l'AMCSTI (Association des musées et des centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle), à la professionnalisation accrue de leurs personnels depuis une trentaine d'années. Tout en étant l'une des originalités de la France au regard d'autres pays, cette évolution leur a permis d'entreprendre des actions innovantes et, ce faisant, de devenir des centres territoriaux de référence exerçant un effet d'entraînement sur la vie culturelle, économique et même touristique d'une région.
Cet effet d'entraînement est stimulé par une approche transversale des cultures scientifique, technique et industrielle qui est à l'origine des multiples expériences originales initiées par les CCSTI.
Il y a, par exemple, l'atelier Art Sciences de conservation des objets d'art, que le CCSTI de Grenoble a mis en place avec le CEA depuis 2002. Cet atelier, qui rencontre un grand succès auprès du public, accueille 200 000 visiteurs.
De même, l'un des axes du programme de culture scientifique du Grand Nancy repose-t-il sur un lien constant entre la programmation théâtrale, artistique, musicale et les cultures scientifique et technique. À ce titre s'est déroulée en 2005 une opération intitulée « Nancy, le temps des lumières » avec, notamment, des expositions de culture scientifique et technique et de nombreux débats scientifiques.
Pour autant, malgré leur rayonnement et tous les efforts entrepris par les CCSTI pour faire connaître les cultures scientifique, technique et industrielle dans les lieux les plus reculés, en particulier à l'aide d'expositions itinérantes, l'existence même d'un CCSTI demeure parfois inconnue du public. C'est ce que, concernant l'Espace des sciences de Rennes, son directeur, M. Michel Cabaret, a pu constater !
Cette observation, qui pourrait s'appliquer à d'autres institutions, illustre, en tout cas, l'une des difficultés majeures auxquelles se heurtent les politiques de cultures scientifique, technique et industrielle.
Universcience
Universcience est né en 2009 de la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des sciences et de l'industrie. Cette décision politique, qui est le résultat notamment des conclusions de la révision générale des politiques publiques, a souligné la nécessité, pour les deux établissements, de coopérer à un dispositif commun : « rendre accessible à tous la culture scientifique et technique » et devenir dans ce domaine « un pôle national de référence ».
Le décret du 3 décembre 2009 définit les différentes missions qui incombent à Universcience en cette qualité.
Par leur ampleur, ces missions font d'Universcience un acteur essentiel des CSTI, en lien avec les acteurs de terrain - associations et centres de CSTI -, les systèmes éducatif et universitaire, la recherche, les médias et le monde industriel.
Certaines de ces missions ne sont pas différentes de celles qu'exercent déjà les associations ou les centres de CSTI, en tout ou partie, telles que le rapprochement entre les sciences et la société, l'initiation des élèves et des jeunes à la recherche d'expérimentation scientifique, susciter de nouvelles vocations dans les métiers scientifiques et techniques, diffuser les résultats de la recherche scientifique dans les rapports entre sciences et société et entre sciences et art, ou encore contribuer à la formation des enseignants et des formateurs.
D'autres missions impartissent à Universcience d'accroître la place de la recherche dans les médias. À ce titre, Universcience coproduit des web series avec France Télévisions.
Il lui incombe également de développer des liens en Europe, où il doit contribuer à la dynamique européenne de la culture scientifique et dans le monde.
Malgré certains résultats flatteurs selon lesquels Universcience est le premier centre de sciences européen, son statut et son rôle dans la gouvernance des CSTI ont été critiqués par plusieurs personnalités que les rapporteurs ont auditionnées.
Ils auront l'occasion de revenir de façon plus détaillée sur ces critiques, lorsqu'ils aborderont les problèmes de gouvernance.
Mais à ce stade, il importe d'observer, d'ores et déjà, que le transfert d'Universcience aux régions des crédits de la CSTI par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche est de nature à mettre fin à la controverse sur le conflit d'intérêts reproché à Universcience, considéré comme juge et partie dans cette gestion des crédits. Mme Claudie Haigneré, présidente d'Universcience, a récusé une telle interprétation, indiquant aux rapporteurs qu'elle ne détenait aucun pouvoir de décision dans la répartition de ces crédits.
À l'étranger
Au Royaume-Uni
Une étude résume bien le rôle joué par les centres de sciences (Science and Discovery Centres) au Royaume-Uni (31 ( * )) .
D'après un rapport de la commission de la science et de la technologie de la Chambre des communes de 2007 - auquel se réfère cette étude -, les objectifs des Science and Discovery Centres sont :
- amener les jeunes à étudier et à entreprendre des carrières dans les sciences, la technologie, les métiers d'ingénieurs et les mathématiques ;
- éduquer les enfants à la science et à l'innovation et contribuer à la formation continue des professeurs de sciences ;
- informer et impliquer le public dans les débats sur les questions de sciences.
D'après l'étude du Dr Mike Cassidy, de l'Université de Warwick, chaque année, 20 millions d'adultes et d'enfants de toutes origines sociales visitent, au Royaume-Uni, un centre de sciences ou un musée.
Plus de 60 centres de sciences et musées des sciences et des techniques sont regroupés dans l'Association for Science and Discovery Centres.
Elle développe des projets en partenariat avec le Wellcome Trust (32 ( * )) , EPSRC ( Engineering and Physical Sciences Research Council - Conseil de recherche en ingénierie et en sciences physiques), Science Wise (33 ( * )) et l'Union européenne. Certains projets comme le Dialogue Academy , par exemple, aident les centres à stimuler la participation du public. Financée par le Wellcome Trust , l'académie a pour rôle de former le personnel de cinq centres à l'animation de débats pour rendre les expositions plus interactives.
En Allemagne
Les centres de sciences sont définis comme des musées de sciences modernes, dans lesquels les expositions nécessitent un aménagement manuel en vue de reproduire un phénomène scientifique ou technique. À la différence des musées de collections, ils ne présentent aucune pièce d'origine en vitrine, mais des appareils destinés à des expérimentations d'après un schéma préétabli. Le but de l'apprentissage se focalise sur l'examen personnel de la pièce exposée, ce qui doit permettre une approche interactive de la science.
Le premier centre de sciences a été ouvert en 1982. Depuis lors, plus d'une vingtaine d'autres ont été créés (34 ( * )) .
Leur offre est diversifiée. Certains sont des centres généralistes, d'autres sont plus spécialisés. Il en est ainsi du Mathematikum de Giessen, du Deutsche Arbeitsschutzaustellung (exposition sur la sécurité du travail) de Dortmund ou d'un des centres de Dresde, qui présente des collections techniques. Quant au Deutsches Museum de Munich, il héberge l'une des plus importantes collections scientifiques d'objets originels et expose des expériences de chimie. Enfin, le Deutsches Museum exerce les fonctions de centre de recherche et de formation continue des enseignants.
Le rôle de ces centres est l'objet de jugements contrastés. Pour les uns, si les centres de sciences contribuent incontestablement à stimuler la curiosité intellectuelle et permettent d'exposer quelques aspects de la science et de la technique modernes, ils offrent bien trop souvent une expérience appauvrie de la culture (35 ( * )) . Pour d'autres, en revanche, l'Allemagne ayant été confrontée au Pisa Schock, les centres de sciences enrichissent le paysage de l'éducation. En outre, en recourant aux nouvelles technologies, ils apportent une contribution importante à la popularisation de la science (36 ( * )) .
ii. Les entreprises
Outre les subventions qu'elles versent à des associations ou les prix qu'elles décernent, les entreprises interviennent de façon encore plus directe par divers autres canaux :
- tout d'abord, elles ont des représentants dans les CCSTI ou en assument la présidence, comme c'est le cas de Relais d'Sciences en Basse-Normandie ;
- en direction des jeunes et des publics scolaires, les entreprises mettent en oeuvre des actions de sensibilisation aux sciences et aux technologies et d'information sur les métiers qui y sont associés.
L'encadré ci-après indique quels sont les objectifs poursuivis par l'Union des industries chimiques (UIC), la Fondation C.Génial et l'UIMM (Union des industries minières et métiers de la métallurgie).
1. L'Union des industries chimiques (UIC)
La Fondation C.Génial, reconnue d'utilité
publique, a été créée en 2006 par six grandes
entreprises : Areva, la Fondation EADS, France Telecom-Orange,
Schlumberger, SNCF et Technip. Ses objectifs sont les suivants :
|
Des actions de partenariat sont menées avec d'autres institutions, telles que le Muséum national d'histoire naturelle, le Conservatoire national des arts et métiers ou Universcience.
iii. Les collectivités territoriales
Comme on l'a vu précédemment, les collectivités territoriales ont accompagné le développement des CCSTI, en y prenant une part très active.
En ce qui concerne plus particulièrement les régions, en prévoyant le transfert en leur faveur des crédits de la CSTI et en consacrant leur rôle dans la coordination des actions de CSTI, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche tire les conséquences du statut d'acteur majeur de la CSTI qu'elles ont acquis.
Dans la deuxième partie sera analysée la portée qui en résulte pour la future gouvernance des CSTI.
iv. L'Union européenne
Bien avant que l'Union européenne n'insiste sur l'importance de l'économie de la connaissance et ne propose la stratégie de Lisbonne au début de la précédente décennie, elle avait déjà lancé plusieurs programmes d'éducation informelle. Ainsi, dans les années 90, trois programmes s'étaient-ils consacrés au rôle des musées dans la formation des adultes : AEM (Adult Education and the Museum), MUSEAM (Museum and Adult Education), EUROEDULT (European Culture Mediator).
Certains programmes intervenus depuis lors ont adopté d'autres approches. Le projet Science changing the world - auquel à pris part la Cité des sciences et de l'industrie - a consisté en une coproduction d'exposition itinérante interactive sur l'histoire des grandes découvertes scientifiques, proposant un panorama des avancées scientifiques du siècle dernier qui ont bouleversé le quotidien de l'homme et l'évolution de la société.
Une démarche transversale a également été entreprise au sein du réseau Ecsite . Mis en place il y a vingt ans, ce réseau européen de centres de sciences et de musées relie 400 institutions dans 50 pays. Il vise à faciliter l'échange de bonnes pratiques.
En ce qui concerne les États-membres de l'Union européenne, ce réseau participe à des projets sur des activités innovantes dans le domaine de la communication scientifique. Parmi ces projets figure, par exemple, le projet KICS (Knowledge Incitation to Innovation and Creation for Sciences). Il propose de construire des ponts entre les arts, la science et la technologie afin de montrer que leur interaction peut être créatrice et renforcer l'intérêt pour la science.
2. La nouvelle donne résultant de la révolution numérique
La révolution numérique accroît de façon considérable les possibilités offertes au public et aux acteurs. Pour autant, la portée de cette révolution est contrastée pour des raisons qu'il conviendra d'examiner.
a. L'accroissement considérable des possibilités offertes au public et aux acteurs
i. Le bouleversement des modes d'appropriation des savoirs
Non seulement le public peut disposer de multiples voies d'accès au savoir, mais il est également en mesure de produire du savoir.
La démultiplication des voies d'accès au savoir
Internet permet au public d'accéder à un très vaste savoir, en peu de temps et gratuitement, grâce à des sites de vulgarisation et à des réseaux sociaux.
Le rôle des sites de vulgarisation
Parmi ces sites figurent Wikipédia et certains sites scientifiques.
Selon le sociologue Dominique Cardon, Wikipédia est devenue la principale référence des internautes qui cherchent une information (37 ( * )) .
Aujourd'hui, indique M. Cardon, il existe 267 éditions de l'encyclopédie dans des langues différentes et 1,5 million d'articles (1 million pour la version francophone).
Mais à la différence des autres encyclopédies numériques, Wikipédia n'est pas écrit par des experts. Tout le monde peut ainsi écrire ce qu'il souhaite - sous réserve d'accompagner ses affirmations d'une source crédible - vérifier, effacer ou corriger tout le monde.
Wikipédia enrichit son offre documentaire à travers les hypertextes que contiennent les articles, c'est-à-dire les liens renvoyant aux sources de l'information, à des images ou vidéos complémentaires, ce qui est de nature à faciliter les recherches du public en général et celui des journalistes et spécialistes en particulier.
Quant aux sites scientifiques de vulgarisation, un exemple intéressant en est fourni par le site de l'association Sciences et Démocratie. Son fondateur, M. Philippe Bourlitio, a, en effet, déclaré (38 ( * )) que suite à la Conférence de citoyens sur les OGM organisée en 1998 par Jean-Yves Le Déaut, alors président de l'OPECST, il eut l'idée d'adapter le format de cette Conférence sur Internet, grâce à un site qui permettrait de vulgariser le sujet des OGM et d'informer un public plus large.
M. Bourlitio est ensuite passé de la vulgarisation au dialogue avec les internautes, en utilisant la formule des blogs, ce qui a permis au site de son association d'intervenir dans certains débats publics tels que celui des états généraux de la bioéthique en 2010 ou encore celui sur les nanotechnologies.
Le rôle des réseaux sociaux
Le cas du réseau social Knowtex, auquel les rapporteurs se limiteront, offre une illustration des profondes transformations entraînées par les technologies numériques.
L'idée de Knowtex est partie d'une lacune : il n'y a pas (ou peu) d'accompagnement après le temps de la médiation dans les lieux conventionnels de culture scientifique. Que font les publics qui ont visité les expositions scientifiques ? Comment font-ils pour discuter, transmettre, contester, débattre, suggérer, compléter, etc . ? Que peut être leur apport dans la résonnance qu'un discours culturel peut avoir en société ? C'est une dimension que ces lieux ne prennent pas encore suffisamment en charge (39 ( * ) |
)
. |
Afin de repérer des potentiels ignorés ou négligés dans les réseaux de culture scientifique traditionnels, Knowtex a élaboré une bibliothèque de ressources, constituée d'articles issus de sites d'actualité, de notices d'encyclopédies - notamment Wikipédia -, de billets de blogs, d'extraits de films ou séries télévisées, etc . L'objectif est de mettre en réseau ces différents espaces non institutionnels où des acteurs nombreux et divers interagissent, sans se substituer aux modes de communication préexistants. Comme le déclare M. Nicolas Loubet, fondateur du réseau Knowtex : « Nous essayons d'initier des formes alternatives de médiation, moins focalisées sur la transmission et l'éducation, plus orientées sur le partage et la création collective » (40 ( * )) .
La possibilité de créer du savoir
L'exemple de Wikipédia cité précédemment a montré dans quelle mesure les internautes pourraient participer à l'évolution des connaissances.
Celui de la biologie dite de garage illustre les conditions dans lesquelles un savoir autonome peut être élaboré, en marge des laboratoires publics et privés, dans le domaine de la biologie de synthèse (41 ( * )) , considérée par des scientifiques et des industriels comme une nouvelle révolution industrielle de ce siècle (42 ( * )) .
La biologie de garage - ou DIY (Do-it-yourself - Fais-le toi-même) biology - est issue d'une vieille tradition et se rattache à l'envie de faire des sciences soi-même, chez soi, avec les moyens disponibles. Cette pratique a ainsi existé dans les domaines de l'électronique et de l'informatique.
Deux traits de la pratique des acteurs de l'éducation informelle caractérisent également la biologie de synthèse. Le premier souligne le caractère ludique ( fun ) de la science et, ici, de l'approche devant présider à l'élaboration de la biologie de synthèse (43 ( * )) . Le deuxième vise à un décloisonnement des disciplines scientifiques traditionnelles, la biologie de synthèse étant présentée comme un domaine pluridisciplinaire.
Mais au-delà, les biologistes de garage (44 ( * )) insistent sur l'originalité de leur démarche et de leurs méthodes. Il s'agit de non-spécialistes, disposant de peu de moyens et recherchant des solutions alternatives à tous les produits de laboratoire, mais aussi aux équipements. L'objectif est donc de refaire les éléments d'un laboratoire de biologie avec des composants simples, faciles d'accès et en accès ouvert.
Pour M. Thomas Landrain, doctorant en biologie de synthèse à l'Institut de biologie systémique et synthétique d'Évry, cette dernière composante est fondamentale car ces communautés - naturellement unies par les outils du web - reposent sur la circulation libre et rapide du savoir, sans les entraves de la propriété intellectuelle (45 ( * )) .
Sur ces objectifs, certains sociologues ont exprimé des réserves (46 ( * )) . Ils ont fait valoir que l'ambition des biologistes de garage de construire une économie fondée sur les biotechnologies citoyennes soulevait de nombreuses questions éthiques qui ne semblent pas avoir été résolues à ce jour malgré le souhait partagé, en Europe et aux États-Unis, de mettre en place un code d'éthique, souhait qui s'est exprimé lors des conférences organisées en 2011 à Londres et à San Francisco.
Ces mêmes sociologues estiment également nécessaire de s'interroger sur l'impact de la biologie de synthèse en termes de démocratisation, de décentralisation et de maîtrise de l'innovation scientifique et technologique.
Dans d'autres conditions que les biologistes de garage, les réseaux de certaines associations de malades visent aussi à partager un savoir profane. S'inscrivant dans la lignée des mouvements de patients atteints du sida nés au cours des années 90, ce partage entre patients permet de produire une information collective utile et d'opposer une connaissance profane au savoir médical.
Au-delà du cas de ces associations, il y a lieu de noter que, de façon générale, sept Français sur dix consulteraient Internet et sont de plus en plus nombreux à s'inscrire à des forums pour échanger sur leur pathologie (47 ( * )) .
ii. La réorientation des méthodes de la médiation
Cette réorientation vise à un double objectif :
- systématiser l'interactivité avec les publics ;
- favoriser de nouvelles pratiques culturelles.
Systématiser l'interactivité avec les publics
Cet objectif vise, selon les cas, à conquérir ou à reconquérir le public. Il inspire certaines stratégies des musées, ou celle des médias, en particulier la presse écrite.
Le recours aux technologies numériques dans les musées est destiné à encourager le public à s'engager dans des activités collaboratives. C'est ainsi que le Science Museum de Londres a décidé de remplacer les installations multi-usages de la première génération par de nouvelles expositions, comme le Launch Pad , dans lesquelles le public peut collaborer à l'aide et autour d'installations interactives. De même, une autre exposition - Energy - basée sur des senseurs, permet-elle une interaction entre plusieurs visiteurs.
La Cité des Sciences et de l'Industrie, à travers le projet Visite + , a également souhaité s'adapter le plus étroitement possible aux pratiques des visiteurs en favorisant la personnalisation de la visite, l'interactivité et la possibilité de poursuivre la visite à domicile, grâce à un espace Internet personnel : Visite + donne la parole au visiteur. Ainsi peut-il participer à des sondages, faire des enregistrements, partager et communiquer avec d'autres personnes (ses amis, d'autres visiteurs ou le personnel du musée).
Si, pour les médias, en particulier la presse écrite, les technologies numériques sont devenues des réseaux d'information concurrents, elles peuvent également constituer des instruments qui leur permettent d'élargir leur lectorat.
C'est le but poursuivi à travers les applications Smartphone, les tablettes, les chats ou encore les blogs, grâce auxquels s'établit un dialogue entre les journalistes ou les scientifiques et le public (48 ( * )) . À cet égard, on relèvera le succès recueilli par le blog Sciences hébergé par Libération de M. Sylvestre Huet, président de l'Association des journalistes scientifiques et de la presse d'information (AJSPI) qui, au mois de juillet 2013, a dépassé 18 millions de visites depuis sa création il y a une dizaine d'années. Le blog, intitulé « Passeur de sciences », tenu dans Le Monde par M. Pierre Barthélémy, a également connu un réel succès puisqu'il déclare avoir dépassé, au début de l'année 2013, le chiffre de 9 millions de pages vues, après un an d'existence, 10 000 tweets et compter 3 000 amis sur Facebook.
Favoriser de nouvelles pratiques culturelles
Cet objectif est celui que le projet INMEDIATS (Innovation-Médiation-Territoires) (49 ( * )) propose de poursuivre.
Financé par le programme des investissements d'avenir et mis en oeuvre par six centres de sciences régionaux (50 ( * )) , dont Universcience, ce projet a pour objectif de renforcer l'égalité des chances dans l'accès aux sciences et aux techniques, notamment pour les jeunes âgés de 15 à 25 ans.
Dans cette perspective, il prévoit - entre autres - de mettre en place de nouveaux espaces de médiation, parmi lesquels figurent les Fab Labs et les Living Labs .
Fab Lab est un acronyme issu de l'anglais, Fabrication Laboratory , ou Laboratoire de fabrication. Ce concept est né aux États-Unis, au sein de l'Université MIT de Boston, où un professeur a proposé un cours qui a consisté à « construire à peu près n'importe quoi » avec un nombre limité de machines standards. Le succès a été tel que l'idée s'est développée en dehors des universités et s'est propagée dans le monde entier, en Amérique, en Europe, en Afrique et en Asie. En France, une trentaine de Fab Labs sont répertoriés.
C'est au CCSTI de Grenoble - La Casemate - que le premier Fab Lab grand public a été ouvert.
Cet espace de création destiné à être utilisé par tous les publics dès l'âge de dix ans permet de concevoir et de fabriquer ses propres objets à l'aide de machines à commande numérique.
À travers l'expérience tables ouvertes - à laquelle il est possible d'accéder par Twitter - le CCSTI souhaite favoriser des échanges à l'occasion desquels des utilisateurs du Fab Lab expliquent leur démarche à d'autres personnes passionnées de design, d'électronique, d'informatique ou de bricolage, ce qui est une façon de créer du lien social.
Les Living Labs sont des espaces fixes ou itinérants offrant de nouveaux services pour imaginer de nouveaux dialogues entre les sciences, la médiation et les publics. Conçus par des ingénieurs, des chercheurs, artistes ou designers, ces technologies émergentes « grandeur nature » sont expérimentées et évaluées par les utilisateurs finaux pour en interroger leur portée sociale, culturelle ou environnementale. Cette démarche vise à impliquer le public dès le début de la conception de produits ou de méthodes et à le rendre acteur dans l'amélioration et le développement de ces services.
On peut voir dans ces Living Labs une illustration de ce qu'on appelle les sciences participatives, qui sont l'une des composantes majeures du dialogue entre la science et la société et sur lesquelles les rapporteurs reviendront ultérieurement.
b. La portée contrastée de la révolution numérique
Un rapport du Centre d'analyse stratégique d'avril 2011 (51 ( * )) faisait état de trois fractures numériques : une fracture générationnelle, une fracture sociale et une fracture culturelle. Cette dernière est plus compliquée que les deux autres à combler. Car tous les enfants, toutes catégories confondues, passent beaucoup de temps devant les écrans. Toutefois, plus les familles sont culturellement défavorisées, plus les usages seront exclusivement divertissants au détriment d'usages plus éducatifs. L'apprentissage informel serait donc plus important chez les jeunes de milieux favorisés.
C'est pour tenter de réduire cette fracture numérique que certaines expériences intéressantes ont été entreprises. Ainsi, le ministère de la culture, à la fin des années 90, a-t-il mis en place des lieux hors musées - appelés Espace Culture Multimédia (ECM) - qui mettent en oeuvre des actions et des programmes de sensibilisation et de formation au multimédia à partir de contenus culturels, éducatifs et artistiques et de projets d'usage de ces technologies.
Dans un autre contexte, un projet d'Exploradôme, centre de sciences situé à Vitry-sur-Seine, vise aussi à lutter contre la fracture numérique. Appelé JANUS (Jeunes ambassadeurs du numérique pour l'unité sociale), ce projet, qui sera mis en oeuvre prochainement, se propose de confier à des jeunes lycéens (52 ( * )) le soin d'initier aux usages des technologies numériques des personnes se trouvant en fracture numérique. À cet effet, ces jeunes bénéficieront d'une formation de quatre mois, au terme de laquelle ils animeront des séances dans des centres sociaux ou au domicile des personnes concernées.
Inspirée d'une expérience menée par le New York Hall of Science, cette opération vise aussi à créer du lien social en permettant à des jeunes issus, pour la plupart, de milieux défavorisés de bénéficier d'une première expérience professionnelle et d'éviter ainsi le piège de la délinquance.
S'il est important de réduire la fracture numérique, on peut toutefois se demander si les technologies numériques sont désormais - sinon les seules - du moins les principales voies d'accès des jeunes, notamment, au savoir scientifique.
À cette question, M. Philippe Guillet, président de l'AMCSTI, a répondu que d'autres voies, telles que les fouilles archéologiques, pouvaient également y contribuer. Il a également fait observer que le développement des technologies numériques ne remplaçait pas la visite des musées ou des centres de sciences.
Au demeurant, le fait que plusieurs musées de sciences européens mettent en place des laboratoires de recherche dans l'espace accessible aux visiteurs a pour effet de transformer les musées en des lieux pour communiquer et discuter de science d'une façon nouvelle. Par exemple, le laboratoire de recherche « en verre » ( Gläsernes Forschenlabor ) du Deutsches Museum de Munich est un lieu qui montre la science et permet aux visiteurs de rencontrer des chercheurs et de discuter avec eux.
D'autres musées, comme le Science Museum de Londres, utilisent le serious game pour attirer les adolescents de 8 à 14 ans. Le jeu - appelé launchball - consiste, à l'aide de briques, de matériaux plus ou moins conducteurs d'électricité, de chaleur et de sources d'énergie, à sortir une boule de tableaux qui s'avèrent rapidement être de véritables casse-têtes. Tout en restant complexe et amusant, le jeu se révèle très accessible.
B. LES MUTATIONS DE L'ÉDUCATION FORMELLE
Comme l'éducation informelle, les systèmes d'éducation formelle ont été touchés par la révolution numérique.
Celle-ci n'a toutefois pas été l'unique source de changements. En leur propre sein, les systèmes d'éducation formelle ont mis en place divers outils destinés à moderniser le cadre traditionnel de la pédagogie.
1. Le recours aux technologies numériques
L'introduction des technologies numériques dans les systèmes d'éducation formelle a transformé profondément les rapports éducatifs, tout en suscitant néanmoins des réserves sur leur apport.
a. La profonde transformation des rapports éducatifs
Ce sont non seulement le mode de transmission des connaissances, mais aussi les rapports entre enseignants et apprenants qui sont transformés, comme l'illustre l'impact respectif de trois technologies : Internet, les serious games (jeux sérieux) et le développement de l'enseignement de masse en ligne ( Massive Open Online Course - MOOC).
i. Internet
La concurrence d'Internet oblige les enseignants à s'interroger sur leur façon d'enseigner, en particulier dans l'enseignement secondaire. M. Loïc Ria, chercheur à l'Institut français de l'éducation, a ainsi déclaré à ce sujet : « Face à une génération d'élèves habitués au zapping et très difficiles à capter, faire un cours linéaire, ça ne passe plus. La question pour l'enseignant est donc : comment arriver à concentrer les élèves plus de sept minutes » (53 ( * )) .
Selon une formulation différente, le philosophe Michel Serres estime également qu'en raison du développement d'Internet, les enseignants ne disposent plus nécessairement du monopole du savoir : « Quand je rentre dans mon amphi, je me pose la question : quelle est la possibilité pour que mes étudiants aient déjà tapé sur Wikipédia le sujet de mon cours ? C'est ce que j'appelle la présomption de compétence dans mon livre ( Petite Poucette ). Avant, j'entrais avec la quasi-certitude que mes étudiants ne savaient rien de la discipline que j'allais leur enseigner. Il y avait une présomption d'incompétence » (54 ( * )) .
De fait, en ébranlant le paradigme traditionnel de la transmission verticale des savoirs, Internet contraint les enseignants à l'innovation pédagogique et les élèves à être plus actifs.
En ce qui concerne les enseignants, M. Luc Ria relève qu'ils essaient de rendre leurs cours plus attractifs, en utilisant les médias, les films, en consultant Internet (55 ( * )) . Les jeunes générations d'enseignants ayant une meilleure maîtrise d'Internet sont plus enclins à réfléchir à une nouvelle approche des savoirs. Au demeurant, une enquête Profetic 2012 lancée par le ministère de l'éducation nationale indique que les enseignants utilisant massivement les Technologies de l'information et de la communication (TIC) pour des activités hors cours (par exemple, la préparation des cours) - 46 %, contre 21 % en 2008 - font utiliser les TIC au moins une fois par mois par les élèves, 21 % au moins une fois par semaine, contre 8 % en 2008.
Du côté des élèves, Internet leur permet d'acquérir des connaissances de façon plus concrète qu'avec des documents traditionnels, par exemple dans le domaine des sciences de la terre et - au-delà - de participer à un projet collaboratif passionnant, telle que l'opération « sismo des écoles ». Initiée à Nice depuis 1996, il s'agit d'un réseau de classes ayant reçu un sismographe et un logiciel permettant de mesurer les données du lieu et de les envoyer à une banque de données sismiques. MM. Jack Guichard, ancien directeur général du Palais de la Découverte, et Guy Simonin indiquent que les élèves qui participent à cette opération et ceux, plus nombreux, qui les utilisent, grâce au cahier d'activité et aux pistes de travail conçues par le Centre régional de documentation pédagogique de Nice notamment, ont le sentiment de participer directement à une recherche réelle sur le terrain. Ils furent, par exemple, parmi les premiers à distinguer les secousses provenant d'Indonésie lors du tsunami de décembre 2004 (56 ( * )) .
ii. Les serious games (jeux sérieux)
D'après une définition du centre de ressources et d'informations sur le multimédia pour l'enseignement supérieur, « Les serious games sont des applications développées à partir des technologies avancées du jeu vidéo, faisant appel aux mêmes approches de design et de savoir-faire que le jeu classique (3D, temps réel, simulation d'objets, d'individus, d'environnement, ...) mais qui dépassent la seule dimension du divertissement ».
Ce dernier aspect de la définition est important car il suggère, même si c'est seulement de manière implicite, que les serious games sont des techniques d'apprentissage, ce sur quoi insiste plus clairement l'observation suivante : « Les jeux sérieux pourraient être rangés dans la catégorie du ludo-éducatif. Cependant, le ludo-éducatif n'a pas forcément d'objectif social à atteindre ou de message à passer à une certaine catégorie de la population. Les jeux sérieux - ou serious games - oui » (57 ( * )) .
C'est cette conciliation du sérieux du jeu et du plaisir dans l'apprentissage qui explique le succès des jeux sérieux (58 ( * )) . Ainsi, une enquête sur une expérimentation effectuée par l'Académie d'Aix-Marseille publiée en octobre 2012 montre-t-elle que 86 % des enseignants estiment que les jeux apportent une plus-value à leur enseignement, tandis que 52 % des élèves considèrent qu'ils ont appris quelque chose.
Confirmant ce succès, le site Eduscol relève qu'en France, les serious games sont utilisés dans les enseignements primaire et secondaire, dans de nombreuses matières, tant scientifiques que littéraires.
En revanche, en ce qui concerne l'enseignement supérieur, c'est dans les universités du Royaume-Uni et des États-Unis que leur usage est le plus répandu, à la différence de la France où, néanmoins, ils suscitent déjà certaines expérimentations dans des écoles d'ingénieurs, telles que l'INSA de Lyon ou l'Institut de mécanique des fluides de Toulouse.
Tout en reconnaissant l'intérêt que les jeux-vidéos présentent ainsi pour la formation, le rapport de M. Henri Isaac (59 ( * )) a toutefois fait valoir l'existence d'obstacles à leur développement pour l'enseignement : les investissements financiers et humains, le cycle de vie des jeux, le rôle prépondérant des fabricants de consoles (Sony, Nintendo, Microsoft) sur les standards et les modalités économiques de cette industrie. Pour autant, il a préconisé le lancement d'un programme de recherche sur le serious game.
iii. Les MOOC ( Massive online Open Courses - cours en ligne ouverts et massifs)
Il s'agit de cours dispensés gratuitement sur Internet par les meilleures universités et mis à la disposition de toute personne désireuse d'apprendre à travers le monde par une poignée d'entreprises créées à cet effet. Les plus connues, nées aux États-Unis, en Californie à l'Université de Standford, sont Coursera et Udacity. Les Universités de Harvard et du MIT ont fondé ensemble une start-up à but non lucratif - edX - qui a la même mission.
L'accroissement considérable du nombre d'inscrits sur le site de Coursera, qui s'établissait à plus de 3 millions d'étudiants au mois de mars 2013 - contre 1,7 million en novembre 2012 - permet de prendre la mesure du succès recueilli par cette offre d'enseignement. Coursera propose actuellement 214 cours (60 ( * )) .
Ces cours sont produits par plusieurs dizaines d'universités, la plupart américaines. Mais elles ont été rejointes par des institutions britanniques, allemandes, de Barcelone, de Hong Kong et Singapour.
Ces cours en ligne s'inspirent ainsi de l'exemple d'Open University, université publique fondée en 1969 au Royaume-Uni. Elle délivre des licences, des masters et des doctorats, mais par un enseignement à distance.
Avec plus de 250 000 étudiants en 2011, elle constitue le plus important établissement d'enseignement supérieur du Royaume-Uni. Plus de 25 000 d'entre eux étudient en Europe, en Afrique et en Asie.
Il n'est pas nécessaire de passer un examen pour s'inscrire à Open University. Plusieurs méthodes d'enseignement à distance sont utilisées : documents écrits, enregistrements audio, logiciels pédagogiques, Internet, émissions de télévision de la BBC.
Les étudiants sont de tous âges. 70 % d'entre eux sont des travailleurs à plein temps, qui étudient afin de faire évoluer leur carrière professionnelle, souvent d'ailleurs sous l'impulsion de leur employeur.
C'est cette possibilité de démocratiser l'accès au savoir à l'échelle du monde qui contribue au succès rapide des MOOC. Mais d'autres facteurs expliquent aussi l'attrait qu'ils exercent. Ainsi permettent-ils de suivre des cours le soir ou le week-end et de construire un système de connaissances à son rythme et selon ses besoins. En outre, selon M. Patrick Aebischer, président de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, les étudiants suivant la partie théorique de leur cours sur le web viennent mieux préparés aux sessions d'exercice : « Est-ce parce qu'ils peuvent lire et relire plusieurs fois les modules filmés, chose que l'on peut difficilement faire dans un cours ex cathedra ? Est-ce parce qu'ils le font en petits groupes et peuvent interagir entre eux plus directement ? L'avenir le dira » (61 ( * )) .
On peut se féliciter que la loi pour la refondation de l'école et celle relative à l'enseignement supérieur et à la recherche aient clairement marqué la nécessité de développer l'usage des technologies numériques dans les établissements scolaires et universitaires.
Ainsi, la loi pour la refondation de l'école, dans sa section 5, institue un service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance qui doit, entre autres missions, mettre à disposition des écoles et des établissements scolaires une offre diversifiée de services numériques.
À ce titre, depuis la rentrée de septembre 2013, onze services numériques ont été mis en place. Dans l'enseignement primaire, des films d'animation de deux minutes développés par le Centre national de documentation pédagogiques (CNDP) expliqueront « de façon ludique » des notions fondamentales en français, mathématiques ou sciences : l'adjectif qualificatif, le triangle rectangle, lire l'heure... Ils pourront être visionnés en classe comme à la maison. Une centaine sera disponible dans un premier temps, 500 en fin d'année.
Un autre service pour les écoliers, « English for schools », des ressources pédagogiques numériques en ligne destinées aux 8-11 ans, développées par le Centre national d'enseignement à distance (CNED), avec des vidéos, articles ou jeux, est disponible depuis le mois d'octobre sur www.englishforschools.fr avec 250 documents dans un premier temps. Des ressources pédagogiques pour les professeurs y figureront aussi.
23 collèges labellisés « collèges connectés » doivent bénéficier d'un accompagnement pédagogique et, avec l'aide des conseils généraux concernés, d'investissements spécifiques destinés à intégrer davantage le numérique dans les enseignements et dans la vie scolaire des établissements.
Une éducation renouvelée aux médias, à l'information et à l'usage responsable d'Internet et des réseaux sociaux devrait, par ailleurs, être dispensée de l'école primaire au lycée.
Enfin, une formation au numérique devrait être dispensée dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, ouvertes depuis la dernière rentrée, chargées de la formation initiale et continue des professeurs.
Quant à la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, elle précise également dans son article 9 que le service public de l'enseignement supérieur met à la disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques, les logiciels libres devant être utilisés en priorité.
b. L'expression de réserves sur cette évolution
L'évolution résultant de l'introduction des technologies numériques suscite des réserves. Elles touchent à la valeur cognitive des technologies numériques employées et à l'impact des stratégies commerciales dans lesquelles elles s'inscrivent.
i. Les limites de la valeur cognitive des technologies numériques utilisées
Il est intéressant de relever que, dans leur entretien croisé avec le journal Libération , M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, et le philosophe Michel Serres ont affirmé que le rôle du professeur demeurait important, car l'information n'est pas le savoir (62 ( * )) .
En effet, différentes questions et tâches rappelées par MM. Jack Guichard et Guy Simonin incombent aux enseignants dans cette éducation des élèves à l'usage d'Internet : comment valider des recherches sur la toile ? Comment hiérarchiser des sources d'information ? Et comment repérer des sites douteux ? (63 ( * ))
Or, ces tâches risquent de s'avérer d'autant plus ardues que, dans un espace saturé de technologies, l'attention des jeunes - mais aussi des adultes - s'épuise, selon Matthew Crawford, philosophe américain (64 ( * )) . Ce dernier estime, par exemple, que les jeunes peuvent certes pratiquer le « multitâche » (65 ( * )) avec aisance. Mais M. Crawford fait valoir que, d'après certaines études, une personne effectuant plus d'une ou deux tâches simultanément voit ses performances décliner de façon significative. Si bien que le sentiment de grande compétence que peut donner le multitâche est largement illusoire.
De même, pour ce qui est des serious games , l'enquête précitée de l'Académie d'Aix-Marseille indique-t-elle que les enseignants jugent leur rôle fondamental pour accompagner leurs élèves, car il leur faut toujours resituer le jeu dans le programme et parler de ses contenus, sinon, les élèves ne font pas l'effort de le faire eux-mêmes, se contentant de jouer.
La valeur pédagogique des MOOC est également l'objet de fortes réserves. Aux États-Unis mêmes, on fait remarquer que les MOOC constituent un moyen utilisé par certaines universités à la dérive pour démanteler des départements ou encore réduire les coûts en embauchant des enseignants moins bien payés et moins compétents (66 ( * )) . D'autres, en Europe, y voient « du savoir en boîte, garanti immuable et formaté pour l'apprentissage standard et universel et donc sans variations locales » (67 ( * )) .
Cette même critique est liée à celle formulée à l'encontre de la stratégie commerciale dans laquelle s'inscrivent les MOOC.
ii. L'impact jugé négatif des stratégies commerciales mises en oeuvre
Pour M. Dominique Boullier, professeur de sociologie à Sciences Po, « Ce qui se joue (avec les MOOC) , c'est la captation du marché de la formation mondiale par quelques marques réputées, un enjeu de taille puisque tout le monde est persuadé que nous sommes entrés dans l'économie de la connaissance, qui serait synonyme de formation et de savoirs » (68 ( * )) .
Ainsi, si Coursera propose une certification de base gratuite à ses étudiants, le certificat biométrique qu'elle délivre est vendu entre 30 et 100 dollars selon les cours. Ce certificat biométrique permet d'identifier l'étudiant grâce à une photo biométrique et à un deuxième filtre - le Typing pattern -, la manière dont on tape sur son clavier. De la vente de ces certificats biométriques, dont elle s'assure la quasi-totalité de ses revenus, Coursera tire 80 % de ses profits. D'après certaines informations, Coursera veut vendre les bases de données des étudiants inscrits à ses cours à des chasseurs de têtes (69 ( * )) .
À la différence de Coursera, les plateformes EdX et Udacity ont opté pour la certification en présentiel et signé une convention avec Pearson Vue, qui possède 4 000 centres d'examen dans 170 pays. Des expérimentations sont en cours pour mettre au point une correction aussi fine qu'un véritable correcteur.
Si la stratégie d'EdX semble moins guidée par le profit que celle de Coursera, il n'en reste pas moins qu'à travers sa plateforme, elle tente de détecter des talents.
Quoi qu'il en soit, le développement des MOOC pose de vraies questions touchant notamment à l'avenir des petites universités et à l'impact sur l'emploi des enseignants. Mais l'un des enjeux majeurs est le risque d'une concentration de la diffusion du savoir à l'échelle du monde au profit de quelques groupes.
C'est pourquoi M. Dominique Boullier juge nécessaire et possible de développer d'autres modèles, tels que DOOC ( Distributed Open Online Courses ) ou encore COOC ( Contributive Open Online Courses ) et qui, pour une bonne part d'entre eux, sont au coeur du projet Forccast, sélectionné comme initiative d'excellence en formation innovante et coordonné par Sciences po Paris. La démarche de ce projet s'inspire de l'enseignement des controverses dans lequel l'apprenant acquiert les savoirs en les explorant en situation de débat, en comprenant leur dynamique pour devenir capable de se faire son opinion et de s'approprier les éléments clés de savoirs parfois très complexes (70 ( * )) .
2. La modernisation du cadre traditionnel de la pédagogie
Ce chantier de la modernisation que les systèmes d'éducation formelle ont mené en leur propre sein les a conduits à rénover l'enseignement des sciences et de la technologie, d'une part, et à coopérer avec les acteurs de l'éducation informelle, d'autre part.
a. La rénovation de l'enseignement des sciences et de la technologie
C'est à tous les niveaux d'enseignement, de l'enseignement primaire à l'enseignement supérieur, que cette rénovation est intervenue. À travers les différents exemples qui seront cités, on pourra constater que, par leur esprit, certaines de ces réformes visent, comme l'éducation informelle, à promouvoir l'esprit d'observation le learning by doing (apprentissage par la pratique) ou encore une démarche pluridisciplinaire de la science.
i. L'enseignement primaire
« La main à la pâte » est le plus célèbre des programmes de rénovation de l'enseignement des sciences dans le cycle primaire. Il n'est pas inutile d'en rappeler brièvement la genèse, car ce programme confirme que certaines actions de CSTI revêtent une dimension sociale.
C'est Leon Lederman, physicien américain, qui a présenté à Georges Charpak, Prix Nobel de physique, l'opération « hands on » (travail de terrain), ayant servi de modèle à « La Main à la Pâte ». Cette opération, que Leon Lederman a mise en pratique en 1986 dans les écoles défavorisées de Chicago, repose sur une méthode pragmatique, laquelle s'appuie sur les questions que se posent les élèves afin de leur faire construire des connaissances scientifiques à partir d'une démarche de recherche.
Adoptant ces principes, « La Main à la Pâte » s'appuie sur le développement de la curiosité scientifique par l'observation de phénomènes du monde réel. Cette observation suscite un questionnement. Pour répondre aux interrogations, les élèves mettent en oeuvre des expérimentations. Celles-ci sont menées par petits groupes, en favorisant les échanges et les argumentations.
M. Pierre Léna, délégué permanent à l'éducation et à la formation au sein de l'Académie des sciences, a déclaré aux rapporteurs que lorsque Georges Charpak avait lancé l'opération, l'enseignement des sciences dans l'enseignement primaire était très réduit (71 ( * )) alors que, théoriquement, il figurait aux programmes des cours préparatoire et moyen, à raison de deux heures par semaine. De fait, les enseignements fondamentaux se focalisaient sur la lecture et le calcul. De surcroît, la science enseignée n'était guère vivante ni ne stimulait la curiosité des enfants, faute de recourir à des expériences.
C'est pourquoi l'Académie des sciences avait décidé d'accompagner les professeurs dans l'enseignement des sciences (72 ( * )) , selon l'approche moins verticale et davantage bottom up préconisée par « La Main à la Pâte ».
Concernant à l'origine 344 classes réparties dans cinq départements, cet enseignement des sciences rénové est actuellement appliqué par près de la moitié des classes primaires.
Cette mobilisation accrue des enseignants a été rendue possible grâce à diverses mesures intervenues ces dix dernières années :
- mise en place de prototypes de faisabilité, qui permettent d'équiper les enseignants ;
- élaboration d'un programme national d'enseignement des sciences et de la technologie au début de la précédente décennie. Ce programme était destiné à l'acquisition de mallettes pédagogiques et à l'organisation de formations dans les IEN (Inspection de l'Éducation nationale) ;
- conception en 2002 de nouveaux programmes anticipant la notion de socle commun de connaissances et introduisant la notion d'investigation ;
- signature d'une convention entre l'Académie des sciences et le ministère de l'éducation nationale ;
Enfin, M. Pierre Léna a déclaré que les médias s'étaient mobilisés autour de cette opération.
Pour autant, comme M. Léna, les rapporteurs déplorent qu'une autre moitié des classes de l'enseignement primaire n'applique toujours pas le programme officiel de deux heures d'enseignement des sciences par semaine.
C'est pourquoi, dans une recommandation, ils proposeront de développer le recours au dispositif de La Main à la Pâte.
ii. L'enseignement secondaire
Dans la ligne de « La Main à la Pâte », plusieurs initiatives pour une éducation active ont été développées au collège et au lycée. Elles présentent la caractéristique commune de viser au décloisonnement des disciplines.
Au collège
Dans les classes, des thèmes de convergence ont été introduits. L'objectif est de croiser plusieurs disciplines afin de permettre une première représentation globale et cohérente du monde. Il ne s'agit pas de travaux de recherche documentaire. Car l'élève doit participer activement à la réalisation de projets artistiques, sportifs, patrimoniaux, sociaux, économiques, qui peuvent être individuels ou collectifs, liés à l'enseignement ou à des actions d'intérêt général.
Les professeurs ont l'obligation de travailler avec d'autres disciplines.
Les six sujets proposés concernent des thématiques essentielles à la société et aux individus : énergie, environnement et développement durable, météorologie et climatologie, santé, sécurité, importance du mode de pensée statistique dans le regard porté par les collégiens sur le monde.
Ainsi, les thèmes de convergence mettent-ils les élèves en contact avec la vie quotidienne et la science en train de se faire. Ils contribuent également à les motiver et à développer leur esprit d'initiative, ce qui est nécessaire à la mise en place de projets.
Les itinéraires de découverte sont des enseignements destinés aux classes de 5 ème et 4 ème . Ils ont vocation à mobiliser deux disciplines de référence, auxquelles une autre pourra éventuellement être associée, en vue d'apporter une contribution à la réalisation du projet préconisé par les équipes pédagogiques.
Les domaines thématiques proposés sont :
- la nature et le corps humain ;
- les arts et les humanités ;
- les langues et les civilisations ;
- la création et les techniques.
Ces domaines impliquent toutes les disciplines du programme des classes de 5 ème et de 4 ème .
Outre qu'ils ont un objectif interdisciplinaire, ces enseignements visent à une meilleure appropriation des programmes en favorisant une plus grande implication des élèves grâce aux choix qui leur sont proposés et au développement de stratégies beaucoup plus efficaces comme l'apprentissage et l'autonomie.
Cette démarche de projet s'inscrit dans l'acquisition de la compétence du socle commun de connaissances et de compétences (l'autonomie et l'initiative).
L'enseignement doit être assuré par deux professeurs de disciplines différentes. La durée est de deux heures par semaine, chacune étant dispensée par un des deux enseignants.
Les élèves doivent suivre deux itinéraires. Durant l'année, chacun d'eux se déroule sur une période de douze à treize semaines.
Au lycée
Les travaux personnels encadrés (TPE) - obligatoires en classe de première et faisant l'objet d'une évaluation au baccalauréat sous forme d'épreuve obligatoire anticipée - visent à diversifier les modes d'appropriation des contenus des programmes en prenant appui sur une démarche interdisciplinaire.
À partir de thèmes définis au niveau national, les élèves choisissent, en concertation avec les enseignants encadrants, le TPE sur lequel portera la production.
Celle-ci prend souvent la forme d'un travail collectif, même si l'évaluation reste individuelle.
Le sujet choisi associe plusieurs disciplines. Tout au long de la phase de préparation du TPE, les élèves bénéficient de l'assistance et du conseil des professeurs des disciplines concernées.
Les thèmes retenus ont pour objectif de favoriser l'articulation d'au moins deux disciplines en lien avec les programmes.
Au collège et au lycée
Les ateliers scientifiques et techniques (AST) sont des dispositifs en vigueur depuis 2001 qui permettent de dispenser de nouvelles pratiques de l'enseignement des sciences dans les établissements scolaires.
Le fonctionnement des AST repose sur un partenariat obligatoire avec des professionnels issus d'horizons divers : organismes de recherche, établissements de culture scientifique et technique, musées, universités, entreprises publiques ou privées, sociétés savantes, etc . Ce partenariat se traduit par la participation effective de chercheurs, doctorants, ingénieurs et techniciens aux activités qui restent encadrées par les enseignants.
Intégrés aux projets d'établissements, les AST sont ouverts aux élèves volontaires des collèges et des lycées. Ils figurent dans l'emploi du temps des élèves à raison de deux à trois heures hebdomadaires et constituent à ce titre un cadre régulier participant pleinement du travail de l'année scolaire.
iii. L'enseignement supérieur
Comme les TPE, les TIPE (travaux d'initiative personnelle encadrés) visent à favoriser les activités de projets dans les classes préparatoires scientifiques de seconde année.
Dans le cadre des TIPE, les étudiants doivent fournir un travail personnel - en petits groupes de cinq étudiants au maximum - qui constitue une initiation et un entraînement à la démarche de la recherche : observation et description d'objets naturels ou artificiels, traitement de données, exploitation de l'outil informatique, etc .
Les TIPE permettent à l'étudiant de s'enrichir du contact avec des personnalités extérieures au lycée (industriels, chercheurs, enseignants, etc .), de montrer ses capacités à faire preuve d'initiative personnelle et d'esprit critique.
b. La coopération avec les acteurs de l'éducation informelle
Cette coopération est ancienne, comme l'illustre l'exemple de l'apprentissage. Toutefois, son extension jusqu'à l'âge de 25 ans à l'enseignement supérieur a constitué une nouveauté importante puisque, par exemple, le nombre de diplômes d'ingénieurs accessibles par l'apprentissage a plus que doublé depuis 2005, passant de 90 à 204 à la rentrée 2013.
La commission des titres d'ingénieurs qui délivre les habilitations aux écoles estime aujourd'hui que 15 % des diplômés choisissent d'accéder à ce titre par l'apprentissage.
Les écoles peuvent ainsi diversifier leur recrutement en sélectionnant des étudiants titulaires du DUT ou du BTS.
Les autres formules de coopération avec l'éducation informelle visent soit à mieux faire connaître les réalités du monde professionnel aux élèves, soit à développer leur intérêt pour les sciences.
Dans le premier cas, il peut s'agir d'un dispositif obligatoire, comme la séquence d'observation en milieu professionnel, qui est incluse dans l'emploi du temps des élèves de troisième. D'une durée de cinq jours, cette séquence se déroule dans les entreprises, les associations, les administrations, les établissements publics ou les collectivités territoriales.
Si cette séquence procède d'une bonne idée, son application révèle toutefois de très importantes et choquantes discriminations, puisque l'initiative de cette séquence revient à chaque élève. Il se peut donc que, dans certains cas, lorsqu'ils ne peuvent bénéficier de l'aide de leur établissement scolaire, ils en soient privés. C'est pour prévenir un tel risque que le Conseil général de l'Essonne, par exemple, a établi une plateforme d'accès aux stages de découverte pour permettre à tous les élèves d'en bénéficier.
Mais, à l'inverse, les entreprises ou d'autres acteurs de l'éducation informelle peuvent se rendre dans les établissements scolaires. Les rapporteurs ont évoqué précédemment les exemples de l'opération ambulante entreprise par l'UIMM ou encore des démarches de la Fondation CGénial. Mais on peut citer également celui du CCSTI de Grenoble qui, dans le cadre de l'année mondiale de la physique (2005), avait fait circuler - avec le soutien du CNRS - un camion des sciences dans les établissements scolaires de huit départements. Une des approches était de faire comprendre le sport grâce à la physique, par exemple choisir le ballon le plus efficace à l'aide de mesures physiques.
M. Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI de Grenoble, a déclaré aux rapporteurs que cette opération avait rencontré un vif succès auprès des élèves et des familles.
Dans un deuxième cas de figure, la coopération avec les acteurs de l'éducation informelle, si elle ne perd pas de vue l'objectif professionnel, insiste surtout sur le développement de l'intérêt des élèves pour les sciences. Il en est ainsi de la semaine des mathématiques . Cette opération prévoit diverses actions éducatives : opérations portes-ouvertes, conférences grand-public, ateliers, expositions, pratiques de jeux mathématiques. Leur objectif est, entre autres, de proposer une image actuelle, vivante et attractive des mathématiques, ou encore de présenter la diversité des métiers dans lesquels les mathématiques jouent un rôle important ainsi que la richesse des liens existant entre les mathématiques et les autres disciplines (physique, chimie, sciences de la vie, informatique, sciences économiques et sociales, etc .).
Ces manifestations s'adressent à tous les élèves des écoles, des collèges et des lycées ainsi qu'à leurs parents et au grand public.
Organisée par des comités de pilotage académiques placés sous la présidence du recteur, la semaine des mathématiques a pour partenaires des acteurs tels qu'Animath, Universcience ou l'INRIA.
Quant à Sciences à l'École, cette initiative s'adresse aux collèges, aux lycées généraux et technologiques, aux lycées professionnels ainsi qu'aux classes préparatoires.
Basé à l'Observatoire de Paris, ce dispositif vise à :
- promouvoir la culture scientifique et technologique dans l'enseignement secondaire et les classes préparatoires ;
- initier à la démarche expérimentale autour d'une relation directe entre l'école, le monde de la science et de ses métiers ;
- montrer la complémentarité des disciplines scientifiques en faisant appel à des enseignants, des universitaires et des industriels de spécialités différentes.
C. UNE FORTE EXIGENCE : L'INSTAURATION D'UN DIALOGUE ENTRE LA SCIENCE ET LA SOCIÉTÉ
Ce dialogue est l'une des clés de la réussite des politiques de CSTI et de la démocratisation de l'accès au savoir, d'autant que la science et la technologie ont un impact considérable sur la vie quotidienne et qu'elles modifient cette dernière à un rythme exponentiel, inégalé dans l'histoire.
Ce dialogue est impulsé par deux mouvements, parfois conjoints :
- d'un côté, les institutions en charge de la production, de la diffusion des savoirs scientifiques et technologiques ou de la réflexion sur ces mêmes savoirs se sont ouvertes à la société ;
- de l'autre, selon des formes diverses, le public a été appelé à participer à l'élaboration des connaissances et des politiques scientifiques.
1. L'ouverture des institutions à la société
a. Les institutions académiques et les organes de recherche
C'est en direction du grand public et des publics-cibles que s'est effectuée cette ouverture.
i. Les actions déployées en direction du grand public
Ces actions sont de nature diverse. Les unes se rattachent à l'objectif de popularisation de la science qui a été poursuivi à la création du Palais de la Découverte. Ainsi, comme cela a été vu précédemment, la création des CCSTI est, en grande partie, l'héritière du mouvement de la « physique dans la rue » initiée dans les années 70, tandis que de nombreux chercheurs ont été à l'origine de la création d'associations, dont ils sont également membres. Cette idée de popularisation de la science n'est pas non plus étrangère au partenariat conclu entre le CNES et Planète Sciences il y a plus de cinquante ans.
D'autres actions relèvent de la communication, pour « mettre la science en spectacle » - en général - ou informer sur les travaux d'une institution en particulier.
Certains sociologues des sciences émettent de sévères critiques à l'encontre d'opérations telles que la Fête de la science, parce qu'elles « mettent la science en spectacle ». Mais, d'une part, comme le rappellent, par exemple, MM. Jack Guichard et Guy Simonin, Nikola Tesla (1856-1943) - ingénieur américain d'origine croate pionnier dans le domaine de l'électricité (73 ( * )) - savait se mettre en spectacle pour vulgariser ses découvertes (74 ( * )) . D'autre part, force est de constater que l'idée de la Fête de la science initiée par Hubert Curien a connu un succès croissant en France mais aussi dans les pays de l'Union européenne où elle a été imitée (75 ( * )) .
On peut estimer qu'il n'y a pas lieu de déconsidérer un tel évènement qui, comme l'a déclaré aux rapporteurs M. Marco Zito, physicien des particules au CEA, permet aux scientifiques de sortir de leurs laboratoires et au public d'y entrer.
Quant à l'objectif d'information par les institutions sur leurs travaux, il les conduit à se doter d'un service de communication dont certains sont très étoffés (76 ( * )) et à utiliser toutes les ressources des TIC. Ainsi, l'INRA mettra-t-il en place en 2014 des blogs clés en main au profit de ses quelques chercheurs - une douzaine - considérés comme les plus emblématiques dans leur discipline, d'où le nom de blogs ambassadeurs. C'est, par exemple, le cas de M. Hervé This, spécialiste de cuisine moléculaire, dont le blog actuel (considéré comme artisanal par l'INRA) enregistre 600 000 visites par an.
L'IRSTEA (Institut national de recherches en sciences et en technologies pour l'environnement et l'agriculture) a commencé à recourir à Twitter à l'occasion du colloque scientifique et sociétal organisé pour son trentième anniversaire en novembre 2011.
L'IRSTEA a fait ce choix car Twitter devait, à ses yeux, permettre de valoriser les contenus scientifiques de son site, ce qui l'a obligé à modifier la façon de les présenter. Or, les messages institutionnels sur Twitter recevaient peu d'échos ; l'IRSTEA a alors utilisé un langage plus direct. Toutefois, pour remédier aux inconvénients de la stratégie top down qui était toujours employée, l'institut a entrepris de relayer sur son compte Twitter une sélection d'informations venues de sa communauté, d'autres instituts de recherche, de la presse ou d'associations, pour peu qu'elles soient en rapport avec les sujets environnementaux, la science et la recherche. Comme l'a déclaré Mme Sylvaine Casademont, alors directrice de la communication de l'IRSTEA, « À partir de là, le dialogue et le partage d'informations se sont vraiment enclenchés » (77 ( * )) .
ii. Les actions déployées en direction de publics-cibles
En ce domaine également, le recours aux TIC doit permettre aux institutions d'affiner leur communication. C'est l'ambition du nouveau site Internet de l'INRA, qui comprend des contenus différenciés : le canal grand public se présente comme un journal ; le canal de la communication scientifique comprend les mêmes sujets que le canal grand public, mais il fait l'objet d'un traitement plus avancé ; le canal partenaires agricoles et, enfin, le canal presse, qui offre beaucoup plus de ressources.
Ce site reconfiguré a enregistré, d'après les indications de l'INRA, 1 million de visites au premier trimestre 2013, contre 1,5 million par an dans l'ancien système.
En ce qui concerne le CNES, il a décidé de
développer deux applications
Smartphone
pour toucher le public
des 18-35 ans
(78
(
*
))
. La première application
- CNES - a eu pour objet de disposer d'une offre
éditoriale sur les enjeux et les applications de la recherche spatiale
et de la recherche en général qui soit compatible avec
Smartphone
.
Cette application a donné lieu à 10 000 téléchargements en six jours en 2010. Par la suite, le nombre d'utilisateurs actifs s'est stabilisé autour de 1 500 à 2 000 par mois.
La deuxième application - application Ariane - développée en 2011, est centrée sur la fusée Ariane. Malgré sa présentation ludique, elle a eu moins de succès que l'application CNES, ayant connu 10 000 téléchargements dans le mois suivant sa sortie. Elle a totalisé ensuite 14 000 utilisateurs, 500 utilisateurs actifs et 1 000 sessions par mois.
Pour autant, Mme Séverine Klein, chef du service grand public à la direction de la communication du CNES, a déclaré que le recours aux applications Smartphone se heurtait à des limites techniques, tenant notamment au fait que chaque plateforme numérique (Blackberry, Androïd, etc .) a sa propre technologie. Il est impossible de mettre l'application à disposition de toutes moyennant un développement unique (79 ( * )) .
Certaines institutions ont souhaité toucher les jeunes par d'autres voies que les TIC. Ainsi, en vue d'accroître l'intérêt des jeunes pour les sciences, les universités allemandes ont mis en place les universités pour enfants ( Kinderuniversitäten ).
Pendant les vacances d'été ou durant un semestre en cours, les universités proposent - à travers des ateliers auxquels prend part le corps enseignant de ces universités - de communiquer la science à des enfants âgés de 8 à 12 ans de façon simple, concrète et compréhensible.
Le but est de susciter la motivation des enfants pour la science et de les encourager à devenir de futurs étudiants dans les disciplines scientifiques.
Cette opération a connu un réel succès. 70 universités y participent, tandis que, du fait de la forte demande, il n'est pas rare que plus de 1 000 enfants prennent part à une université (80 ( * )) .
Si certains y voient une opération de relations publiques, d'autres font toutefois observer que les enfants et leurs familles sont réellement intéressés par la science et quelques disciplines scientifiques. Mais, en outre, les Kinderuniversitäten permettent de toucher des enfants issus de milieux culturellement défavorisés (81 ( * )) .
Dans cette problématique de l'ouverture des institutions à la société, celles-ci sont confrontées à la question cruciale du libre accès ( open access ) aux publications des travaux des chercheurs, dont l'impact concerne aussi la société, puisqu'il s'agit de connaissances produites à l'aide de fonds publics.
Sont en cause les pratiques des éditeurs qui font payer les chercheurs pour être publiés dans les revues scientifiques.
S'y ajoute la hausse incessante des abonnements que les bibliothèques paient pour accéder à ces revues. L'Association américaine des bibliothèques de recherche a calculé qu'entre 1986 et 2011, la facture globale s'est élevée de 400 % (82 ( * )) .
Les éditeurs justifient les augmentations de tarif par le travail important qu'ils fournissent dans le processus de sélection et de validation des articles, dont le nombre a augmenté de 3 à 4 % par an.
Quoi qu'il en soit, le marché de l'édition scientifique, technique et médicale est très lucratif. Ainsi, son chiffre d'affaires avait-il dépassé 20 milliards de dollars (soit plus de 15 milliards d'euros) en 2010, augmentant de 3,5 % par rapport à 2009.
C'est dans ce contexte que l'idée ancienne d' open access ou libre accès à la production scientifique s'est développée. L'initiative dite de Budapest a relancé cette idée en proposant que la recherche publique produite et financée sur fonds publics soit accessible librement. Ces principes ont été repris par la Commission européenne en juillet 2012 (83 ( * )) et le 22 février 2013 par l'Administration Obama.
En ce qui concerne la France, Jean-Yves Le Déaut a rappelé que le Parlement s'était saisi de la question de l' open access dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. Jean-Yves Le Déaut a été l'auteur d'un amendement qui aurait permis de parvenir à un équilibre entre les droits des éditeurs et la possibilité, pour les chercheurs, de publier eux-mêmes les travaux qu'ils ont parfois publiés chez les éditeurs (84 ( * )) .
Pour sa part, M. Jean-Pierre Finance, membre du Conseil scientifique de l'OPECST, a relevé que l' open access était un sujet ayant donné lieu à de nombreuses réflexions et à des avancées de nature à améliorer l'articulation entre les aspects législatifs et réglementaires, d'une part, et ses aspects scientifiques, d'autre part (85 ( * )) .
b. Le rôle des interfaces entre les sciences et la société
Il s'agit d'institutions aux statuts divers, dont les attributions et le fonctionnement les mettent en relation à la fois avec la communauté scientifique et la société.
Ces institutions peuvent être classées en deux catégories :
- celles dans lesquelles le dialogue entre scientifiques et représentants de la société est institutionnalisé de façon permanente ;
- celles où le dialogue se déroule ponctuellement.
i. L'institutionnalisation du dialogue entre la science et la société
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE)
Par ses attributions - rappelées par l'encadré ci-après - et sa composition, le CESE est un lieu de concertation entre la société - à travers ses représentants désignés par les organisations professionnelles - et les scientifiques ou personnalités qualifiées qui y sont désignés par le Gouvernement, en raison de leur compétence dans les domaines scientifique et technologique.
Le Conseil économique, social et environnemental est
saisi par le Premier ministre au nom du Gouvernement de demandes d'avis ou
d'études. Il peut également s'autosaisir ou, depuis la
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, être saisi par
voie de pétition. La pétition doit être
présentée dans les mêmes termes par au moins
500 000 personnes majeures, de nationalité française ou
résidant régulièrement en France.
|
M. François Ailleret, directeur général honoraire d'EDF, alors membre du CESE, a ainsi déclaré que la section des activités productives de la recherche et de la technologie, compétente sur la question des relations entre science et société, « mène des débats approfondis dans un climat d'ouverture, de grande liberté d'expression, où chacun se montre respectueux des points de vue d'autrui » (86 ( * )) .
Le Haut Conseil des biotechnologies (HCB)
En application de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, le HCB est chargé d'éclairer la décision publique sur toutes questions intéressant les OGM ou tout autre biotechnologie et de formuler des avis en matière d'évaluation des risques que peuvent présenter l'utilisation confinée ou la dissémination volontaire des OGM.
Le HCB comprend deux comités : un comité scientifique (CS). Composé de 39 membres - dont trois experts en sciences sociales - et des personnalités reconnues pour leur expertise scientifique dans les domaines de compétence du HCB, le CS est chargé de rendre des avis sur les impacts des biotechnologies sur l'environnement et sur la santé animale et humaine. Le second comité - le Comité économique, éthique et social (CEES) - est composé de 26 membres représentants de la société civile, parties prenantes et personnalités qualifiées en sciences sociales. Une fois en possession de l'avis du CS, il est chargé de rendre des recommandations sur les impacts économiques, éthiques et sociaux.
Des critiques ont été émises, en particulier sur la légitimité des recommandations du CEES (87 ( * )) . De même, le rapport publié à l'automne 2012 par le HCB (88 ( * )) constate la formulation imprécise des missions du CEES ainsi que des contours et des modalités de l'expertise économique et sociale qu'il est appelé à réaliser.
Pour autant, ce rapport estime que le double regard - scientifique et sociétal - livré au décideur par le HCB permet au HCB de mieux éclairer ce dernier sur les options possibles.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)
L'ANSES est née de la fusion, en 2010, de l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire) et de l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire, environnementale et du travail).
Le dialogue entre scientifiques et société civile a lieu au sein du conseil d'administration où, parmi les collèges qui y siègent, figurent des représentants d'associations agréées de protection de l'environnement, des représentants des organisations syndicales représentatives au plan national et des élus.
Le conseil d'administration joue un rôle important dans la gouvernance de l'ANSES, puisqu'il vote les orientations générales de l'agence, notamment sa stratégie pluriannuelle et son programme de travail annuel. En outre, le conseil d'administration peut créer des groupes de travail chargés d'étudier de façon approfondie une question particulière ou d'intérêt général auxquels il peut associer des personnalités extérieures. C'est ainsi, par exemple, qu'en 2001 a été créé un groupe de travail sur la téléphonie mobile et les radiofréquences, dont l'objectif est d'actualiser annuellement les expertises de l'agence dans ces domaines. Celles-ci sont d'autant plus sensibles que les antennes-relais continuent de susciter de sérieux conflits entre les opérateurs et la population (89 ( * )) .
En parallèle a été mis en place un comité de dialogue, qui regroupe associations, collectivités territoriales, opérateurs et syndicats. Il a pour mission d'éclairer l'agence sur les attentes de la société dans les domaines de la téléphonie mobile et des radiofréquences.
Ce comité est présidé par M. Georges Mercadal, ancien vice-président de la Commission nationale du débat public et membre de notre comité de pilotage.
ii. Le dialogue ponctuel entre science et société
L'OPECST
Depuis sa création, il y a trente ans, l'OPECST n'a cessé de réfléchir à la problématique du dialogue entre science et société, laquelle est au coeur de ses travaux, que ce soit à travers les études dont il est saisi ou à travers les auditions publiques qu'il organise.
Ces auditions publiques se déroulent dans le cadre de l'élaboration d'une étude ou indépendamment de celle-ci. Dans ces deux cas, elles permettent à des experts d'un sujet - spécialistes des sciences dures, de la vie et des sciences sociales, industriels ou associations - de confronter leurs points de vue en présence de parlementaires, de la presse et du public, lesquels ont la possibilité d'interroger les experts.
Les citoyens peuvent suivre en direct ou en différé ces auditions publiques en se connectant au site de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
Les auditions publiques permettent ainsi à l'OPECST d'informer le Parlement et les citoyens - selon une procédure démocratique et transparente - de problèmes d'actualité ou de questions de fond.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'OPECST a vu, au cours de ces dernières années, ses compétences s'accroître. Le législateur a ainsi prévu de le saisir pour avis de textes concernant le stockage des déchets radioactifs, ou encore la bioéthique. De même, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche dispose-t-elle que l'OPECST sera saisi tous les deux ans de la loi sur la stratégie nationale de la recherche.
Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE)
Le CCNE a été créé par décret du 23 février 1983 et a été érigé en autorité indépendante par la loi de bioéthique du 6 août 2004. Son site de présentation précise qu'il a vocation « à susciter une réflexion de la part de la société sur les avancées de la connaissance scientifique dans le domaine du vivant ».
Depuis sa création, il a rendu plus d'une centaine d'avis - qui peuvent être consultés en ligne - sur de multiples questions concernant les sciences de la vie et de la santé.
Il organise différents débats avec les citoyens : journées annuelles d'éthique ; journées régionales d'éthique, colloques et forums des jeunes.
Les compétences du CCNE ont été élargies par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Celle-ci impartit au CCNE d'initier des états généraux, sous la forme de conférences de citoyens, sur les projets de réforme concernant les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.
La Commission nationale du débat public
Créée en 1995 dans le cadre de la loi relative au renforcement de la protection de l'environnement, la CNDP a été érigée, en 2002, en autorité administrative indépendante par la loi relative à la démocratie de proximité.
La Commission est composée de 21 personnes nommées pour cinq ans. Elle est de nature tripartite - élus, hauts magistrats, représentants des milieux associatifs et de la société civile - ce qui est supposé confirmer son indépendance et sa représentativité.
Instituée dans la logique du développement des études d'impact des grands équipements sur l'environnement et l'aménagement du territoire, la CNDP peut désormais être également saisie de sujets plus larges touchant à l'impact des politiques publiques. Trois débats de ce type ont déjà eu lieu. Ils ont concerné la politique des transports dans la vallée du Rhône, la gestion des déchets nucléaires à vie longue et les nanotechnologies. La CNDP a été saisie par l'Andra pour organiser, en 2013, un débat public sur le projet de création d'un site de stockage réversible profond de déchets radioactifs en Meuse/Haute-Marne.
L'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST)
L'IHEST a été créé sous la forme d'un établissement public administratif par décret du 27 avril 2007. Aux termes de ce décret, il assure une mission de formation, de diffusion des CSTI et d'animation du débat public autour du progrès scientifique et technologique et de son impact sur la société.
Sur le modèle de l'IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), il organise, chaque année, une session nationale pour une quarantaine d'auditeurs venus de différents horizons (secteur public, secteur privé, médias, universités, etc .).
L'IHEST organise aussi des débats (Paroles de chercheurs) et des Universités d'été.
Enfin, depuis septembre 2011, l'IHEST organise, en partenariat, une fois par mois, une émission diffusée par France Culture « Science publique ».
2. La participation du public à l'élaboration des connaissances et de certaines politiques scientifiques
La participation du public s'inscrit dans deux perspectives. Dans un cas, cette participation est sollicitée par des chercheurs dans le cadre de leurs travaux : c'est ce qu'on appelle les sciences participatives qui ont connu un développement rapide. En revanche, dans un autre cas, c'est une autorité publique qui, par diverses procédures, demande aux citoyens d'émettre un avis, en vue d'une éventuelle prise de décision politique dans un domaine controversé.
a. Le développement des sciences participatives
M. Gilles Boeuf, président du Muséum d'histoire naturelle, fait observer que, si l'expression de sciences participatives est récente (90 ( * )) , « la participation du public ou, du moins, de certains publics à la prospection, à la récolte de données, d'échantillons, à la connaissance, remonte en Europe , au moins pour la botanique, au XVI e siècle » (91 ( * )) .
C'est dans cette lignée que s'inscrivent différentes expériences de recherche intervenues en France et à l'étranger au cours de ces dernières années. Qu'elles s'appuient ou non sur Internet, ces expériences tendent à une démocratisation de la recherche.
i. La diversité des dispositifs
Certaines expériences sont devenues célèbres parce que, grâce à Internet, elles ont pu toucher un large public. Il en est ainsi du jeu en ligne appelé Fold it , créé en 2008 par une équipe de scientifiques de l'Université de l'État de Washington (Seattle, États-Unis). Il s'agissait de résoudre le problème complexe du repliement des protéines. Les biologistes s'intéressent depuis longtemps aux formes en trois dimensions que prennent les protéines à l'intérieur du corps humain. Ces molécules jouent, en effet, un rôle essentiel dans l'organisme mais se plient dans des formes difficiles à prévoir. Dans la recherche sur de nombreuses maladies, le pliage des protéines constitue donc un obstacle.
À l'origine, le jeu Fold it était destiné à solliciter les internautes pour disposer des capacités de calcul de leurs ordinateurs (92 ( * )) .
En 2010, le jeu Fold it a franchi une nouvelle étape en proposant aux internautes de s'attaquer à des énigmes non résolues par les scientifiques. Neuf cas ont été proposés. Le neuvième, qui porte sur une protéine impliquée dans la maturation et la propagation du virus du sida chez le singe, a fait l'objet, en septembre 2011, d'une publication dans la revue scientifique Nature Structural and Molecular Biology . En trois semaines, les joueurs ont résolu cette énigme qui tenait en échec la communauté scientifique depuis une dizaine d'années. L'équipe de l'Université de Washington dispose désormais d'une protéine 3D dont l'architecture ouvre la voie à la fabrication de nouveaux médicaments rétroviraux.
Fold it
n'est pas le seul exemple dans lequel les
chercheurs ont
sollicité le concours des internautes. Ainsi, en
2011, des papyrologues de l'Université d'Oxford ont-ils proposé
un jeu, à travers un site Internet appelé
ancient lives
- vies antiques - qui permettrait à n'importe qui, de
son domicile, d'aider à transcrire du grec ancien en identifiant les
signes affichés sur les papyrus
(93
(
*
))
. Depuis l'ouverture du site, 4 millions de
transcriptions ont été proposées. Les internautes ont
permis d'identifier des écrits de Thucidyde, d'Aristophane ou encore de
Plutarque.
À la différence de ces jeux en ligne, dans lesquels les chercheurs définissent le thème et le protocole de recherche, le thème de la recherche peut être déterminé conjointement par les chercheurs et des associations, comme c'est le cas des PICRI (Partenariat entre les institutions et les citoyens pour la recherche et l'innovation).
C'est en 2005 que le Conseil régional d'Île-de-France a décidé, à l'initiative de M. Marc Lipinski, alors vice-président en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et directeur de recherche au CNRS, de mettre en place ces PICRI. Leur objectif est de faire travailler ensemble des scientifiques issus des laboratoires publics, d'une part, et des organismes à but non lucratif de la société civile, afin de faire émerger des recherches véritablement en prise avec les attentes de la société, d'autre part. Parmi les PICRI qui ont été mis en oeuvre, on peut citer un protocole d'investigation clinique mis au point par des patients tétraplégiques avec le centre d'innovation technologique de l'hôpital Raymond Poincaré pour évaluer les fauteuils roulants vendus sur le marché. Dans un autre projet, des économistes, des sociologues et un collectif d'acteurs du commerce équitable se sont efforcés de réaliser une cartographie des réseaux du commerce équitable en Île-de-France.
Les PICRI se sont inspirés des ARUC-ES, Alliances de recherche universités - communautés en économie sociale - qui existent depuis 2000 au Canada et permettent à des chercheurs et à leurs partenaires (entreprises de l'économie sociale) de mener ensemble des travaux de recherche, des activités de formation et de partage de la connaissance dans le domaine de l'économie sociale exclusivement.
Une étude réalisée par Mme Christine Audoux-Lemoine, spécialiste de sociologie économique, a tenté d'identifier les écueils auxquels un PICRI pouvait être confronté : notamment le fait que l'institution scientifique ne soit pas toujours prête à une telle collaboration, par incompréhension ou méconnaissance. Ou encore, les difficultés à pouvoir établir un dialogue, compte tenu de l'inégalité entre les partenaires, les scientifiques maîtrisant les contraintes de la démarche scientifique à la différence des membres des associations, porteurs de « savoirs de terrain ».
Si, comme l'observe M. Gilles Boeuf, le développement des sciences participatives est devenu un « fait de société » (94 ( * )) , c'est parce qu'il est l'expression d'une volonté de démocratiser la recherche. C'est dans cette perspective que la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche souhaite le développement des sciences participatives.
ii. Des outils concourant à la démocratisation de la recherche
Cet objectif de démocratisation est clairement relevé par une note de synthèse du programme REPERE (95 ( * )) . Même si le cadre des projets de ce programme revêt des traits particuliers tenant au fait qu'ils associent des chercheurs académiques et des associations - dirigées et comprenant des chercheurs -, ce qui transforme ces projets en dialogue entre chercheurs, « il s'agit essentiellement d'associer les experts pour démocratiser le savoir » (96 ( * )) .
Cette orientation est d'autant plus accentuée que, selon ce même document de synthèse, la distinction entre savoir scientifique du côté des institutions de recherche et regard profane du côté des associations est largement remise en question.
Corrélativement, certains se demandent si cette tendance à la démocratisation de la recherche ne devrait pas inciter les chercheurs à accepter un meilleur partage de leurs savoirs. Ainsi, s'agissant du succès de Fold it , on a pu y voir une critique de la manière dont la science fonctionne : « société fermée, organisée en petits fiefs de spécialistes extrêmement bien fermés » (97 ( * )) .
De fait, la plupart des scientifiques entretenant un rapport d'exclusivité à l'égard de leurs données sont réticents à partager leurs données, encore moins avec des étrangers. Mais pour exploiter les capacités de réflexion de 1 000 intervenants, et même plus, les chercheurs sont bien contraints de dévoiler leurs travaux au public.
b. La consultation du public sur certaines politiques scientifiques
Les autorités publiques nationales ou la Commission européenne (98 ( * )) sollicitent parfois l'avis du public sur des questions scientifiques qui, en général, sont controversées, avant, le cas échéant, de prendre une décision.
Le format de ces consultations est varié. Il peut s'agir d'une consultation écrite (99 ( * )) ou de ce que les Britanniques appellent un débat en amont ( upstream debate ), c'est-à-dire un débat qui est organisé alors qu'une science n'en est encore qu'au stade du laboratoire, tout en étant déjà susceptible de soulever des controverses, ce qui est le cas de la biologie de synthèse. C'est ainsi que le Royaume-Uni a été le premier État à avoir organisé un débat de ce type de juillet à l'automne 2010 dans quatre villes.
Ce sont 160 personnes qui avaient été recrutées de façon à refléter un large échantillon de la population. Elles avaient participé à trois ateliers : le premier atelier avait examiné les approches de la science et de la technologie en général et avait dispensé une introduction à la biologie de synthèse. Le deuxième atelier avait abordé les différentes approches de la biologie de synthèse, ainsi que les conditions selon lesquelles la biologie de synthèse est financée et régulée. Le troisième atelier avait concerné les applications potentielles de la biologie de synthèse.
Organisé par le BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council), ce dialogue - au demeurant très riche - a eu davantage pour objet de connaître l'état de l'opinion face à un domaine encore émergent, plutôt que de l'associer à une procédure consultative, comme cela a été le cas des conférences de citoyens qui se sont déroulées en France.
La première Conférence de citoyens avait été organisée en 1998 par l'OPECST - à l'initiative de Jean-Yves Le Déaut, alors président de l'OPECST - sur le thème des OGM. Cette conférence s'était inscrite dans une procédure ayant été, à l'origine, enclenchée par une demande d'étude adressée en mai 1996 à l'OPECST sur la connaissance des gènes et leur utilisation. Puis, en décembre 1997, devant l'ampleur de la controverse suscitée par l'annonce du ministre de l'agriculture de l'autorisation de cultiver en France une variété de maïs transgénique, les ministres de l'agriculture et de l'environnement avaient alors suggéré de confier à l'OPECST l'organisation d'un débat public sur l'utilisation du génie génétique en agriculture.
La Conférence de citoyens devait être la quatrième et dernière phase d'une procédure qui avait inclus :
- l'étude, précitée, proprement dite dont le Bureau de l'Assemblée nationale avait saisi l'OPECST ;
- une audition publique et contradictoire, au cours de laquelle les experts et les représentants des différents intérêts en présence avaient pu confronter leurs arguments ;
- un forum ouvert sur Internet ;
- enfin, une Conférence de citoyens.
L'organisation de cette conférence avait alors été confiée à un comité de pilotage indépendant, qui était composé de :
- trois chercheurs en sciences sociales ;
- quatre chercheurs spécialisés dans les applications du génie génétique aux végétaux.
Le comité de pilotage avait décidé que l'accompagnement du panel de citoyens serait exclusivement assuré par un animateur, spécialiste de la conduite des groupes, n'ayant aucun lien particulier avec les problèmes des OGM.
Les quinze membres du panel avaient été sélectionnés par un institut de sondage, à savoir l'IFOP, de sorte qu'ils constituent un échantillon représentatif de la population française.
Une formation leur avait été dispensée au cours de deux week-ends, durant lesquels ils avaient entendu des conférenciers qui avaient été sélectionnés par eux-mêmes ou par le comité de pilotage.
À l'issue du second week-end de formation, les membres du panel, avec l'aide du seul animateur, avaient formalisé les questions qui leur avaient paru déterminantes et avaient défini les profils des personnes (experts, représentants des forces sociales, représentants des forces économiques) auxquelles ils souhaiteraient les poser lors de la conférence.
Celle-ci avait duré deux jours. Elle s'était tenue en public, en présence de la presse, sans que, toutefois, celle-ci puisse intervenir ni questionner les membres du panel ou les intervenants.
Dans les années suivantes, d'autres conférences de citoyens ont été organisées.
Entité organisatrice |
Année |
Thème |
Nombre de participants |
Commission du développement durable |
2002 |
Changements climatiques et citoyenneté |
16 |
Commission du développement durable |
2003 |
Boues domestiques, dans le cadre du débat national sur l'eau |
15 |
Président de la République et ministre de la santé et des sports |
2009 |
Révision des lois bioéthiques |
3 conférences régionales (Rennes, Marseille et Strasbourg), panel de 15 à 20 personnes et une conférence nationale à Paris |
Danish Board of Technology |
2009 |
Changement climatique dans le cadre de la préparation de la conférence des Nations-unies sur le climat de Copenhague |
100 |
CCNE (après saisine du Président de la République) |
2013 |
Fin de vie |
18 |
S'agissant de la conférence organisée dans le cadre de la révision des lois bioéthiques - conférence dont la dénomination officielle était « Forums citoyens des états généraux de la bioéthique » -, sa configuration était sensiblement différente de celle tenue par l'OPECST en 1998, sur trois points principaux :
- le comité de pilotage avait comporté trois parlementaires, dont M. Alain Claeys qui, avec M. Jean-Sébastien Vialatte, établit le rapport de l'OPECST sur la révision des lois bioéthiques. Les trois autres membres étaient un professeur de médecine, une professeure de droit médical et une philosophe spécialiste d'éthique médicale ;
- en second lieu, outre l'organisation des trois forums régionaux et de la tenue de plus de 200 manifestations à travers la France, le comité de pilotage devait, avec le soutien de l'Agence de biomédecine et de la Direction générale de la santé, participer aux auditions de la mission d'information parlementaire sur la révision des lois bioéthiques qui avait été présidée par le député Jean Léonetti ;
- la troisième particularité avait trait aux trois forums régionaux. D'une part, chacun d'entre eux avait traité de sujets différents (100 ( * )) . D'autre part, avaient participé à ces forums des grands témoins, c'est-à-dire des spécialistes et des experts scientifiques, des philosophes, des psychanalystes et des juristes, qui avaient répondu aux questions des jurés, du public et des internautes.
À la différence de ces forums citoyens, c'est le CCNE qui pourrait organiser des états généraux sur la procréation médicale assistée (PMA), problématique dont il s'est autosaisi. Comme l'a rappelé M. Jean-Claude Ameisen, président du CCNE, lors de son audition par l'OPECST le 21 mai 2013, ces états généraux seront tenus conformément à la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Cette loi demande, en effet, au CCNE d'initier des états généraux sous la forme de conférences de citoyens sur les projets de réforme concernant les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.
En l'occurrence, le lancement de ces états généraux fait suite aux déclarations du Gouvernement faites au cours de la discussion de la loi sur le mariage pour les couples de même sexe, selon lesquelles il préparait un projet de loi sur la famille prévoyant un élargissement des conditions de recours à la PMA, à des conditions sociétales.
Dans la perspective de ces états généraux, la loi du 7 juillet 2011 fait également obligation au CCNE de consulter les commissions permanentes du Parlement ainsi que l'OPECST.
Précisément, le 29 mai 2013, lors de l'examen par l'OPECST de l'avis sur l'organisation des états généraux sur la PMA, Jean-Yves Le Déaut a indiqué que le CCNE s'inspirerait de la même démarche que celle que l'Office avait initiée en 1998 sur les OGM : un panel de citoyens choisis par un institut de sondage qui, dans un premier temps, pour se familiariser avec le sujet, auditionnera des experts choisis par le CCNE et, dans un deuxième temps, ceux qu'il aura lui-même choisis.
Une des particularités de la procédure réside dans le fait que l'OPECST a décidé d'organiser une audition publique sur le même sujet, et ce, parallèlement aux travaux des états généraux.
II. LES CSTI AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ DES SYSTÈMES D'ÉDUCATION ET DE RECHERCHE
Cet objectif d'efficacité n'est pas une préoccupation nouvelle (101 ( * )) . En revanche, la nouveauté réside dans l'accent mis par les politiques publiques sur les dimensions sociales et économiques ainsi que dans la contribution que peuvent y apporter les CSTI.
Ce sont ces orientations qui étaient au coeur de la stratégie de Lisbonne adoptée par l'Union européenne au début des années 2000. Cette stratégie se proposait ainsi de faire de l'Union européenne en 2010 l'économie du savoir la plus compétitive du monde, confirmant ainsi toute l'importance, dans la mondialisation, du rôle joué par les systèmes d'éducation et de recherche dans la concurrence très intense que se livrent les États.
Bien que formulée dans un contexte économique et en des termes différents de ceux de la stratégie de Lisbonne, le programme-cadre de recherche et développement pour la période 2013-2020 - appelé Horizon 2020 - n'en demeure pas moins proche par l'esprit de certaines de ces priorités, telles que l'élévation du niveau d'excellence de la base scientifique de l'Union européenne, ou encore la mise en place d'une stratégie de l'innovation destinée à améliorer la compétitivité de l'Union européenne.
Les États-membres, dont la France, ont inscrit certaines de leurs propositions de réforme dans les mêmes perspectives. Il est ainsi remarquable que le rapport Gallois ait évoqué le rôle de la culture scientifique et technique dans la formation, que ce rapport considère comme l'un des leviers de la croissance.
De même encore, plusieurs dispositions de la loi pour la refondation de l'école et celles de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche adoptent-elles une démarche analogue.
Celle-ci repose sur un impératif de cohésion sociale et sur la promotion de l'excellence des systèmes d'éducation et de recherche.
A. UN IMPÉRATIF DE COHÉSION SOCIALE
Il s'agit de lutter contre l'échec scolaire et universitaire auquel sont confrontés de nombreux États et de favoriser la formation tout au long de la vie du plus grand nombre de citoyens pour leur permettre de faire face à l'accélération des connaissances et des mutations technologiques.
1. La lutte contre l'échec scolaire et universitaire
Les programmes mis en oeuvre par les États poursuivent, dans leurs grandes lignes, des objectifs identiques qui visent, d'un part, à prévenir l'échec scolaire et universitaire et, d'autre part, à donner une seconde chance aux jeunes concernés.
a. Prévenir l'échec scolaire et universitaire
L'échec scolaire et universitaire revêt différents aspects qui vont des difficultés à suivre les enseignements dispensés, en passant par le décrochage, à la situation d'exclusion que les spécialistes ont rangée sous la catégorie de NEET ( Not in Education, Employement or Training ), c'est-à-dire les jeunes qui ne suivent pas des études, ni ne travaillent, ni ne sont en formation professionnelle.
C'est l'ampleur de ces phénomènes touchant plusieurs pays, quelle que soit leur prospérité économique, qui a conduit les gouvernements et l'Europe à ériger en priorité les politiques de lutte contre l'échec scolaire.
Ainsi, à l'échelle de l'Union européenne, une étude d'octobre 2012 de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail a indiqué avoir recensé 14 millions de jeunes inactifs en Europe, soit 15,4 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans. Leur inactivité aurait coûté 153 milliards d'euros aux États-membres en 2011 alors qu'en 2008, cette dépense s'élevait à 139 milliards d'euros.
S'agissant de la France, la discussion du projet de loi pour la refondation de l'école et de celui sur l'enseignement supérieur et la recherche ont fourni l'occasion au Parlement de prendre de nouveau la mesure de l'une des lacunes majeures du système éducatif.
Dans l'enseignement primaire, le rapport de notre collègue député Yves Durand sur le projet de loi pour la refondation de l'école a rappelé qu'à l'entrée en 6 ème , 40 % de la population était en difficulté.
Dans l'enseignement secondaire, chaque année, 135 000 à 150 000 jeunes sortent sans diplôme ou qualification de l'enseignement secondaire, soit près d'un jeune sur cinq.
Deux indicateurs permettent de mesurer la proportion de ces jeunes :
- d'une part, « les sortants non diplômés », jeunes ayant quitté leur études depuis plus d'un an et qui sont sortis non diplômés ou diplômés, au plus, du brevet des collèges. En moyenne, de 2008 à 2010, leur nombre s'élevait à 140 000, soit 17 % des jeunes ayant terminé une formation initiale ;
- d'autre part, les sortants - précoces ou « décrocheurs ». Âgés de 18 à 24 ans, ces jeunes n'ont ni CAP, ni BEP, ni diplôme plus élevé. En 2011, leur part était de 11,9 % (contre 13,5 % dans l'Union européenne), alors que l'Union européenne vise un objectif de sorties précoces inférieur à 10 % pour 2020, notre pays ayant, pour sa part, fixé l'objectif à 9,5 %.
Or, depuis près de dix ans, ce taux est relativement stable puisqu'il représente 12,3 % des jeunes considérés. De fait, ce taux est inférieur à celui du Royaume-Uni (15 %) et proche de celui de l'Allemagne (12 %) mais, en revanche, supérieur à ceux de la Finlande (10 %) et des Pays-Bas (9 %).
Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, deux indicateurs retiennent l'attention. Le premier a trait au taux médiocre de la réussite en première année de licence L1. À cet égard, la sénatrice Dominique Gillot relève, dans son rapport sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche que, malgré les ambitions affichées par le Plan « Réussite en licence » initié par le précédent Gouvernement, la part des inscrits en L1 accédant en L2 l'année suivante a baissé de façon continue entre 2006 et 2010, de 47,7 % à 42,3 %, bien que l'on observe une légère progression à 43 % du taux de passage en 2011.
Le deuxième indicateur est celui dont fait état le député Vincent Feltesse dans son rapport sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, selon lequel 19 % des jeunes ayant étudié dans l'enseignement supérieur en sortaient sans diplôme, soit un taux inférieur de 10 points à la moyenne des pays de l'OCDE.
En parallèle à ces rapports parlementaires, une note d'avril 2013 du Conseil d'analyse économique a examiné la situation des jeunes non qualifiés en France. Selon cette étude, près de 1,9 million de jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni à l'école, ni employés, ni en formation, entrant ainsi dans la catégorie des NEET, soit 17 % de la classe d'âge.
Pour autant, le Conseil d'analyse économique fait observer que nombre de nos voisins européens connaissent des taux d'emploi des jeunes nettement supérieurs au nôtre.
Il n'en reste pas moins que, comme l'indique l'encadré ci-dessous, ces États sont également confrontés à la question de l'échec scolaire.
Indications statistiques sur l'échec scolaire dans certains États européens L'Allemagne
D'après les données de l'Institut
fédéral pour la formation professionnelle, en 2010,
1,4 million de jeunes âgés de 20 à 29 ans
n'étaient ni scolarisés, ni en formation, soit 17,2 % de
cette classe d'âge, comme c'était déjà le cas en
2008, ce taux ayant légèrement baissé à 16,4 %
en 2009.
Le Royaume-Uni En 2012 a décroché un jeune sur trois se destinant à passer l'examen de niveau avancé (A level), examen qui doit être passé dans les deux dernières années de l'enseignement secondaire. Il est l'équivalent du baccalauréat. Dans l'enseignement supérieur, en 2012, 25 % des étudiants ont échoué à achever la première année de leur cursus dans les universités considérées comme étant les moins prestigieuses, ce taux pouvant s'élever à 45 % dans certains cas. Selon la Higher Education Statistics Agency, ce taux de décrochage a augmenté de 13 % en un an. Enfin, s'agissant des NEET, une étude a indiqué que leur nombre s'était accru de 2 % par an et qu'au second semestre de 2009, le nombre de NEET âgés de 16 à 24 ans avait augmenté de 24 000 par rapport à la même période en 2008. En 2009, il y avait 959 000 NEET au Royaume-Uni (102 ( * ) |
)
. Cette même étude a indiqué que, d'après certaines estimations, l'exclusion des NEET coûterait environ 3,7 milliards de livres par an (soit plus de 4,5 milliards d'euros par an) à l'économie britannique. Norvège Le taux de décrochage des lycéens s'établirait - presque de façon constante depuis 1994 - à 30 %, ce qui, selon certains, ne permettrait pas au Gouvernement d'atteindre l'objectif du taux de 75 % des lycéens achevant leurs études secondaires qu'il s'est fixé (103 ( * ) |
)
. |
Pour tenter de réduire l'échec scolaire, les gouvernements successifs ont mis en place depuis plus de trente ans différents outils qui ont tenté de répondre aux difficultés apparues dans chacun des cycles des enseignements primaire et secondaire. Pour se limiter au domaine de l'éducation prioritaire, M. Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire, a pu ainsi souligner le nombre, qu'il a qualifié d'impressionnant, de dispositifs concernés et de ceux qui y interviennent, en se référant au tableau ci-après, lors de son audition, le 23 juillet 2013 par la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale (104 ( * )) .
Mais, précisément, parce que ces différents outils n'ont pas permis d'enrayer réellement l'échec scolaire, la loi du 8 juillet 2013 sur la refondation de l'école se propose pour objectif de diviser par deux le nombre de sortants sans qualification.
À cette fin, la loi propose une panoplie de diverses mesures :
- dans les collèges et les lycées professionnels à taux de décrochage particulièrement élevé, un référent aura en charge la prévention du décrochage, le suivi des élèves décrocheurs en liaison avec les plateformes, la relation avec les parents, le suivi de l'aide au retour en formation des jeunes décrocheurs, en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre professionnel de niveau V ;
- tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme devra pouvoir disposer d'une durée complémentaire de formation qualifiante, qu'il pourra utiliser dans des conditions qui seront fixées par décret, et d'une attestation de son parcours et des compétences acquises ;
- des partenariats seront également noués entre l'État et les régions pour établir des objectifs conjoints de réduction du nombre de jeunes sortant de formation initiale ou présents sur le marché du travail sans qualification et pour définir les modalités d'atteinte de ces objectifs.
Ces partenariats seront élaborés avec les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) et signés par le président de la région, le recteur et le préfet.
Enfin, dans les établissements du second degré, les équipes éducatives sont appelées à se mobiliser sur la réduction de l'absentéisme, premier signe de décrochage. La lutte contre le décrochage scolaire des élèves du second degré nécessitera la création de 4 000 postes d'ici à 2017.
En vue de prévenir les risques d'échec, la loi sur l'enseignement supérieur et de la recherche - et conformément à l'objectif qu'elle impartit au service public de l'enseignement supérieur d'assurer la réussite des études - introduit deux dispositions de nature à faciliter l'orientation des lycéens et des étudiants. La première disposition s'inscrit dans une logique de renforcement du parcours intégré d'orientation dit « -3+3 ». Ce parcours doit assurer la cohérence de l'orientation de la première année de lycée à la dernière année de licence, cet objectif impartissant ainsi aux enseignants de lycée d'avoir pour objectif de préparer à la poursuite d'études à l'enseignement supérieur.
La deuxième disposition complète les missions du premier cycle d'études supérieures, afin de permettre à tout étudiant de constituer un projet personnel et professionnel, sur la base d'une spécialisation progressive des études. Cette spécialisation progressive sera facilitée par le renforcement de la pluridisciplinarité des enseignements dispensés en licence. Cette disposition tient ainsi compte des analyses, dont celle de la Cour des comptes, selon lesquelles plus un système oriente tard, plus il est performant .
Parmi les mesures destinées à prévenir l'échec scolaire, il n'est pas inutile d'évoquer une loi britannique de 2008 - The Education and Skills Act - qui fait obligation à tout jeune de rester dans le système éducatif ou d'être en formation jusqu'à l'âge de 18 ans et, ce, en vue de réduire le décrochage scolaire.
En application de cette loi, les jeunes se voient ouvrir trois possibilités :
- continuer à fréquenter à plein temps un établissement scolaire ;
- être placé en apprentissage ou être embauché dans un emploi prévoyant une formation régulière ;
- participer à une formation en alternance, si le jeune est salarié ou exerce une profession libérale durant plus de vingt heures par semaine.
Il se peut que, par cette mesure de l'allongement de la scolarité obligatoire, le gouvernement britannique en attende des effets bénéfiques, comme lors du report précédent, en 1973, à 16 ans, de l'âge de la scolarité obligatoire. Le fait que 55 % d'élèves aient alors quitté l'école à 16 ans au lieu de 30 % d'entre eux au même âge, à la suite de l'entrée en vigueur de cette loi, aurait augmenté la proportion de jeunes qualifiées de 10 points (105 ( * )) .
Faisant écho au législateur britannique, une résolution adoptée par le Parlement européen sur la stratégie Horizon 2020 approuve également le principe du report à 18 ans de l'âge de la scolarité obligatoire qui, selon lui, permet de réduire le taux de « décrocheurs » provisoires et de faciliter leur réintégration dans les établissements scolaires.
b. La contribution des dispositifs de seconde chance
Il est très probable que, si ces dispositifs de seconde chance n'existaient pas, le nombre de jeunes concernés accroîtrait les statistiques de « décrocheurs », de « sortants » non diplômés ou encore de NEET.
Au-delà de leurs particularités respectives liées aux objectifs qu'ils poursuivent, ces dispositifs concourent - dans les limites qui sont les leurs - à corriger les inégalités sociales, que renforce le système scolaire, question cruciale sur laquelle les rapporteurs reviendront.
En outre, leur nécessité tient à ce qu'ils fonctionnent dans des conditions exceptionnelles, parce que dérogeant en tout ou partie aux règles de fonctionnement des établissements traditionnels.
On peut distinguer, au sein de ces dispositifs, ceux qui affichent l'objectif de réussite scolaire et ceux qui, sans perdre de vue ce même objectif, tentent d'abord d'aider les jeunes à se réinsérer dans une structure d'enseignement.
i. Les dispositifs de la réussite scolaire
Les dispositifs de la réussite scolaire sont variés. Certains servent d'appui à la politique d'éducation prioritaire, depuis la rentrée scolaire 2011. Il s'agit du programme ECLAIR (écoles, collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) et des RRS (réseaux de réussite scolaire). Le programme ECLAIR concerne des écoles et des établissements dont les élèves rencontrent de grandes difficultés scolaires et sociales. Les RRS, pilotés au niveau académique, accueillent un public hétérogène.
D'après les données figurant dans le rapport de la mission d'information commune sur la politique d'éducation prioritaire, ces dispositifs se répartissent comme suit :
Écoles |
Écoliers |
Écoliers
|
Collèges |
Collégiens |
Collégiens % |
|
ECLAIR |
2 189 |
350 000 |
5,2 |
303 |
140 000 |
5,5 |
RRS |
4 600 |
716 000 |
10,6 |
785 |
363 500 |
14,2 |
Total EP |
7 189 |
1 066 500 |
15,8 |
1 088 |
503 500 |
19,7 |
Une partie des établissements inclus dans ces dispositifs prend part à deux importantes actions développées ci-après, à savoir les « cordées de la réussite » et les Internet d'excellence.
Les « cordées de la réussite »
Dispositif lancé en 2008 à l'échelle nationale, les « cordées de la réussite » ont pour objectif de lutter contre les inégalités sociales et d'accroître les chances de réussite des jeunes motivés issus de milieux modestes.
Les « cordées de la réussite » reposent depuis 2008 sur un partenariat établi entre un ou plusieurs établissements d'enseignement supérieur (grandes écoles, universités et IUT), des lycées comportant des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et des sections de techniciens supérieurs et des lycées et collèges « sources » relevant prioritairement des territoires de la politique de la ville. Les cordées proposent des actions diversifiées et structurantes telles que du tutorat, un accompagnement culturel et, si possible, des solutions d'hébergement (106 ( * )) .
En 2012, 326 cordées - contre 254 en 2011 - ont opéré.
Dans l'ensemble des académies, on compte, d'après les indications de l'ONISEP, plus de 2 000 établissements scolaires et plus de 50 000 collégiens et lycéens concernés.
Dans la perspective d'une plus grande ouverture sociale, les cordées se sont élargies aux collèges et lycées professionnels, notamment ceux relevant des territoires de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire (107 ( * )) . Le contenu des projets s'est également étendu aux actions culturelles, entendues dans une acception large (éducation artistique et culturelle, scientifique et technique, sportive, numérique, pratique des langues) et de nouveaux partenariats culturels.
Certaines grandes écoles ont organisé leur propre programme d'égalité des chances qui, par leur esprit, est très proche des cordées.
Il en est ainsi du programme « Une grande école, pourquoi pas moi ? » organisé par l'École polytechnique depuis 2006. Comme l'a rappelé M. Sylvain Baby, adjoint au responsable de ce dispositif, lors de l'audition publique du 13 juin 2013 (108 ( * )) , ce programme accompagne des lycéens scolarisés dans le département de l'Essonne, en vue d'effectuer des études supérieures ambitieuses. Il est né du constat que, pour réussir, il faut non seulement être bon au plan académique, mais aussi disposer d'une culture qui soit diffusée au sein des familles et avoir confiance dans le fait qu'une place est toujours possible dans les études supérieures et la société.
Au titre de ce programme, des jeunes sont accueillis chaque semaine à l'École pendant leurs trois années de lycée, où ils sont encadrés par des élèves. Ces lycéens peuvent aussi être amenés à visiter des laboratoires de recherche où ils sont accueillis par des chercheurs, des ingénieurs et des doctorants.
Les internats d'excellence
Créés en 2008, ces internats s'adressent à des collégiens, lycéens et étudiants motivés ne bénéficiant pas d'un environnement favorable pour réussir leurs études.
Pour la rentrée 2011, on avait compté plus de 10 000 internes fréquentant 26 internats d'excellence et 679 internats scolaires qui proposaient des places labellisées « internat d'excellence ».
Un rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale de 2011 et une étude de l'École d'économie de Paris ont souligné le coût élevé de ces établissements (109 ( * )) .
C'est dans ce contexte que dans sa circulaire de rentrée du mois d'avril 2013, le ministre de l'éducation nationale a fait part de sa décision de ne plus accorder des moyens budgétaires privilégiés aux internats d'excellence, déclarant que : « Pour favoriser la réussite de chacun, tous les internats dans leur diversité doivent proposer l'excellence scolaire et éducative aux élèves accueillis ».
ii. Autres dispositifs
À la différence des dispositifs exposés ci-dessus, la deuxième catégorie de dispositifs de la deuxième chance vise non pas à se focaliser principalement sur la réussite des jeunes, mais à leur permettre de reprendre leur scolarité selon des conditions particulières.
Parmi ces dispositifs, on distingue les écoles de la deuxième chance (E2C) et les micro-lycées.
Les écoles de la deuxième chance
Les écoles de la deuxième chance accueillent des jeunes ayant connu une scolarité très difficile, afin de leur permettre de nouveau de parvenir à une acquisition satisfaisante des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, raisonner, utiliser l'ordinateur et Internet.
L'enseignement de base est dispensé dans le cadre d'un parcours de formation personnalisé. Celui-ci prend en compte les problèmes personnels du jeune et l'accompagne dans un projet global d'accès à l'autonomie et d'entrée dans la vie active.
Le parcours se déroule dans les locaux de l'école de la deuxième chance et sur les sites des entreprises partenaires.
Ces écoles s'adressent aux jeunes de 18 à 25 ans sortis du système scolaire depuis au moins un an, sans diplôme ni qualification et ne présentant pas de problème d'illettrisme.
Ces jeunes sont sélectionnés à l'issue d'un entretien dans lequel la motivation est l'unique critère pris en compte.
Les micro-lycées
À la différence des écoles de la deuxième chance, les micro-lycées ont pour objectif d'amener le plus d'élèves possible vers le baccalauréat (bac L, ES ou STG) en un ou deux ans et de les accompagner dans leur projet personnel de formation. Ils suivent des cours dans les disciplines prévues par le baccalauréat auquel ils se destinent mais avec des horaires et des cadres aménagés.
Ces établissements accueillent, après un entretien, des jeunes âgés de 18 à 25 ans ayant été admis en classe de seconde mais ayant décroché d'un lycée depuis au moins six mois, sans avoir pu s'inscrire dans un établissement scolaire traditionnel et résidant à une heure de transport du micro-lycée.
Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2013, la députée Carole Delga, rapporteure spéciale au titre de l'enseignement scolaire, a indiqué que le ministre de l'éducation nationale envisagerait la création d'un micro-lycée par académie.
2. Favoriser la formation tout au long de la vie : un consensus limité
a. Un consensus influencé par l'Union européenne
L'Union européenne a joué un rôle déterminant dans l'adoption par les États-membres de mesures ou d'orientations destinées à favoriser la formation tout au long de la vie, depuis qu'elle en a lancé l'idée en 1996 en dédiant cette année à « l'éducation nationale et à la formation tout au long de la vie ».
Conformément à l'ambition affichée par la stratégie de Lisbonne arrêtée en 2000 de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici 2010 », les dispositions adoptées depuis lors - rappelées dans l'encadré ci-après - reposent sur l'idée que la formation et l'apprentissage constituent les piliers de la politique de l'emploi et concourent à la compétitivité et à la croissance. De fait, la perspective des politiques communautaires est plus large que la formation professionnelle, car elles concernent toute activité d'apprentissage entreprise à tout moment de la vie dans le but d'améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences dans une perspective personnelle et/ou liée à l'emploi.
Principales mesures et orientations adoptées par
l'Union européenne
Le Conseil européen a, dès 2002, encouragé les États à garantir aux citoyens un véritable accès à l'éducation et à la formation tout au long de leur vie de façon à élever le niveau de leurs qualifications et rester « employables » longtemps. De la période préscolaire à la retraite, le lifelong learning doit couvrir la vie entière, quel que soit le type d'apprentissage. L'adaptabilité et l'insertion professionnelle sont également deux concepts clés à intégrer dans les législations nationales. En 2004, c'est le droit à l'orientation et à la validation des acquis de l'éducation et de la formation qui est validé au niveau européen, accompagné en 2006 d'une recommandation sur les compétentes clés. Un programme européen pour l'éducation et la formation tout au long de la vie a été adopté en 2007 pour répondre aux besoins des États. « L'objectif du programme d'action dans le domaine de l'éducation et de la formation tout au long de la vie 2007-2013 est de développer et de renforcer les échanges, la coopération et la mobilité afin que les systèmes d'éducation et de formation deviennent une référence de qualité mondiale conformément à la stratégie de Lisbonne ». L'Europe ambitionne de créer un système qui coordonne l'ensemble des réseaux éducatifs pour un public diversifié et de créer un seul projet qui articulerait toutes les formes d'enseignement, formel ou non, scolaire ou non, institutionnel ou non. Ce programme d'action se décline en quatre sous-programmes sectoriels, Comenius (enseignement scolaire), Erasmus (enseignement supérieur), Leonardo da Vinci (enseignement et formation professionnelle) et Grundtvig (éducation et formation des adultes), et est accompagné d'un programme transversal. Grundtvig sert de cadre institutionnel aux parcours visant à améliorer les compétences des adultes, salariés en particulier. En 2008, un cadre stratégique de reconnaissance et de certification pour la validation des acquis est proposé par le Parlement et le Conseil européens ainsi que des incitations à promouvoir la formation des adultes d'ici à 2020 (Éducation et formation 2020). Enfin, une résolution votée en 2008 encourage les États à mettre en oeuvre une véritable politique d'égalité des chances pour l'ensemble des citoyens, incitation mise en exergue dans la communication : « Éducation et formation des adultes : il n'est jamais trop tard pour apprendre » (2006, Commission européenne) (110 ( * ) |
)
. La stratégie Europe 2020 proposée par la Commission européenne en 2011 met l'accent sur la promotion des nouvelles compétences et des nouveaux emplois, en favorisant « la mobilité professionnelle et le développement de compétences tout au long de la vie, afin d'améliorer la participation au marché du travail et d'établir une meilleure adéquation entre l'offre et la demande ». La formation professionnelle s'inscrit donc désormais comme une composante à part entière de la politique de développement économique. |
La France a formalisé le principe d'une formation professionnelle tout au long de la vie dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Cette loi marque l'étape majeure d'une conception individualisée de la formation devant permettre à chaque salarié d'être acteur de son évolution professionnelle. Elle instaure un droit individuel à la formation (DIF) accessible à tous les salariés, afin de remédier aux inégalités d'accès à la formation professionnelle. Elle généralise le recours au bilan de compétences et la validation des acquis de l'expérience (VAE) (111 ( * )) . Le DIF constitue ainsi une nouvelle modalité d'accès des salariés à la formation, au même titre que les formations retenues par l'employeur dans le plan de formation et du projet individuel du salarié formalisé dans le cadre du congé individuel de formation (CIF).
b. Un consensus dont la portée est limitée
Il apparaît que les États-membres n'ont pas réellement relayé la démarche des instances communautaires.
S'agissant de la France, le DIF n'a pas remporté le succès escompté, comme le montre une étude du CEREQ (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) (112 ( * )) . Son auteur indique que le taux d'accès au DIF a été de 6,5 % en 2010, soit une légère augmentation par rapport au taux de 6 % en 2009. Quant à la durée moyenne de ces formations, elle était de 23 heures en 2009 et de 22 heures en 2010.
Cette utilisation très limitée du DIF tient, selon certains, au comportement des différents acteurs. Ainsi, le DIF aurait-il été accueilli avec la plus grande frilosité par la majorité des employeurs, lesquels auraient craint de ne pas maîtriser les coûts de la formation (113 ( * )) .
Quoi qu'il en soit, le DIF devrait être remplacé par le compte personnel de formation (CPF), instauré par l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels.
Aux termes de l'accord national interprofessionnel, toute personne, qu'elle soit salariée ou demandeur d'emploi, dispose d'un CPF dès son entrée sur le marché du travail, et ce, jusqu'à son départ à la retraite.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui transcrit l'accord national interprofessionnel, prévoit que d'ici au 1 er janvier 2014, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés procèdent aux adaptations nécessaires des stipulations conventionnelles interprofessionnelles, en vue de la substitution du CPF au DIF, ce à quoi est parvenu l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 relatif à la formation professionnelle. Dès le 15 janvier 2015, chaque salarié disposera du CPF permettant un accès à une formation qualifiante pour progresser dans son emploi et sa carrière. Entièrement portable tout au long de la vie professionnelle, il sera alimenté jusqu'à 150 heures, qui peuvent être complétées par l'employeur, les pouvoirs publics ou par le futur compte personnel de prévention de la pénibilité.
La loi du 11 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche consolide le statut de la formation tout au long de la vie dans le droit français, en l'incluant dans les missions de l'enseignement supérieur.
Cette disposition et le futur compte personnel de formation doivent ainsi continuer à élever le niveau de formation des salariés mais aussi, dans certains cas, leur promotion sociale.
Ce développement de la formation tout au long de la vie peut notamment permettre la formation d'un plus grand nombre d'ingénieurs maison, dont l'effectif est moins élevé qu'en Allemagne (114 ( * )) .
Mais au-delà, il apparaît aux rapporteurs que la formation tout au long de la vie doit aussi être l'occasion de favoriser le partage et la compréhension des CSTI . C'est pourquoi ils estiment qu'il conviendrait, à l'exemple des écoles pour adultes existant en Finlande, dont l'objet est de permettre aux adultes de compléter leurs connaissances, d'intégrer des formations scientifiques, techniques et industrielles dans les dispositifs de formation continue et tout au long de la vie . Ce serait le pendant, pour les salariés, de la même proposition qui sera formulée pour les enseignants.
De telles formations pourraient prendre, par exemple, la forme de modules sur la méthodologie des sciences et l'histoire des sciences et des techniques.
Pas plus qu'en France, la notion de formation tout au long de la vie ne semble avoir connu un réel succès en Allemagne. Une analyse comparative du système allemand de formation (115 ( * )) souligne le faible taux de la participation des personnes âgées de 25 à 64 ans à des offres de formation d'une durée de quatre mois au moins. En 2006, ce taux s'est élevé à 7,5 % en ce qui concerne l'Allemagne, contre 20 % pour les pays scandinaves et 33 % pour le Royaume-Uni.
S'agissant de l'Allemagne, c'est le 23 avril 2008 que le gouvernement allemand a transposé la notion de formation tout au long de la vie dans le cadre d'un programme appelé « initiatives pour la qualification ». Ces initiatives touchent des publics et comportent des objectifs variés :
- mesures en vue d'améliorer les chances de formation en faveur des enfants âgés de moins de six ans ;
- mesures destinées à faciliter la transition de l'école à l'université ;
- création de plus de 90 000 places de formation supplémentaires pour les étudiants débutants et ce, jusqu'à 2010, dans le cadre du pacte pour les universités (116 ( * )) ;
- attention accrue à la technique et aux sciences de la vie ;
- amélioration des chances des femmes.
Quoi qu'il en soit, la situation contrastée des États-membres dans le domaine de la formation tout au long de la vie tiendrait, selon une spécialiste (117 ( * )) , au fait que, par-delà les orientations communes qu'impulsent les politiques communautaires, chaque pays reste marqué par de fortes spécificités. En ce qui concerne, par exemple, la formation continue, la France a, jusqu'à présent, persisté à dissocier la formation initiale de la formation continue (118 ( * )) , à la différence de l'Allemagne où la formation en alternance bénéficie à la fois aux jeunes et aux entreprises. Mais l'impulsion nouvelle donnée à la formation tout au long de la vie qui a été évoquée précédemment devrait changer très sensiblement la donne.
B. LA PROMOTION DE L'EXCELLENCE DES SYSTÈMES D'ÉDUCATION ET DE RECHERCHE
Les idées d'excellence et de compétitivité des systèmes d'éducation et de recherche qui étaient, comme on l'a vu, au coeur de la stratégie de Lisbonne, ont été confortées par divers classements internationaux, lesquels sont devenus des éléments importants du débat public sur l'efficacité des politiques d'éducation et, dans certains États-membres, des catalyseurs de réforme.
La compétition qui touche ainsi les différents systèmes éducatifs s'étend également aux systèmes de recherche qui, à travers leur capacité à innover, sont considérés comme des leviers de la croissance et des politiques de l'emploi.
1. Le rôle des classements internationaux
a. Un élément important du débat public sur l'efficacité des politiques d'éducation
Les classements internationaux concernent l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. Ils suscitent d'intenses controverses, en particulier en France.
i. Les classements internationaux de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur
Les classements de l'enseignement scolaire
Les classements les plus cités sont PISA et PIRLS.
PISA
PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) est une enquête de l'OCDE menée tous les trois ans auprès des jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l'OCDE et de nombreux pays partenaires.
Les tests portent sur la compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique et se présentent sous la forme d'un questionnaire de fond. Lors de chaque évaluation, un sujet est privilégié par rapport aux autres : en 2000, la compréhension de l'écrit, en 2003, la culture mathématique, en 2006, la culture scientifique. En 2009, le cycle entamé en 2000 a recommencé.
Plutôt que la maîtrise d'un programme scolaire précis, PISA teste l'aptitude des élèves à appliquer des connaissances acquises à l'école aux situations de la vie réelle.
PISA vise aussi, d'une part, à identifier les facteurs de succès exogènes, notamment le milieu socio-économique et culturel des familles, le cadre scolaire offert par l'établissement et le système éducatif national et, d'autre part, des facteurs subjectifs tels que la motivation des élèves, l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes et les stratégies d'apprentissage qu'ils mettent en oeuvre.
Les élèves sélectionnés (119 ( * )) dans chaque pays doivent passer des tests écrits avec des questions ouvertes ou à choix multiples.
PIRLS
PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire en CM1) est une initiative de l'Association internationale pour l'évaluation des acquis scolaires. Il s'agit d'une association scientifique indépendante à but non lucratif, dont la mission principale est de mettre en oeuvre des études comparatives à l'échelle internationale sur l'évaluation de la réussite scolaire des élèves.
L'enquête PIRLS évalue les connaissances et non les compétences - à la différence de PISA - des filles et des garçons âgés de 9-10 ans à la fin de la quatrième année de scolarité obligatoire, soit le CM1 en ce qui concerne la France. PIRLS met l'accent sur trois aspects des compétences en ce qui concerne la lecture de textes littéraires et informatifs : les processus de compréhension, les buts de la lecture et les comportements, ainsi que les attitudes à l'égard de la lecture, à l'école et à la maison.
Reconduite tous les cinq ans, l'enquête s'est déroulée en 2001, 2006 et 2011. Cette enquête permet ainsi de comparer les systèmes éducatifs de 49 pays afin d'améliorer l'enseignement et l'apprentissage de la lecture dans le monde.
En 2011, les élèves français obtiennent un score moyen de 520, pour une moyenne internationale fixée à 500. Les quatre pays ayant obtenu les meilleurs résultats sont Hong Kong (571), la Russie (568), la Finlande (568) et Singapour (567).
Comparés aux résultats des pays géographiquement et économiquement proches, les élèves français se trouvent surreprésentés dans le groupe de niveau le plus faible et sous-représentés dans le groupe le plus fort. Les scores du groupe le plus fort montrent une moindre réussite des élèves français par rapport à leurs camarades européens.
Les performances des jeunes français varient selon les activités de lecture : alors que celles qui relèvent de la lecture de textes narratifs sont stables, celles qui concernent la lecture de textes informatifs diminuent depuis 2001.
Les écoliers français sont toujours les plus nombreux à ne pas terminer leurs épreuves et à s'abstenir de répondre lorsqu'il leur est demandé de rédiger.
Les classements de l'enseignement supérieur
Le pionnier des classements universitaires est celui que publie l'US News and World Report pour les universités des États-Unis depuis 1983. Ce classement prend en compte de très nombreux indicateurs (notamment une évaluation par les pairs, la capacité à conserver les étudiants, la « valeur ajoutée » de l'université en fonction des caractéristiques des étudiants).
L'objectif initial du classement de l'Université Jiao Tong de Shanghai, apparu en 2003, était de situer les universités chinoises par rapport à leurs homologues internationales, à partir de données comparables et vérifiables par tous, ce qui constitue la principale force de ce classement.
Les indicateurs employés (nombre de prix Nobel et de médailles Fields, nombre d'articles de référence au niveau international, etc .) concernent uniquement la recherche, à l'exception de toute considération de l'enseignement dispensé et des autres débouchés professionnels.
Le classement britannique du Times Higher Education est, quant à lui, fondé sur une évaluation, non seulement de la recherche, mais aussi de l'enseignement. Sa philosophie est fondamentalement différente de celle du classement de Shanghai car il prend aussi en compte les opinions d'experts académiques et de recruteurs, donc la réputation des établissements.
D'autres classements internationaux ont été publiés, notamment celui de l'École des mines de Paris, qui réagit aux deux précédents en se fondant sur un indicateur unique : le nombre d'anciens étudiants figurant parmi les dirigeants exécutifs des 500 plus grandes entreprises mondiales par le chiffre d'affaires.
ii. Les contestations suscitées par ces classements
Certains mettent en cause la pertinence de la méthode utilisée par certains de ces classements. D'autres, en revanche, estiment qu'ils constituent des outils pour une meilleure connaissance des systèmes éducatifs nationaux.
Pour se limiter à la France, les critiques touchent principalement PISA et le classement de Shanghai.
S'agissant de PISA, une récente étude (120 ( * )) propose de ne pas s'arrêter au seul classement entre les pays, lequel a un fort impact médiatique, mais de convertir les résultats obtenus par les élèves de chaque pays en une note correspondant aux systèmes de notation belge, français et suisse (121 ( * )) .
Dans cette étude, le classement demeure mais on mesure mieux les écarts entre les différents pays. L'écart, par exemple, entre la Finlande et la France, qui était de 16 places en 2009 pour la lecture, correspond, en écart de notes, à 0,9/20, les élèves finlandais obtenant une note de 11/20 alors que ceux de la France une note de 10,1/20. Plus globalement, l'écart entre les extrêmes fait culminer la Corée et la Finlande à 11/20 alors que le dernier - le Mexique - obtient 8,7/20. L'écart maximal est donc de 2,3 points sur 20.
M. Bruno Suchant observe, dès lors, que : « On voit bien ainsi que dire, par exemple, que la France est classée au 18 ème rang sur les 34 pays de l'OCDE n'invite pas aux même commentaires que de dire que le premier pays du classement ne dépasse la France que de 0,9 point sur une échelle de 0 à 20. Les notes permettent donc, pour le grand public, plus que les scores d'origine, de mieux percevoir et de relativiser les différences entre les pays ».
Pour ce qui est de l'importance de l'influence du milieu social sur les résultats des élèves, M. Suchant relève que : « Pour la France, cet impact du milieu social est de 51 points dans l'échelle de PISA, soit 1 point dans l'échelle de notation française (de 0 à 20), ce qui est du même ordre que l'écart de performances moyennes entre le Portugal (22 ème dans le classement) et la Finlande 12 ème du classement »
D'autres analyses ont regretté que PISA se concentre sur les résultats des élèves durant ou à la fin de leur scolarité sans connaître les progrès que ces élèves ont accomplis depuis qu'ils ont commencé leur scolarité. Les auteurs de ces analyses plaident, par conséquent, pour des études longitudinales qui prennent en compte les acquis des enfants depuis le début de leur scolarité.
Le classement de Shanghai n'est pas non plus épargné par de sévères critiques. À cet égard, l'Académie des sciences relève que : « La France est le seul pays à se considérer comme étant maltraité par les classements et indicateurs internationaux et refuse d'utiliser des indicateurs bibliométriques de qualité dans ses rapports sur l'état de la recherche française dans le contexte international » (122 ( * )) .
Les remarques formulées par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le site de son ministère confirment les observations de l'Académie des sciences.
Ainsi, Mme Geneviève Fioraso rappelle-t-elle les raisons pour lesquelles les critères employés par le classement de Shanghai sont bien davantage adaptés aux universités anglo-saxonnes qu'aux universités européennes :
- accent mis sur un faible nombre d'universités et absence de prise en compte des recherches menées dans des organismes beaucoup plus développés en Europe, et notamment en France, tels que le CNRS, qui est au premier rang mondial pour les publications scientifiques ;
- sous-représentation des recherches en sciences humaines et sociales et surreprésentation des recherches en sciences de la vie. En France, les recherches en sciences de la vie sont menées en grande partie par des organismes de recherche : CNRS, INSERM, Direction des sciences du vivant du CEA, INRA, Ifremer, Institut Pasteur ;
- non-prise en compte de l'enseignement, du nombre d'étudiants accueillis, de leur insertion professionnelle. Le classement de Shanghai s'intéresse aux universités sélectives, et même très sélectives (123 ( * )) .
C'est pourquoi Mme Geneviève Fioraso voudrait
- comme ce fut aussi le cas de Mme Valérie
Pécresse
(124
(
*
))
, alors ministre de l'enseignement supérieur
et de la recherche - que l'Europe instaure son propre système de
classement appelé
U-Multibank
. Ce dispositif, dont la
première édition doit avoir lieu au printemps 2014, reposera sur
des critères relatifs à l'enseignement et aux formations, au
rayonnement régional, à la recherche, à l'innovation et au
transfert de connaissances.
700 établissements dans le monde, parmi lesquels 80 sont français, sont impliqués dans ce projet, dont l'ambition est de mettre en relief de façon plus pertinente l'attractivité internationale de nos universités et d'offrir aux étudiants un outil plus efficace de leur orientation.
Quoi qu'il en soit, si ces différents classements suscitent des contestations, ils n'en exercent pas moins une forte influence sur les décideurs, les chercheurs et le public.
Ainsi, PISA s'est-il positionné, dès le départ, comme un programme tourné vers les décideurs publics, ce qui impliquerait un rythme d'enquête soutenu, permettant aux responsables gouvernementaux de pouvoir utiliser les données dans le pilotage des systèmes éducatifs.
À cet égard, on a fait remarquer, à propos de la dernière enquête PIRLS (2012) que « Si ce n'était une solide étude internationale, on pourrait croire que l'enquête PIRLS a été commandée par le ministre de l'éducation nationale pour justifier sa politique et pour répondre à tous ceux qui s'affolent ou s'insurgent de voir le Gouvernement déverser tant de milliards dans le Tonneau des Danaïdes de l'école et recruter des enseignants par dizaines de milliers » (125 ( * )) .
S'agissant du classement de Shanghai, le sénateur Joël Bourdin a fait état d'une enquête auprès des établissements français afin d'évaluer leur perception des classements internationaux.
Cette enquête, dont les résultats sont indiqués dans l'encadré ci-après, a porté sur 106 établissements, dont 84 universités et 22 grandes écoles. Joël Bourdin relève que « malgré une critique assez généralisée des indicateurs servant à construire les classements, ceux-ci sont néanmoins acceptés comme des « règles du jeu » par la majorité des établissements » (126 ( * )) .
Les classements internationaux :
71 % des établissements estiment en effet que le classement de Shanghai est globalement « utile ». 14 % des établissements estiment, au contraire, que le classement de Shanghai est inutile et 15 % qu'il est même nuisible. Exprimant les sentiments ambivalents existant très généralement à l'égard du classement de Shanghai, 4 établissements ont répondu qu'il était à la fois « utile » et « nuisible ». Ce point de vue reflète le sentiment que le classement de Shanghai a simultanément des effets positifs et des effets pervers. Les trois-quarts des chefs d'établissement connaissent aussi le classement et les indicateurs du Times Higher Education. A contrario , 24 % déclarent, en revanche, n'en avoir pas connaissance. Les classements internationaux sont un baromètre accepté. Ils influencent par conséquent les stratégies des établissements. En effet : - d'une part, 61 % des dirigeants d'établissement ont pour objectif explicite d'améliorer leur rang dans le classement de Shanghai ; - d'autre part, 83 % ont pris des mesures concrètes destinées à améliorer leur rang dans les classements internationaux. * * * Les questions suivantes ont été posées à 106 dirigeants d'établissements français, avec un taux de réponse de 75 % : Quelle est votre opinion générale sur l'utilité du classement de Shanghai ?
Avez-vous pour objectif explicite d'améliorer votre rang dans le classement de Shanghai ?
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En ce qui concerne les chercheurs, grâce aux bases de données constituées par les évaluations internationales, ils peuvent établir des typologies des systèmes éducatifs, en mettant en lumière les variations sur le long terme des résultats selon les effets des politiques publiques. En matière d'évaluation des politiques éducatives, ces typologies permettent des analyses statistiques des indicateurs de performances des systèmes et des schémas institutionnels, fruits des choix politiques.
Enfin, on peut observer que la publication des résultats des classements dans la presse - laquelle ne se refuse jamais à s'en faire l'écho de façon retentissante - donne très souvent lieu à de nombreux commentaires sur les performances et défaillances du système éducatif français, au regard de celles des systèmes étrangers. Ces réactions et cet intérêt ne sont pas sans lien avec le fait que l'éducation représente une part non négligeable du PIB (127 ( * )) et que, dans l'esprit du public, la qualité du système éducatif est l'un des facteurs conditionnant l'emploi, celui des jeunes en particulier.
b. Un catalyseur de réformes dans certains États
Les exemples de l'Allemagne et de la France montrent dans quelles conditions les classements internationaux ont impulsé certaines réformes.
i. L'Allemagne
Dans nul autre pays de l'OCDE que l'Allemagne la publication des résultats de PISA n'a provoqué un choc, que les Allemands appellent le « PISA Schock ».
En effet, cette enquête a provoqué une remise en cause de la perception qu'avaient les Allemands de leur système éducatif et même de leurs valeurs sociales et culturelles (128 ( * )) . D'autres enquêtes internationales comparatives avaient déjà souligné les faibles performances de l'Allemagne, notamment en mathématiques, mais elles n'étaient connues que des élites.
La nouveauté de PISA a consisté à toucher le grand public et à générer une attente politique nouvelle. Alors que le champ de la politique éducative ne constituait pas un sujet politique majeur jusqu'au milieu des années 90, la conviction de plus en plus répandue d'un lien fort entre la compétitivité économique et la performance éducative a constitué le terreau fertile du choc PISA. Il ne s'agissait plus uniquement de questions éducatives mais d'enjeux de déclin ou de prospérité nationale, ce qui a propulsé le sujet en tête des priorités.
Les résultats de PISA, dès le début du programme, ont montré que l'Allemagne figure parmi les pays dans lesquels la réussite éducative est la plus étroitement corrélée au milieu socioéconomique. Dans ce pays où les régions sont traditionnellement jalouses de leurs prérogatives en matière d'éducation, le choc PISA s'est notamment traduit par le fait que tous les Länder ont approuvé l'introduction de standards nationaux au début de l'année scolaire 2004-2005. Le consentement à l'instauration de standards et d'une structure nationale qui s'assure du respect de ces normes auraient été inconcevables sans l'impact de l'étude PISA.
L'évaluation internationale a également eu des conséquences importantes sur le discours éducatif et la recherche en éducation en Allemagne. Une priorité à la recherche empirique concernant les pratiques éducatives les plus efficaces a été clairement affirmée, au point que certains auteurs ont évoqué une restructuration de la discipline « éducation » en Allemagne.
En revanche, si l'agenda des réformes en cours s'est focalisé sur certains aspects (standards nationaux, mesures d'assurance qualité, enseignement centré sur les compétences), d'autres ont été négligés. Ainsi, il y a eu peu de débat sur la question sensible de la sélection des élèves à l'entrée de l'enseignement secondaire outre-Rhin, alors même que de nombreux experts attribuent justement une grande partie des mauvais résultats allemands dans PISA au tri trop précoce des élèves entre des filières fortement différenciées. Pour autant, avant même que les bons résultats enregistrés par l'Allemagne, lors de l'enquête PISA 2012 (129 ( * )) , n'aient été publiés, certains Länder ont réfléchi à une réforme de cette procédure de sélection. En outre, certains font remarquer (130 ( * )) que ces mêmes bons résultats seraient notamment dus au fait que davantage d'élèves sont entrés au lycée.
Quoi qu'il en soit, la référence à PISA
demeure très prégnante dans le débat public en Allemagne,
comme l'illustrent deux initiatives. La première est l'idée
qu'avait lancée la ministre de l'éducation et de la recherche en
2007 d'organiser, au sein de l'Union européenne, un PISA de la formation
professionnelle. Il s'agirait ainsi de permettre une comparaison entre les
formations professionnelles acquises en Allemagne de façon non
académique
- dans le cadre du système dual qui combine
formation théorique et apprentissage - et les formations
dispensées dans d'autres États par des voies
académiques.
Cette idée a toutefois été très vivement critiquée par le patronat allemand qui a considéré qu'un tel dispositif porterait préjudice au système dual de l'Allemagne.
À la différence de cette première initiative, la deuxième a débouché sur la décision du gouvernement fédéral d'affecter une dotation supplémentaire de 12 milliards d'euros pour l'enseignement et la recherche (soit six milliards pour chacun de ces domaines) au cours des années 2010-2013. Or, pour justifier cette décision, qui est allée au-delà des engagements électoraux de la coalition gouvernementale précédente, le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche a fait valoir que les États bien classés dans l'enquête PISA confirment l'existence d'un lien entre taux élevé de croissance de PIB et niveau de formation élevée .
Il y a lieu de penser que les bons résultats enregistrés par l'Allemagne à la dernière enquête PISA inciteront le gouvernement fédéral et les Länder à poursuivre la réforme du système éducatif.
ii. La France
D'après une étude récente (131 ( * )) , jusqu'en 2004, le débat sur PISA a d'abord été une affaire d'initiés. Ainsi, les experts du ministère ont-ils insisté sur les biais méthodologiques, pendant que les syndicats d'enseignants et de nombreux acteurs éducatifs s'étaient satisfaits de ces réticences ou avaient renforcé leurs réserves de principe envers une évaluation externe conduite par l'OCDE.
La publication des résultats de l'enquête de 2006 a marqué une rupture qui s'est traduite par une plus grande utilisation de l'enquête dans les discours politiques et l'installation de ce sujet dans le paysage médiatique français.
Les critiques formulées par la Cour des comptes dans son étude de 2010 sur les inégalités scolaires et sociales dans le système éducatif ont renforcé celles émises sur les résultats de la France figurant dans les enquêtes de 2006 et 2009.
De fait, les débats intervenus lors de la discussion du projet de loi pour la refondation de l'école ne pouvaient pas ne pas en tenir compte. C'est ainsi que l'annexe de la loi du 8 juillet 2013 sur la refondation de l'école fait elle-même référence aux résultats des enquêtes de l'OCDE (c'est-à-dire ceux de PISA), soulignant les inégalités dans le système scolaire français : « Ces inégalités mettent à mal la promesse républicaine qui est de permettre la réussite de tous. La refondation doit conduire à une réduction de l'impact des déterminismes sociaux et de toutes les inégalités et discriminations ».
Les résultats médiocres des élèves français révélés par la dernière enquête PISA 2012 (132 ( * )) confirment malheureusement ces observations de l'annexe de la loi pour la refondation de l'école et l'urgence d'un redressement.
2. L'inflexion des politiques universitaires et de recherche
Cette inflexion, que l'on constate en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, repose sur la conviction selon laquelle ces États ne pourront faire face à la concurrence des pays émergents que grâce à la constitution de centres universitaires et de recherche d'excellence, capables de développer des innovations, au besoin en synergie avec l'industrie.
Cette évolution, intervenue depuis plusieurs années déjà, a été accentuée par le programme Horizon 2020 de l'Union européenne.
a. La compétitivité : une nouvelle dimension de ces politiques
i. La France
De la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche à la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, en passant par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, la stratégie nationale de la recherche et d'innovation de juillet 2009 et la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir, s'est constamment affirmée la volonté des gouvernements de mieux assurer les synergies entre le monde académique et l'industrie, en vue de combler le retard persistant de la France par rapport aux autres pays européens (133 ( * )) et, corrélativement, de mieux valoriser les résultats de la recherche par la mise en oeuvre d'une stratégie de l'innovation.
Ainsi, l'institution du grand emprunt par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 a permis, à travers le programme des investissements d'avenir, de donner un nouvel élan à l'enseignement supérieur et à la recherche, lesquels ont bénéficié de dotations d'un montant de 22 milliards d'euros sur le montant total de 35 milliards prévus pour le programme.
Comme le souligne l'Académie des sciences : « le point fort des grands investissements d'avenir est l'apport à la recherche et aux universités de sommes rarement reçues auparavant. La force des différents programmes lancés par le Commissariat aux grands investissements (Equipex, labex, Idex, IHU, etc .) était de permettre une réactivité forte et rapide (achat de matériels importants, embauches immédiates, etc .) avec une vision stratégique à cinq, voire dix ans et un financement garanti » (134 ( * )) .
Dans le même esprit, M. Claude Birraux, alors premier vice-président de l'OPECST, a relevé que le grand emprunt et les appels à projets compétitifs avaient suscité un espoir et un engouement certain auprès de la communauté scientifique et des équipes de chercheurs (135 ( * )) .
Pour autant, M. Claude Birraux a notamment critiqué l'insuffisante intégration de la grande majorité des projets retenus dans la dimension européenne, nécessaire à ses yeux, pour permettre à l'Europe de faire face à la concurrence des États-Unis et des pays émergents (136 ( * )) .
Pour d'autres membres de l'OPECST ou membres de son conseil scientifique, le dispositif des investissements d'avenir est complexe et souffre de lourdeurs bureaucratiques (137 ( * )) .
ii. L'Allemagne
Les mesures prises par l'Allemagne reposent sur deux piliers :
- l'initiative d'excellence ( Exzellenz initiative ) ;
- le pacte pour la recherche et l'innovation.
L'initiative d'excellence
Résultant d'un accord conclu en 2005 entre le gouvernement fédéral et les Länder (138 ( * )) , cette initiative d'excellence se propose d'encourager les projets et institutions de recherche des universités jugées excellentes.
Cette initiative a été justifiée par le fait que, comme le rappelle la DFG ( Deutsche Forschungsgemainschaft - communauté allemande pour la recherche), il convient de renforcer - de façon double - la recherche dans les universités allemandes à travers une concurrence qui les rendront plus visibles au plan mondial.
C'est ainsi que 85 institutions d'excellence ont été sélectionnées à l'occasion de deux vagues d'appels à projets en 2006-2007 :
- 39 écoles d'enseignement supérieur destinées à encourager les jeunes chercheurs jugés prometteurs ;
- 37 clusters d'excellence, dont la fonction est de soutenir la recherche de pointe ;
- 9 universités d'excellence à qui il incombe d'élaborer des concepts d'avenir : il s'agit d'une stratégie de recherche à long terme, que les universités doivent développer au moins avec une école d'enseignement supérieur et un cluster d'excellence, afin de figurer dans le groupe de tête au plan international. Du fait de la diversité des acteurs, cette stratégie est de nature pluridisciplinaire.
Une dotation d'un montant de près de deux milliards d'euros a été accordée à l'ensemble des institutions sélectionnées au titre de la période 2006-2012.
Le 15 juin 2012, le programme d'initiative d'excellence a été reconduit pour une nouvelle période de cinq ans, jusqu'en 2017. Sur les 85 projets qui avaient été financés jusqu'en 2012, 15 n'ont plus été subventionnés (6 écoles d'enseignement supérieur, 6 clusters d'excellence et 3 universités d'excellence).
Les institutions qui ont été re-sélectionnées bénéficieront de dotations d'un montant total de 2,7 milliards d'euros.
Le montant des dotations peut paraître nettement moins élevé que celles du programme des investissements d'avenir. Mais elles ne constituent qu'une partie des dépenses de recherche, l'Allemagne étant sur le point d'atteindre le taux de 3 % des dépenses de recherche par rapport au PIB fixé par la stratégie de Lisbonne, ces dépenses ayant représenté 2,9 % du PIB - contre 2,25 % pour la France - en 2011, d'après une déclaration du ministère fédéral de l'éducation et de la recherche du 6 novembre 2012.
Si le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche se félicite d'une telle évolution, certains soulignent, en revanche, les effets pervers que pourrait comporter l'initiative d'excellence et la hiérarchisation des universités allemandes sur laquelle elle débouche (139 ( * )) . Ainsi, d'après l'étude de M. Wolfgang Lieb, cet accent mis sur la recherche se ferait au détriment de l'enseignement, lequel perdrait en importance. M. Lieb, citant une analyse, fait valoir que, dans tous les clusters, le nombre d'heures d'enseignement réglementaire des professeurs nouvellement nommés aurait réduit de moitié, au motif qu'il faut permettre aux professeurs de qualité d'affronter la concurrence dans les meilleures conditions.
Surtout, M. Lieb critique l'accroissement des inégalités entre les neuf universités d'élite, qui concentrent plus de 58 % des subventions, et les autres.
Le pacte pour la recherche et l'innovation
Pour la période 2005-2010, le gouvernement fédéral et les Länder ont conclu un pacte concernant les conditions de versement des subventions aux principales organisations de recherche : Helmholtzgesellschaft, Leibniz Gesellschaft, Max Planck Gesellschaft et la Deutsche Forschungsgemeinschaft.
Un deuxième pacte - doté de près de 5 milliards d'euros - a été conclu pour la période 2011-2015, aux termes duquel les subventions accordées à ces organisations augmenteront de 5 % par an en contrepartie de leur engagement à poursuivre les objectifs en matière de politique de la recherche que l'État fédéral et les Länder ont inscrit dans le pacte pour la recherche et l'innovation :
- développer le système scientifique de façon dynamique ;
- mettre en réseau le système scientifique dans un objectif de performance accrue ;
- développer et mettre en oeuvre de nouvelles stratégies de coopération internationale ;
- établir des partenariats durables entre la science et l'économie ;
- permettre à la science allemande d'être, de façon durable, parmi les meilleures.
iii. Le Royaume-Uni
Depuis 1986 existe un système d'évaluation de la recherche accomplie par les institutions de l'enseignement supérieur britanniques, appelé Research Assessment Exercise (RAE). Ce sont les quatre conseils en charge du financement de l'enseignement supérieur (HEFCE, SHEFC, HEFCW, DELNI) (140 ( * )) qui procèdent à cette évaluation.
Cette évaluation repose, depuis 2008, sur un barème à quatre points, dont les trois plus élevés font respectivement référence au rayonnement mondial, à l'excellence internationale ou à la reconnaissance de l'université au plan international, en termes d'originalité, d'importance et de rigueur.
Le niveau le plus bas prend en compte la reconnaissance au plan national.
Certains ont souligné les effets désastreux, selon eux, de ce dispositif sur le système de l'enseignement supérieur du Royaume-Uni, lequel a conduit à la fermeture de départements qui étaient dotés pourtant d'un profil fort dans le domaine de la recherche et dont les étudiants avaient été bien recrutés.
D'autres, en revanche, estiment que le RAE a eu des effets positifs, en ayant stimulé les universités, à travers le management de leur recherche et en assurant que l'emploi des dotations viserait à atteindre la recherche d'excellence.
b. Une évolution accentuée par le programme Horizon 2020 de l'Union européenne
i. Le programme Horizon 2020
Le 30 novembre 2011, la Commission européenne présentait trois propositions d'actes législatifs relatifs au huitième programme-cadre, rebaptisé « programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 » » :
- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 » ;
- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 (2014-2020) et les règles de diffusion des résultats » ;
- une proposition de décision du Conseil établissant le programme spécifique d'exécution du programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 ».
Trois autres projets d'actes législatifs sont rattachés à ce paquet et portent sur les points particuliers suivants :
- une proposition de règlement du Conseil sur le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l'énergie atomique (2014-2018) complétant le programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 » ;
- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 294/2008 portant création de l'Institut européen d'innovation et de technologie ;
- une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant le programme stratégique d'innovation de l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT) : « la contribution de l'EIT à une Europe plus innovante ».
En présentant le paquet « Horizon 2020 », la commissaire chargée de la recherche, de l'innovation et de la science, Mme Máire Geoghegan-Quinn a expliqué ainsi la philosophie du programme : « Une nouvelle vision de la recherche et de l'innovation en Europe est nécessaire en ces temps de profonds changements économiques. Horizon 2020 stimule directement l'économie et préserve notre base scientifique et technologique et notre compétitivité industrielle pour le futur ».
Dans cette perspective, le programme Horizon 2020 repose sur trois piliers :
- le premier pilier a pour objet de renforcer l'excellence scientifique de l'Union européenne ;
- le deuxième pilier se propose de conserver et d'asseoir la primauté industrielle de l'Europe à travers, notamment, le financement de trois catégories d'actions : les technologies clés génériques et industrielles porteuses des principales ruptures scientifiques en maturation ; le soutien au financement à risque, afin de créer un effet de levier sur les investissements privés et le capital-risque ; et, enfin, la stimulation de l'innovation dans les PME ;
- le troisième pilier a pour ambition de répondre aux défis sociétaux, en vue d'améliorer la santé et le bien-être des Européens. La Commission européenne a ainsi sélectionné les défis portant sur les thèmes suivants : santé, évolution démographique et bien-être, sécurité alimentaire, agriculture durable, recherche marine et maritime et bio-économie ; transports intelligents, propres et efficaces ; lutte contre le changement climatique, utilisation efficace des ressources et matières premières ; sociétés inclusives, novatrices et sûres.
Le 17 juillet 2013 est intervenu un accord au sein du Conseil - et que le Parlement européen a approuvé le 21 novembre 2013 -, aux termes duquel une dotation d'environ 70 milliards d'euros - et non plus 80 milliards d'euros, comme l'avait proposé la Commission européenne à l'origine - est affectée au financement du programme.
ii. La prise en compte du programme Horizon 2020 par les États-membres
La France
En réaction aux critiques - rappelées précédemment - qui ont été formulées notamment quant à l'insuffisante intégration de la dimension européenne de projets retenus dans le cadre des investissements d'avenir, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche impartit, dans son article 15, au ministre chargé de la recherche, de veiller à la cohérence de la stratégie nationale de la recherche avec celle élaborée dans le cadre de l'Union européenne.
Au demeurant, l'objet même de cette stratégie nationale de recherche et la définition des missions du service public de l'enseignement supérieur font parfaitement écho aux orientations du programme Horizon 2020.
De fait, aux termes de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013, la stratégie nationale de la recherche vise à répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux, en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau. Elle comprend la valorisation des résultats de la recherche au service de la société.
C'est aux mêmes exigences que doit satisfaire le service public de l'enseignement supérieur, en application de l'article 10 de la loi du 22 juillet 2013, puisque l'une de ses missions est de soutenir la valorisation des résultats de la recherche au service de la société.
À cet effet, il veille au développement de l'innovation, du transfert de technologie lorsque celui-ci est possible, de la capacité d'expertise et d'appui aux associations et fondations, reconnues d'utilité publique, et aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et du développement durable.
L'Allemagne
S'interrogeant sur l'importance que revêt le programme Horizon 2020 pour l'Allemagne, une étude de M. Stephan Mengol, chef du service des programmes communautaires de recherche au ministère fédéral de l'éducation et de la recherche, identifie trois orientations principales :
- porter la stratégie High Tech vers l'Europe. Cette stratégie, élaborée par le gouvernement fédéral, a pour objet de faire de l'Allemagne le précurseur des solutions devant être apportées à des défis globaux. À cet effet a été sélectionnée une dizaine de champs qui sont jugés représentatifs de ces défis, parmi lesquels figurent le climat, l'énergie, la santé, l'alimentation, la mobilité, la sécurité et la communication, tous thèmes correspondant aux défis sociétaux du programme Horizon 2020.
Le gouvernement fédéral a affecté une dotation de 27 milliards d'euros pour la période 2010-2013 à cette stratégie ;
- développer l'ouverture à l'international des universités allemandes et, par ce truchement, favoriser une coopération dans l'ensemble de l'Europe ;
- faire face à la pression de la concurrence exercée sur les systèmes nationaux d'innovation.
Le Royaume-Uni
Commentant les résultats de l'accord interinstitutionnel intervenu le 17 juillet 2013, M. David Willets, ministre des universités et de la science, s'est félicité que le programme Horizon 2020 tire la recherche et l'innovation vers l'excellence.
Il a insisté sur la nécessité d'une cohérence entre les priorités des États-membres et celles retenues par le programme. Il a observé, sur ce point, que cette cohérence devrait être respectée compte tenu que le programme Horizon 2020 s'attache à répondre à des défis auxquels les États-membres sont également confrontés.
Il a également mis en garde contre les effets pervers des réglementations susceptibles d'entraver la croissance, dont Horizon 2020 est un élément clé. C'est pourquoi il a souligné la nécessité de veiller à prévenir une application tatillonne du principe de précaution, qui ne prendrait pas pleinement en compte les données de la science.
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Si les États voient dans Horizon 2020 la source d'importantes potentialités, certains affichent une position plus réservée. Soit, comme le groupe de réflexion Futuris (141 ( * )) , des doutes existeraient sur la capacité de l'Europe à s'affirmer comme une zone économique conciliant compétitivité et développement durable, objectif qui passe par la construction de l'Espace européen de la recherche (EES). Or, pour Futuris, cet espace européen reste largement virtuel, dans la mesure où la part des financements publics de recherche faisant l'objet de coordinations européennes demeure très faible (environ 15 % de la dépense publique de recherche des États-membres, ce pourcentage étant stable depuis plusieurs années).
Soit, ainsi que le fait observer M. Pierre-Benoît Joly, sociologue, directeur de recherche à l'INRA, il importe de voir les dangers que recèle le discours des instances communautaires, selon lequel l'économie de la connaissance est le seul moyen qui permettra de maintenir les conditions de vie des citoyens européens dans un monde en concurrence ouverte. Ce qu'il appelle les promesses technoscientifiques conduit à reléguer au second plan les questions essentielles qui concernent la diversité des formes d'innovation ou leur caractère redistributif (142 ( * )) .
Si les objections de M. Pierre-Benoît Joly méritent considération, il convient toutefois de ne pas perdre de vue que des sociétés comme la nôtre doivent renouer avec la croissance, afin de lutter contre un taux de chômage élevé et l'effritement continu de la cohésion sociale dans plusieurs régions d'Europe.
Dans un tel contexte, on ne saurait reprocher aux États de vouloir tirer profit des atouts de leur potentiel scientifique et technologique pour tenter de combattre ces fléaux. Il y a là un enjeu politique fort et un impératif catégorique, car c'est la crédibilité de nos idéaux démocratiques qui est en cause.
Ce même impératif catégorique commande aussi une autre urgence, qui est celle de donner une nouvelle impulsion aux CSTI.
DEUXIÈME PARTIE : L'URGENCE À DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION AUX CULTURES SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE
Cette urgence réside dans la nécessité de supprimer ou, à tout le moins, de réduire des blocages persistants identifiés par plusieurs rapports, qui empêchent un meilleur partage des CSTI et dont les rapporteurs ont pu prendre la mesure au fil des nombreuses auditions auxquelles ils ont procédé.
Les rapporteurs n'insisteront jamais assez sur le fait qu'il s'agit là de permettre réellement aux CSTI de contribuer à l'émancipation des femmes et des hommes conformément aux principes des Lumières, ainsi que cela a été rappelé lors de l'audition publique du 13 juin 2013.
Or, notre pays est d'autant plus tenu à une obligation de résultat en ce domaine qu'il est confronté, comme on l'a dit dans les propos liminaires, à plusieurs chantiers économiques et sociaux.
C'est pourquoi, sans avoir la prétention de préconiser des solutions miracles, les rapporteurs souhaitent néanmoins faire bouger les choses à travers les propositions concrètes qui seront formulées dans cette deuxième partie, lesquelles s'ordonneront autour de deux axes principaux :
- améliorer le partage des savoirs ;
- simplifier et améliorer la gouvernance des CSTI.
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I. AMÉLIORER LE PARTAGE DES SAVOIRS
Il est en effet essentiel de corriger diverses imperfections dont souffre le partage des savoirs, du fait des dysfonctionnements du système éducatif, lequel ne favorise pas suffisamment le développement des CSTI ni ne réduit les inégalités d'accès aux savoirs et aux métiers scientifiques et techniques.
La poursuite - inlassable - de cet objectif de correction de ces dysfonctionnements est d'autant plus indispensable qu'il peut contribuer à l'émergence d'une culture constructive du débat public.
A. UN PARTAGE QUI RESTE À PERFECTIONNER
1. Faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle dans le système éducatif
Alors que le système éducatif est - et devrait être - le lieu par excellence dans lequel le partage des savoirs est naturellement et systématiquement pratiqué, force est de constater qu'il n'en est rien. Bien au contraire, on serait fondé à se demander si, dans le système éducatif, cette idée de partage n'est pas une idée neuve, malgré les efforts de rénovation pédagogique qui ont été évoqués dans la première partie.
Pour que ces efforts portent pleinement leurs fruits, encore faudrait-il franchir un double cap :
- inscrire la formation initiale et continue des enseignants dans une perspective de développement des CSTI ;
- promouvoir une pédagogie du partage des CSTI à tous les niveaux d'enseignement.
a. Inscrire la formation initiale et continue des enseignants dans une perspective de développement des cultures scientifique, technique et industrielle
Un rapport de l'IGAENR (Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche) (143 ( * )) voit dans cette réforme de la formation des enseignants une des clés indispensables du développement de la culture scientifique et technique, précisant que : « qui n'agit pas sur ce créneau n'agira pas ».
Dans le même esprit, les conclusions d'un rapport d'information de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat, tirant les leçons du système éducatif de la Finlande, avaient souligné la nécessité de mettre l'accent sur le développement des compétences pédagogiques des enseignants dans leur recrutement et leur formation, observant que : « Notre pays est culturellement très attaché à la formation disciplinaire de ses enseignants, trop souvent au détriment des principales qualités requises d'un professeur : le talent pédagogique, la motivation et la capacité à transmettre les connaissances » (144 ( * )) .
L'ouverture, depuis la rentrée scolaire de cette année, des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) - dans chacune des trente académies - devrait apporter une réponse à ces différentes observations.
En charge de former les futurs enseignants et les enseignants en poste, les ESPE organisent des masters spécialisés dans les métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF). Ces diplômes sont délivrés à l'issue de deux années d'études, postérieures à la licence, et comportent différents modules d'enseignement, un stage en alternance ainsi qu'une ouverture sur l'international et la recherche.
Les enseignements ont une vocation professionnelle et s'articulent autour de quatre composantes :
- des enseignements disciplinaires ;
- un tronc commun permettant de créer une culture partagée par tous les professeurs ;
- une spécialisation progressive en fonction du métier choisi par l'étudiant ;
- des enseignements orientés vers la vie professionnelle.
La mission des ESPE commence avec la formation initiale, mais elle concerne aussi la formation tout au long de la vie.
Ce dispositif rapproche ainsi la formation des enseignants allemands ou finlandais, sur laquelle l'encadré ci-après fournit des indications.
Formation des enseignants en Allemagne et en Finlande ALLEMAGNE Malgré les diversités tenant à la structure fédérale du système scolaire, la norme est le modèle consécutif (une formation universitaire suivie d'une formation professionnelle). La formation universitaire comprend une composante disciplinaire et des éléments de pédagogie, de psychologie et de philosophie. La grande majorité des enseignants accèdent au titre de professeur (pour l'enseignement primaire ou secondaire) par un examen d'État au terme d'un cursus universitaire au niveau master ( 4 ans ). Il existe 2 examens d'État , l'un au début et l'autre à la fin du stage pratique. Le premier, le Staatsexamen peut être présenté à partir de l'obtention du Bachelor (niveau master). Les études sont orientées vers les exigences de l 'enseignement et comprennent des unités de formation pratique. Les connaissances du candidat sont évaluées dans deux disciplines, en pédagogie et en psychopédagogie. La réussite à l'examen permet de devenir professeur stagiaire (« Referendar ») pour une période de 12 à 18 mois. C'est une période de travail dans un établissement sous la responsabilité d'un mentor . Dans le même temps, le futur professeur complète sa formation théorique (didactique et pédagogie). Selon le Land, le premier examen peut être remplacé par des examens donnant droit à l'obtention d'un diplôme académique « Diplomprüfungen ». La réussite à l'examen donne alors accès à la période probatoire. Puis, le candidat suit une deuxième phase de la formation et présente le second examen, le Staatsexamen , qui est surtout un examen pratique . Selon les Länder et les types d'enseignement, la durée de cette phase est en principe de deux ans . Les « Hospitationen » (les périodes de travail en stage) sont guidées et indépendantes de l'enseignement et sont complétées par la participation à des séminaires de réflexion. Pendant cette période, le stagiaire est selon le Land soit fonctionnaire en période d'essai, soit contractuel. La titularisation intervient peu de temps après l'embauche . Elle garantit l'accès au statut de fonctionnaire d'État. La bivalence est la règle. Pour la formation des enseignants de la « Grundschule » (école primaire dès 7-11 ans) la première phase comprend 7 semestres et elle attribue une place spéciale à la partie pratique et la partie concernant le contenu de l'enseignement . Les étudiants choisissent une matière à option ou de spécialisation, fixée par les Länder, ainsi que la didactique relative au primaire. FINLANDE Une formation initiale centrée sur la pédagogie
L'unification de la formation des professeurs
fut une des pièces essentielles de la réforme de
l'école fondamentale. Tous les professeurs de l'école
fondamentale et du lycée sont
titulaires d'une formation
universitaire de niveau maste
r.
Tous les campus concernés comportent une école d'application, dotée des meilleurs équipements et de professeurs expérimentés . Dans la formation, la pédagogie est prépondérante , et à la théorie vient très tôt se joindre la pratique, cet apprentissage passant de l'observation à la conduite de classe supervisée. Les stages , toujours reliés à des séquences théoriques, interviennent dès la première année d'étude. Les étudiants doivent aussi acquérir des connaissances dans les disciplines qu'ils auront à enseigner avec une insistance particulière sur l'apprentissage de la langue maternelle et de l'anglais. Ils peuvent également suivre une spécialisation dans une discipline de leur choix pour enseigner jusqu'à la classe 9. Les études se terminent par la rédaction d'un mémoire de master professionnel . 2) Pour les futurs enseignants de collège ou de lycée, les candidats suivent d'abord un cursus universitaire généralement de 2 ans dans leurs disciplines (bivalence ), Le choix de la carrière enseignante se fait généralement au bout de cette période, les étudiants intégrant alors une faculté d'éducation pour 3 à 5 ans . Les candidats y suivent un double cursus jusqu'au master : études de pédagogie à la faculté d'éducation et études disciplinaires dans leur faculté d'origine. Ces professeurs spécialisés dans une discipline accomplissent plus du tiers de leurs études dans le champ de cette discipline, mais doivent sur l'ensemble de leur cursus consacrer l'équivalent d'au moins une année à l'étude de la pédagogie. La pratique accompagnée dans une classe d'une école d'application tient une place importante. Le recrutement des enseignants Il n'y pas de mouvement national . Ce sont les diplômés qui cherchent un poste auprès des municipalités qui ont la responsabilité de la création des postes et du recrutement. Après une année probatoire, ils sont titularisés comme fonctionnaires municipaux , dont le statut est régi par une convention collective nationale . Source : ministère de l'éducation nationale, Concertation sur la refondation de l'école de la République. |
Si l'on peut se réjouir de l'institution des ESPE, cette réforme soulève néanmoins plusieurs interrogations, qui concernent les points suivants :
- la formation des formateurs : les ESPE seront animées par des personnels spécialisés dans la formation, des universitaires, des personnels de l'éducation nationale et des professionnels de terrain. Mais les formateurs devront-ils suivre une mise à niveau pour les préparer à enseigner les nouvelles compétences du programme, telles que l'utilisation plus intensive des nouvelles technologies ou encore l'acquisition de méthodes pédagogiques innovantes pour personnaliser l'enseignement ? Sont-ils prêts à mettre en oeuvre et à transmettre leur expérience alors que ces mêmes outils et méthodes sont peu utilisés dans le système actuel pour faire face à l'échec scolaire ?
- le contenu des formations : la culture partagée par les professeurs est l'un des enseignements dispensés par les ESPE. Cette culture partagée vise-t-elle les CSTI ? Si tel est le cas, sous quelle forme cet enseignement est-il organisé pour les étudiants n'ayant pas de formation scientifique ? La réponse à ces questions est d'autant plus cruciale que, d'une part, d'après les informations disponibles, seulement 30 % des professeurs des écoles ont une formation scientifique et que, d'autre part, dans l'hypothèse où, comme les rapporteurs le proposent plus loin, La Main à la Pâte serait généralisée dans les écoles primaires, il est nécessaire que la formation dispensée aux étudiants non scientifiques leur permette d'appliquer cette méthode pédagogique ;
- l'examen final (notamment les épreuves d'admissibilité) va-t-il évoluer pour donner une place importante aux compétences en pédagogie des candidats, comme cela est le cas en Allemagne et en Finlande, notamment ?
- la formation continue : d'après les informations fournies par le site du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, les ESPE sont également en charge des enseignants déjà en poste. Les ESPE assureront-elles cette formation dès cette année ou à une autre échéance ?
Il est vrai que, à défaut, la formation offerte par les Maisons régionales pour la science et la technologie pourra constituer une autre possibilité ;
- la première affectation et l'accompagnement des jeunes enseignants : une réflexion sur ces deux questions est nécessaire. Ainsi, en Allemagne, les enseignants stagiaires dispensent-ils leur enseignement sous la responsabilité d'un mentor durant une période de 12 à 18 mois selon les Länder. Une disposition analogue sera-t-elle appliquée en France ? Quant à la première affectation des jeunes enseignants - question qui a été soulevée au cours des auditions des rapporteurs - continueront-ils à être affectés dans les établissements les plus difficiles sans vraiment bénéficier du soutien dont ils auraient besoin ? Ou bien la mise en place d'incitations (financières ou professionnelles) sera-t-elle décidée pour que davantage d'enseignants expérimentés soient affectés dans ces établissements difficiles, comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays ?
Les rapporteurs n'ignorent certes pas que les ESPE viennent à peine de s'ouvrir. Ils estiment néanmoins nécessaire que des réponses appropriées soient apportées à ces différentes questions et qu'elles ne soient pas perdues de vue, afin que cette réforme soit réellement efficace.
Pour ces raisons, ils proposent :
- qu'il soit veillé à la qualité de la formation des formateurs ;
- qu'un enseignement spécifique sur le partage des CSTI soit intégré dans le cursus ;
- que l'examen final - notamment les épreuves d'admissibilité - attribue une place plus importante aux compétences pédagogiques des candidats ;
- que puisse être assurée la formation continue des enseignants déjà en poste ;
- qu'une réflexion soit engagée sur l'accompagnement des jeunes enseignants et sur leur première affectation.
b. La promotion d'une pédagogie au service des CSTI dans les différents niveaux d'enseignement
Avant d'examiner les pistes de propositions susceptibles d'être formulées par les rapporteurs, il leur paraît important de mettre en perspective les propos qui ont été tenus sur le débat universel et récurrent de la désaffection des jeunes à l'égard de la science et le déclin des vocations scientifiques, problèmes qui justifient une réforme de la pédagogie.
Les positions des personnes rencontrées par les rapporteurs sont plutôt contrastées, pouvant être classées en trois groupes.
Dans le premier groupe, l'accent est mis sur l'attitude positive des jeunes à l'égard de la science, en des termes toutefois différents.
Une personnalité comme le professeur Albert Fert, prix Nobel de physique, a tenu à souligner que les collégiens étaient son public préféré, à cause de leur curiosité et de leur spontanéité, soulignant ainsi que la question de la désaffection des jeunes à l'égard de la science ne se posait pas.
Des membres du comité de pilotage ont exprimé une opinion analogue à celle du professeur Albert Fert. Ainsi, M. Richard-Emmanuel Eastes, animateur du groupe Traces, a récusé l'idée que la science fasse peur aux jeunes et qu'elle susciterait de la désaffection, en raison de son caractère rébarbatif et sacerdotal. Il a considéré que se cantonner dans de telles visions de la science ne pouvait que déboucher sur l'échec des mesures ayant l'ambition de donner le goût des sciences aux jeunes.
Au demeurant, il a déclaré que sur la question des vocations, celles-ci se décidaient à l'adolescence, tout en soulignant que l'objet de ce qu'il a appelé culture de science n'était pas nécessairement la formation de scientifiques ou d'ingénieurs. La culture de science doit, selon lui, rendre les citoyens capables de comprendre les enjeux et de distinguer la légitimité des différents acteurs. « Ce n'est pas parce qu'on est mélomane qu'on a envie de devenir musicien », a-t-il résumé son propos.
Mme Marjolaine Vernier, ingénieure de recherche à l'École normale supérieure de Cachan, a souligné que la vision de la science des enfants était beaucoup plus positive que celle des adultes, ces derniers lui paraissant plus influencés par les médias.
Parce que les enfants sont naïfs et curieux, Mme Vernier a estimé que si, dès le départ, ils étaient sensibilisés à des questions simples, les enseignants prépareraient le terrain de l'enseignement des sciences au collège et au lycée. Mais dans le même temps, les enfants pourraient également donner le goût d'apprendre à leurs familles, Mme Vernier ayant pu le constater avec l'enseignement de l'anglais.
Mme Marie-Françoise Chevallier-Leguyader, directrice de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), a également considéré que les familles et les associations devaient être des acteurs avec lesquels les écoles devaient se concerter dans le cadre de leurs actions de CSTI.
M. Rémi Barré, professeur au CNAM, a estimé qu'il était possible de développer le goût des sciences chez les jeunes en insistant sur la nécessité de tirer parti de l'idéalisme qu'ils manifestent dans certains thèmes, tels que le développement durable ou la solidarité internationale, pour aborder les questions scientifiques.
Un deuxième groupe de personnalités a déploré les insuffisances des enseignements scientifiques et techniques ou encore le fait que les volets technique et industriel de la CSTI soient négligés.
Mme Sylvia Serfaty, mathématicienne, prix Henri Poincaré 2012 et professeure à l'Université de Paris VI, a craint que la forte tradition de performance de l'école mathématique française ne disparaisse, compte tenu du fait que, à ses yeux, les programmes de sciences des lycées ont été vidés de leur substance, rejoignant ainsi le diagnostic établi par d'autres mathématiciens (145 ( * )) . Elle y a vu l'une des raisons de la baisse des vocations scientifiques.
Une autre sonnette d'alarme, pour reprendre ses termes, qu'il importe de tirer, touche au fait que, en dehors de la filière S, les élèves ne pourront plus bénéficier d'un enseignement des sciences.
Ce rôle de sélection de la section S, sur lequel les rapporteurs reviendront, a également été mis en cause par M. Jean-Claude Guiraudon, président du Cirasti, qui a considéré que l'introduction des mathématiques modernes avait porté préjudice à l'enseignement des mathématiques et à la cohésion sociale.
Outre son caractère sélectif, c'est l'absence de contenu concret de l'enseignement des sciences et de pluridisciplinarité qui est soulignée. Ainsi, M. Martin Andler, président de l'association Animath, a-t-il relevé, lors de l'audition publique du 13 juin 2013, que l'enseignement des mathématiques était totalement décontextualisé du rapport avec la société alors que, d'après lui, les professeurs des établissements scolaires devraient être les premiers médiateurs des CSTI.
Dans le même esprit, Mme Danièle Olivier, vice-présidente de la Maison de la chimie, a fait observer que si de gros efforts avaient été accomplis pour rendre attractifs les programmes scolaires de chimie - à la refonte desquels les industriels de la chimie ont collaboré -, faisait toujours défaut la relation de l'enseignement de la chimie avec les réalités industrielles. C'est d'ailleurs pourquoi, au titre de ses actions de CSTI, l'Union des industries chimiques s'est efforcée de fabriquer une panoplie de jeux éducatifs destinés aux enfants et à leurs familles.
De façon plus générale, M. Eric Debarbieux, délégué ministériel à la prévention et à la lutte contre la violence scolaire, a déploré l'encyclopédisme des programmes, qu'il a qualifié de délirant et, donc, d'antiscientifique.
Il a estimé souhaitable que soit développé le recours à la science expérimentale, laquelle a été trop dévalorisée à ses yeux alors que, par exemple, elle pourrait contribuer à réduire le décrochage scolaire.
S'il est jugé insuffisamment concret, l'enseignement des sciences ne serait pas non plus conçu de façon pluri ou transdisciplinaire, en particulier en liaison avec les sciences humaines et sociales. Pour M. Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse, la culture quelle qu'elle soit ne peut nier l'apport des sciences humaines et sociales car il n'y a pas, d'un côté, la science, de l'autre, la société. Or, on peut se demander si la formation des différents acteurs de la médiation scientifique intègre la dimension des sciences humaines et sociales (146 ( * )) .
Il n'apparaît pas non plus qu'une place satisfaisante soit accordée à la culture technique et à la culture industrielle. C'est ce qui ressort a contrario des propos tenus par M. Yves Lichtenberger, directeur du programme « emploi égalité des chances » du Commissariat général à l'investissement, lors de l'audition publique du 13 juin 2013.
M. Lichtenberger a, en effet, déclaré que l'intégration de la CSTI dans le programme des investissements d'avenir répondait à la nécessité, pour cette dernière, d'apporter la preuve de sa capacité à développer largement une culture du faire, non des connaissances, mais des savoirs. Mais il en était aussi attendu « la capacité à diversifier nos élites, dont nous constatons constamment combien elles sont trop homogènes, trop formatées par le calcul et la récitation, trop peu ouvertes à une culture de la recherche, à une culture de projets et d'entreprise et, sûrement aussi, trop masculinisée ».
Enfin, au sein du dernier groupe, M. Lionel Larqué, président de l'Alliance science société, et M. Olivier Las Vergnas ont réfuté l'idée de désaffection à l'égard des sciences et l'existence d'un déclin des vocations scientifiques. Sur le premier point, M. Olivier Las Vergnas a tenu à préciser que l'approche de la question de l'intérêt pour la science était nécessairement erronée parce que la conception traditionnelle de la culture scientifique et technique confond science et recherche. Or, il s'agit, selon lui, de deux activités différentes, comme tenter de faire une thèse en astrophysique et regarder les cratères de la lune pour le plaisir.
Quant au deuxième point, touchant au déclin des vocations scientifiques, il est lié à la situation des 75 % d'élèves qui n'ont pu intégrer la filière S ni n'en être bacheliers et qui s'estiment, du fait d'une sorte de prophétie auto-réalisatrice, selon les termes mêmes de M. Las Vergnas, incapables de faire de l'algèbre. Dans ce contexte, dire qu'il faut encourager les vocations a, en général, pour effet de renforcer la sélectivité du bac S et d'accroître le sentiment d'inhibition chez ces individus (147 ( * )) .
Pour sa part, M. Lionel Larqué, se référant aux statistiques publiées par le ministère de l'éducation nationale (148 ( * )) , fait observer que le nombre d'étudiants formés dans les filières scientifiques entre 2004 et 2012 s'est accru de 9,8 %. Le seul problème réside, selon lui, dans la filière généraliste de l'université car les filières sélectives, de l'IUT ou des classes préparatoires aux grandes écoles, ne connaissent pas de crise de recrutement.
Le dernier rapport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'état de l'emploi scientifique en France (2013) (149 ( * )) tendrait à confirmer les propos de M. Larqué, comme le montrent les statistiques suivantes :
- entre les rentrées 2004 et 2011, le nombre d'inscriptions en Master recherche ou indifférencié a été multiplié par deux. Ce doublement est lié à la forte progression des Masters indifférenciés à partir de la rentrée 2008. À la rentrée 2011, le vivier des étudiants en Master est d'environ 82 500 ;
- dans les universités et établissements assimilés, le nombre de doctorants a augmenté de près de 9 000 entre 2001-2002 et 2006-2007, puis a diminué progressivement pour atteindre 65 000 environ en 2011-2012, soit une augmentation de 7 % environ entre les rentrées 2001 et 2010, et une baisse de 1 % entre les rentrées 2010 et 2011.
Au final entre les rentrées 2001 et 2011, le nombre de
doctorants a augmenté de 6 % (+ 3 600) ; cette hausse est surtout le
fait des doctorants étrangers (+ 9 900) car le nombre de doctorants
français a baissé sur la période
(- 6 300). En
2011-2012 les doctorants étrangers constituent 42 % des effectifs contre
27 % en 2001-2002 ;
- sur la période 2005-2010, le nombre de chercheurs du secteur public a progressé de 4,2 %, soit une progression annuelle moyenne de 0,83 %. L'augmentation observée entre 2009 et 2010 se situe en deçà de cette moyenne, à 0,67 %. C'est l'une des progressions les plus faibles de la décennie passée ;
- en 2010, les activités de R&D des entreprises privées regroupent 231 000 personnes en équivalent temps plein (ETP), dont 140 000 chercheurs. Au cours des dix dernières années, les effectifs de chercheurs ont progressé plus vite que ceux de l'ensemble du personnel de R&D : 6 % contre 3 % en taux de croissance annuel moyen. Ainsi, en 2010, les chercheurs représentent 61 % de l'ensemble des personnels de R&D, soit 15 points de plus qu'en l'an 2000.
c. L'attitude des jeunes face à la science et aux vocations scientifiques et techniques à l'étranger
i. En Allemagne
C'est une situation assez contrastée que présente l'Allemagne, car si l'on observe un réel engouement pour la science et la technologie chez les adolescents, en revanche, l'attente des étudiants est très sensiblement différente.
L'engouement des adolescents pour la science et la technique est stimulé par différents dispositifs. Les rapporteurs évoqueront trois d'entre eux : les Schülerlabor , le concours Jugend forscht (la jeunesse cherche) et Haus der kleinen Forscher (la maison des petits chercheurs).
Les Schülerlabor
Le déplacement des rapporteurs à Berlin au mois d'avril dernier a permis de visiter un Schülerlabor de la région de Berlin.
Un Schülerlabor est un lieu - situé en dehors des établissements scolaires - destiné à initier les élèves des écoles élémentaires, des collèges et des lycées à des expérimentations et à la démarche scientifique, dans le domaine des sciences - dures et de la vie - ainsi que dans le domaine des techniques.
Les Schülerlabor ont été créés à la fin des années 90. On en comptait 300 en 2012.
Selon les cas, ils sont intégrés dans des universités, des institutions de recherche, des science centers, des centres technologiques ou dans des entreprises industrielles.
Le Schülerlabor que les rapporteurs ont visité a été ouvert en 1999, à 40 kilomètres de Berlin. Il est situé sur un campus sur lequel siègent 54 laboratoires d'entreprises spécialisées dans les biotechnologies. Il est adossé à une institution de recherche et est spécialisé dans la biologie, la génétique et la chimie.
Selon les indications du directeur du Schülerlabor , celui-ci a mis en place un grand réseau comprenant un réseau stable de 400 à 500 classes et une centaine d'écoles, afin de pouvoir établir des programmes-cadres avec les professeurs, d'adapter les programmes scolaires - à la différence d'autres Schülerlabor - et de choisir les expériences avec eux.
Les professeurs des matières scientifiques accompagnent une dizaine de leurs élèves au maximum, le laboratoire ayant une capacité d'accueil d'une vingtaine de personnes.
Concrètement, les professeurs prennent rendez-vous avec le laboratoire, qui organisera une séance d'une durée de trois heures au cours de laquelle les élèves, encadrés par des doctorants, procèderont à des expérimentations.
La nature de ces dernières varie selon l'âge des élèves. Par exemple, les élèves âgés de 16 à 18 ans produisent des couleurs ou ont des discussions avec des experts sur les alternatives à la matière plastique.
Entre 13 et 15 ans, d'autres expériences sont prévues, par exemple une expérience sur la caféine, à l'issue de laquelle les élèves devront calculer la teneur en caféine d'une bouteille de Coca Cola.
Les élèves que les rapporteurs ont rencontrés, qui étaient beaucoup plus jeunes, participaient à une séance sur le sang et devaient analyser leur propre groupe sanguin.
Les élèves sont d'autant plus intéressés qu'ils procèdent à des expériences concrètes avec du vrai matériel de laboratoire, que leur établissement ne possède pas. À la fin de leur expérience, les élèves rédigent un compte rendu.
Comme l'a déclaré le directeur du laboratoire, l'objectif est de stimuler la curiosité des élèves, de leur donner le goût des sciences et même de susciter une vocation scientifique. C'est pourquoi des activités sont organisées pour toutes les classes d'âge, y compris durant les vacances scolaires. Mais il s'agit aussi de permettre aux élèves d'avoir une démarche interdisciplinaire, par exemple en leur montrant le lien entre la biologie et la biochimie, qu'ils ignoraient auparavant.
Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît important au directeur du Schülerlabor de viser à une modification de l'enseignement à travers la coopération qu'il établit avec les enseignants.
À l'inverse, ces derniers peuvent tirer profit du fait que, notamment, c'est le laboratoire, et non eux-mêmes, qui fait procéder aux expériences, ce à quoi ils se refusent d'ailleurs pour éviter d'engager leur responsabilité juridique.
Quoi qu'il en soit, le directeur du Schülerlabor a tenu à souligner la grande motivation des élèves, de leurs familles et des professeurs, d'autant que le laboratoire est éloigné du centre-ville et qu'une participation financière de 11 euros est demandée à chaque élève, une aide financière étant possible pour les élèves issus des milieux défavorisés.
Le laboratoire accueille ainsi 12 000 élèves par an, soit près du tiers des élèves du Land de Berlin fréquentant un Schülerlabor , dont le nombre est de 40 000. Ce serait donc un peu moins de 10 % d'une classe d'âge qui vient dans les laboratoires.
Il organise aussi la formation continue des enseignants. Elle se déroule sur deux journées, à 13 h 30 afin d'éviter qu'ils ne manquent un cours.
Lors de la première journée, les matières leur sont expliquées sur le plan méthodologique, de même que l'état d'avancement de la recherche.
Durant la dernière journée, les enseignants se rendent au Parlement, où le travail de la première journée est poursuivi. Ensuite est invité le porte-parole d'un groupe parlementaire qui traite des questions en cours faisant l'objet d'une législation (150 ( * )) .
Le laboratoire organise également des séances de formation continue de deux jours pour les parlementaires, lesquelles se déroulent au Parlement. Par exemple, des discussions ont lieu sur la loi relative aux cellules souches. À l'occasion de ce stage, le Schülerlabor souhaite montrer aux parlementaires ce qu'est la recherche. Les questions scientifiques, éthiques et juridiques sont ainsi examinées. Ces mêmes questions sont abordées avec les enseignants.
Le directeur du Schülerlabor a tenu à préciser que la formation des parlementaires était assurée - non pas par le laboratoire, qui ne fait qu'apporter son concours logistique - mais par le conseil d'éthique, dont deux membres viennent du Schülerlabor .
Les rapporteurs jugent cette idée de formation continue des parlementaires tout à fait pertinente, tant il est nécessaire qu'ils puissent appréhender les enjeux scientifiques, éthiques et politiques de la recherche.
Enfin, le Schülerlabor organise des stages de formation continue pour des adultes. Il s'agit de cursus pour assistants de laboratoire. Les personnes concernées prennent 15 jours de congés pour acquérir une formation dans le domaine de la biologie moléculaire. Cette formation est un peu comparable aux cursus de spécialisation suivis par les médecins après leurs études. Elle est validée par des certificats.
Cette certification est assurée par TÜV ( Technischer Überwachungsverein ), un service de certification chargé du contrôle technique pour les matières premières. En l'espèce, TÜV assure le contrôle de la qualité et de la fiabilité des certificats, lesquels sont rédigés conjointement par le centre et TÜV. L'intervention de TÜV leur donne plus de valeur et leur permet d'être une sorte de passeport en Allemagne.
Outre ces formations, des conférences sont organisées sur le campus tous les deux mois destinées aux scientifiques des sciences de la vie, au cours desquelles les questions éthiques peuvent être abordées.
Évoquant la possibilité ouverte à la population de visiter le campus, le directeur du Schülerlabor a indiqué aux rapporteurs que peu de visiteurs le fréquentaient, ce qui, malgré tout, n'est pas de nature à décourager ce dernier, son objectif demeurant de vouloir communiquer la science. À cette fin, les initiatives doivent être multipliées.
S'agissant de ses conditions de fonctionnement, le Schülerlabor est soumis au même contrôle que les autres laboratoires traitant d'OGM, puisqu'une partie de ses activités touche aux OGM.
En ce qui concerne le laboratoire de chimie, le Schülerlabor a passé un contrat avec une entreprise, qui a fourni l'équipement, dont elle a l'usage une fois par an.
Dans d'autres cas, il arrive que le centre acquière des équipements à prix modérés.
Quant à ses conditions de financement, aux frais
d'inscription des élèves
- soit 11 euros par
séance - s'ajoutent diverses subventions publiques et
privées.
Le deuxième outil destiné à stimuler la passion des jeunes pour la science et la technologie est Jugend forscht.
Depuis 1965, un concours est organisé pour promouvoir les projets scientifiques ou techniques des jeunes fréquentant au moins la quatrième classe (l'équivalent du cours moyen 1, soit 9 ans) jusqu'aux étudiants inscrits au deuxième semestre de leurs études, soit 21-22 ans.
Peuvent y prendre part des personnes isolées ou des groupes composés de deux ou trois personnes.
Aucun thème n'est imposé aux participants, lesquels sont libres de choisir le sujet de leur projet. Toutefois, ce sujet doit relever de l'un des sept domaines du concours : monde du travail, biologie, chimie, sciences géographiques et géologiques, mathématiques, informatique, physique et technique. Si le projet touche à plusieurs de ces sujets, c'est le point central de la recherche qui est décisif.
En outre, les participants doivent, dans leur travail, appliquer les méthodes des sciences dures, des mathématiques et de la technique. Des travaux s'appuyant sur les seules sciences humaines, sociales et économiques ne sont pas autorisés.
La compétition se déroule au niveau régional des Länder et au niveau de la Fédération.
Depuis 1977, un « prix spécial » récompense l'invention la plus originale pour stimuler la créativité des participants.
Le concours Jugend forscht connaît un succès croissant puisque, par exemple, en Bavière, le nombre de candidats a augmenté de 40 % entre 2005 et 2010 et qu'au niveau fédéral, il est passé de 244 en 1965 à plus de 10 000 en 2012.
Du fait de sa dimension transdisciplinaire, qui semble être l'une des raisons de son succès, ce concours pourrait très opportunément être adapté à notre système éducatif .
Le troisième dispositif, Haus der kleinen Forscher , résulte d'une initiative conjointe de la Helmholtz Gemeinschaft (qui est l'un des grands organes de soutien et de promotion de la recherche), de McKinsey, des Fondations de Siemens et Dietmar Hopp. La Fondation Haus der kleinen Forscher a été créée en 2006 pour poursuivre un triple objectif :
- initier les enfants de 3 à 10 ans à des expérimentations simples de physique et de chimie ;
- assurer la formation continue des professeurs ;
- contribuer au renforcement de l'éducation précoce à la physique, à la chimie et aux sciences de l'ingénieur et susciter des vocations dans l'étude de ces domaines.
De 2006 à 2011, les actions de cette Fondation ont touché plus d'un million d'enfants scolarisés dans 19 000 jardins d'enfants, selon une proportion qui a toutefois varié selon les Länder.
Bien que, par son esprit, cette initiative soit proche de La Main à la Pâte, M. Matthieu Weiss, conseiller pour la science et la technologie de l'ambassade de France à Berlin, a indiqué aux rapporteurs, lors de leur déplacement, que les autorités allemandes étaient très intéressées par La Main à la Pâte. Une mallette pédagogique de La Main à la Pâte a d'ailleurs été traduite en allemand.
Si des efforts soutenus sont accomplis par le Gouvernement et l'industrie pour susciter le goût des sciences et de la technique auprès des enfants et des adolescents, il ne semble pas, pour autant, que ces efforts soient relayés par les étudiants.
En effet, on constate que les étudiants n'ont pas répondu totalement aux souhaits formulés par le Gouvernement de mettre l'accent sur l'accroissement du nombre d'étudiants et de diplômés dans les MINT (Mathématiques, informatique, sciences physiques et technologie).
Ainsi, une récente étude fait apparaître les résultats suivants, en ce qui concerne le classement par les étudiants et les étudiantes des dix filières qu'ils préfèrent :
Classement
|
Étudiantes |
Étudiants |
1 |
Sciences de gestion |
Sciences de gestion |
2 |
Germanistique |
Génie mécanique |
3 |
Médecine |
Informatique |
4 |
Droit |
Électronique |
5 |
Pédagogie |
Droit |
6 |
Anglais |
Ingénieur économiste |
7 |
Biologie |
Sciences économiques |
8 |
Économie |
Médecine |
9 |
Psychologie |
Informatique et économie |
10 |
Mathématiques |
Physique |
Source : www.studieren-im-netz.org.
On constate donc que la physique et les mathématiques sont classées en dernière position dans le choix des étudiants et des étudiantes, comme c'était déjà le cas lors d'un sondage de 2011.
Il se peut qu'existe un lien entre ce choix et le fait que les filières des mathématiques et des sciences physiques soient celles où - avec un taux d'abandon de 35 % chez les entrants - l'échec a été le plus élevé en 2012 (151 ( * )) .
En tout cas, une telle situation ne peut manquer de préoccuper le gouvernement allemand et les industriels, qui ne cessent de mettre en garde contre le risque d'une pénurie de scientifiques et d'ingénieurs alors même que les perspectives démographiques de l'Allemagne ne sont pas très bonnes (152 ( * )) .
ii. Au Royaume-Uni
L'attitude des adolescents apparaît assez contrastée, tandis que, en ce qui concerne les étudiants, leur insuffisante orientation vers les STEM (Sciences, Technology, Engineering, Mathematics) fait débat.
Une enquête réalisée par le Department for Business, Innovation and Skills du 10 au 15 janvier 2010 auprès de 500 jeunes âgés de 14 à 16 ans révèle les principaux points suivants :
81 % des collégiens sont impressionnés par les réalisations de la science. Ils sont intéressés par celle-ci et se déclarent confiants dans leur capacité à aborder les sujets scientifiques.
Toutefois, les jeunes filles n'émettent pas un jugement aussi positif que les garçons, tandis que les collégiens issus des milieux modestes ont une opinion moins positive que celle de leurs condisciples des milieux aisés. En outre, les élèves moins âgés ont une attitude plus positive que leurs aînés. C'est pourquoi les auteurs de l'enquête estiment qu'un travail doit toujours être fait pour rapprocher ces groupes de la science.
La science est une matière appréciée à l'école. Il n'en résulte toutefois pas nécessairement qu'elle soit attirante pour fonder un choix professionnel.
Pour 16 % des élèves, la science est la matière préférée, ce qui en fait la matière la plus appréciée (suivie de l'anglais, 12 %, l'art, 9 %, et les mathématiques, 8 %). Le principal attrait que la science présente pour ces élèves réside dans la façon dont elle explique les choses, c'est-à-dire ce qui est important, logique et factuel. Toutefois, cette appréciation est portée davantage par les garçons que par les filles.
Presque plus de la moitié des élèves envisagent de faire des études scientifiques après le brevet des collèges. En particulier, ceux qui ont des activités scientifiques dans des clubs ou dans les sorties scolaires entreprendront plus probablement des études scientifiques que les autres ne pratiquant pas ces activités.
Seulement 5 % envisagent une carrière scientifique, bien que 25 % d'entre eux souhaitent entreprendre une carrière ayant un rapport avec les STEM, à savoir l'ingénierie, les carrières médicales et la médecine vétérinaire. En particulier, les élèves âgés de 14 ans marquent leur intérêt pour une carrière scientifique.
Les activités extrascolaires liées aux sciences gagneraient à être améliorées.
43 % des élèves ne disposent pas de clubs de sciences ou d'ingénieurs dans leur école ou n'en savent rien. 28 % n'ont jamais rencontré de personnalités extérieures pour leur parler de science. Dans les écoles pourvues d'un club scientifique, seulement 38 % l'ont fréquenté et la majorité seulement une ou deux fois.
Parmi les élèves pour lesquels la science est la matière préférée, 57 % fréquentent une école dépourvue de club scientifique ou d'ingénieurs. Les auteurs de l'enquête estiment qu'une mesure devrait être prise en leur faveur puisque ce sont eux, très probablement, qui pourraient fréquenter de tels clubs.
Des élèves ont des activités scientifiques en dehors de l'école mais les liens avec l'école demeurent décisifs.
C'est surtout par les informations télévisées, dans les livres et d'autres programmes télévisés que les élèves déclarent avoir entendu parler de science. Seulement 5 % des élèves indiquent n'avoir jamais entendu parler de science en dehors de l'école.
L'évènement ou lieu le plus apprécié lié à la science est une activité se déroulant à l'école, à l'université, en dehors des heures de classe.
Les parents jouent également un rôle important dans l'intérêt manifesté par leurs enfants pour la science. Les élèves se rendent plus probablement dans un musée de sciences, un centre de sciences ou un planétarium s'ils sont accompagnés de leur famille.
Enfin, un dernier facteur qui, à l'évidence, ne peut manquer d'influencer l'attitude des élèves à l'égard des sciences - mais que n'évoque pas l'enquête - tient à ce qu'on a pu appeler le déficit chronique de professeurs qualifiés en mathématiques et en science (153 ( * )) . Il en résulterait que 100 000 élèves de l'enseignement secondaire se verraient enseigner ces matières par des professeurs non qualifiés. Ce déficit de professeurs qualifiés aurait atteint 30 % à la rentrée de septembre 2013.
Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, le Higher Education Funding for England a publié un rapport alarmiste en juillet 2010 (154 ( * )) .
Ce rapport met en garde contre le fait que le nombre d'étudiants étrangers suivant des cursus de master dans les disciplines STEM a presque doublé en huit ans, alors que celui des étudiants britanniques n'a augmenté que d'1 %. Ainsi, dans le domaine de l'ingénierie mécanique, le nombre d'étudiants étrangers dans le total des étudiants de ce cursus est passé de 22 % en 2002-2003 à 54 % en 2009-2010.
Quant à un rapport de la Royal Academy of Engineering, il indique que le Royaume-Uni devra augmenter de 50 % le nombre de ses étudiants dans les filières STEM car il manque 100 000 étudiants dans ces filières afin que le Royaume-Uni puisse garder son statut de puissance scientifique.
En réaction à cette situation, une initiative a été lancée au début de 2013 par les industriels, en partenariat avec la Royal Academy of Engineering : Elite Engineering Programme . Ce programme vise ainsi à augmenter le nombre de jeunes issus des milieux défavorisés dans les filières formant les ingénieurs.
Cette initiative a été lancée après la publication d'un rapport de la Royal Academy of Engineering (155 ( * )) , dans lequel cette dernière avait estimé que le Royaume-Uni devait accroître le nombre de diplômés dans les sciences, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques en vue de s'assurer qu'ils seront en nombre suffisant dans l'avenir.
Dans cette perspective, le programme se propose de s'adresser aux jeunes des écoles publiques à partir de l'âge de 10 ans afin de leur montrer que le métier d'ingénieur est une voie professionnelle crédible. Le programme s'appuie en conséquence sur les mesures suivantes :
- un programme scolaire incluant un ensemble de jeu éducatif Lego Mindstorms (156 ( * )) destiné à faire naître et à entretenir un intérêt pour l'ingénierie à travers des concours entre écoles publiques à partir de l'âge de 12 ans ;
- l'octroi de bourses universitaires pour amener les étudiants à se diriger vers les filières des métiers de l'ingénierie ;
- faciliter la venue, dans les universités, de professeurs invités qui sont des praticiens renommés dans le domaine de l'ingénierie ;
- la mise en place d'un fonds pour soutenir les équipes des universités qui prennent part à des concours comme Formula Student (157 ( * )) . Pour les artisans du programme, ces concours se sont avérés efficaces pour motiver les étudiants et les inspirer pour réunir leur savoir et les compétences dont ils auront besoin pour entreprendre une carrière dans l'industrie.
*
* *
Compte tenu des observations formulées par les personnes rencontrées et des enseignements que l'on peut tirer de la situation en Allemagne et au Royaume-Uni, les rapporteurs souhaiteraient émettre les propositions suivantes :
Les classes maternelles
L'initiative allemande de la maison des Petits Chercheurs montre tout l'intérêt qu'il y aurait à encourager une initiation à la science et à la technologie par l'expérimentation . Mais rien n'interdirait non plus d'envisager aussi le recours aux arts, à l'instar d'un programme financé par le département américain de l'éducation.
De telles orientations permettraient de tirer profit de l'abaissement à 2 ans de l'âge d'accueil en maternelle prévu par l'article 8 de la loi pour la refondation de l'école.
L'enseignement primaire
M. Pierre Léna a indiqué aux rapporteurs que seulement 50 % des écoles primaires pratiquaient la méthodologie de La Main à la Pâte.
Il importe d'accroître ce taux, en tendant à la généralisation de cette expérience. Pourraient y contribuer la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation - au sein desquelles une initiation à la science et à l'informatique pourrait être dispensée (158 ( * )) - ainsi que la mise en place des maisons pour la science et la technologie financées par les investissements d'avenir, destinées à assurer la formation continue des professeurs de matières scientifiques.
Il est nécessaire de systématiser la sensibilisation des classes primaires aux sciences de l'ingénieur et aux métiers de technicien.
Cette proposition serait de nature à répondre à certaines préoccupations qui ont été exprimées lors de l'audition publique du 13 juin 2013.
Mais cette proposition permettrait aussi de pérenniser les expériences déjà existantes qui se déroulent dans le cadre du programme communautaire Ingenious.
Financé à hauteur de 8 millions d'euros pour une durée de trois ans, au sein du 7 ème PCRDT (programme-cadre de recherche et développement technologique), Ingenious a pour objet d'accroître l'intérêt des jeunes dans le domaine des STEM (matières scientifiques, techniques, sciences de l'ingénieur et mathématiques) et de les inciter à se diriger vers les carrières s'y rapportant. Ce programme est mis en oeuvre en partenariat avec les principales industries et les ministres de l'éducation de quinze États-membres et concernent 1 000 classes.
La France participe à ce programme. Ainsi, le constructeur informatique taiwanais Acer, par exemple, est venu dans des écoles pour parler des TIC.
Toutefois, d'après les renseignements dont les rapporteurs ont pu prendre connaissance, des incertitudes subsistent quant à la reconduction du programme Ingenious dans le cadre du programme Horizon 2020.
C'est la raison pour laquelle les rapporteurs ont proposé cette action systématique de sensibilisation. À cet égard, il est certes difficile de vérifier la portée réelle du propos de la Commission européenne selon lequel le fait de parler des STEM aux enfants accroît de 20% leur souhait de s'y intéresser et de se diriger vers des carrières scientifiques et techniques.
On ne peut toutefois que se féliciter de l'objectif figurant dans l'annexe de la loi pour la refondation de l'école - qui va dans le même sens que la proposition des rapporteurs - de « développer à l'école, pendant le temps scolaire et périscolaire, une politique de promotion de la science et de la technologie » et de prévoir que « tout au long de la scolarité seront développées les relations entre le milieu scolaire et les acteurs du monde scientifique et technologique (laboratoires de recherche, ingénieurs, entreprises, musées, monde associatif,...) ».
Il convient, comme c'est déjà le cas dans
d'autres pays tels que le Royaume-Uni, d'
introduire une initiation aux
concepts de l'informatique dans les programmes de l'école
primaire
. Il s'agit de reprendre ainsi une recommandation que
l'Académie des sciences a formulée dans son rapport de mai 2013
sur l'enseignement de l'informatique. En ce qui concerne l'enseignement
primaire, l'Académie des sciences propose de mêler des
activités branchées
- c'est-à-dire celles partant
de l'utilisation d'un ordinateur pour poser des questions - et des
activités débranchées. Celles-ci ne nécessitent pas
l'utilisation d'un ordinateur visant à initier les élèves
à trois notions fondamentales de l'informatique : celles de
langage, d'information et d'algorithme.
Dans les collèges
En vue de répondre aux critiques formulées à l'encontre du caractère trop abstrait et cloisonné de l'enseignement des sciences et de la technologie, il apparaît essentiel aux rapporteurs d'appliquer systématiquement l'EIST (Enseignement intégré des sciences et techniques). Sa généralisation devrait permettre aux élèves d'être initiés à une démarche concrète et pluridisciplinaire de la science et de la technologie.
S'agissant de l'EIST, il est né d'une convention-cadre signée le 7 avril 2005 entre l'Académie des sciences et le ministère de l'éducation nationale, laquelle a prévu qu'il serait procédé à l'expérimentation d'un enseignement intégré des sciences et de la technologie au collège, dans le prolongement de La Main à la Pâte à l'école primaire.
Tout en s'inscrivant dans le respect des programmes nationaux, l'EIST vise plusieurs objectifs : stimuler la curiosité et développer le goût des sciences chez les élèves, faciliter la transition entre l'école primaire et le collège, favoriser le décloisonnement des disciplines scientifiques et technologiques et pratiquer la démarche d'investigation.
L'EIST a été expérimenté depuis la rentrée 2006 en sixième et en cinquième. Il s'organise comme suit : trois professeurs (sciences de la vie et de la terre, physique-chimie, technologie) prennent en charge deux classes. Ils les partagent en trois groupes de moins de vingt élèves. Chaque groupe est géré par l'un d'entre eux durant toute l'année scolaire. Ainsi, en classe de 6 ème , du point de vue des élèves, au lieu d'avoir 1 h 30 de SVT et 1 h 30 de technologie, soit 3 heures au total, ils ont 3 h 30 de science et technologie par semaine. Du point de vue des enseignants, au lieu d'avoir 1 h 30 par classe pour les SVT ou la technologie (et rien pour l'enseignant de physique-chimie), ils ont 3 h 30 avec un seul et même groupe toute l'année. De plus, les enseignants disposent d'une heure de concertation fixée dans leurs emplois du temps. Elle leur permet de préparer l'avancement de l'année, d'échanger sur les méthodes propres aux différentes disciplines, de se mettre d'accord sur un vocabulaire commun et d'en apprendre plus sur les autres disciplines. Ce dispositif fonctionne également en 5 ème sur le même principe avec 4 h 30 de science et technologie par semaine et par groupe.
La mise en place de ce schéma d'enseignement nécessite l'accord et le soutien du chef d'établissement et des autorités départementales et académiques (échelon rectoral).
Pour faciliter la mise en place de l'EIST, l'Académie des sciences et l'Académie des technologies proposent un accompagnement. Des académiciens, des scientifiques rencontrent des équipes pédagogiques sur le terrain.
Des appréciations positives ont été émises sur les apports de l'EIST. Ainsi, une étude du ministère de l'éducation nationale qui analyse le ressenti et la pratique des enseignants (159 ( * )) fait notamment apparaître que les élèves sont, dans l'EIST, plus actifs, curieux, intéressés, créatifs et moins intimidés, tout en notant que ces qualités semblent parfois se développer dans une atmosphère de réflexion un peu bouillonnante qui n'est pas toujours propice au développement de la rigueur.
Quant à la consultation sur l'EIST à laquelle une association de professeurs de technologie - PAGESTEC - a procédée en janvier 2013, elle indique que les professeurs participant déjà à l'EIST confirment être partisans de sa généralisation si les conditions initialement prévues sont maintenues (volontariat des personnes, heure de concertation, groupes allégés). En revanche, cette consultation fait état de la crainte d'une forte majorité des professeurs consultés (73 %) pour laquelle la généralisation de l'EIST signifierait une disparition progressive des enseignements de technologie au bénéfice de ceux des sciences de la vie et de la terre et de physique-chimie.
Quoi qu'il en soit, les rapporteurs estiment que la généralisation jusqu'en classe de 3 ème de l'EIST serait parfaitement conforme à la lettre et à l'esprit de la loi pour la refondation de l'école (160 ( * )) qui, comme nous l'avons vu, affirme dans son annexe la nécessité du développement des enseignements scientifiques et technologiques.
Afin d'intégrer totalement les notions des CSTI dans les enseignements du premier cycle de l'enseignement secondaire, il apparaît essentiel d'insister sur le volet industriel de ces cultures et, à cette fin, d'inclure un module qui lui soit consacré dans les thèmes de convergence. Ce module sera destiné à développer les connaissances sur les enjeux et les métiers de l'industrie.
En effet, actuellement, les collégiens peuvent avoir un aperçu des aspects industriels à travers le parcours de découverte des métiers et des formations (PDMF).
Mais, comme la Cour des comptes l'a souligné dans son rapport sur l'orientation à la fin du collège, sur lequel les rapporteurs reviendront, le PDMF est surtout destiné à jouer un rôle de sélection à l'encontre des collégiens qui seront orientés vers la filière professionnelle.
Dans ce contexte, il importe d'initier réellement, et de façon plus positive, les collégiens aux réalités industrielles à travers ce module.
Au demeurant, celui-ci ne ferait que consacrer la pratique
déjà existante selon laquelle des entreprises accueillent des
élèves, tandis que des entreprises
- l'UIMMM ou encore
celles regroupées au sein de C.génial - vont dans les
collèges et les lycées.
Deux autres arguments plaident en faveur de notre proposition. D'une part, elle serait conforme au souhait exprimé par le ministre de l'éducation nationale de rapprocher l'éducation nationale des entreprises. D'autre part, elle ferait prendre conscience très concrètement aux collégiens des enjeux de l'impératif de ré-industrialisation.
Dans les lycées
Dans son avis du 1 er février 2013 sur l'introduction de la technologie au lycée dans les filières de l'enseignement général, l'Académie des technologies rapporte que l'enseignement exploratoire des technologies n'est diffusé que dans 20 % des lycées. L'Académie fait observer qu'une telle situation pèse lourdement sur les vocations aux métiers techniques, poussant les titulaires de diplômes intermédiaires industriels (DUT, BTS, licence pro) à prolonger leur formation jusqu'à un niveau d'ingénieur. En outre, beaucoup de responsables de fonctions essentielles à l'entreprise (direction, finance, marketing, communication, vente) n'ont jamais reçu un véritable enseignement de technologie.
L'Académie déclare pertinemment qu'il faut éviter de réserver l'enseignement de la technologie aux élèves les moins à l'aise dans un cursus général et qu'il convient donc de l'étendre progressivement à toutes les filières.
Il s'agit là d'une bonne approche, qui prend en considération à la fois la nécessité d'intégrer la technologie dans le socle commun des connaissances des lycées et les contraintes de la situation actuelle.
C'est pourquoi les rapporteurs jugent opportun que les conséquences soient tirées de cet avis et que soit introduit, comme en collège, un module de culture industrielle.
Dans la première partie, les rapporteurs ont évoqué les travaux pratiques encadrés, dont l'objectif essentiel est de permettre aux élèves et aux professeurs d'instaurer une véritable démarche interdisciplinaire. En effet, les thèmes retenus ont pour objectif de favoriser, dans le sujet choisi, l'articulation d'au moins deux disciplines, en lien avec les programmes.
Au-delà de la démarche interdisciplinaire, les TPE permettraient, comme l'ont souligné Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, aux élèves de découvrir le vivier économique et social de leur région quelques heures par semaine en menant un projet pluridisciplinaire en groupe et, ce, selon un format proche de celui de l'alternance (161 ( * )) .
Pour ces raisons, Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut auraient souhaité que plus de classes, autres que celles de 1 ère où les TPE sont obligatoires, puissent faire des TPE.
Les TPE présentant donc des aspects incontestablement positifs au regard des objectifs des CSTI, les rapporteurs souhaiteraient proposer la généralisation des TPE en classe terminale , ce qui était d'ailleurs le cas de 2002 à 2005.
Dans les collèges et les lycées
Comme pour l'enseignement primaire, il importe d'appliquer aux collèges et aux lycées les recommandations du rapport de l'Académie des sciences sur l'enseignement de l'informatique .
Ces recommandations se déclinent respectivement comme suit au collège et au lycée.
- au collège :
. introduire un véritable enseignement d'informatique qui ne soit pas noyé dans les autres enseignements scientifiques et techniques, mais développe des coopérations avec ceux-ci dans une volonté d'interdisciplinarité.
- au lycée :
. proposer un enseignement obligatoire de l'informatique en seconde ;
. rendre obligatoire l'enseignement de l'informatique en première et en terminale sans exclure une option de spécialité plus approfondie en terminale ;
. proposer un enseignement facultatif de l'informatique en première et terminale ES ;
. continuer et développer l'enseignement de l'informatique dans les séries techniques et professionnelles ;
. étudier l'équilibrage horaire des disciplines requis par l'introduction de l'informatique avec, d'une part, un horaire spécifique d'informatique et, d'autre part, la prise en compte de contenus informatiques au sein des autres disciplines et de leurs programmes.
S'agissant de la formation des professeurs dans le domaine de l'informatique, il convient également de reprendre les recommandations du rapport de l'Académie des sciences, lesquelles visent :
- au collège, à aller vers un enseignement de l'informatique spécifique, assuré par des professeurs ayant une exigence de niveau et de diplôme identique à celle des autres sciences au collège ;
- à recruter des enseignants de discipline informatique au lycée ayant une exigence de niveau et de diplôme identique à celle des autres sciences au lycée ;
- concevoir une intégration de l'informatique dans les enseignements disciplinaires traditionnels, aussi bien dans les humanités que dans les sciences.
Dans les établissements d'enseignements primaire et secondaire
- les rapporteurs proposent que les établissements primaires et secondaires organisent chaque année dans l'établissement un débat, fil rouge de l'année, sur le modèle des conférences de citoyens. Ce dispositif aurait plusieurs objectifs :
. impliquer les parents dans le système éducatif et leur transmettre, en tant qu'éducateur, la connaissance de certains sujets scientifiques,
. sensibiliser parents et élèves à leur participation en tant que citoyens aux débats scientifiques,
. faire intervenir dans les établissements des acteurs locaux et nationaux émanant des mondes de la recherche et de l'entreprise.
Ces conférences parents-élèves pourraient avoir pour sujet soit une thématique suscitant le débat dans l'actualité nationale soit un enjeu local, qu'il soit scientifique, technique ou industriel. Les parents et les élèves seraient informés sur un même sujet par des spécialistes dont ils auraient préalablement établi la liste. Séparément, parents et élèves parviendraient ainsi à établir des recommandations qui seraient confrontées puis valorisées selon le format que choisira l'établissement (restitution publique, en présence des « spécialistes » par exemple).
Placée sous la responsabilité des chefs d'établissements et des CDI, ces conférences parents-élèves seraient obligatoires ;
- si l'on veut leur donner la place qu'elles méritent, encore faut-il que les CSTI aient une visibilité institutionnelle dans les écoles, collèges et lycées. C'est pourquoi il semble important aux rapporteurs qu'un référent y soit désigné afin de pouvoir coordonner les actions de CSTI au sein des établissements et à l'extérieur avec les autres acteurs des CSTI (rectorats, universités, associations, organes de recherche). Dans les écoles primaires, il s'agirait de la directrice ou du directeur et les Centres de documentation et d'information (CDI) dans les collèges et lycées.
Dans les établissements d'enseignement supérieur
Là encore, les maîtres-mots de la rénovation des enseignements scientifiques et technologiques sont l'interdisciplinarité et le renforcement de leur caractère concret et pratique.
Il existe déjà des établissements où l'interdisciplinarité est la base même des enseignements. Il en est ainsi du centre de recherche interdisciplinaire, rattaché à l'Université de Paris V-Descartes. Il traite de la philosophie, des mathématiques, de l'informatique, de la physique, de la chimie, de la biologie et de la médecine. Il offre aussi des formations universitaires : licence FDV (Frontière du Vivant), Master AIV et AIW (Approches interdisciplinaires du Vivant ou du Web) et possède une École doctorale Frontières du Vivant.
Une autre expérience de pluridisciplinarité intéressante est celle de l'Institut Villebon-Charpak de Saclay. Cet institut prépare à une licence scientifique expérimentale et pluridisciplinaire délivrée par les universités partenaires Paris-Descartes et Paris-Sud, les étudiants pouvant continuer un cursus dans une école d'ingénieur ou en Master.
Cet institut présente trois particularités. D'une part, le profil des étudiants est diversifié : la première promotion compte 66 % de filles et de boursiers et 30 % de bacheliers de l'enseignement technologique, ces bacheliers étant recrutés pour leur appétit des sciences et leur créativité (162 ( * )) .
D'autre part, dans la ligne de La Main à la Pâte, la méthode inductive est privilégiée, laquelle part de l'expérience pour trouver la règle, plutôt que la traditionnelle méthode déductive.
Enfin, les enseignements accordent une place importante aux sciences sociales.
Il n'est pas indifférent de noter que les programmes ont été élaborés par une dizaine d'enseignants qui se sont formés à toutes les méthodes pédagogiques de pointe, dont les écoles de design et les cours en ligne.
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a pris la mesure de l'importance de la pluridisciplinarité en impartissant au service public de l'enseignement supérieur la mission de contribuer à la diffusion des connaissances dans leur diversité.
Il apparaît nécessaire aux rapporteurs, afin que cet objectif soit réellement atteint, de systématiser l'organisation d'enseignements interdisciplinaires, associant le plus souvent possible les différentes sciences dures et biologiques, mais aussi les sciences humaines et sociales.
Cette proposition concerne non seulement les universités mais aussi les écoles d'ingénieurs. À propos de ces dernières, on a pu estimer « qu'il est indispensable de proposer une conception résolument transversale de ces formations, qui n'impliquent pas uniquement sciences et technologie. Les applications et usages de ces dernières posent des problèmes relevant largement d'approches pluridisciplinaires. Elles impliquent également de ne pas oublier les dimensions éthique et philosophique » (163 ( * )) .
Dans l'enseignement supérieur, il est également nécessaire - comme dans les autres niveaux d'enseignement, d'appliquer les recommandations du rapport de l'Académie des sciences sur l'enseignement de l'informatique.
Ces recommandations visent à :
- pour les CPGE (classes préparatoire aux grandes écoles), augmenter le volume horaire dédié à l'enseignement de l'informatique. Le volume actuellement proposé de deux heures en première année et une heure en seconde année ne saurait suffire à couvrir les besoins culturels et professionnels des étudiants de ces classes ;
- développer des cours spécifiques de culture informatique pour tous les étudiants des cycles de licence et de maîtrise, en particulier ceux qui se destinent à l'enseignement.
À travers plusieurs de ses dispositions, la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche vise à favoriser la promotion sociale et la formation professionnelle des étudiants. À cette fin, elle dispose que la formation des étudiants peut s'effectuer par la formation en alternance.
Il importe de promouvoir cette formation dans les universités et dans les écoles d'ingénieurs, afin de permettre aux étudiants de mieux conjuguer théorie et pratique.
Il convient d'éviter, dans ces dernières, de réserver l'apprentissage aux seuls élèves issus des admissions sur titre, titulaires essentiellement d'un DUT ou d'un BTS.
2. Réduire les inégalités d'accès aux savoirs et aux métiers scientifiques et techniques
Cette lutte contre les inégalités comporte deux volets :
- corriger les effets pervers de la démocratisation ségrégative du système éducatif ;
- poursuivre résolument l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes.
a. Corriger les effets pervers de la démocratisation ségrégative du système éducatif
L'expression de démocratie ségrégative est due à M. Antoine Prost, historien de l'éducation. Elle désigne, selon lui, le caractère ambivalent de la démocratisation scolaire. Car, fait remarquer M. Prost, la démocratisation s'est bien effectuée au profit des enfants d'ouvriers (164 ( * )) , puisqu'ils allaient en classe moins longtemps, « Mais une analyse plus fine par type de baccalauréat fait apparaître de nouvelles inégalités en fonction des spécialités choisies » (165 ( * )) .
Le jeu des filières et celui des méthodes contribuent au renforcement des inégalités sociales par le système éducatif. La France n'est pas le seul pays qui soit confronté à cette question des inégalités croissantes. C'est également le cas de l'Allemagne et du Royaume-Uni, pour se limiter à ces deux pays.
i. Le renforcement des inégalités sociales par le système éducatif
La massification à l'épreuve des méthodes pédagogiques traditionnelles et modernes et de la précocité des différences de trajectoires scolaires
1. Pourquoi, constate Mme Muriel Navarro, membre du comité de rédaction de la revue Regards croisés sur l'économie , la question de la démocratisation de l'enseignement reste largement posée aujourd'hui (166 ( * )) ? Mme Navarro suggère deux réponses à cette question.
Selon la première réponse, la massification scolaire remet en cause les pratiques pédagogiques traditionnelles. À cet égard, Mme Navarro se réfère à différents travaux sociologiques qui montrent que la socialisation des enfants est différente en fonction du milieu d'origine. Les enfants issus des milieux populaires sont moins familiarisés à la langue et à la culture qui sont valorisées à l'école, que ceux issus des milieux favorisés. En effet, les parents - cadres, enseignants ou membres d'une profession libérale - conduisent davantage leurs enfants au musée (167 ( * )) ou encore au théâtre. Il résulte de ce contact précoce avec la culture que leurs enfants maîtrisent mieux le langage mobilisé à l'école et disposent d'une culture générale qui peut être valorisée dans le cadre scolaire.
A contrario , les élèves issus de milieux populaires ont plus souvent des difficultés d'apprentissage plus importantes que ceux issus de milieux aisés.
De fait, comme le souligne l'étude précitée de Mme Navarro, la massification de l'enseignement a conduit à ce que les enseignants gèrent des classes au sein desquelles le niveau des élèves pourrait être très hétérogène, avec notamment des élèves en grande difficulté scolaire.
Les enseignants ont rencontré d'autant plus de difficultés à faire face à cette hétérogénéité que la pédagogie traditionnelle reposait, jusqu'au milieu des années 60, sur la pratique -très répandue dans l'enseignement secondaire - du cours magistral, le plus souvent dicté. Or, pour Mme Navarro, cette façon de faire cours met l'accent sur la transmission du savoir mais soulève des problèmes du point de vue de son appropriation par les élèves : « Ceux qui étaient le plus éloignés de la norme scolaire notaient un cours qu'ils ne comprenaient pas et lâchaient prise », fait observer Mme Navarro.
La deuxième réponse formulée par Mme Navarro à la question des causes de l'échec de la démocratie confirme la première. En effet, Mme Navarro souligne que les nouvelles pratiques pédagogiques - introduites dès la fin des années 60 - se sont révélé tout aussi inefficaces.
Ces pédagogies nouvelles, dites actives, valorisant l'activité autonome des élèves, avaient pour objectif de réduire les inégalités d'accès au savoir.
Or, selon certaines études, les élèves qui étaient, au départ, en difficulté, ne comprennent pas la signification des tâches scolaires. Au moment d'apprendre leur cours, les élèves les plus faibles ont beaucoup de mal à déterminer ce qu'il est pertinent de retenir car les connaissances à maîtriser sont éparpillées dans les différentes activités et exercices effectués. Seuls les élèves qui avaient de bonnes dispositions scolaires au départ tirent profit des nouvelles pratiques. Ces derniers sont, en effet, attentifs aux interactions qui ont lieu en classe, comprennent ce qui est fait au fur et à mesure des activités et posent ainsi des questions pertinentes à leur enseignant, ce qui leur permet de progresser.
Mme Navarro fait également observer que ce renforcement des inégalités d'apprentissage est aussi à relier au fait que, dans les établissements les plus difficiles, les enseignants ont diminué leurs exigences en termes de savoir à maîtriser, ce qui accroît les différences de trajectoires scolaires.
2. De telles différences sont clairement confirmées par les études statistiques. Ainsi, une étude de la Conférence des grandes écoles (CGE) fait observer que le système éducatif français « accorde la palme à la précocité » (168 ( * )) .
La CGE constate, en effet, que le faible taux de candidats issus de milieux modestes aux différents modes de recrutement des grandes écoles est imputable aux inégalités qui apparaissent dès l'école élémentaire.
Ainsi, seuls les deux tiers des enfants d'ouvriers non qualifiés arrivent en CE2 à l'âge normal ou en avance, contre plus de 97 % des enfants d'enseignants.
La CGE se réfère à une étude de la Direction de l'étude et de la prospective, selon laquelle, en ce qui concerne les trajectoires scolaires des enfants des milieux défavorisés, tout est très largement joué à l'entrée en 6 ème , la suite du cursus continuant de creuser l'écart.
Cet écart est déjà significatif en fin de 3 ème sur la base du diplôme national du brevet. Avec un taux de réussite égal à 95 %, les enfants de cadres devancent largement tous les autres candidats, puisque 77 % des enfants d'ouvriers obtiennent le brevet, ce taux étant de 68 % lorsque le chef de famille n'a pas d'activité professionnelle.
Enfin, les chances d'accéder au niveau du baccalauréat, et notamment du baccalauréat scientifique, lequel constitue le principal vivier des classes préparatoires, restent également très inégales. Les taux varient de près de 92 % pour les enfants d'enseignants (91 % pour les autres cadres) à 37 % chez les enfants d'inactifs et 51 % chez ceux d'ouvriers non qualifiés, soit un écart de 1 à 1,8 si on prend pour base ces derniers.
Devant de telles inégalités, la CGE rappelle que, depuis de nombreuses années, elle souligne la nécessité d'agir en amont et le plus tôt possible dans la chaîne éducative pour permettre la même réussite scolaire.
Les statistiques publiées par le ministère de l'éducation nationale (169 ( * ) |
)
confirment les inégalités relevées par
la CGE. Ces statistiques révèlent ainsi que seulement 20 % des
enfants d'inactifs et 41 % des enfants d'ouvriers accèdent en seconde
générale et technologique sans avoir redoublé depuis leur
entrée en sixième, contre 85 % des enfants de cadres et
d'enseignants. À l'inverse, 46 % des enfants d'inactifs et 39 % des
enfants d'ouvriers se dirigent vers la voie professionnelle, contre 7 %
d'enfants de cadres ou d'enseignants. De même, plus le diplôme de
leur mère est élevé et plus les élèves
parviennent en seconde générale sans avoir redoublé : 84 %
des élèves ayant une mère diplômée de
l'enseignement supérieur connaissent un tel parcours, contre un tiers
des élèves dont la mère n'a aucun diplôme.
Les établissements privés scolarisent davantage d'élèves appartenant aux catégories sociales favorisées. Si la structure sociale des établissements privés est d'une façon générale tirée vers le haut, elle se démarque de celle des établissements publics avant tout pour l'accueil des enfants des catégories sociales favorisées et défavorisées : surreprésentation des élèves d'origine sociale favorisée (36,3 % de filles et fils de chefs d'entreprise, de cadres et professions intellectuelles supérieures, de professeurs des écoles, contre 20,6 % dans le public), sous-représentation des élèves issus des catégories sociales défavorisées (19,6 % d'enfants d'ouvriers ou d'inactifs, cette proportion s'élevant à 39,3 % dans les établissements publics). |
Il est clair que les résultats médiocres enregistrés par la France lors de la deuxième enquête PISA, à l'occasion de laquelle la France a été taxée de championne des inégalités, ne manqueront pas de susciter un débat soutenu sur le caractère dual de notre système éducatif (170 ( * )) .
Le jeu sélectif des filières
Lors de son audition par la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale, le 12 décembre 2012, sur le rapport de la Cour des comptes - réalisé à la demande de la commission des Finances de l'Assemblée nationale relatif à l'orientation, à la fin du collège -, M. Patrick Lefas, président de la 3 ème Chambre de la Cour des comptes, a parfaitement résumé les dysfonctionnements existants : « Derrière le discours sur l'égale dignité des trois voies de formation du lycée - générale, technologique et professionnelle - se cache une réalité un peu différente, la voie générale étant considérée comme la meilleure, car permettant de retarder le plus longtemps le choix de l'orientation ».
Exposant les grandes lignes de l'enquête de la Cour, le président Patrick Lefas a en effet établi trois constats :
- le premier indique que la procédure d'orientation est incapable de répondre aux objectifs législatifs ambitieux de formation d'une classe d'âge (171 ( * )) . Car l'orientation, vécue comme la sanction d'un parcours scolaire par les élèves, les parents et les enseignants, sert surtout à discriminer les bons élèves destinés à la voie générale des mauvais élèves ;
- le deuxième constat relève que le collège unique n'existe toujours pas quarante ans ou presque après son instauration. Les élèves qui vont en voie professionnelle sont ceux qui doivent choisir leur filière dès la fin de la troisième, alors qu'ils sont, en général, âgés de quinze ans. Ceux qui vont en voie générale et technologique - les meilleurs - ont encore la seconde pour faire le choix ;
- enfin, l'enquête fait ressortir la faiblesse croissante du système scolaire français en matière de traitement des difficultés scolaires, ce qui, rappelle M. Lefas, est corroboré par les enquêtes PISA de l'OCDE ou l'enquête PIRLS pour les performances de lecture des élèves en fin de CM1.
D'après les dernières statistiques du ministère de l'éducation nationale, parmi les élèves inscrits en 3 ème à la rentrée 2011, 60,9 % s'étaient orientés à la rentrée 2012 en second cycle général et technologique et 25,2 % en second cycle professionnel.
Les dysfonctionnements liés à la procédure d'orientation sont lourds de conséquences. On en évoquera deux.
La première touche à ce que le rapport précité de l'IGAENR sur le bilan et les perspectives de la diffusion de la culture scientifique et technique appelle le rôle contreproductif de la filière scientifique. L'IGAENR estime en effet que : « Le fait que soit appelée « scientifique » une filière de baccalauréat (S) qui ne parvient pas à l'être vraiment, pour demeurer d'abord celle de la sélection des meilleurs élèves, montre qu'on n'a pas rompu, au niveau systémique, le lien traditionnel entre sciences et sélection, qui est par lui-même contreproductif en termes de diffusion de la culture scientifique et technique : si, en effet, on attend des sciences une action sélective, on privilégiera toujours ce qui, dans l'exercice des sciences, facilite cette sélection que l'on recherche ».
Comme la filière S est considérée comme la voie royale menant à tout, il en résulte certaines situations injustes telles que les difficultés rencontrées par les bacheliers de la filière technologique à s'inscrire dans les IUT ou dans les universités de technologie, vers lesquels se dirigent les bacheliers de la filière S pour éviter de s'inscrire en licence. C'est d'ailleurs pour cette raison que la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a prévu de réserver dans les IUT un quota de places en faveur des meilleurs bacheliers de la filière technologique.
En second lieu, la mauvaise image de marque dont est
entourée la voie professionnelle, considérée comme une
voie de relégation
(172
(
*
))
dans les mentalités collectives, ne
crée bien évidemment pas les meilleures conditions pour relever
le défi de la ré-industrialisation. Ainsi, au cours de l'audition
publique du 13 juin 2013, M. Olivier Las Vergnas, directeur de la
Cité des métiers à Universcience,
a-t-il
évoqué la pénurie de techniciens
spécialisés, confirmant un diagnostic largement répandu
selon lequel de nombreux emplois restent non pourvus en France en raison des
insuffisances de formation
(173
(
*
))
. De même, M. Thierry Reygades,
secrétaire national du SNES-FSU en charge des enseignements
technologiques de la formation professionnelle, a-t-il attiré
l'attention, lors de l'audition publique du 13 juin 2013, sur les
difficultés auxquelles se heurtait le Lycée Diderot de Paris pour
recruter des jeunes, afin qu'ils suivent des formations technologiques et
industrielles, alors que, créé en 1873, cet établissement
devait fournir les cadres intermédiaires dont la révolution
industrielle avait besoin.
Cet ensemble de dysfonctionnements liés aux inégalités scolaires et sociales que les rapporteurs viennent d'examiner ne sont pas propres à la France. L'Allemagne et le Royaume-Uni y sont également confrontés.
ii. Un défi auquel sont également confrontés l'Allemagne et le Royaume-Uni
L'Allemagne
Le débat sur la reproduction et le renforcement des inégalités sociales par le système éducatif revêt de nombreux points communs avec celui qui existe en France.
Mais il est d'autant plus vif que cette question se rapporte à l'une des principales critiques soulevées par les études PISA concernant l'Allemagne et que, malgré la puissance économique de ce pays, le contexte social est marqué par le nombre élevé d'adolescents pauvres (174 ( * )) .
Ce débat a trait au rôle joué par l'origine sociale dans le parcours et la réussite scolaires des élèves, d'une part, et, d'autre part, au rôle des mathématiques qui apparaît comme un instrument de sélection.
Sur le premier point, l'origine sociale influe sur la notation des élèves, leur orientation, leur réussite scolaire et leur jugement concernant l'institution scolaire.
- Le site Ingenieur (175 ( * )) cite une étude du Wissenschaftszentrum für Soziaforschung de Berlin, d'après laquelle il s'avère que la notation des professeurs peut être influencée par l'origine sociale des élèves.
- Pour ce qui est de l'orientation, la barrière la plus élevée et la plus importante dans le système éducatif allemand se situe à la quatrième classe, l'équivalent du CM1. C'est à ce niveau que se décide l'affectation des élèves dans la Haupt, Real ou Gesauntschule, comme l'indique l'encadré ci-dessous. Cette décision détermine le parcours futur de l'élève.
Les enseignements primaire et secondaire dans le système éducatif de l'Allemagne Les enfants allemands entrent à l'école primaire à l'âge de six ans. L'enseignement élémentaire qu'ils reçoivent dans cette « Grundschule » est obligatoire et est en général étalé sur quatre ans, de la 1 ère à la 4 ème classe (soit l'âge de 10 ans). Ici, les enfants apprennent les notions de base et dans la majorité des Länder, les élèves ne reçoivent pas de notes lors des deux premières années, mais une évaluation sous forme d'un rapport individuel. Au début de la 5 ème classe (11 ans), les enfants se retrouvent dans une autre école du secteur secondaire. Ils décident combien de temps ils veulent rester à l'école, s'ils veulent intégrer une Hauptschule, Realschule ou un lycée. Pour remplir l'obligation scolaire générale, on doit fréquenter pendant neuf ans (dix ans dans quelques Länder) une école à temps plein. a) Hauptschule
Après l'école primaire, environ 25% des
élèves fréquentent une Hauptschule pendant cinq ans (de la
5
ème
à la 9
ème
classe). Cette
école dispense à ses élèves une éducation
générale approfondie. Chaque élève suit des cours
d'allemand, de mathématiques, de sciences naturelles, de sciences
sociales, d'une langue étrangère et des cours d'initiation
à la vie professionnelle. À l'issue de l'école, les
élèves s'engagent généralement dans la formation
professionnelle.
En général, la scolarité au lycée
dure neuf ans (de la 5
ème
à la 13
ème
classe), dans quelques Länder, seulement jusqu'à la
12
ème
. Les classes 11 à 13 préparent l'Abitur
(le baccalauréat allemand) qui donne accès à toutes les
filières d'études supérieures. Les classes traditionnelles
y sont remplacées par un système de cours. Il y a, bien
sûr, des groupes de matières obligatoires, mais globalement, les
élèves ont la liberté de choisir leurs priorités
grâce à une gamme de matières plus étendue. Il y a
plusieurs catégories, par exemple, langues-littérature-art,
mathématiques-sciences naturelles et sociologie. Chaque
élève doit avoir une matière de chaque catégorie
dans son cursus. Le sport aussi est une matière obligatoire.
L'école intégrée dure en général, de la 5 ème à la 10 ème classe et, souvent, possède sa propre phase supérieure, conçue comme celle des lycées. Elle regroupe, en fait, les trois différents types d'écoles dans une unité pédagogique et organisationnelle. Les élèves ont donc la possibilité d'obtenir le certificat de la Hauptschule ou la Realschule ou alors de continuer et passer l'Abitur. Source : Voltaire online.
D'après les informations qui ont été
portées à la connaissance des rapporteurs, des réformes ou
des débats sont en cours. Ainsi, plusieurs Länder se sont-ils
penchés sur une réforme profonde des enseignements primaire et
secondaire et sur l'instauration de filières dès le début
du cycle secondaire.
|
À cet égard, une étude de la Fondation Hans Böckler (176 ( * )) relève que la probabilité selon laquelle les élèves issus des milieux socio-économiques défavorisés d'aller au lycée (Gymnasium) - considérée comme la voie royale, à l'exemple de notre filière générale et technologique - est clairement plus faible que celle des élèves issus des milieux socio-économiques favorisés et, ce, à compétences et à capacités cognitives égales.
En outre, même lorsque les compétences en lecture et les compétences fondamentales sont égales, les enfants des cadres supérieurs ont 2,6 fois plus de chances relatives de bénéficier d'une recommandation du corps enseignant pour aller au lycée que les enfants des salariés qualifiés et 4,5 fois plus que les enfants des salariés spécialisés.
Plus marquantes encore sont les différences concernant les préférences exprimées par les parents. À compétences égales en matière de lecture et d'aptitudes cognitives fondamentales, le nombre de parents appartenant à la catégorie des cadres supérieurs souhaitant que leurs enfants aillent au lycée est 3,8 fois plus élevé que celui des salariés qualifiés et 5,7 fois plus élevé que celui des salariés spécialisés.
Pour les auteurs de l'étude de la Fondation Hans Böcker, le fait d'être issu des couches sociales défavorisées en Allemagne pour un ou une élève aura pour effet de le priver bien souvent d'une formation. C'est ainsi que 14,6 % des enfants dont les parents ne sont pas titulaires d'un diplôme du cycle court de l'enseignement secondaire sont dans la même situation que leurs parents. Au demeurant, les résultats de l'enquête PISA de 2006 avaient déjà estimé qu'entre 15 et 20 % des jeunes Allemands appartenaient à une catégorie dite « à risque », c'est-à-dire des jeunes disposant tout au plus du degré 1 de compétence dans les métiers touchant aux sciences physiques, aux mathématiques et à la lecture.
Les conséquences de l'orientation sont d'autant plus redoutables pour l'avenir des élèves que les possibilités de passerelles entre les filières sont très limitées. Ainsi, un rapport de la Fondation Bertelsmann (177 ( * )) déplore-t-il que la situation évolue, selon ses termes, à un « rythme d'escargot », indiquant que la fréquence du passage d'une filière inférieure à une filière supérieure a été, en 2012, 4,2 fois moins élevée que dans le sens inverse, ce qui représente un changement très minime par rapport à 2010, où ce rapport était de 1 à 4,3.
- S'agissant des incidences de l'origine sociale sur le parcours des élèves, l'étude précitée du site Ingenieur indique que seulement un étudiant sur 50 est issu d'une famille qui n'a pu bénéficier d'une formation académique et que seulement un tiers des étudiants provient des couches moyennes.
- Le dernier indicateur concerne l'attitude des élèves vis-à-vis de l'institution scolaire : un récent sondage de l'Institut Allensbach (178 ( * )) fait apparaître que 63 % des élèves issus des catégories sociales supérieures se sentent bien à l'école, contre 35 % pour la moyenne et 2 % ayant déclaré qu'ils ne s'y sentaient pas bien.
De façon générale, le sondage de l'Institut Allensbach indique que la quasi-unanimité des professeurs (96 %) estime que l'origine sociale des parents influe sur les performances des élèves et que 83 % d'entre eux jugent cette influence très grande. Cette position est d'autant plus remarquable qu'en 2005, un communiqué à la presse de l'association des professeurs d'Allemagne soutenait que c'est la volonté d'apprendre et non l'origine sociale qui décide de la réussite scolaire.
Quant au deuxième point du débat relatif au rôle sélectif joué par les mathématiques, là encore on peut relever certaines similitudes avec la situation française.
Malgré les efforts entrepris pour élever le niveau en mathématiques, pour tenir compte des résultats jugés catastrophiques dans les tests du PISA, les mathématiques demeurent la matière principale qui fait peur aux élèves - à la différence des autres matières, telles que l'anglais - et dans laquelle seule une minorité a de bons résultats, qui les épargnent du risque de redoublement (179 ( * )) .
Cette situation suscite d'autant plus l'anxiété des lycéens et de leurs familles que de mauvais résultats en mathématiques et en physique peuvent avoir pour effet d'obliger les lycéens à changer de filière. Or, dans ce cas, la décision de l'établissement ne peut être contestée (180 ( * )) .
Il apparaît que peu de bacheliers ont un bon niveau en mathématiques.
Cette situation qui a déjà été
évoquée précédemment a conduit certaines grandes
entreprises - dont Siemens, BMW et Telekom - à financer des
chaires de didactique des mathématiques à Munich, mais aussi dans
d'autres universités, afin de favoriser le recrutement de professeurs et
de maîtres de conférences qui auront la charge de réformer
l'enseignement des mathématiques. Les autres matières
- informatique, physique et technologie - ont également
bénéficié de ce soutien financier, qui prend fin, dans le
cas de Telekom, cette année.
L'industrie a pris cette décision car non seulement elle a jugé contre-productive la pédagogie pratiquée jusqu'à présent, considérant notamment que beaucoup trop peu d'élèves surmontent la sélection pratiquée en mathématiques. Mais surtout, elle a estimé que le déficit d'étudiants dans les MINT (Mathématiques, informatique, science physique et technologie) pouvait porter préjudice à la compétitivité de l'économie allemande (181 ( * )) .
Le Royaume-Uni
Le thème du lien entre inégalités sociales et inégalités scolaires est l'objet de nombreuses études au Royaume-Uni.
Les deux études sur lesquelles les rapporteurs se focaliseront confirment l'idée déjà évoquée précédemment à propos de l'étude de la Conférence des grandes écoles, que les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur peuvent trouver leur source dans celles qui existent dans les niveaux inférieurs d'enseignement.
Ainsi, après avoir fait observer que, comme dans les autres pays de l'OCDE, au Royaume-Uni, les élèves issus des familles à bas revenus sont désavantagés dans leur réussite scolaire - à la différence de leurs condisciples provenant des familles aisées -, l'étude de l'Association britannique pour la recherche en éducation (182 ( * )) insiste sur ce qu'elle considère comme des particularités de la société britannique :
- en moyenne, les élèves britanniques blancs - garçons et filles - sont probablement plus que tout autre groupe ethnique celui dont l'absence de réussite scolaire est durable ;
- parmi les groupes ethniques minoritaires, les élèves d'origine chinoise et indienne sont ceux qui réussissent le mieux et les élèves des Caraïbes le moins ;
- la pauvreté - dont l'éligibilité aux repas gratuits distribués par les écoles est un indicateur - est fortement associée à une faible réussite scolaire et, ce, davantage chez les élèves britanniques blancs que chez les autres groupes ethniques.
Trois autres facteurs sont à prendre également en considération :
- en premier lieu, les élèves issus des foyers à bas revenus ont presque un an de retard lors de leur entrée dans le système scolaire et deux ans de retard à l'âge de 14 ans, ces enfants ayant une attitude beaucoup moins positive à l'égard de l'apprentissage et d'eux-mêmes ;
- en second lieu, les inégalités scolaires sont les plus intenses chez les jeunes qui n'étudient, ni ne sont employés, ni ne sont en formation, les NEET, catégorie déjà évoquée précédemment. Ces jeunes sont ceux qui sont le plus souvent marqués par un absentéisme chronique, la consommation de drogue et d'alcool, le handicap, les problèmes de santé mentale, les comportements criminels et antisociaux et une faible réussite scolaire.
Des jeunes provenant de certaines catégories sociales encourent également un plus grand risque de devenir des NEET. Car, au plan national, parmi les jeunes âgés de 16 ans, 7 % d'entre eux sont des NEET. Ce taux atteint 11% dans les catégories socio-économiques les plus pauvres, 13 % chez les handicapés, 22 % chez ceux qui ont été exclus du système scolaire, 32 % chez ceux dont l'absentéisme est chronique et 74 % chez les filles-mères ;
- enfin, l'étude estime que ce n'est pas seulement la faiblesse du montant des revenus qui influe sur la scolarité, mais également ce qu'elle appelle la dynamique du voisinage, dans les quartiers sociaux des centres villes et dans ceux habités par des propriétaires d'origine asiatique. Les résultats des enfants de ces derniers au certificat général des études secondaires (CGES) sont constamment meilleurs que ceux qui seraient attendus si l'on se basait sur les critères de pauvreté. Au contraire, certains quartiers dans lesquels les résultats au CGES sont les plus faibles sont ceux où, en majorité, habitent les élèves blancs, à savoir des quartiers résidentiels. De tels voisinages sont souvent considérés comme n'étant pas particulièrement pauvres ou désavantagés.
L'Association britannique pour la recherche en éducation fait valoir que, selon de nombreuses études, l'échec scolaire ne peut simplement être expliqué par l'origine.
Ces études prennent ainsi en considération le type d'école fréquentée par les élèves, la mixité, la localisation des écoles, la qualité du corps enseignant et l'apprentissage. Il en résulte que, pour certaines de ces études, les facteurs scolaires et non scolaires peuvent se combiner pour réduire la réussite scolaire des enfants qui sont désavantagés du fait de leur origine sociale.
La deuxième étude émanant de la CASE (Campaign for science and engineering) examine la diversité socioéconomique dans les filières STEM de l'enseignement supérieur.
Du fait du montant des frais d'inscription qui s'élèvent à plus de 9 000 livres sterling (soit plus de 11 000 euros), cette association estime qu'il est particulièrement important de s'assurer que l'origine sociale n'influence pas la possibilité pour les étudiants de poursuivre une carrière dans les STEM, ni d'étudier dans ces filières. Étant donné que les emplois dans les STEM sont payés 20 % de plus que dans les autres secteurs, l'accès aux filières STEM devrait être entièrement fondé sur le mérite.
Malheureusement, constate CASE, le fait d'appartenir à une catégorie socioéconomique défavorisée peut toujours constituer un obstacle à l'accès aux filières STEM.
CASE fonde ce constat sur la base de statistiques concernant les étudiants britanniques qui se sont inscrits dans les filières STEM de 2004 à 2010.
Selon les filières, la situation est la suivante :
- Sciences biologiques et informatique : ces deux filières ont beaucoup contribué à l'amélioration d'ensemble enregistrée par les filières STEM, attirant constamment un nombre d'étudiants provenant des catégories socioéconomiques défavorisées plus élevé que celui de l'ensemble des filières de l'enseignement supérieur.
Pourcentage de jeunes étudiants britanniques
provenant
de catégories socioéconomiques à bas
revenus
Sciences biologiques |
Physique |
Mathématiques |
Informatique |
Ingénierie et technologie |
Toutes filières |
|
2004-2005 |
28.0 |
25.5 |
26.3 |
37.3 |
29.1 |
28.2 |
2005-2006 |
30.1 |
26.6 |
26.9 |
37.8 |
29.5 |
29.3 |
2006-2007 |
31.0 |
26.8 |
25.8 |
39.0 |
29.7 |
29.8 |
2007-2008 |
30.5 |
25.2 |
26.0 |
37.6 |
29.3 |
29.5 |
2008-2009 |
33.8 |
27.4 |
27.0 |
38.9 |
31.1 |
32.3 |
2009-2010 |
31.5 |
25.1 |
25.8 |
39.6 |
29.4 |
30.0 |
Source : HESA (Agence de l'enseignement supérieur).
- Physique et mathématiques : dans ces filières, la proportion d'étudiants provenant des catégories sociales à bas revenus et des environnements à faible participation (183 ( * )) a été constamment inférieure à celui de la moyenne de l'ensemble des filières de l'enseignement supérieur. En 2010, ce taux était environ de 25 % en mathématiques et en physique contre 30 % pour l'ensemble des filières de l'enseignement supérieur.
Cette situation a été imputable à la fermeture des filières dites « triple science » (chimie, physique, biologie) dans les classes des établissements publics préparant au certificat général de l'enseignement secondaire et au manque de professeurs de mathématiques et de physique dans les régions défavorisées.
En outre, le rapport de CASE constate que les élèves des écoles publiques ont moins de chance que ceux des écoles privées d'étudier les disciplines scientifiques en terminale.
Enfin, les étudiants provenant des catégories socioéconomiques à bas revenus peuvent être contraints d'étudier dans les universités de leur région, pour des raisons financières. Ainsi, les augmentations passées des frais d'inscription ont-elles conduit davantage d'étudiants de certaines catégories sociales à étudier dans une université locale. Or, un choix limité d'universités peut avoir pour effet de restreindre le choix des cours dans les filières STEM. Alors que 116 universités offrent des cours de sciences biologiques, seulement 58 comportent des filières de sciences physiques.
- Ingénierie, technologie : ce sont les filières où le taux des étudiants provenant des milieux défavorisés (29,4 %) a été le plus conforme à la moyenne de l'ensemble des filières (30 %), bien qu'il y ait eu peu de demandes d'inscription des étudiants des régions défavorisées.
*
* *
Comme on le voit, la réduction des inégalités d'accès aux filières scientifiques et technologiques est un immense chantier, mais qui doit être mené devant la double nécessité de renforcer la cohésion sociale et de faire face aux impératifs catégoriques de ré-industrialisation et de compétitivité.
À cet égard, on peut se féliciter que le Président de la République ait décidé de poser la candidature de la France à l'organisation des Olympiades des métiers en 2019, manifestation dont l'importance ne saurait être négligée, car elle est significative de l'intérêt qu'un pays porte au travail manuel (184 ( * )) . Il y a là une initiative très intéressante, qui mériterait d'être relayée par les entreprises et les régions, comme les rapporteurs le proposent dans une recommandation.
Un autre signe très encourageant est l'enquête à laquelle l'AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la ville) a procédé dans le cadre de la Journée 2013 du refus de l'échec scolaire qu'elle a organisée à la fin du mois de septembre 2013, enquête qui semble aller à l'encontre des stéréotypes négatifs dont l'enseignement professionnel est victime.
Il en ressort que près des deux tiers des 1 042 lycéens de l'enseignement professionnel accompagnés par l'AFEV ayant été interrogés, ont le sentiment d'avoir choisi leur orientation après la classe de 3 ème . En outre, leur perception du lycée professionnel est plutôt très positive : plus de la moitié d'entre eux jugent que le lycée professionnel est « mieux que le lycée général ».
71,5 % estiment qu'ils apprennent un métier. En revanche, 10 % ne partagent pas du tout ce sentiment et 20 % plutôt non.
Enfin, plus de trois quarts d'entre eux savent quel métier ils veulent exercer plus tard, près des deux tiers envisageant une poursuite des études au-delà du bac.
Même si cette enquête, comme tout sondage, n'offre qu'une photographie partielle, elle doit néanmoins être prise en considération à l'heure où la revalorisation de l'enseignement professionnel est considérée comme un objectif prioritaire.
En effet, bien que deux tiers de l'échantillon semblent avoir, par leur réponse, validé la réforme du bac professionnel, il importe aussi de prendre en compte la situation du tiers restant, qui n'est nullement satisfait de son sort.
Dans ce contexte, il apparaît aux rapporteurs que la question de l'orientation est absolument décisive et qu'elle doit se fixer pour objectif d'être réellement choisie par tous les collégiens et lycéens. C'est à ce prix que le principe de l'égale dignité entre les trois filières pourra être pleinement respecté dans les faits.
Les axes que les rapporteurs souhaitent suggérer rejoignent, pour les trois premiers d'entre eux, ceux proposés par la Cour des comptes sur l'orientation à la fin du collège, de septembre 2012.
Le premier axe vise à préciser le rôle des différents intervenants dans la procédure d'orientation.
- Les familles doivent se voir reconnaître le droit de décision finale sur la voie d'orientation, tandis que l'administration conserverait la compétence de l'affectation dans un établissement public. M. Patrick Lefas, président de la 3 ème Chambre de la Cour des comptes, avait fait observer, sur ce point, lors de son audition par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, que, compte tenu du faible nombre de recours devant les commissions d'appel, cette mesure était facile à prendre mais très importante symboliquement, car elle affirme la place des élèves et de leur famille dans le système scolaire.
- Il importe ensuite de préciser la répartition des rôles de conseil et d'information des différents intervenants du système éducatif - chefs d'établissements, professeurs principaux, enseignants, conseillers principaux d'éducation - ainsi que la nature des missions d'expertise incombant aux conseillers d'orientation psychologique.
- Enfin, il convient de faire évoluer la formation initiale et continue des enseignants, afin de mieux les former à la connaissance des filières d'enseignement et des débouchés professionnels.
Le deuxième axe vise à subordonner à l'acquisition effective du socle commun de connaissances et des compétences le moment de l'orientation entre les trois voies de lycée (générale, technologique et professionnelle) c'est-à-dire en fin de scolarité obligatoire et non plus en classe de troisième.
Il s'agit ainsi de remédier aux inégalités résultant du fait que les élèves sont tenus de choisir dès la sortie de la 3 ème leur futur métier s'ils optent pour la voie professionnelle, alors que s'ils choisissent d'aller vers la voie générale et technologique, le choix d'une filière a lieu seulement en seconde.
Une deuxième source d'inégalités tient à ce que si l'on choisit la voie générale et technologique, l'incertitude ne porte que sur l'affectation dans l'établissement souhaité, alors que si l'on choisit la voie professionnelle, on peut se voir refuser le métier choisi et s'en faire imposer un autre par défaut.
Le troisième axe vise à prévenir les choix irréversibles d'orientation.
- À cet effet, il serait nécessaire de réduire le nombre des options en voie générale, ainsi que le nombre de spécialités des niveaux baccalauréat et certificat d'aptitude professionnelle dans la voie professionnelle pour que la spécialisation n'intervienne que progressivement en première et en seconde.
- Il faut faciliter les changements de parcours entre les trois voies de formation au lycée (générale, technologique et professionnelle) aussi bien qu'à l'intérieur de chacune d'entre elles, grâce à une organisation modulaire des enseignements.
- Il convient de permettre aux bacheliers de chacune des trois voies qui souhaitent opérer une réorientation de leur parcours de bénéficier d'une année supplémentaire d'études, conditionnée par des épreuves ouvrant droit à l'obtention d'un autre baccalauréat.
Le quatrième axe envisage la réforme des filières scientifique, littéraire, économique et sociale et technologique, notamment en initiant les lycéens à la recherche, en liaison avec les organismes de recherche correspondant à leur filière.
Il s'agirait de mettre en place un système analogue aux Schülerlabor, que l'on a vu précédemment.
Au demeurant la disposition prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche destinée à renforcer les liens entre le lycée et l'enseignement supérieur pourrait servir de base à cette réflexion.
b. La poursuite résolue de l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes
Les inégalités entre hommes et femmes rappellent certains aspects des inégalités scolaires qui ont été évoquées précédemment puisque, dans plusieurs cas, à compétences égales et même supérieures à celles des hommes, les femmes n'accèdent pas à des métiers scientifiques ou techniques.
Cette situation existe partout, même si le taux de sous-représentation peut varier sensiblement d'un pays à l'autre. Elle est due à la persistance d'obstacles institutionnels et culturels qui empêchent les avancées non négligeables de produire pleinement leurs effets.
i. Des avancées non négligeables
Ces avancées résident, d'une part, dans la réussite scolaire et universitaire des jeunes filles et des femmes et, d'autre part, dans l'amélioration relative de l'accès aux carrières scientifiques et techniques.
La réussite scolaire des jeunes filles et des femmes
En France , les statistiques (185 ( * )) confirment cette réussite, que ce soit au plan de l'enseignement secondaire ou au plan de l'enseignement supérieur.
S'agissant du brevet, section collège, le taux de réussite des jeunes filles a été, en 2012, de 88,9 %, soit 5,5 points de plus que les garçons.
En ce qui concerne le baccalauréat, quelle que soit la voie, les résultats des filles ont été meilleurs que ceux des garçons, avec un taux de réussite de 86,7 % contre 82,3 %, tous baccalauréats confondus.
L'écart entre filles et garçons s'amplifie par rapport à 2011 dans la voie professionnelle où il reste le plus important, 4,7 points en 2012 contre 3,9 en 2011. Dans la voie technologique, il diminue fortement : 1,9 point en 2012 contre 3 en 2011. La baisse est plus modérée pour le baccalauréat général : 2,3 points en 2011 contre 2,9 en 2011.
Dans l'enseignement supérieur, la part des femmes diplômées d'un titre d'ingénieur continue d'augmenter en 2011 (+0,6 %) par rapport à 2010. Elles représentent plus du quart des diplômés (27,9 %). Les écoles universitaires et les écoles publiques relevant des autres ministères que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont celles qui délivrent le plus de titres aux femmes, soit respectivement 29,3 % et 33,8 % de l'ensemble des diplômes délivrés.
Ces statistiques relatives aux femmes ingénieurs diplômées illustrent toutefois les insuffisances de la parité, sur lesquelles les rapporteurs reviendront ultérieurement.
Quoi qu'il en soit, même si l'ouverture à la mixité de plusieurs grandes écoles - dont l'École polytechnique et les Écoles normales supérieures - n'a pas nécessairement eu pour conséquence de parvenir, tant s'en faut, à des promotions paritaires, il n'en reste pas moins que le fait, pour certaines filles, d'avoir été major au concours d'entrée ou de sortie de l'École polytechnique confirme que les compétences des femmes et des hommes sont, dans le domaine scientifique, parfaitement égales.
En Allemagne , les femmes n'ont cessé, au cours des vingt dernières années - entre 1992 et 2010 -, d'améliorer leur situation, surtout dans l'enseignement supérieur :
- leur part dans les premières inscriptions à l'université est passée de 43,3 % à 49,5 %, étant précisé que leur taux de décrochage est inférieur à celui des hommes, comme l'a indiqué aux rapporteurs Mme Heidegard Matthies, chercheuse au Wissensschaftszentrum für Sozialforschung Berlin (WSB) ;
- le taux des femmes diplômées est passé de 39,6 % à 51,8 % ;
- le taux des femmes titulaires d'un doctorat est passé de 28,9 % à 44,1 % ;
- le taux des femmes habilitées à enseigner est passé de 12,9 % à 24,9 %.
Selon un rapport de la Gemeinsame Wissensschaftskonferenz (GWK - Conférence commune sur la science), la situation des femmes peut varier sensiblement d'une discipline à l'autre. Dans les sciences de l'ingénieur, le taux des femmes inscrites a été de 22 % en 2010, celui des diplômées de 22,5 % et celui des femmes titulaires d'un doctorat de 15,4 %, taux le plus bas de l'ensemble des filières.
En mathématiques et en sciences physiques, la part des femmes parmi les primo-étudiants a été de 39,7 % en 2010, de 41,3 % parmi les diplômés et de 39,3 % parmi les titulaires d'un doctorat.
Au Royaume-Uni
, d'après les statistiques
produites par WISE (Women into Science and Engineering)
(186
(
*
))
, la proportion de filles
passant le certificat général des études secondaires
- l'équivalent du brevet des collèges - avec la mention
mathématiques et sciences est de 50 %, de 42% pour le
baccalauréat
A-level.
Cette part est ramenée à 33 % dans les licences scientifiques (mathématiques, sciences physiques et technologie) de l'enseignement supérieur.
Pour autant, si l'on se réfère aux statistiques du rapport de la Commission européenne - She figures , 2013 - la proportion de femmes titulaires du doctorat a été supérieure à 50 %, en particulier dans les sciences de la vie, entre 2002 et 2010, comme l'indique le tableau ci-après.
Évolution de la proportion de femmes titulaires
du doctorat
selon les domaines, 2002-2010
Matières |
2002 |
2010 |
Sciences de la vie |
57 |
53 |
Sciences physiques |
32 |
36 |
Mathématiques |
23 |
26 |
Informatique |
19 |
18 |
Sciences de l'ingénieur |
15 |
18 |
Techniques de production |
27 |
34 |
Source : Commission européenne.
L'amélioration très relative de l'accès aux carrières scientifiques et techniques
En France , le secteur de la recherche demeure marqué, comme l'observe le rapport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'emploi scientifique, par une parité largement inachevée.
Car, si des évolutions non négligeables sont intervenues, elles ne se sont pas, en règle générale, traduites par une meilleure application du principe d'égalité entre les femmes et les hommes.
En effet, la féminisation des professions médicales (187 ( * )) ou encore la nomination de femmes - d'ailleurs en nombre très limité aux fonctions les plus prestigieuses, telles que la direction d'institutions de recherche, ou encore les chaires du Collège de France - ne suffisent pas à établir une réelle parité.
Ainsi, en 2010, les femmes représentent-elles 34,5 % des chercheurs du secteur public, alors que ce taux était de 32,6 % en 2001, soit une progression de 2 points seulement.
Dans le secteur privé, la part des femmes est plus faible encore, étant d'environ 20 % depuis 2000, même si, dans certains domaines tels que la chimie, la parité est presque atteinte, avec un taux de 46 %, ou celui des industries de l'habillement avec un taux de 44 %.
Les disparités entre le secteur public et le secteur privé sont encore plus fortes chez les personnels de soutien aux activités de recherche, la part des femmes étant respectivement de 48 % dans le secteur public et de 27 % dans le secteur privé.
En ce qui concerne les chercheurs des EPST (Établissement publics scientifiques et techniques), les hommes sont nettement surreprésentés, avec un taux de 65 %. Cette proportion atteint 73 % chez les 60 ans et plus ; elle est la moins élevée dans la tranche des 45-49 ans (61 %).
Quant à la répartition par sexe des chargés de recherche recrutés dans quelques EPST en 2011, le diagramme ci-dessous fait ressortir, d'une part, que - à l'exception de l'IRD (Institut de recherche et développement - ce sont en majorité des hommes qui ont été recrutés. D'autre part, à l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), aucune femme n'a été recrutée.
En comparaison des pays de l'OCDE, la France affiche un faible taux de féminisation avec 27 % de femmes, secteurs public et privé confondus. La France a fait mieux en 2009 que l'Allemagne (23 %) ou le Japon. Mais elle est en recul par rapport à des pays comme la Turquie (36 %), la Pologne (40 %), l'Estonie (42%) ou le Portugal (43 %).
S'agissant des personnels enseignants, la part des femmes au sein du corps des maîtres de conférences a, certes, augmenté de façon continue entre 1992 et 2012, passant de 32,7 % en 1992 à 38,6 % en 2002 et à 42,6 % en 2010. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche estime toutefois que, si le rythme moyen de progression est inchangé, le corps des maîtres de conférences sera paritaire en 2027.
Il en serait de même pour le corps des professeurs d'université, où l'on constate également une progression continue de la part des femmes, mais à un rythme si lent que la parité ne pourrait être atteinte qu'en 2068, comme le montre le graphique ci-dessous.
Il y a lieu également de noter que, pour ce qui est des traitements des enseignants, en 2011, l'indice moyen de rémunération des hommes maîtres de conférences et professeurs des universités était supérieur à celui de leurs collègues féminins de manière générale, comme l'indique le graphique ci-après.
S'agissant de la direction des universités et des EPST, elle demeure peu accessible aux femmes. En 2012, le nombre de présidentes d'université a été ramené, à la suite des élections, de 16 (en 2008) (188 ( * )) à 8, soit un nombre à peine supérieur à celui de 2004.
La disproportion entre hommes et femmes est également très marquée en ce qui concerne la présidence des EPST, puisque le nombre de présidentes est de 2, alors que celui des présidents est de 6.
Enfin, en 2012, il y avait 35 femmes parmi les 436 membres des Académies de l'Institut de France, leur pourcentage variant comme suit.
En Allemagne , comme en France, la parité est largement inachevée, malgré d'importants progrès.
La proportion de femmes dans le nombre total de chercheurs a fort peu augmenté entre 2005 et 2009, passant de 21 % en 2005 à 23 % en 2007 et à 24 % en 2009 (189 ( * )) .
Si l'on se réfère à l'évolution de la part des femmes dans le corps des professeurs d'université, on constate certes une progression continue depuis 2000, année où elle ne représentait que 7,3 % (765 sur un total de 10 685).
Ce taux a d'abord été multiplié par 6 entre 2000 et 2002, puis a presque doublé, passant de 4 500 en 2002 à 8 900 en 2012 (190 ( * )) .
L'importance de ce bond en avant doit toutefois être nuancée. Car, comme l'a fait observer l'hebdomadaire Der Spiegel , sur les 43 800 professeures et professeurs qui enseignaient en 2012, la part des femmes n'était que de 20 %, soit une progression de 8 points par rapport à 2002 (12 %).
En outre, la situation varie sensiblement d'une discipline à l'autre. En sciences du langage et de la culture, la part des chaires détenues par les femmes est de 30 %. En revanche, dans les sciences de l'ingénieur, en sciences physiques et en mathématiques, le taux est le plus faible de toutes les disciplines, s'établissant à 10 %.
Quoi qu'il en soit, la question que les rapporteurs n'ont pas manqué de poser lors de leur déplacement à Berlin et qui sera examinée plus loin est de savoir quel rôle ont pu jouer les standards de parité mis en place dans les universités depuis une dizaine d'années dans l'amélioration de la situation des femmes qui, bien que relative, n'en est pas moins réelle, comme l'illustre également le taux de femmes exerçant des fonctions de direction dans les universités. En 2010, il atteignait 10,7 %, soit un taux supérieur à celui de la France (6,5 %) (191 ( * )) .
Au Royaume-Uni , la part des femmes dans les emplois scientifiques et techniques (Science-Engineering-Technology) était de 12,3 % en 2008, soit une progression de 2 points par rapport à 2003 (192 ( * )) .
Cette part varie toutefois selon les disciplines : alors que dans les emplois scientifiques (mathématiques, sciences physiques, sciences de la vie), les femmes représentent 40 % des personnels, elles ne sont que 6,9 % dans les sciences de l'ingénieur.
S'agissant des postes de direction dans les SET, la part des femmes représente 28,6 % de l'ensemble des femmes employées dans les SET.
Quant à la part des femmes occupant des postes de départements universitaires des STEM (Sciences, technologie, sciences de l'ingénieur et mathématiques), en 2007-2008, 5 375 femmes étaient des chercheurs à plein temps, soit 30 % de ce corps. 2 065 femmes étaient assistantes (26,4 %), 1 790 maîtres de conférences (18,9 %) et 540 professeurs (9,3 %).
En second lieu, en 2007-2008, le ratio entre chercheurs à temps plein et à temps partiel était de 5,1 contre 15,1 pour les hommes. Dans le corps des assistants, ces ratios étaient respectivement de 3,2 % pour les femmes et de 3,1 % pour les hommes et dans le corps des maîtres de conférences, 5,1 % pour les femmes contre 17,1 % pour les hommes.
En revanche, dans le corps des professeurs, le ratio de professeurs à temps partiel par rapport à celui des professeurs à temps plein était moins élevé chez les hommes (8,1 %) que chez les femmes (10,1 %).
ii. La persistance de multiples obstacles
Ces obstacles résident dans les facteurs institutionnels et culturels, auxquels est imputable ce que l'on appelle le plafond de verre, c'est-à-dire les difficultés rencontrées par les femmes pour accéder aux postes les plus élevés des hiérarchies professionnelles.
Les facteurs institutionnels et culturels
S'interrogeant sur les raisons pour lesquelles un nombre plus élevé de jeunes filles n'étudiaient pas la physique dans le cycle préparant au baccalauréat, le journal The Guardian (193 ( * )) fait état d'une étude de l' Institute of Physics , qui révèle que 49 % des écoles mixtes d'Angleterre n'avaient pas inscrit de jeunes filles, en 2011, dans la filière scientifique du baccalauréat (A-level) comprenant la physique (194 ( * )) . En revanche, le nombre de jeunes filles fréquentant des écoles de jeunes filles susceptibles de s'inscrire dans cette filière était deux fois et demi plus élevé. Pour le Guardian, ces constats suggèrent que les établissements mixtes pourraient être imprégnés de l'idée selon laquelle la physique ne serait pas, d'une certaine manière, « faite » pour les filles. De fait, depuis une vingtaine d'années, seulement un cinquième des jeunes filles subit l'épreuve de physique au baccalauréat.
Lors du déplacement des rapporteurs à Berlin, Mme Heidegard Matthies, chercheuse au Wissensschaftszentrum für Sozialforschung de Berlin, leur a fait part des résultats d'un sondage effectué auprès d'hommes et de femmes occupant des postes privilégiés dans les sciences, sur les raisons qui les ont poussés à choisir une carrière scientifique.
Ce sondage fait apparaître trois types d'individus :
- le premier fait ressortir les prédispositions à faire partie de l'élite. Il s'agit de personnes qui, depuis leur enfance, sont habituées à travailler dur et sont généralement issues de milieux aisés sur les plans culturel et économique. Ces personnes sont très motivées et ont manifesté de la curiosité de tous temps ;
- dans le deuxième type, les intéressés veulent appartenir à l'élite et s'en démarquer. Très ambitieux et issus de milieux plus modestes de la petite bourgeoisie, ils veulent dépasser les limites du possible. Utilitaristes, ils insistent sur la nécessité de faire carrière. C'est une catégorie de personnes pour laquelle il faudrait prévoir des incitations ;
- le troisième type est une forme hybride entre les deux premiers. Il s'agit de personnes motivées, qui souhaitent avoir une reconnaissance sociale du fait de leur origine sociale. Provenant de milieux très modestes et menant une vie précaire dont ils veulent sortir, ils sont conscients de pouvoir y parvenir. C'est un groupe cible qu'il convient de détecter très tôt pour montrer aux enfants ces exemples et les attirer vers les sciences et les carrières scientifiques.
En réponse aux questions des rapporteurs sur les raisons poussant les filles à se détourner des études scientifiques, exceptée la médecine, à la fin des études secondaires et sur les mesures que la collectivité pourrait prendre pour y remédier, Mme Matthies a tenu à préciser que dans le type 1, il n'était pas possible de contraindre les personnes, à la différence de celles du type 2, qu'il est possible de convaincre.
Pour autant, bien qu'il existe des études, elles n'apportent pas de réponse aux hypothèses formulées, l'évolution des enfants et leur intérêt pour les sciences pouvant être liés au milieu parental. C'est ainsi que les filles s'y intéressent davantage surtout lorsqu'elles ont un père scientifique, les pères exerçant une influence sur la motivation de leurs filles.
En revanche, Mme Matthies a déclaré qu'une famille traditionnelle dissuadera les filles à faire carrière dans les sciences, d'autant que les orientations peuvent faire l'objet d'une interprétation stéréotypée, qui réserverait les études scientifiques aux garçons.
Mme Matthies a ainsi estimé qu'il existait un grand
besoin de procéder à des recherches pour examiner le pouvoir de
la famille, le rôle des tendances, ce que les sociologues appellent les
peer groups
(groupe de pairs). Sur ce point, il est intéressant
de relever que, précisément, les jeunes filles interrogées
dans l'enquête précitée du
Guardian
font
état de la pression qu'exercent leurs pairs pour ne pas étudier
la physique. L'une d'elles déclare même «
je crois
qu'à l'âge de
10-11 ans, les filles sont
dégoûtées à cause de la pression de leurs
pairs : c'est pourquoi aucune de leurs amies n'étudie la
physique
».
Mais force est de constater que, outre les explications de nature sociologique fournies par Mme Matthies, les stéréotypes sexués persistent malheureusement dans les manuels, dans les médias et dans les universités.
Il est parfaitement regrettable que certains éditeurs ne s'attachent pas à supprimer les clichés sexués sur les femmes. Ainsi, le journal Libération indiquait-il qu'un manuel de mathématiques résumait, selon ses propres termes « des décennies de machisme borné » dans un de ses chapitres consacré aux nombres complexes : sur un dessin, un homme enlace une dame. « Qu'est-ce qu'un homme complexe dit à une femme réelle ? ». Sur un second dessin, une femme se contemple dans un miroir grossissant : « Ils disent tous que je fais un complexe mais je le vois bien, j'ai grossi » (195 ( * )) .
Les médias ne se départent pas non plus des clichés sexués. Ainsi, le Guardian rapporte dans l'article précédemment cité (196 ( * )) que, lors d'une interview radiophonique de l'astrophysicienne Bell Burnell qui a été à l'origine de la découverte des pulsars, le journaliste s'était focalisé sur sa taille, sa poitrine, les mensurations de sa hanche. Mme Burnell, qui était alors une jeune scientifique, a précisé qu'elle ne se sentait pas en mesure de résister à la presse, d'autant qu'elle n'avait pas encore achevé son doctorat et que son laboratoire avait besoin d'une publicité.
En outre, la découverte que fit Mme Burnell valut le Prix Nobel, en 1974, à son supérieur et à son collègue masculins.
À la différence des manuels scolaires et des médias, les stéréotypes sexués des universités peuvent jouer de façon plus subtile dans les politiques discriminatoires. Ainsi, une étude récente de l'Université de Yale (États-Unis) (197 ( * )) a montré que les questions de genre avaient un réel effet sur la façon dont les étudiants sont perçus et traités par les facultés des sciences.
Dans cette étude, réalisée au hasard en double aveugle, ses auteurs ont demandé à un échantillon représentatif composé de 127 professeurs de biologie, chimie et physique d'évaluer la candidature d'un étudiant - qui était attribuée au hasard à un nom masculin ou féminin - à un emploi de direction d'un laboratoire. Les participants à ce sondage ont alors jugé le candidat masculin plus compétent, de façon significative, que le candidat féminin, pourtant identique. En outre, le candidat masculin s'est vu attribuer un salaire plus élevé et offrir un meilleur suivi de carrière.
Des analyses supplémentaires ont indiqué que l'étudiante avait moins de chance d'être embauchée parce qu'elle était considérée comme moins compétente.
Un constat universel : la persistance du plafond de verre
L'expression plafond de verre est apparue aux États-Unis à la fin des années 70 pour désigner l'ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder aux postes les plus élevés dans les hiérarchies professionnelles.
La situation des femmes dans les carrières scientifiques ne serait donc pas fondamentalement différente de celles qui sont minoritaires dans les conseils d'administration des entreprises (198 ( * )) .
Cette similarité des situations explique que, dans le domaine des carrières scientifiques et des entreprises, la technique des quotas ait été proposée pour accroître plus rapidement la représentation des femmes.
En France , la loi du 27 janvier 2011 a imposé aux groupes français cotés et aux sociétés réalisant au moins 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et employant plus de 500 salariés de compter 20 % de femmes dans leurs conseils d'administration d'ici à 2014 et 40 % d'ici à 2017.
Des dispositions analogues sont applicables aux conseils d'administration et aux conseils de surveillance des établissements publics de l'État. Ainsi, la proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées ne peut être inférieure à 40 %, ce taux devant être atteint au plus tard au deuxième renouvellement de ces instances. Le taux est réduit à 20 % à l'issue du premier renouvellement.
En second lieu, en application de la loi du 12 mars 2012, la composition des jurys des concours des fonctionnaires des trois fonctions publiques devra, à compter du 1 er janvier 2015, respecter une proportion minimale de 40 % de chaque sexe.
En Allemagne , en vue de rendre les carrières scientifiques plus attractives auprès des femmes, le gouvernement allemand et les Länder ont pris deux séries de mesures.
- En premier lieu, des standards de parité ont visé, dans les instituts de recherche, à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes. Ces standards ont reposé sur des directives, des quotas et des objectifs. Sur la base d'une charte d'auto-engagement, les instituts de recherche devraient s'attacher à améliorer la situation des femmes, par exemple en leur permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie privée.
En outre, à chaque étape de promotion, les instituts de recherche devraient arriver à un pourcentage de femmes, chaque institut de recherche pouvant le fixer.
Pour encourager les instituts de recherche à respecter leurs objectifs, des incitations financières ont consisté à lier l'éligibilité aux initiatives d'excellence à la prise en compte de la situation des femmes, ce qui, compte tenu du montant des dotations concernées, était de nature à créer une concurrence entre les instituts de recherche.
- Une deuxième initiative intervenue en 2007 à travers un accord passé entre l'État fédéral et les Länder a prévu des aides financières aux universités qui s'engageraient à respecter le principe de parité dans le recrutement des professeurs, mis en oeuvre en 2008 jusqu'en 2012. Ce programme a été doté de 150 millions d'euros. 152 universités ont ainsi présenté leur projet de parité, 124 projets ayant été évalués positivement. Ainsi 260 postes de professeurs ont été créés dans 109 universités. En outre, des possibilités de demandes d'aide financière ont été également prévues pour la création de chaires.
- En réponse aux rapporteurs qui se sont demandé si l'on ne pouvait pas voir un effet d'aubaine dans la création des 260 postes de professeures, Mme Matthies a déclaré que cette question de l'effet d'aubaine était préoccupante. Car, si la part des femmes s'est accrue de 2008 à 2012, on ignore toutefois si le même effet se serait produit sans incitation financière. Pour sa part, le gouvernement allemand voit l'effet positif des mesures qu'il a prises. Mais il est difficile de savoir si ces dernières agissent différemment de l'effet d'aubaine.
Quoi qu'il en soit, le débat sur les quotas demeure vif. Pour les uns, il conviendrait de prévoir des quotas contraignants et des sanctions qui s'appliqueraient aux universités récalcitrantes (199 ( * )) , jugeant encore insuffisants les résultats du programme décidé en 2007. Pour d'autres, la politique des quotas devrait être menée de façon à permettre aux femmes jeunes de mieux concilier leur carrière et leur vie privée, estimant, à la différence de certains de leurs collègues masculins, que l'objectif d'égalité des chances doit aussi prendre en considération la question de la garde des enfants. À cette fin, des chaires devraient être créées au profit des jeunes chercheuses talentueuses.
Enfin, d'autres encore sont opposés à l'introduction de quotas parce que l'accès au grade de professeur et aux fonctions de direction des institutions universitaires doit se fonder uniquement sur des critères de compétences académiques. A contrario , des femmes qui seraient nommées à ces fonctions sur la base de quotas ne manqueraient pas d'être soupçonnées de ne pas avoir satisfait pleinement aux seules exigences de compétences académiques, mais sur leur seule qualité de femme.
Pour leur part, le gouvernement allemand et les Länder ont décidé de reconduire les dispositions du premier programme, pour une nouvelle période de cinq ans allant de 2012 à 2017 et, donc, d'y affecter une dotation d'un montant de 150 millions d'euros et de prévoir la création de 260 emplois de professeures.
À la différence de l'Allemagne, la question des quotas a été peu évoquée au Royaume-Uni dans les premières contributions disponibles adressées à la commission spécialisée de la Science et de la Technologie de la Chambre des Communes, au titre de la consultation qu'elle organise sur les causes de la sous-représentation des femmes dans les carrières scientifiques et techniques.
Ainsi, l'Université de Bournemouth préfère-t-elle que le gouvernement britannique fixe des objectifs nationaux à long terme, aux termes desquels, par exemple, 60 % au plus des postes de direction sont tenus par des hommes d'ici à 2020. En outre, l'Université de Bournemouth demande au Gouvernement que les organes de financement accordant des prix aient une composition paritaire.
De nombreuses contributions insistent sur la nécessité de prévoir des dispositions permettant aux femmes de mieux concilier leur vie familiale et leur carrière. À cette fin, ces propositions visent à augmenter les allocations de maternité et à améliorer le régime du congé parental.
Enfin, l'organisation WISE (Women into Science and Engineering) insiste notamment sur la nécessité de prendre des mesures destinées à sensibiliser les élèves, les étudiants et l'ensemble du corps enseignant et des chercheurs à la question des stéréotypes sexués.
*
* *
Il apparaît que les gouvernements et les différents acteurs ont pris conscience - pour certains commencent à prendre conscience - de la nécessité de poursuivre un double objectif, tel qu'il a été appelé par Mme Florence Rochefort, présidente de l'Institut Émilie du Châtelet (200 ( * )) , lors de l'audition publique du 13 juin 2013, à savoir celui d'un meilleur équilibre du genre et de la lutte contre les stéréotypes.
C'est pourquoi les rapporteurs formulent les propositions suivantes :
Conditionner le montant des subventions versées aux associations des CSTI à leurs actions en faveur de l'égalité femmes-hommes, pour développer le goût des sciences et susciter les vocations scientifiques autant chez les filles que chez les garçons.
Ces actions concernent l'articulation des temps de vie, de l'égalité professionnelle. L'allocation des crédits par les bailleurs de fonds territoriaux devrait donc prendre en compte ces critères.
Conditionner une partie de la dotation aux universités et aux organes de recherche à la prise de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes, les universités et les organes de recherche devant, à cette fin, présenter un rapport annuel.
Il s'agit de s'inspirer de dispositions qui ont été prises en Allemagne où les dotations versées aux instituts de recherche ont varié selon les efforts qu'ils ont accomplis en vue, par exemple, de la promotion professionnelle des chercheuses.
Former les professeurs, les médiateurs et le service public d'orientation afin qu'ils encouragent les jeunes filles et les femmes à se diriger vers les métiers de la recherche et les sciences de l'ingénieur.
Quelques pistes de réflexions peuvent être proposées : faire de l'égalité hommes-femmes dans les métiers de la science un axe majoritaire des objets de la formation continue des professeurs. Intégrer cette dimension dans les modèles de formations proposées en premier cycle universitaire, sensibiliser les professeurs aux choix des manuels scolaires, etc .
Introduire dans le cahier des charges des éditeurs de manuels scolaires l'obligation de s'abstenir de clichés de genre et inviter la mission contre les discriminations entre filles et garçons du ministère de l'éducation nationale à s'assurer du respect de cette disposition.
Aujourd'hui, comme cela a été vu précédemment, des manuels scolaires peuvent encore véhiculer de graves stéréotypes entre femmes et hommes. Il faudrait que les manuels scolaires présentant des clichés misogynes évidents ne puissent plus recevoir aucune subvention publique. Il est proposé de demander à la mission contre les discriminations femmes-hommes du ministère de l'éducation nationale de vérifier les manuels avant leur acceptation et leur diffusion. Il conviendrait que la mission oriente le choix des conseils d'administration des établissements.
Instituer au sein des établissements de recherche un référent à l'égalité femmes-hommes chargé de prévenir les discriminations.
Cette proposition vient appuyer la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche qui propose la même disposition pour les universités seulement. Un référent au sein des entreprises privées et publiques pourrait, à terme, être imposé par le législateur.
Bien entendu, ces diverses actions ne pourront qu'être très utilement complétées par les actions de ce qu'on appelle les « role models » et les réseaux, sur l'importance desquels un colloque a été organisé le 26 septembre 2013 par l'IHEST, dont le thème a été « Femmes, leadership dans les sciences et l'innovation ».
Mme Claudie Hermann, première femme à avoir été nommée professeure à l'École polytechnique en 1992, et Anne-Marie Wack, directrice générale de Montpellier Agro, ont insisté, à travers leurs expériences personnelles, sur le rôle d'exemple ( role models ) que les femmes scientifiques occupant des postes élevés peuvent jouer auprès des autres femmes et des jeunes filles. On notera, à cet égard, l'initiative prise par un certain nombre d'anciennes élèves de l'École polytechnique, qui ont publié un ouvrage retraçant les carrières des anciennes élèves de cette école.
De même, Mmes Hermann et Wack ont-elles également souligné l'aide utile que peuvent apporter les réseaux de femmes exerçant des fonctions de responsabilité dans les centres de recherche ou les universités.
L'engagement public accroît la visibilité des femmes en science (201 ( * ) |
)
Comment toucherons-nous ces gens qui ne chercheraient pas
à connaître autrement la science ? Des
évènements comme Soapbox Science offre une solution très
radicale. En amenant la science de pointe dans les rues de Londres, nous
transformons les espaces publics en arènes pour apprendre, explorer et
aborder les débats scientifiques. C'est durable, bon marché,
hautement reproductible et flexible. L'objectif est simplement d'inspirer les
gens qui n'ont jamais, en temps normal affaire à la science.
|
B. PROMOUVOIR UNE CULTURE DU DIALOGUE APAISÉ ENTRE LA SCIENCE, LA TECHNIQUE, L'INDUSTRIE ET LE PUBLIC : UNE RESPONSABILITÉ COLLECTIVE
À travers ce deuxième axe destiné à améliorer le partage des savoirs, il s'agit de tirer les leçons de l'opposition récurrente d'une fraction du public à l'encontre des technologies émergentes : OGM, antennes-relais, nanotechnologies, biologie de synthèse et gaz de schiste (202 ( * )) .
Mais au-delà, l'enjeu est, en France comme dans d'autres pays tels que l'Allemagne, également saisie par la contestation radicale de certaines technologies (nucléaire et biotechnologies), de tenter de consolider ce que certains sociologues appellent la démocratie technique.
Être à la hauteur d'un tel enjeu constitue une responsabilité collective qui pèse sur tous les acteurs des CSTI : médiateurs des CSTI, public et décideurs.
Il convient de voir comment joue cette responsabilité dans chacun de ces groupes.
1. La nécessité d'une participation pleine et entière des médiateurs au partage des savoirs
Les médiateurs ainsi concernés sont les scientifiques, les médias et les entreprises.
a. Inciter les scientifiques à accomplir une dimension essentielle de leur mission
i. Les actions de médiation : une obligation satisfaite partiellement
On peut s'étonner qu'au printemps dernier, un colloque organisé par le CNRS (203 ( * )) se soit penché sur les conditions dans lesquelles les actions de médiation des enseignants et des chercheurs pouvaient et devaient être ou non évaluées.
En effet, cette même question traduit un changement profond au regard de la pratique de grands scientifiques du passé, qui étaient également des vulgarisateurs. Il en était ainsi de Faraday et de Darwin, entre autres. Bertrand Russel a écrit un ABC de la relativité et Einstein s'est employé à vulgariser ses thèses.
Tous ces scientifiques avaient confirmé que la communication des connaissances était une activité inhérente au travail du scientifique.
Or, il semble que ce ne soit plus le cas aujourd'hui, comme l'exprime M. Pablo Jansen, directeur de recherche au CNRS et à l'ENS de Lyon. « Arrivera-t-on un jour à ce qu'il soit évident pour tous que le travail standard du chercheur est aussi de participer à des actions de recherche participative, de la même manière qu'il l'est de faire de la recherche, de publier, etc . ? » (204 ( * )) .
Pourtant, les actions de médiation font clairement partie des missions imparties par le législateur aux chercheurs.
C'est ainsi que l'article L112-1 du code de la recherche, introduit par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, a prévu que, parmi les missions de la recherche publique figuraient le partage et la diffusion des connaissances scientifiques.
Le même code de la recherche, dans son article L411-1 inclut, dans la mission d'intérêt général à laquelle concourent les personnels de la recherche, « La diffusion de l'information et de la culture scientifique et technique dans toute la population, et notamment parmi les jeunes ».
La loi LRU - loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités - et la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche ont prévu des dispositions analogues pour les établissements d'enseignement supérieur.
Or, comme l'a montré l'étude entreprise par M. Pablo Jansen, directeur de recherche au CNRS, dont il a exposé les résultats lors de la journée d'échanges du 11 avril 2013, ces obligations légales ne sont que partiellement respectées au sein du CNRS.
M. Jansen a tout d'abord rappelé que, chaque année, tous les chercheurs doivent remplir un compte rendu d'activité des chercheurs (CRAC). Ces CRAC constituent des données, numérisées depuis 2004, auxquelles il a pu accéder pour entreprendre son enquête. M. Jansen a en effet déclaré s'être entendu dire que les actions de vulgarisation ne concerneraient que les chercheurs qui n'étaient plus vraiment actifs.
M. Jansen a ainsi identifié trois catégories de chercheurs. Une minorité assez importante - environ 40 % - ne vulgarise jamais. Une majorité regroupe des chercheurs menant une action tous les deux ans. Enfin, une petite fraction - de l'ordre de quelques % - est très active, puisque 3 % des chercheurs exercent les actions de vulgarisation du CNRS. Le plus souvent, il s'agit de conférences, d'articles de presse et d'émissions de radio.
La pratique de la vulgarisation varie sensiblement selon les disciplines :
- dans les sciences de l'environnement ou les sciences humaines, plus de la moitié des chercheurs sont actifs, respectivement 51 % et 56 % ;
- en chimie, biologie, ingénierie et, dans une moindre mesure, en physique, la proportion est nettement moindre, respectivement 21 %, 22 %, 25 % et 33 % ;
- les femmes vulgarisent plus que les hommes (+17%) et les directeurs de recherche davantage que les chargés de recherche (205 ( * )) .
Enfin, l'activité de vulgarisation diminue avec l'âge.
Exposant le détail de son étude, M. Jansen a indiqué qu'à partir de l'échantillon retenu de 4 000 chercheurs pour la période de 2004 à 2009, il a voulu savoir si les chercheurs qui vulgarisent publiaient autant que les autres.
Il apparaît que, statistiquement, les plus actifs dans le domaine académique sont aussi les plus actifs en matière de vulgarisation. C'est également vrai pour ceux qui font de la vulgarisation industrielle.
En revanche, la situation est un peu différente pour les enseignants : bien que ce ne soit pas obligatoire, deux tiers des chercheurs du CNRS enseignent. Cependant, l'activité académique de ces chercheurs diminue, alors que celle des vulgarisateurs est la plus élevée.
M. Jansen aborde ensuite l'idée selon laquelle la déclaration d'activités de vulgarisation porterait préjudice à la carrière des chercheurs. Il fait observer que les vulgarisateurs les plus actifs sont les directeurs de recherche. Or, ces derniers étant parvenus à leur grade parce qu'ils publiaient beaucoup, on constate que ceux qui publient beaucoup vulgarisent aussi beaucoup sans que, précise-t-il, on puisse affirmer l'existence d'un lien de causalité. À cet égard, il estime qu'une sorte de division du travail existe, selon laquelle les jeunes chercheurs se consacrent à des sujets bien délimités. En revanche, les seniors, qui dirigent plusieurs juniors, abordent des thématiques de manière un peu plus « surplombante » - selon ses termes - lesquelles thématiques sont, de ce fait, plus faciles à vulgariser.
Corrélativement, c'est aux directeurs de recherche appartenant à ce que M. Jansen qualifie d'élite bibliométrique visible que s'adressent prioritairement les journalistes. Car un directeur de recherche se sent plus légitime à parler au nom du CNRS qu'un chargé de recherche.
Dans une remarque conclusive, M. Jansen fait valoir aux chercheurs prétendant ne pas avoir le temps de faire de la vulgarisation que « ceux qui trouvent le temps de faire de la vulgarisation trouvent aussi le temps de faire de l'enseignement, de la valorisation et des publications ».
Or, malgré ce constat et malgré les propos tenus lors du même colloque par M. Gilles Denis, premier vice-président de la commission permanente du CNU (Conseil national des universités), selon lesquels les actions de sciences-société étaient prises en considération dans la carrière des enseignants et des chercheurs (206 ( * )) , plusieurs intervenants ont, au contraire, souligné les obstacles qui s'y opposaient.
M. Bertrand Bocquet, professeur à l'Université de Lille 1 et secrétaire de la Fondation Sciences citoyennes, a ainsi déploré que le travail de recension des actions de recherche participative demandé par la Fondation de France à la Fondation Sciences citoyennes n'était pas reconnu. Aussi s'est-il interrogé sur la création éventuelle d'une section « science et société » au sein du CNU (Conseil national des universités), à l'exemple de ce qui existe pour les sections interdisciplinaires du CNRS.
D'autres intervenants, comme M. Olivier Maury, membre nommé de la section 14 (chimie de coordination, catalyse, interfaces et procédés) du Comité national de la recherche scientifique et chercheur au laboratoire de chimie de l'ENS de Lyon, a souligné les difficultés d'ordre matériel - dues, selon lui, à l'imprécision des textes - auxquelles il s'est heurté dans ses actions de médiation dans des établissements scolaires.
En dernier lieu, il convient de noter que, outre ces différents obstacles à un meilleur accomplissement des actions de médiation, tous les établissements d'enseignement supérieur ne sont pas dotés d'un service science-société.
Peut-être la possibilité ouverte aux universités par la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de constituer des communautés d'universités permettra-t-elle de mutualiser les actions de médiation, comme c'est d'ailleurs déjà le cas des universités de Nantes, Angers et Le Mans.
La situation que l'on vient de décrire n'est pas propre à la France. En Allemagne, seules comptent les activités de recherche et de publication dans le déroulement de la carrière des chercheurs. C'est pourquoi l'auteur d'une étude récente (207 ( * )) estime que, aussi longtemps que la communication sur la science ne sera pas considérée - ni traitée en tant que telle - comme une activité importante du travail scientifique, la plupart des scientifiques ne pourront se permettre d'entreprendre des actions de médiation.
Dans ce contexte, selon cette étude, l'apport de la création de l'Institut national de la communication scientifique (National Institut für Wissenschaftskommunikation), chargé d'apprendre aux scientifiques à communiquer avec le public, risque d'être limité. Au demeurant, la mise en place de cet institut n'empêchera pas que les mêmes experts seront vus à la télévision.
Au regard de leurs collègues français ou allemands, les scientifiques britanniques se trouvent assujettis à un régime ambigu car, d'un côté, les institutions dont ils relèvent ou les organes publics qui les financent peuvent leur demander d'entreprendre des actions de médiation. Mais, de l'autre, si tel n'est pas le cas, c'est le régime du volontariat qui semblerait s'appliquer, d'après un rapport officiel de février 2010 (208 ( * )) . Ce rapport constate que l'engagement public des chercheurs est « rarement reconnu, de manière formelle, comme faisant partie du métier académique ». En effet, il indique d'autre part qu'il existe des programmes de financement pour promouvoir les actions de médiation des chercheurs, la plupart de ces subventions, sinon toutes, n'ayant pas eu pour objet de financer les chercheurs en poste. Le rapport Science for all conclut ainsi : « Cela a pu contribuer à susciter le sentiment, dans la communauté scientifique, que les actions de médiation sont une activité volontaire » (209 ( * )) .
Cela étant, Mme Julia Higgins, membre de la Royal Society, a indiqué aux rapporteurs que les actions de médiation étaient indirectement prises en compte lors de l'évaluation des chercheurs.
ii. Encourager les scientifiques à franchir un nouveau cap
Deux séries de facteurs concourent à ce changement de cap :
- d'un côté, les scientifiques eux-mêmes ont pris conscience de la nécessité d'un dialogue accru avec le public ;
- de l'autre côté, va également dans ce sens un climat persistant de déficit démocratique qui est susceptible de favoriser la méfiance à l'encontre des scientifiques et des politiques scientifiques menées par les États.
La prise de conscience de la nécessité d'un dialogue accru avec le public
Cette prise de conscience est apparue à des dates différentes selon les pays.
En France
En France comme au Royaume-Uni et en Allemagne, la forte opposition aux OGM en fait, comme le déclare M. Alain Kaufmann, professeur à l'Université de Lausanne, le « carrefour des refus » (210 ( * )) , ce que tendraient à confirmer l'épisode stupide de l'arrachage des vignes transgéniques à Colmar en 2009 et la récente affaire Séralini, sur laquelle les rapporteurs reviendront.
Mais la France présente cette autre particularité qu'à cet échec s'est ajouté celui du débat public sur les nanotechnologies, au point que le Centre d'analyse stratégique avait choisi pour thème d'un colloque la question de savoir comment débattre des nouvelles technologies (211 ( * )) .
Si, selon certains scientifiques, ce double échec a été imputable, en partie, à leurs collègues spécialistes des domaines concernés (212 ( * )) , les débats qui ont eu lieu ne font pas l'objet d'un total rejet, tandis que la communauté scientifique a tenté d'en tirer des leçons.
Des jugements nuancés ont été formulés sur le débat concernant les nanotechnologies. Ainsi, le rapport précité de l'Inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche sur le bilan et les perspectives de la culture scientifique et technique relève-t-il que, à défaut d'un débat réel sur l'opportunité de développer les nanotechnologies, le débat public a eu le grand mérite d'informer un large public peu au fait du sujet (213 ( * )) .
Selon les auteurs de ce même rapport, les perturbations dont les médias ont largement rendu compte ont joué un rôle paradoxalement positif puisque la presse s'est mise à en parler.
Pour sa part, Mme Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe des sciences et professeure à l'Université Paris I, note (214 ( * )) que l'organisation d'un grand débat national sur un sujet peu familier et technique comme les nanotechnologies était une initiative courageuse et qu'il y avait matière à intéresser le grand public sur plusieurs points. En outre, Mme Bensaude-Vincent observe que la mise en ligne de « cahiers d'acteurs » (215 ( * )) , des contributions écrites émanant d'académies scientifiques, d'ONG, de syndicats, a permis de déployer un large éventail de positions diverses sur la question visant précisément à désamorcer - en principe - le piège de la politisation.
Quoi qu'il en soit, la communauté scientifique a tenté de tirer les leçons de ces débats.
On ne compte plus le nombre impressionnant de colloques qui, depuis deux ans, ont eu pour objet le dialogue entre la science et la société.
De même, de nombreux établissements d'enseignement supérieur ont créé des filières portant sur la communication scientifique ou encore sur la problématique Science et société.
De même encore, la démarche de certaines administrations ou organes de recherche est-elle clairement inspirée par la volonté de promouvoir un dialogue apaisé et constructif avec la société.
Ainsi, comme l'a déclaré M. Jean Masson, alors directeur du centre de l'INRA de Colmar, l'objectif principal de l'INRA, dans cette affaire de vignes transgéniques, n'était pas d'avoir un exemple de bon OGM, mais de trouver des solutions innovantes et efficaces au problème posé par le virus du court-noué (216 ( * )) . « À cette occasion, avait déclaré Jean Masson à Libération, l'INRA avait développé un dialogue avec la société (217 ( * )) puisque c'est à elle de choisir de mettre en oeuvre ou non les applications qui sont issues de nos recherches. Nous avions mis sur pied un comité de suivi. Il a débouché sur une forme de dialogue renouvelé qui a, par exemple, ouvert la recherche à des solutions alternatives, à une vision globale, écoenvironnementale du problème » (218 ( * )) .
M. Jean Masson a déploré que la personne ayant détruit les pieds de vigne ait « porté atteinte à une démarche de construction d'une démocratie scientifique ».
Un autre exemple de démarche intéressante est celui fourni par le rapport de la stratégie nationale de la recherche de 2009 sur la biologie de synthèse, qui proposait « de favoriser un dialogue sociétal transparent et [d'] impliquer la société dans la programmation », préconisation qu'avait reprise le rapport de Mme Geneviève Fioraso, alors députée et membre de l'OPECST, sur les enjeux de la biologie de synthèse (219 ( * )) .
À la suite de ces propositions, un Observatoire sur la biologie de synthèse a été créé, dirigé par le Conservatoire national des arts et des métiers. Cet observatoire est doté d'un site qui fournit des renseignements généraux sur la biologie de synthèse.
En parallèle, le Conservatoire organise également le Forum de la biologie de synthèse, dans le cadre d'une concertation avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Un comité de pilotage pluraliste définit les principes méthodologiques et choisit les sujets des rencontres du forum. L'activité de ce forum complète donc celle de l'observatoire.
Le forum a tenu sa première réunion le 25 avril 2013, sur le thème « La biologie de synthèse existe-t-elle ? ».
Les initiatives locales de dialogue entre chercheurs et grand public se caractérisent par leur diversité et confirment la tendance que l'on vient de décrire à l'échelle des institutions nationales.
Ainsi, un processus tels que QSEC (Questions de sciences, enjeux citoyens) illustre-t-il parfaitement cette volonté des chercheurs de se rapprocher de la population, dans le cadre régional ou départemental. Ce dispositif, qui existe en région Île-de-France, se propose de construire une identité francilienne en matière de débat public autour de questions scientifiques en invitant des habitants d'âges et d'origines sociales, géographiques et culturelles différents à échanger autour d'une même question (220 ( * )) et à s'inscrire dans une même démarche.
Il convient enfin d'observer que les scientifiques sont d'autant plus invités à changer de cap et à s'impliquer davantage dans des actions de médiation que la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a, d'une part, mentionné le renforcement des interactions entre la science et la société ainsi que le développement de la capacité d'expertise et d'appui aux associations et aux fondations reconnues d'utilité publique dans les missions des établissements d'enseignement supérieur et des organes de recherche. D'autre part, la loi impartit aux établissements d'enseignement supérieur et aux organes de recherche de participer à la promotion de la recherche participative.
L'utilité de ces dispositions est incontestable à l'heure où les scientifiques doivent faire face à un climat susceptible de favoriser la méfiance à leur encontre.
Dans les autres pays
ü L'étude de Rinic Van Est, membre du
département de l'évaluation de la technologie à l'Institut
Rathenau
(221
(
*
))
indique que c'est aux
Pays-Bas
que cette prise de conscience par
les scientifiques de la nécessité d'un dialogue avec la
société est née.
Ainsi, la vivacité de l'opposition à l'énergie nucléaire avait-elle conduit le gouvernement néerlandais à organiser un large débat sociétal sur la politique énergétique (Broad societal discussion around energy policy - BMD). Initié en 1981, il devait durer jusqu'en 1984. Pour autant, malgré le rejet par l'opinion publique de l'énergie nucléaire, le Gouvernement avait maintenu sa politique.
Ce grand débat sur l'énergie, mais aussi les débats d'experts sur le génie génétique et la micro-électronique ont conduit le Gouvernement à réfléchir à la mise en place d'un organe qui serait en charge de la diffusion de l'information sur la science et la technologie dans la société, d'une part et, d'autre part, à celle d'une entité qui procèderait à l'évaluation, au plan national, de la technologie. Ces deux organes ont été créés en 1986 et rassemblés au sein de l'Institut Rathenau (Rathenau Institute). Cet institut réunit des experts et diverses parties prenantes en vue d'identifier les problèmes clés et d'apporter un éclairage en amont au processus de décision politique.
ü Au Royaume-Uni , les scientifiques ont tiré les leçons du troisième rapport de la commission spécialisée de la Science et de la Technologie de la Chambre des Lords sur la science et la société publié en 2000.
En effet, ce rapport a critiqué très
sévèrement l'expression de compréhension publique de la
science (Public understanding of science) à laquelle s'était
référé le rapport Bodmer présenté en 1985 au
nom de la Royal Society
(l'équivalent de notre Académie des
sciences).
Or, aux yeux de la Chambre des Lords, cette expression était d'autant plus critiquable et rétrograde qu'elle se fondait sur l'hypothèse selon laquelle les difficultés existant entre la science et la société étaient dues entièrement à l'ignorance du public et que, grâce à l'acquisition de connaissances plus étoffées, tout irait mieux. C'est cette démarche que les sociologues des sciences anglo-saxons ont qualifiée de modèle du déficit (deficit model) (222 ( * )) , dans lequel le rôle des scientifiques est de combler les lacunes d'un public supposé ignorant, afin de faciliter l'acceptation sociale des avancées scientifiques et technologiques.
Récusant une telle démarche, la commission spécialisée de la Chambre des Lords avait notamment appelé les scientifiques à réfléchir à l'impact de leurs travaux et à leur possible implication dans la société et l'opinion publique, en particulier à travers les médias. La commission spécialisée avait alors estimé que les scientifiques devraient se voir eux-mêmes comme des « scientifiques citoyens ». Dans cette perspective, elle avait proposé des principes selon lesquels pourrait s'établir le dialogue entre la science et la société (Public engagement in science -PES).
L'échec du débat public sur les OGM en 2003 - considéré comme un fiasco - a suscité une réflexion sur les conditions dans lesquelles le débat public pourrait être organisé en vue de prévenir la répétition, à l'avenir, de ce fiasco. C'est pourquoi la notion de débat en amont (« upstream debate ») a été inventée. Ce débat, selon un rapport de 2004 de la Royal Society, doit intervenir « à un moment où il est possible d'apporter les informations clés sur les décisions concernant leur développement et avant que n'apparaissent des positions profondément établies et polarisées ».
Le débat en amont a été mis en oeuvre, comme cela a été vu précédemment, pour les nanosciences et la biologie de synthèse.
Les échanges que les rapporteurs ont eus avec leurs interlocutrices britanniques, dans le cadre d'une visioconférence organisée le 8 octobre 2013 par l'ambassade de France à Londres, ont permis de constater la place centrale que doit jouer le dialogue avec le public dans le travail des chercheurs.
Ce dialogue est considéré comme une dimension normale et indispensable des activités des chercheurs, surtout lorsqu'elles sont financées par des fonds publics.
En second lieu, les Research Councils ont publié en 2011 un concordat pour l'implication du public dans la recherche (Concordat for engaging the public with research). Ce document, émanant des organes de financement de la recherche, contient des directives destinées aux organes de recherche et aux chercheurs, qui reçoivent des fonds pour développer le dialogue avec le public.
Le concordat décrit les diverses activités que peut revêtir ce dialogue :
- participation aux festivals ;
- collaboration avec les musées, les centres de sciences et d'autres institutions culturelles ;
- donner les occasions au public de s'informer des questions touchant à la recherche qui doivent être abordées ;
- conférences ;
- implication du public transformé en chercheurs, à travers des expérimentations en ligne ;
- implication des jeunes en vue de leur donner une inspiration scientifique grâce à l'organisation d'ateliers dans les écoles ;
- contribuer aux nouveaux médias permettant la tenue de forums.
ü En ce qui concerne l' Allemagne , le principal opérateur fédéral des CSTI, Wissenschaft im Dialog (WiD) a indiqué aux rapporteurs, lors de leur déplacement à Berlin, qu'il procédait à la révision des principes fondateurs des CSTI.
Ceux-ci ont été posés en 1999, lors de la fondation de WiD, à travers la notion de PUSH (Public undestanding of science and humanities - compréhension publique de la science et des humanités).
Il s'agit, pour la société et la science, de promouvoir une compréhension commune de leurs demandes et de leurs intérêts. Les scientifiques doivent gagner la confiance et la reconnaissance et un soutien financier. Car c'est la compréhension de la science par le public qui est décisive en vue d'assurer un financement durable de la science et la compétitivité au plan international.
Sur la base de ces principes, WiD doit concrètement s'attacher à rendre les thèmes de la science et de la recherche compréhensibles par une large partie de la population, en expliquant de façon intelligible les projets de recherche et leurs résultats. En vue de permettre à la population de se forger une opinion objective, les sujets de recherche controversés doivent être discutés avec la population.
Chez les jeunes, WiD doit éveiller la curiosité pour la science et la technique. Quant aux plus petits, WiD doit leur montrer que la science et la recherche offrent des possibilités de carrière intéressantes et multiples.
Les fondateurs de WiD ont vu dans leur initiative l'équivalent de l'idée britannique de PES ( Public Engagement in Science , débat public dans la science). À la différence d'autres modalités de diffusion des CSTI - Kinderuniversitäten (Universités pour enfants) ou Schülerlaboren (laboratoires pour élèves et étudiants), WID a pour objet de favoriser, par le dialogue avec la société, l'acceptation critique - et non béate - de la science et de la recherche.
Le président de WiD, M. Markus Weisskopf, a exposé les très nombreuses initiatives - que retrace l'encadré ci-après - qui ont été prises ou envisagées en vue d'impulser un changement de cap.
Initiatives prises ou envisagées par WiD pour développer les cultures scientifique, technique et industrielle
Une Conférence de citoyens a été
organisée à l'Université de Stuttgart ou encore dans le
cadre de la fondation
Haus der kleinen Forscher
(maison des petits
chercheurs), l'expérience consistant à demander aux jeunes
chercheurs de présenter leurs recherches en dix minutes, le public
notant ensuite leurs prestations.
En outre, les projets ne doivent pas dépasser un
certain plafond, qui est de 15 000 euros. Dans ce mécanisme, qui
permet de réunir rapidement les fonds, le chercheur est obligé de
répondre aux questions des bailleurs, lesquels ont le droit d'être
tenus informés. Des gens sont ainsi parties prenantes du processus de la
recherche. La moitié des bailleurs provient du site
Startnext.de
.
Fishbowl est une expérience inspirée du monde des entreprises, dans laquelle l'expert se trouve au milieu du public. Tout le monde se joint à l'expert et est appelé à prendre la parole. Il s'agit d'un format pratiqué pour des sujets controversés et qui permet de mieux gérer les émotions. En revanche, WiD pas retenu la formule des cafés des sciences, qui a été jugée très superficielle. |
M. Markus Weisskopf a indiqué que le but est de rechercher le dialogue avec la population car les états d'âme de la société doivent être communiqués aux responsables politiques.
Son souhait est d'avoir une méthode qui permette d'impliquer les citoyens très tôt, afin de les faire participer de façon active et de leur donner à voir qu'ils ont été écoutés et que leurs angoisses ont été prises en compte, estimant par ailleurs que les citoyens sont disposés à s'impliquer le week-end.
En parallèle, il y a lieu d'ajouter que
l'Académie allemande des technologies s'est prononcée, le
4 décembre 2012, en faveur d'un dialogue ouvert sur les nouvelles
technologies, l'Académie visant tout particulièrement les
biotechnologies et la biologie de synthèse. Cette prise de position est
d'autant plus intéressante qu'en Allemagne, les biotechnologies sont,
avec l'énergie nucléaire
- du fait des positions de
Greenpeace -, un des sujets tabous.
Un climat susceptible de favoriser la méfiance à l'encontre des scientifiques
Le dernier sondage IPSOS, organisé à l'occasion du Forum Science-Recherche-Société le 16 juin 2013 par Le Monde et La Recherche , fait certes apparaître une grande confiance des Français dans la capacité de la science à résoudre les grands problèmes actuels. Ainsi, 9 sondés sur 10 font-ils confiance à la science pour éradiquer des maladies comme le sida, le cancer ou la maladie d'Alzheimer.
En outre, le CNRS, les chercheurs et les médias obtiennent une large part d'avis favorables - plus de 80 % - suivis des enseignants et des journalistes scientifiques, pour expliquer les enjeux de la recherche scientifique et des débats qu'ils peuvent susciter.
Catégories |
Ensemble des Français |
|
Confiance (%) |
Pas confiance (%) |
|
Chercheurs |
92 |
7 |
CNRS |
86 |
12 |
Médias |
84 |
15 |
Académie des sciences |
84 |
15 |
Enseignants |
65 |
34 |
Journalistes scientifiques |
64 |
35 |
Associations de protection de l'environnement |
63 |
36 |
Comités d'éthique |
60 |
39 |
Députés spécialisés dans les questions scientifiques |
26 |
73 |
Gouvernement |
18 |
81 |
Source : IPSOS.
En revanche, les sondés remettent en question la confiance qu'ils accordent aux scientifiques pour dire la vérité sur certaines de leurs recherches.
Car hormis les énergies nouvelles, les Français, dans leur majorité, n'accorderaient qu'une confiance mesurée ou aucune confiance aux scientifiques dans les autres domaines.
Domaines |
Confiance (%) |
Pas confiance (%) |
Énergies nouvelles |
69 |
25 |
Cellules souches |
49 |
30 |
Réchauffement climatique |
48 |
46 |
Neurosciences |
47 |
25 |
Nanotechnologies |
44 |
28 |
Nucléaire |
35 |
58 |
OGM |
33 |
58 |
Source : IPSOS.
Ces sondages très mitigés - et même très mauvais, de façon récurrente, en ce qui concerne notamment les OGM (223 ( * )) - sont une raison supplémentaire qui devrait inciter les scientifiques à des efforts de médiation accrus.
*
* *
Les rapporteurs souhaiteraient formuler les deux séries de préconisations suivantes.
1. procéder réellement à la reconnaissance institutionnelle des actions de médiation dans les carrières de chercheurs.
Si la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007) avait bien prévu que la diffusion de la culture scientifique et technique était une mission de l'enseignement supérieur, il n'apparaît toutefois pas, comme on l'a vu précédemment, que, dans les faits, cette mission ait été pleinement remplie.
C'est pourquoi les rapporteurs estiment qu'il sera indispensable de veiller à la bonne application de la nouvelle responsabilité du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur concernant la valorisation des activités de diffusion des CSTI dans la carrière des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
2. développer les actions de médiation.
Ce deuxième axe revêt plusieurs aspects :
- ouvrir au public les laboratoires des instituts de recherche financés sur fonds publics au moins deux fois par an. Cette disposition doit concourir à un dialogue qui soit plus soutenu et non plus seulement limité à certains évènements tels que la Fête de la science ou la Nuit des chercheurs ;
- valoriser les actions de médiation et de communication des doctorants. Cette médiation se déclinerait en deux types d'actions. Premièrement, des heures de médiation scientifique seraient prises en compte dans les critères d'évaluation de la thèse. C'est déjà le cas à travers le partenariat entre la fondation Wikimédia France (qui anime la version française de Wikipédia) et les écoles doctorales de Lille et Paris-Jussieu. Les doctorants sont ainsi évalués en fonction de leur participation aux pages encyclopédiques de Wikipédia.
Deuxièmement, un concours serait organisé par les universités, le département ou la région, dont l'objectif pour les doctorants serait de présenter leur thèse en trois minutes. Cette action est inspirée du 3MT (Three minutes thesis) en vigueur en Australie et de l'épreuve de la finale du congrès de l'ACFAS (Association francophone pour le savoir) de Montréal. En France, cette idée a déjà été reprise par l'Université de Lorraine : le concours « présente ta thèse en 180 secondes » invite les doctorants à résumer leur thèse en 3 minutes, à un public non averti, sans note et avec un seul transparent pour appui. Au terme de présélections, les universités pourraient s'affronter pour désigner un gagnant au niveau national. Ce concours pourrait adopter le modèle des concours d'éloquence organisés dans les Sciences Po de France ;
- créer un module de médiation scientifique en 3 ème année de licence parmi une liste de cours à choisir.
Dans l'enseignement supérieur, il semble important de favoriser les modules de diffusion des CSTI en proposant un cours de médiation parmi une liste de cours au choix. Ce module, comme le reste des cours à la carte, permettrait d'acquérir entre 2 et 4 crédits ECTS (224 ( * )) par an (il faut 60 crédits pour valider une année universitaire). Il ne semble pas nécessaire de rendre obligatoire ce module car l'initiative personnelle et la motivation semblent être des critères importants pour garantir la qualité de la médiation. Ce module pourrait être proposé en 3 ème année de licence dans la totalité des formations et s'inscrire dans le cahier des charges du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Une partie de ces étudiants pourrait être appelée à aller dans les écoles pour proposer des activités de médiation des sciences hors temps scolaire dans les établissements scolaires ;
- favoriser les actions de CSTI en regroupant des universités, des associations et des entreprises, en vue d'actions de partage des CSTI.
C'est un projet qui est actuellement développé par Diagonale Paris-Saclay et que les rapporteurs souhaiteraient voir généralisé sur tout le territoire. La Diagonale Paris-Saclay est une structure au sein de l'université Paris Sud qui permet la reconnaissance et la valorisation d'actions de CSTI (Sciences humaines et sociales comprises). Elle regroupe 23 établissements de l'université, des associations (médiateurs, chercheurs) et des entreprises. La gouvernance est multipartite, à l'image de la pluridisciplinarité des acteurs ;
- inciter les Alliances de recherche à mieux coordonner leurs actions de médiation dans les établissements scolaires et universitaires et à inscrire ces actions dans la stratégie nationale de recherche et d'innovation.
Il s'agit de mieux coordonner les actions des instituts, lesquelles ont tendance à se déployer de façon séparée. Par exemple, l'Académie de Paris et le CEA ont signé, en mai 2011, une convention de partenariat pour la diffusion de la culture scientifique et technique. Il eût été judicieux que d'autres organes de recherche éventuellement intéressés aient pu se joindre à une telle convention. Il serait également nécessaire d'inscrire cette coordination dans la stratégie nationale de la recherche ;
- assortir toute subvention versée à un établissement d'enseignement supérieur ou à un organe de recherche de l'obligation d'en affecter une fraction (par exemple 10 %) au financement d'actions de médiation.
Il s'agit de s'inspirer utilement d'une pratique qui existe déjà aux États-Unis ;
- Inciter au recrutement d'administrateurs de la recherche et favoriser le développement des cellules d'ingénierie de projets.
La généralisation des modes de financement compétitifs (avec la création de l'ANR en 2005 ainsi que la montée en puissance des programmes-cadres de la Commission européenne, repris par les Régions), en parallèle de la mise en place d'un dispositif d'évaluation centrale des composantes de recherche (établissements, laboratoires) via l'AÉRES créée en 2006, sont venus significativement bousculer les pratiques des chercheurs, sans que ceux-ci soit assistés dans cette montée en charge. Beaucoup d'entre eux témoignent du détournement important de la vie du laboratoire sur les dossiers, l'exemple classique étant l'évaluation par l'AÉRES qui occupe à temps plein jusqu'à parfois six mois. Cette situation est nuisible à la diffusion de la CSTI car elle crée un contexte d'opposition radicale à l'ajout de nouvelles charges, ce que la prise en compte des actions de médiations représente certainement.
Or, il ressort de nos auditions avec des membres de la communauté académique, dont le professeur Albert Fert, que ce besoin est devenu particulièrement perceptible au cours des années 2000, suite aux mutations des modes de financement de la recherche et de la généralisation de son évaluation. De plus en plus sollicités pour répondre à des appels à projets compétitifs afin de compenser la diminution des financements récurrents, les chercheurs ont dû faire face à l'augmentation de la charge administrative corrélée à leur activité.
Cet accroissement n'a pas donné lieu à un accompagnement par la puissance publique, qui pourtant est celle qui a dirigé ces transitions (mutations volontaires et non de fait), et selon leur taille et dotation les laboratoires se sont retrouvés pour certains accablés de dossiers qui empiétaient sur leur travail de recherche.
La recommandation proposée viserait donc à faire face à ces situations.
*
b. Améliorer le traitement des CSTI par les médias
Tout au long de leurs travaux, les rapporteurs n'ont cessé d'insister auprès de leurs interlocuteurs sur la nécessité de favoriser l'accès le plus large de la population aux CSTI et sur le rôle essentiel qui est imparti aux médias dans la poursuite d'un tel objectif.
Or, malheureusement, ils ont constaté et déploré la très insuffisante place de la science et de la technologie dans les médias français, en particulier à la télévision.
Ce déficit est imputable aux conditions de fonctionnement des médias. S'y ajoutent les difficultés liées aux incidences de l'évolution de la recherche et du comportement des scientifiques sur le travail des journalistes.
Ces constats commandent de réfléchir à des pistes d'amélioration.
i. Le traitement imparfait des CSTI
Les conditions de fonctionnement des médias
Certaines initiatives prises par Le Monde et Le Figaro , ou encore les succès remportés par des blogs de science et des émissions de télévision évoqués précédemment ne sauraient dissimuler que la science et la technologie sont des parents pauvres des médias, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de la télévision.
Bien qu'elle soit limitée à la période qui s'est écoulée entre le 19 mai et le 18 juin 2008, une étude (225 ( * )) concernant les trois principaux titres - Le Monde, Le Figaro et Libération - constate que les sujets scientifiques sont peu traités dans ces trois quotidiens. Les conclusions de cette étude sur la place de la science et la proportion des thèmes traités sont ci-dessous encadrées.
Place de la science Le Figaro - 115 articles scientifiques ; - 9 fois, présence de la science sur la Une ; - 40 pages contenant de la « science ». Le Monde - 107 articles scientifiques ;
- 11 fois, présence de la science sur la Une ;
- 56 articles scientifiques ; - 5 fois, présence de la science sur la Une ; - 50 pages contenant de la « science ». Proportion des thèmes traités Le Figaro 35 % santé, 16 % environnement, 15 % astronomie, 10 % vivant, 7 % passé, 6 % technologie, 4 % physique-chimie, 3 % politique, le reste inclassable. Le Monde 36 % environnement, 15 % santé, 13 % astronomie, 12 % technologie, 6 % vivant, 6 % politique, 4 % physique-chimie, 4 % passé, le reste inclassable. Libération 58 % environnement, 9 % politique, 7 % santé, 7 % vivant, 5 % technologie, 4 % astronomie, 4 % physique-chimie, 2 % passé. |
Parmi les thèmes traités, l'environnement et la santé semblent être les thèmes prédominants. En revanche, les sciences dures sont largement en retrait, quel que soit le quotidien.
En ce qui concerne la télévision , le rapport du Sénat établi en 2003 par Marie-Christine Blandin et Ivan Renar (226 ( * )) avait déploré que les chaînes n'utilisent pas les moyens techniques dont elles disposent pour mieux diffuser la science. Ce rapport avait ainsi cité une observation critique du CSA sur France 2 selon laquelle « il n'y a pas, sur France 2, à proprement parler d'émissions scientifiques, aucune émission n'ayant pour objet de faire état de l'évolution des sciences ».
Certes, la note que le secrétariat général des programmes de France Télévisions a adressée aux rapporteurs, et qui est publiée en annexe, tendrait à faire ressortir un accroissement considérable du nombre d'émissions scientifiques.
Néanmoins, on peut s'interroger sur la portée réelle de cette amélioration.
En effet, une enquête réalisée par l'INA sur la période 2000-2009 relève une faible présence de la science dans les programmes de télévision. Ainsi, l'INA note-t-il que, au cours de ces années-là, aucune chaîne n'a réservé à la science plus de 3 % de son journal télévisé. TF1 lui accorde le plus d'attention avec 2,83 % de son offre (12 ème rang), puis M6 avec 2,62 %, suivie de France 2 avec 2,38 % et France 3 avec 2,03 %. Canal + et Arte la placent sous la barre de 2 % avec respectivement 1,87 % et 1,33 % de leur offre.
Ce traitement insuffisant de la science par les médias français (227 ( * )) est confirmé par une enquête de la Commission européenne réalisée entre le 10 avril et le 15 mai 2007 dans 27 États-membres. Cette enquête, qui avait pour but d'explorer la manière dont les médias pourraient contribuer à améliorer l'engagement des citoyens européens dans les sciences, la recherche et l'innovation, fait apparaître que les citoyens français estiment que les médias n'attachent pas assez d'importance à la recherche (57 %) ni aux scientifiques (64 %).
Pour autant, le rapport de Marie-Christine Blandin et Ivan Renar a fait observer, sur ce point, que « Les responsables des médias télévisés restent, dans l'ensemble, plutôt dubitatifs à l'égard des conclusions des sondages dans lesquels les personnes interrogées se déclarent demandeuses de davantage de science à la télévision. Ils rappellent que, en pratique, les enquêtes d'audience montrent que les émissions de cette nature ne sont pas les plus suivies. Ce décalage entre désirs déclarés et comportements effectifs ne se rencontre d'ailleurs, d'après eux, pas qu'en matière d'émissions scientifiques ».
Or, ce même rapport souligne, non sans raison, que le succès de l'Odyssée de l'espèce (228 ( * )) devrait susciter une réflexion sur l'intangibilité de ce dogme peut-être un peu trop facilement admis.
Un tel dogme amène les rapporteurs à s'interroger sur les raisons pour lesquelles les CSTI n'ont pas la même importance que les autres domaines d'information - politique, sport - ou émissions de divertissement.
Sur le marché de l'information, la science et la technologie ne sont pas considérées comme des thèmes « vendeurs » susceptibles, en ce qui concerne les médias télévisés, de « faire de l'audimat » selon l'expression consacrée. L'intérêt qui y est accordé n'est élevé que lorsqu'un évènement exceptionnel survient. À cet égard, les rapporteurs tiennent à observer que, lors de l'audition des membres du Conseil scientifique de l'OPECST le 9 juillet 2013, plusieurs intervenants ont constaté que la chaîne parlementaire LCP ne se départait pas du même comportement. Ils ont déploré que LCP ne relaie les travaux de l'OPECST que dans des cas exceptionnels.
Cette politique traditionnelle des médias comporte toutefois deux très sérieux dangers. Le premier est d'accréditer l'idée que seul l'évènement spectaculaire est susceptible de retenir l'attention du public parce que, en temps normal, la science est considérée comme un sujet rébarbatif et complexe. Il est clair que lorsque la couverture d'un hebdomadaire s'intitule « Oui, les OGM sont des poisons », à propos de l'étude du professeur Séralini, alors que, comme nous l'avons vu, persiste une forte résistance à l'encontre des OGM, cet hebdomadaire est assuré de connaître un vif succès commercial - ce qui a d'ailleurs été le cas. De même, lorsque des journalistes avaient demandé au biologiste américain Craig Venter si, à travers l'expérience qu'il a effectuée en 2010 (229 ( * )) , il n'avait pas joué à Dieu, ces journalistes avaient voulu intentionnellement susciter l'attention du public et, en particulier, celle des mouvements religieux qui, aux États-Unis, interviennent de plus en plus dans les questions scientifiques.
Le deuxième danger, comme on le voit dans ces deux cas, est que cette propension au sensationnalisme des médias n'est, à l'évidence, pas de nature à contribuer à inciter le public à une approche rationnelle et apaisée des OGM ou de la biologie de synthèse, celle-ci étant considérée comme le vecteur de la nouvelle révolution industrielle de ce siècle. Or, précisément, un journaliste de la BBC s'est demandé si la biologie de synthèse ne serait pas le prochain terrain de conflit, comparable à celui des OGM (230 ( * )) . À cet égard, son observation rejoint celle de M. Sylvestre Huet, qui s'était demandé si, à propos d'une conférence sur la biologie de synthèse organisée au printemps dernier au Conservatoire national des arts et métiers, qu'avait perturbée l'association Pièces et main-d'oeuvre, on ne pouvait pas parler d'un débat impossible (231 ( * )) .
Outre cette propension au sensationnalisme, la deuxième raison du faible traitement de la science tient à la formation des journalistes. La formation dispensée dans les écoles de journalisme a, en effet, un faible contenu scientifique. Il n'est certes pas nécessaire d'avoir une formation scientifique pour être un bon journaliste scientifique. On a, sur ce point, cité précédemment les blogs sciences de MM. Sylvestre Huet, dans Libération , et Pierre Barthélémy, dans Le Monde, qui sont les blogs les plus lus, alors que ces deux journalistes n'ont pas, à l'origine, une formation scientifique.
Toutefois, force est de constater que le nombre de journalistes scientifiques est peu élevé, inférieur à 300 (dont 40 % de pigistes), si l'on se réfère au nombre d'adhérents de l'Association des journalistes scientifiques et de la presse d'information.
S'y ajoute le fait que, dans la presse écrite, les réductions d'effectifs, qui sont nombreuses dans le contexte actuel de crise traversée par la presse, touchent prioritairement les services scientifiques. Ainsi, à Libération , M. Sylvestre Huet en est le seul survivant, alors qu'il y a quelques années encore, le service scientifique de Libération comptait plusieurs journalistes.
Or, cette évolution est problématique à un double titre. D'une part, une telle évolution risque de rendre plus difficile le travail d'investigation nécessaire. Par exemple, deux neurobiologistes ont mis récemment en garde contre la médiatisation des recherches biomédicales (232 ( * )) , soulignant que la presse favorise les études initiales et n'informe pratiquement jamais le grand public lorsqu'elles sont réfutées ou sévèrement atténuées, ce qui est pourtant le cas le plus fréquent. La presse y serait d'autant plus poussée que les études initiales sont publiées dans des revues scientifiques plus prestigieuses et par des chercheurs travaillant dans des universités plus renommées que pour les études ultérieures. « Or, le prestige des revues scientifiques n'est pas un gage de fiabilité des études qu'elles publient », font observer ces neurobiologistes.
D'autre part, le nombre de controverses scientifiques tend à s'accroître du fait du rythme exponentiel du développement scientifique et technologique : OGM, changement climatique, biologie de synthèse, gaz de schiste.
On a fait valoir (233 ( * )) que, dans un tel contexte, pour s'opposer aux arguments des scientifiques qui créaient des controverses artificielles - parce que leur position s'obstinerait à aller à l'encontre d'un quasi-consensus, ce qui serait le cas du changement climatique - le journaliste scientifique serait le mieux placé pour distinguer les arguments de nature politique des arguments scientifiques. Car le journaliste scientifique est le mieux placé pour expliquer au public la portée de ces controverses artificielles : averti un tant soit peu dans un ou plusieurs domaines scientifiques, fin connaisseur du monde académique, aguerri aux discours théoriques, le journaliste scientifique dispose enfin d'un réseau dans la communauté scientifique et est porteur d'une légitimité comme enquêteur.
Or, les journalistes scientifiques n'ont pas toujours les moyens d'apporter, dans les controverses artificielles, les éclaircissements nécessaires parce que, comme on l'a vu, les médias généralistes tendent à réduire la place accordée à la science.
Enfin, le professeur Albert Fert, Prix Nobel de physique, a fait part de sa critique concernant le traitement médiatique des controverses. Il a en effet regretté que certains journalistes ne puissent informer objectivement le grand public du fait de leur a priori qu'il a qualifié de « quasi-religieux ».
Les incidences de l'évolution de la recherche et du comportement des scientifiques sur le travail des journalistes
Plusieurs facteurs peuvent avoir pour effet de distordre la science et de susciter des dérives médiatiques.
Le premier est la très intense rivalité qui existe entre les chercheurs et que résume bien l'adage anglo-saxon « Publish or perish ».
En application de cet adage, les chercheurs considèrent qu'il faut publier beaucoup et être le premier à publier, l'évaluation des carrières étant fondée sur le nombre des publications, leur volume et la notoriété des revues.
Or, lors de l'audition publique de l'OPECST sur les leçons à tirer de l'étude du professeur Gilles-Eric Séralini sur le maïs transgénique NK603 (234 ( * )) , Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l'OPECST, a résumé ainsi les nouvelles contraintes dans lesquelles s'inscrivaient les scientifiques : « Auparavant, la science s'inscrivait dans un temps long et les scientifiques ne communiquaient pas immédiatement sur leurs résultats. Aujourd'hui, science et communication sont imbriquées ».
Il en résulte différentes pratiques - dont la fabrication ou la falsification des données, ou encore le plagiat - qui nuisent à la crédibilité des chercheurs et des revues, même si, selon certains, on peut constater une amélioration de la qualité de la recherche et des revues depuis plusieurs années.
Le second facteur de dérive réside dans ce que M. Francis Chateauraynaud, sociologue, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a appelé l'économie de la promesse dans laquelle, à ses yeux, les sciences sont aujourd'hui emportées (235 ( * )) .
M. Chateauraynaud considère, à cet égard, que ce n'est pas seulement lié aux médias, qui tendent à forcer les attentes et les défis. Les scientifiques adoptent aussi un comportement analogue, car eux-mêmes et leurs institutions sont soumis à une rude compétition pour la visibilité et l'attraction de financiers et de publics, des industriels aux étudiants.
Cette médiatisation de la recherche par les chercheurs est particulièrement visible dans le domaine de la biologie de synthèse (236 ( * )) .
Un troisième type de dérive tient à la volonté manifestée par des scientifiques ou des industriels d'instrumentaliser les médias et de manipuler l'opinion publique.
C'est le reproche que les journalistes intervenus à l'audition publique de l'OPECST du 19 novembre 2012 ont adressé à l'étude du professeur Séralini. Ainsi, M. Michel Alberganti, journaliste scientifique et chroniqueur à France Culture, a-t-il déclaré que cette étude avait violé les règles du journalisme : vérification des sources, croisement des informations et multiplicité des avis quand un sujet fait débat. « Or, la publication de l'étude de M. Séralini par une revue non scientifique [en l'occurrence le Nouvel Observateur] a été effectuée avant qu'il y ait débat et avant même que les scientifiques du secteur aient pu en prendre connaissance, éventuellement réagir et apporter un autre regard ».
De fait, aux yeux de M. Alberganti, il s'est agi d'une forme d'opération médiatique qui s'est poursuivie par un livre, puis par un documentaire, au cinéma et à la télévision.
Pour sa part, M. Sylvestre Huet, président de l'Association des journalistes scientifiques et de la presse d'information, a notamment déploré que le professeur Séralini ait rompu la pratique de l'embargo (237 ( * )) en choisissant des journalistes sur d'autres bases que celle de leur compétence sur le sujet et de leur imposer de signer un document les menaçant d'une sanction financière s'ils soumettent l'article à l'analyse d'autres scientifiques, ce qui, selon M. Huet, « ne peut que relever d'une volonté de manipuler l'opinion publique ».
C'est pourquoi M. Huet s'est demandé si l'étude de M. Séralini ne pouvait être rangée dans les publications décrites par l'historienne américaine Naomi Oreskes dans son livre « Marchands de doute ». Dans cet ouvrage, Naomi Oreskes a démontré que, sur le risque sanitaire du tabac, comme sur l'évolution du climat, des scientifiques ont délibérément distordu la présentation des faits pour duper l'opinion publique. Or, la France n'est pas exempte de telles dérives, M. Huet ayant indiqué que des publications de 2005 et 2007 de Vincent Courtillot, directeur de l'Institut de physique du globe de Paris, parues dans une revue américaine, avaient été réfutées par M. Édouard Barr, professeur au Collège de France, qui a montré que ces études étaient fondées sur une monumentale erreur de calcul.
Comme l'a déclaré Jean-Yves Le Déaut, la vive polémique à laquelle se sont livrés partisans et adversaires de M. Séralini par médias interposés - et non dans des revues scientifiques - n'a pas manqué d'affaiblir la confiance de la société dans la science, même si la revue américaine Food and Chemical Toxicology , qui avait à l'origine publié l'étude Séralini en septembre 2012, a décidé de la retirer en novembre 2013.
ii. Quelles pistes d'amélioration ?
Ces pistes peuvent toucher à des réflexions sur la programmation ou à des solutions de nature institutionnelle.
Le levier de la programmation
Il convient certes de saluer l'information selon laquelle
l'animateur de
«
C pas sorcier
», M. Jamy
Gourmaud, se verrait confier, en 2014, une nouvelle émission
« scientifique et pédagogique » « alliant
théorie et pratique » sur la chaîne France 3. Cette
émission serait diffusée sous la forme d'une collection de
quatorze documentaires de 110 minutes chacun, en première partie de
soirée (« prime time »).
Mais une telle mesure mériterait, aux yeux des rapporteurs, d'être complétée dans cinq directions :
- il conviendrait de diffuser, avant le journal télévisé, une émission d'environ trois minutes sur un sujet scientifique, technique ou industriel , selon le format applicable à l'émission « D'art d'art », ainsi qu'un programme pour les enfants, court et ludique, à un horaire approprié .
Un tel format de trois minutes est appliqué par un concours organisé par l'Université allemande de Bielefeld, dans lequel les jeunes chercheurs disposent de trois minutes pour expliquer leur travail au public ;
- une des chaînes publiques pourrait prévoir une émission spéciale au cours de laquelle seraient remis un prix de reconnaissance des personnalités scientifiques - femmes et hommes de l'année -, un prix de la médiation analogue au prix « goût des sciences » et un prix de la médiation des doctorants au titre du concours « 120 secondes pour présenter une thèse », ce qui permettrait au public de mieux faire connaissance avec les scientifiques (238 ( * )) .
- réaliser un feuilleton grand public mettant en scène des métiers de l'industrie . Il s'agirait de donner une meilleure image de ces métiers et, au-delà, de souligner la dimension industrielle des CSTI. Aussi, une émission sur les compagnons du Tour de France pourrait contribuer à accroître la visibilité de ces métiers et à susciter des vocations pour ces formations d'excellence ;
- inciter les différents médias à améliorer la couverture médiatique de la semaine de l'industrie et de la Fête de la science (239 ( * )) : les rapporteurs ont eu l'occasion de déplorer auprès de différents interlocuteurs que - à l'inverse d'autres manifestations culturelles telles que la Fête de la musique - la Fête de la science ne bénéficie d'aucune promotion médiatique particulière.
- créer une émission télévisée de financement participatif (« crowfunding ») , pour des projets à court terme et innovants , à l'exemple de ce qui est pratiqué en Allemagne, afin d'assurer un financement suffisant des projets de chercheurs.
Le levier institutionnel
- Créer un centre de communication scientifique au sein de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), en y associant les spécialistes des sciences humaines et sociales.
Certaines voix se sont exprimées en France et en Allemagne en faveur de la transposition de l'équivalent du Science Media Center londonien (SMC).
Cette institution joue le rôle d'interface entre les scientifiques et les journalistes en permettant à ces derniers d'obtenir les premiers tous renseignements nécessaires - et à bref délai - pour faire leur travail d'information, notamment en cas d'évènement imprévu, tel que l'accident de la centrale de Fukushima ou l'affaire Séralini.
Ce centre est financé par des dons d'entreprises privées, ces dons étant plafonnés à 5 % du budget total.
Les scientifiques et journalistes britanniques sont satisfaits de l'existence et du fonctionnement du SMC, lequel répond au souhait qu'avait exprimé le rapport de la Chambre des Lords sur la science et la société, dont l'une des recommandations, comme on l'a vu précédemment, demande aux scientifiques de communiquer avec la société.
Si plusieurs des personnalités que les rapporteurs ont auditionnées ont approuvé le principe de la création d'une interface entre les médias et les scientifiques, elles ont, en revanche, été plus réservées sur l'imitation éventuelle du SMC car, d'une part, de l'aveu même de la directrice du SMC que les rapporteurs ont rencontrée, les sciences humaines et sociales (SHS) y sont sous-représentées, ce qui va à l'encontre de notre souhait de les associer le plus largement possible aux politiques de CSTI. D'autre part, le plafonnement des dons ne suffit pas à lui seul à prévenir tout soupçon de conflits d'intérêts, comme certains internautes français n'ont pas manqué de le faire observer dans le cas de l'affaire Séralini, puisque certains contributeurs du SMC sont directement ou indirectement liés à la production d'OGM.
Pour ces raisons, les rapporteurs ont préféré confier à l'IHEST le rôle joué par le SMC.
Ainsi, l'IHEST pourrait proposer des formations préalables à des thématiques de débat public, formations qui seraient suivies non seulement par les élus mais également par des journalistes, ce qui permettrait de favoriser les échanges et la compréhension mutuelle entre experts, élus et journalistes (scientifiques).
Le financement de ces formations sera assuré pour partie par les entreprises de presse qui bénéficieront de la mise en relation de leurs journalistes avec le réseau d'experts et les élus ayant fréquenté la formation.
Un dispositif serait mis en place en temps de crise pour assurer la mise en contact des journalistes avec les experts pertinents.
- Créer un portail Internet spécialisé regroupant l'ensemble des émissions scientifiques diffusées par les chaînes publiques (France Télévisions, Arte, LCP-AN et Public Sénat).
Cette idée que M. Michel Boyon, alors président du CSA, avait émise lors du colloque « Vérité scientifique et démocratie » organisé le 7 décembre 2011 par l'Assemblée nationale et l'Académie des sciences, rejoint dans son esprit la chaîne numérique que la Royal Institution a mise en place à Londres. D'après les informations fournies par les interlocutrices britanniques des rapporteurs, cette chaîne connaît un vif succès et contribue efficacement à développer le goût des sciences auprès des élèves britanniques, mais aussi d'élèves étrangers qui peuvent y être connectés.
- Intégrer des modules de méthodologie de sciences et d'histoire des sciences et des techniques dans les cursus des écoles de journalisme.
Afin d'améliorer le traitement médiatique des questions technoscientifiques et de s'assurer que les futurs journalistes diffusent des représentations raisonnées de ces thématiques dans l'espace public, les rapporteurs proposent qu'un module de méthodologie des sciences et d'histoire des sciences et techniques soit intégré aux troncs communs des formations de journalisme (Instituts d'études politiques, licences information-communication et masters afférents, écoles de journalisme). Une introduction au journalisme scientifique ferait également partie du tronc commun de chaque formation.
- Enfin, des propositions auxquelles les rapporteurs ont réfléchi n'ont pas été retenues en dernière analyse.
Il s'agit d'abord de l'institution de quotas d'émissions scientifiques aux heures de grande écoute dans le cahier des charges des chaînes publiques. Bien qu'elle soit de nature à combler les lacunes actuelles, une telle disposition risque de ne pas être appliquée dans son esprit et sa lettre, du fait d'éventuels détournements.
Ensuite, les rapporteurs n'ont pas non plus repris l'idée qu'avait suggérée le rapport de Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut (240 ( * )) visant à instituer une chaîne thématique dédiée à la science.
Sur ce point, M. Michel Boyon, alors président du CSA, a fait observer, lors de son audition le 30 novembre 2012 par le Haut conseil de la science et de la technologie que, pour beaucoup de professionnels, une telle chaîne n'attirerait pas suffisamment de téléspectateurs et, donc, d'annonceurs pour trouver son équilibre financier. C'est pourquoi il a déclaré qu'il appartient au service public de l'audiovisuel de proposer davantage d'émissions scientifiques et technologiques de qualité.
c. Le rôle des entreprises dans le renforcement de la visibilité du volet industriel des CSTI
Au cours des auditions des rapporteurs, des positions sensiblement divergentes se sont exprimées sur la question du rôle des entreprises.
Nous avons pu voir précédemment quelles actions de CSTI les entreprises menaient déjà dans le système éducatif ou dans les CCSTI ou en partenariat avec ces derniers.
M. Jean-Pierre Ledey, président de Planète sciences, a en revanche estimé que l'implication des industriels français dans les CSTI lui paraissait beaucoup moins forte que celle des industriels américains ou allemands.
S'agissant des industriels américains, il a cité l'exemple du concours de lancement de fusées : Rocketry Challenge . Ce concours s'adresse aux élèves de l'enseignement secondaire, ces derniers devant concevoir et construire un modèle de fusée, de 650 g ou moins, destinée à voler durant 50 secondes à une altitude de 825 pieds (un peu moins de 250 mètres).
L'objet de ce concours annuel est de motiver les élèves afin qu'ils poursuivent une carrière dans le domaine aérospatial. Il est parrainé par l'Association des professeurs de physique, Estes Industries (fabricant de modèles de fusées et d'avions), le département de la Défense et la NASA, le NAR (National Association Rocketry) et l'Aerospace Industries Association.
M. Ledey a déclaré que de nombreux chefs d'entreprises assistaient à ce concours pour repérer les futurs ingénieurs qu'ils souhaiteront embaucher.
Il en est de même du concours Jugend forscht qui a déjà été évoqué et que M. Ledey a cité en exemple de l'intérêt porté par les industriels allemands au développement de la culture industrielle chez les jeunes.
En ce qui concerne précisément l'Allemagne, il existe d'autres institutions dans lesquelles les industriels sont très impliqués telles que la Schüler-Ingenieur-Akademie (Académie de l'élève ingénieur) (241 ( * )) .
Existant depuis 2000, ces académies, qui sont implantées dans toute l'Allemagne, ont pour objet principal de soutenir et de promouvoir l'attractivité des études de mathématiques, d'informatique, de sciences dures et de technologie.
Elles sont un lieu d'échanges entre les écoles, les universités, les professeurs et les chefs d'entreprise.
Parmi les entreprises qui y sont impliquées figurent Microsoft, Siemens, Thyssen, Bosch ou encore Hewlett-Packard.
Indépendamment de ces expériences allemandes, trois séries de considérations plaident en faveur d'une implication accrue des industriels français. D'une part, elle est indispensable pour concrétiser la proposition précédemment formulée visant à mettre en place un module de culture industrielle dans les thèmes de convergence des collèges. En second lieu, le concours des entreprises sera très probablement nécessaire à la mise en oeuvre de la proposition émise par l'Académie des technologies tendant à développer l'enseignement de la technologie au lycée.
Enfin, il est clair qu'à défaut d'une implication accrue des industriels, l'image de l'industrie auprès des jeunes, telle qu'elle résulte d'un sondage effectué par l'École nationale supérieure des arts et métiers en février 2013, risque de demeurer négative. Aux termes de ce sondage, 53 % des jeunes interrogés contestent la capacité de l'industrie à créer des emplois en France et seulement 45 % des lycéens souhaiteraient travailler dans l'industrie.
Pour ces raisons, les rapporteurs proposent d' inciter les différentes branches professionnelles à se concerter et à mettre en place un réseau d'intervenants qui, dans son fonctionnement, s'inspirerait du réseau STEMNET (Réseau pour la promotion des STEM - Science, technology, engineering, Mathematics) existant au Royaume-Uni.
Ce réseau comprend trois principaux programmes nationaux :
- STEM Ambassadors ; composé de 26 000 personnes bénévoles - dont 40 % de femmes - de tous âges (18 à 70 ans) - 60 % étant âgés de moins de 35 ans -, ce réseau offre une aide gratuite aux enseignants dans le suivi des programmes et permet d'élever l'intérêt pour les carrières scientifiques et techniques. Ce réseau d'ambassadeurs comprend des personnes d'horizons professionnels divers : ingénieurs civils, architectes, pharmaciens, entre autres ;
- le programme des STEM Clubs : ce programme vise à explorer, investiguer et découvrir les sujets touchant aux STEM par le jeu afin, notamment, de mettre en confiance les élèves qui ont des difficultés dans ces matières ;
- le réseau de conseil pour les STEM aux écoles : il a pour but de fournir des conseils et d'user de ses liens avec le monde des entreprises pour élever les programmes dans les matières touchant aux STEM dans les écoles.
À la différence du réseau britannique, le réseau constitué par les entreprises françaises serait composé de professionnels, actifs ou retraités (ingénieurs, techniciens spécialisés), à l'exemple des Unions régionales d'ingénieurs et scientifiques (URIS, qui interviennent déjà dans les établissements scolaires).
Il est clair que l'objet de la proposition est de créer une entité plus ample que les URIS (242 ( * )) .
Une deuxième proposition consisterait à inciter les entreprises à créer dans chaque région l'équivalent de l'Académie du jeune ingénieur et du jeune technicien , en s'inspirant de l'expérience allemande. Cette proposition pourrait compléter utilement la proposition annoncée récemment par MM. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, qui vise à créer des « campus des métiers et de qualifications » dans lesquels seraient regroupés dans un même lieu ou en réseau des acteurs de la formation professionnelle. - lycées professionnels, centre de formation d'apprentis, IUT - des laboratoires de recherche et des entreprises, autour d'une thématique industrielle (243 ( * )) .
Enfin, il conviendrait que les entreprises, de concert avec l'ensemble des autres acteurs des CSTI, promeuvent le tourisme industriel.
En effet, Mme Nayla Farouki a fait observer aux rapporteurs que les ouvrages industriels, tels que le viaduc de Millau, attiraient de plus en plus de touristes.
En outre, à l'heure où la ré-industrialisation est une politique publique prioritaire, la promotion du tourisme industriel pourrait contribuer à diffuser la prise de conscience de cette priorité auprès du public.
2. Quelle place pour les citoyens dans le débat public ?
Cette question est au coeur de l'héritage légué par les Lumières. Celles-ci, comme l'ont rappelé plusieurs intervenants à l'audition publique du 13 juin 2013 sur les perspectives de la culture scientifique, technique et industrielle, postulent que le citoyen doit avoir accès au savoir pour se construire et s'émanciper. Dans notre conception moderne de la démocratie, ce droit a pour corollaire le droit de participer aux débats publics organisés par les autorités publiques - ou par des associations - sur les problèmes posés par la science ou la technologie. Une telle participation est considérée comme l'expression de l'engagement des citoyens.
Or, si une telle vision est l'objet d'un consensus, sa mise en application soulève diverses difficultés et interprétations divergentes.
En effet, bien que la place des citoyens dans le débat public soit considérée comme légitime, elle s'inscrit néanmoins dans diverses contradictions, dont l'effet est de ne pas toujours créer les conditions d'un débat fructueux.
Il en résulte que les tentatives de rénovation sont contraintes d'emprunter une voie étroite.
a. Bien que légitime, la place des citoyens s'inscrit dans diverses contradictions
i. La reconnaissance d'un droit de savoir...
Ce droit de savoir donne lieu à des interprétations divergentes. Certains se félicitent des larges possibilités offertes aux citoyens pour s'informer. D'autres, en revanche, mettent en cause leur pertinence.
Ces possibilités accrues ne sont pas sans lien avec
l'appétit de savoir
- y compris pour les questions
difficiles
(244
(
*
))
, ce qui serait trop souvent
sous-estimé - que M. Michel Alberganti, chroniqueur scientifique
à France Culture, a constaté
(245
(
*
))
.
La multiplication des dispositifs de débat public tient aussi à ce que toute avancée de la science nécessitera une implication croissante de la société, selon M. Arthur Moi, professeur associé en politique environnementale à l'Université de Mageningen (Pays-Bas) (246 ( * )) .
Cette remarque au sujet de la recherche agronomique pourrait aisément être étendue à beaucoup d'autres domaines. Car devant les controverses que suscitent les nouvelles technologies et la volonté des gouvernements d'associer les citoyens aux choix présidant à la gestion des risques, le nombre de débats publics - aux plans national et local - tendra à s'accroître, comme on a pu l'observer en France depuis quelques années. Ainsi, le Grenelle de l'environnement a-t-il été suivi du Grenelle des ondes en 2009 et, en 2012, des deux conférences environnementales et du débat national sur la transition énergétique.
De fait, comme on l'a vu précédemment, un réseau dense de dispositifs publics de débats - permanents ou ponctuels - a été mis en place.
En effet, tout au long des décennies ayant suivi la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (247 ( * )) , un important arsenal législatif et réglementaire est intervenu pour élargir le champ d'application du débat public et enrichir les modalités du principe de participation du public, comme l'illustrent, en particulier, la Commission nationale du débat public (CNDP) et le Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
Ainsi, les modifications qui ont affecté les compétences et le statut de la CNDP et du CCNE ont-elles confirmé la volonté des gouvernements successifs de satisfaire aux règles qui, selon l'OCDE, doivent gouverner le débat public.
Pour l'OCDE, le débat public se définit comme un processus comprenant quatre caractéristiques :
- il est délibératif : il met l'accent sur l'apprentissage mutuel en permettant l'échange d'arguments ;
- il est inclusif : y participent des personnes et des groupes d'intérêts spécifiques, dont la voix n'aurait sinon aucune chance de se faire entendre dans la phase délibérative, et donc d'influer sur la décision ;
- il doit être substantiel : il doit couvrir effectivement des sujets techniques ;
- il doit être conséquent : cet adjectif, qui est une mauvaise traduction du terme anglais « consequential », désigne le fait que le débat doit prévoir des dispositions sur les suites à lui donner.
On peut ajouter - au regard des critères de l'OCDE - que le législateur, en conférant le statut d'autorité administrative indépendante à la CNDP et au CCNE, a souhaité insister sur le fait que le débat public est organisé par une autorité impartiale, ce qui le distingue des débats nationaux initiés par le Gouvernement, lesquels encourent souvent le reproche de ne pas être organisés de façon suffisamment transparente et pluraliste.
Outre la multiplication des dispositifs publics de débats, les forums organisés par les réseaux sociaux, par les journaux ou encore par les acteurs locaux des CSTI sont d'autres canaux grâce auxquels les citoyens peuvent exercer leur droit de savoir et s'approprier les questions scientifiques et technologiques. Ces forums peuvent se dérouler parallèlement aux débats organisés par les autorités publiques ou indépendamment de ces débats. À cet égard, le centre de CSTI - Terre des sciences (248 ( * )) - insiste sur le net contraste existant, selon lui, entre les actions qu'il déploie dans le cadre du débat science-société-innovation et les débats nationaux. Les premières, celles menées en particulier auprès des jeunes, leur permettent d'offrir une image ouverte de la recherche, en raison du fait que les chercheurs n'hésitent pas à venir à leur rencontre. En revanche, Terre des sciences estime que les seconds - tels que le débat national sur les OGM et les nanotechnologies - ont toujours comporté des limites, dues aux positions figées et stériles débouchant sur des débats dépourvus de bases scientifiques, lesquels ne permettent pas au public de se faire une opinion sur l'avancée des sciences. Il en est ainsi parce que la « minorité agissante », pour reprendre les termes de Terre des sciences, entrave les débats nationaux et les actions d'ampleur organisées dans les territoires.
S'il existe donc un réel appétit de savoir auquel tentent de répondre différents dispositifs, certains contestent la pertinence d'une telle évolution. Ainsi, M. Sylvestre Huet fait-il observer que le partage des connaissances est une illusion, car « la science contemporaine constitue un volume très difficilement synthétisable et assimilable par les citoyens comme par les responsables politiques. Elle se construit au prix d'une spécialisation de plus en plus étroite, qui rend très délicat le partage des connaissances à l'intérieur même du système scientifique. Les scientifiques eux-mêmes ne peuvent lire tout ce qui se publie dans leur sous-domaine de spécialité » (249 ( * )) .
C'est pourquoi M. Huet estime qu'il n'est guère raisonnable d'exiger un partage des connaissances généralisé à l'ensemble de la société, alors qu'il est difficile à réaliser au sein des laboratoires, le monde politique, celui des élus et du Gouvernement étant, selon lui, dans la même situation.
Pour ces raisons, il plaide plutôt en faveur d'une expertise partagée « celle qui délivre, sous une forme synthétique et accessible, l'analyse du savoir connu et des interrogations sans réponse, analyse conduite en fonction des choix que ce corpus et les ressources naturelles offrent ou non aux citoyens comme aux chercheurs ». À ses yeux, l'autonomie de la recherche publique et de son financement doit être la garantie de la faisabilité de cette expertise partagée.
Une des principales objections qui peut être émise à l'encontre de l'argumentation de M. Huet tient au fait que - comme le montrent les sondages réalisés dans le cadre du Forum Le Monde et La Recherche sur science et société, une majorité de Français ne fait pas confiance aux experts, soit en raison des scandales sanitaires du passé, soit parce que comme c'est le cas du changement climatique, les scientifiques n'apportent pas les certitudes auxquelles ils s'attendent. Ainsi, d'après l'enquête pour 2013, les réponses ont été les suivantes :
Il est vrai que la validité des sondages est relative puisque le sondage du baromètre IRSN pour 2013 indique que : « De manière générale, la majorité des Français (57 % cette année, après une légère baisse en 2011) ont une bonne, voire une très bonne opinion des experts scientifiques ».
Pour autant, en rapportant année après année que le nucléaire et les OGM sont les domaines où les Français font le moins confiance aux scientifiques pour dire la vérité, les sondages d'IPSOS font bien ressortir cette méfiance qui caractérise l'attitude des Français à l'égard de l'expertise scientifique.
Une seconde position exprimée par M. Michel Callon, sociologue, professeur à l'École des mines Paris Tech, partage en partie celle de M. Sylvestre Huet. M. Callon a en effet déclaré, lors du colloque précité de l'Institut Pasteur du 18 octobre 2013 que, du fait de l'accélération des connaissances scientifiques et techniques, il était impossible - à commencer par lui-même - de suivre l'évolution de tous les domaines. Mais, au-delà, il a estimé, en tout état de cause, qu'il n'y avait nulle obligation qui impartisse aux citoyens de s'intéresser à la science (250 ( * )) , ce qui expliquerait, à ses yeux, l'apathie à l'égard de la science que l'on constate dans la population. Ce serait, dès lors, une « bataille perdue d'avance », que vouloir se fixer des objectifs trop ambitieux en tentant de vouloir intéresser tout le monde à tout. Il serait préférable que sur chaque sujet scientifique interviennent des groupes de personnes affectées (par exemple les associations de malades) (251 ( * )) .
Cette idée d'apathie a été vigoureusement contestée au cours de ce même colloque de l'Institut Pasteur par M. Michel Alberganti qui, au contraire, a estimé qu'il existait un appétit des citoyens pour la science.
On peut toutefois se demander si cette apathie n'est pas bien réelle (252 ( * )) et si elle ne joue pas le rôle de catalyseur dans l'échec des débats publics.
ii. ... qui ne débouche pas sur des débats publics fructueux
La question se pose en effet de savoir pourquoi, malgré la multiplication des dispositifs de débat public, existe une opposition persistante aux technologies dans plusieurs domaines (253 ( * )) , qui fait échec aux tentatives de débat apaisé.
L'inadéquation des dispositifs du débat public, l'attitude des élites sociales et politiques et celle des citoyens doivent être prises en considération pour répondre à cette question.
L'inadéquation des dispositifs du débat public
Qu'il s'agisse de leur organisation formelle ou de leur approche du débat, certains dispositifs encourent des critiques.
Le débat national sur les nanotechnologies est sans doute celui qui est l'objet des plus nombreuses critiques. M. Philippe Deslandes, alors président de la CNDP, a pu ainsi se déclarer surpris par l'absence de bonne coordination entre les ministères intéressés. « J'ai assisté aux premières réunions entre sept ministères. Ils se découvraient. Ils avaient tous des avis complètement différents sur les nanotechnologies » (254 ( * )) .
Mais surtout, comme l'a relevé M. Michel Callon à l'occasion du colloque de l'Institut Pasteur du 18 octobre 2013 précité, la décision du Gouvernement de confier l'organisation du débat public à la CNDP n'était pas pertinente. Celle-ci est compétente pour les questions touchant aux infrastructures mais non pour des problématiques complexes, comprenant plusieurs enjeux scientifiques et sociétaux comme celui des nanotechnologies.
C'est pourquoi, selon M. Callon, il eût été plus judicieux d'instituer une Conférence de citoyens.
Sur ce dernier point, Mme Dominique Donnet-Kamel, responsable de la mission Inserm-associations de malades, a regretté, au vu de l'expérience qu'elle a tirée de sa qualité de membre du comité de pilotage de la conférence sur les OGM de 1998, que l'OPECST n'ait plus, depuis lors, institué de nouvelles conférences de citoyens. C'est d'ailleurs pourquoi, dans l'une de leurs recommandations, les rapporteurs appellent l'OPECST à mettre en place de telles conférences.
D'autres dispositifs se sont vu reprocher leur caractère non inclusif, comme le Grenelle des ondes organisé en 2009 par le ministère de la santé à la suite des controverses soulevées par les antennes-relais et des décisions judiciaires annulant l'installation de certaines d'entre elles. Les associations avaient alors critiqué l'absence de collège de scientifiques (255 ( * )) et le refus opposé par le ministère que certains scientifiques (256 ( * )) puissent être auditionnés.
Au demeurant, ce même reproche de l'insuffisante représentativité des participants peut également être adressé à certains forums tel que celui que Libération a organisé les 12 et 13 octobre 2013 à Toulouse sur la transition énergétique. En effet, la liste des intervenants n'avait comporté exclusivement que des organisations écologiques et aucun responsable politique ou élu qui aurait pu exprimer des points de vue différents, alors même que l'OPECST y a consacré des auditions et qu'un rapport a été établi par le Président Bruno Sido, sénateur, et Jean-Yves le Déaut, député, premier vice-président.
Quant à l'approche qui préside aux débats publics récents, M. Michel Callon a relevé trois limites (257 ( * )) :
1) Malgré toutes les déclarations, ces débats publics seraient toujours inspirés par l'idée que les citoyens souffriraient d'un déficit d'information, qu'il importe de combler par le débat. De fait, pour M. Callon, il s'agit plus d'une technique de gouvernement et non d'une réelle concertation, ce qui en fait un débat incomplet.
Les propos tenus par M. Jean Bergougnoux, alors président de la commission particulière de la CNDP sur les nanotechnologies, lors du colloque précité du Conseil d'analyse stratégique, confirment parfaitement les remarques de M. Callon :
« ..., on ne peut pas espérer une vraie réussite durable d'un processus ponctuel comme le débat public s'il ne s'insère pas dans une gouvernance du projet par ceux qui sont responsables de la porter devant le public.
Par gouvernance, il s'agit de savoir s'exprimer sur les finalités, sur l'éthique, sur la stratégie, sur la technique de mise en oeuvre, les moyens qu'on y consacre et porter un projet qui se prête à la discussion. Et il est indispensable que, dans cette gouvernance, les temps de la concertation et du débat soient préalablement planifiés. »
2) En second lieu, M. Callon a estimé que les SHS (sciences humaines et sociales) avaient limité leur rôle à l'organisation du débat au lieu d'exercer leur fonction critique. On peut toutefois se demander si cette observation n'est pas trop sévère et excessive. Ainsi, expliquant le rôle des SHS dans le débat national sur la transition énergétique, la philosophe Sandra Laugier, rédactrice du rapport « SHS et énergie » pour l'Alliance de recherche Athéna (258 ( * )) , a déclaré : « Les SHS ne sont plus convoquées pour étudier ou favoriser l'acceptabilité des technologies, mais pour aider le public à acquérir une intelligence collective des enjeux énergétiques » (259 ( * )) . Au demeurant, il apparaîtrait que l'intervention des SHS ne soit pas appréciée favorablement par les physiciens et chimistes, qui leur reprocheraient de se mêler de technologies alors qu'ils ne connaissent pas la physique.
3) Enfin, M. Callon considère qu'à force de labelliser des catégories stables de participants - scientifiques, citoyens et responsables politiques - le débat risque de perdre de sa substance. Il a marqué sa préférence pour les débats, qu'il a qualifiés de « spontanés », mettant aux prises une grande diversité d'acteurs.
Pour autant, M. Étienne Klein lui a objecté qu'il n'avait jamais vu un débat public qui ait réussi, qu'il soit organisé ou spontané.
L'attitude des élites sociales et politiques
M. Michel Alberganti a émis des critiques très sévères à l'encontre des médias qui, à ses yeux, ne relayent pas l'appétence au savoir et l'intense désir de participer du public qu'il constate, en raison du fait que la plupart des médias n'ont pas de formation scientifique. Il en résulte que les médias n'entretiennent pas la culture scientifique et technique dans la société. Il y a vu une cause de blocage complet du dossier des OGM.
L'attitude des citoyens
Analysant le climat de défiance généralisé du public qui s'est instauré lors du débat national sur les nanotechnologies, M. Jean Bergougnoux a déclaré que cette défiance avait revêtu trois aspects :
- une défiance à l'égard de la science et des scientifiques : elle a reposé sur l'idée que les scientifiques tenaient des discours rassurants mais sont de connivence avec les industriels et se livrent en secret à des recherches inquiétantes ;
- une défiance à l'égard des industriels : poussés par la logique du profit et du marché, ils ont développé - et très rapidement - de nombreuses applications dans la vie courante, sans se soucier de leurs conséquences sur la santé publique et la protection de l'environnement ;
- enfin, l'État a été perçu comme complice des scientifiques et des industriels, du fait de son souci de compétitivité. Et, par voie de conséquence, le débat public qui a été commandité par l'État est devenu suspect.
Analysant, pour sa part, les causes plus générales de l'échec des débats publics en France, M. Étienne Klein a mis l'accent sur le fait que la revendication, facile selon lui, de savoir et de débattre, n'a pas pour corollaire un désir de connaissance (260 ( * )) .
Les peurs pathologiques de la société à l'égard des technologies encouragent une telle attitude.
Mais s'y ajoutent certains courants qui traversent les sociétés post modernes sur la raison d'être desquels il a toutefois indiqué n'avoir aucune réponse. Parmi eux figure le relativisme, qui conduit à affirmer que la science produit des discours n'ayant pas plus de véracité que les autres. Ce désir de véracité peut ainsi inciter une partie du public ou certains scientifiques à soupçonner l'existence d'un complot dans les travaux du GIEC sur le changement climatique.
Enfin, Mme Nayla Farouki, philosophe au CEA, et M. André Brahic, astrophysicien et professeur à l'Université de Paris VII, ont appelé l'attention des rapporteurs sur certaines incohérences des opposants aux OGM et à l'énergie nucléaire. Dans le premier cas, Mme Farouki a non seulement souligné que l'opposition constante et radicale avait fini par ruiner la recherche fondamentale. Mais, ce faisant, elle a souligné que les opposants empêchaient d'effectuer des recherches sur les dangers qu'ils imputent eux-mêmes aux OGM. De ce fait, ils sont dans l'ignorance de ces dangers éventuels.
Dans le second cas, le professeur Brahic a tenu à indiquer que les opposants à l'énergie nucléaire, par ignorance réelle ou feinte, perdaient de vue qu'ils étaient eux-mêmes composés d'atomes et qu'il y avait là une contradiction difficilement compréhensible.
b. La voie étroite de la rénovation
Le colloque du Conseil d'analyse stratégique, constatant certaines retombées positives du débat sur les nanotechnologies, a permis de dégager quelques orientations pour l'avenir.
Pour M. Jean Bergougnoux, président de la commission particulière de la CNDP sur les nanotechnologies, le débat a incité les ministères compétents à mieux se concerter en créant un groupe de travail pour essayer de bâtir le dossier du maître d'ouvrage et ensuite de gérer le débat. Ils ont été satisfaits puisqu'ils ont décidé de maintenir ce mode de concertation après le débat.
Quant au Gouvernement, bien que n'ayant pas respecté le délai de trois mois suivant le bilan du débat imparti au maître d'ouvrage pour faire part des suites qu'il entend donner au débat, il a produit un document - assez bien fait, selon le président de la CNDP - sur la problématique des nanotechnologies.
Mais au-delà, ce sont les diverses réflexions et propositions émises par de nombreux intervenants sur les principes devant gouverner le débat public qui revêtent de l'intérêt.
Tout d'abord, il apparaît nécessaire de définir la notion de participation du public qui, selon M. Arnaud Gossement, avocat en droit de l'environnement, n'existe pas. Citant une décision du Conseil constitutionnel du 14 octobre 2011, M. Gossement a déclaré que ce dernier n'avait pas réellement défini le principe de participation, y procédant implicitement de manière un peu négative. Ainsi a-t-il jugé que le principe de participation avait été méconnu par le Gouvernement au motif qu'une simple consultation du public par voie électronique ne revenait pas à appliquer le principe de participation.
La définition de ce principe aurait, selon M. Gossement, le mérite de mieux encadrer la procédure du débat public dans certains secteurs tels que les OGM ou l'énergie éolienne.
En second lieu, un large consensus est apparu sur les principes pouvant contribuer à l'émergence d'une culture du débat public :
- les acteurs doivent s'approprier l'organisation et la programmation du débat, afin que celui-ci puisse être sincère, transparent et réellement ouvert ;
- le débat public doit se dérouler en amont, c'est-à-dire à un moment où la technologie concernée n'a pas encore fait l'objet d'applications industrielles ;
- il doit aborder l'ensemble des problèmes de gouvernance et, à cette fin, recourir à des analyses inter et pluridisciplinaires ;
- l'objectif n'est pas d'aboutir à un consensus mais, comme l'a déclaré Bertrand Pancher, député et membre de l'OPECST, de construire de véritables échanges dans un esprit de dialogue et de respect mutuel. Le terme de ces échanges serait l'établissement d'un accord sur les désaccords, ainsi que l'a exprimé Mme Laurence Monnoyer-Smith, vice-présidente de la CNDP, lors de l'audition publique du 13 juin 2013 ;
- il est impérieux que le maître d'ouvrage fasse clairement état des suites qu'il entend donner au débat ;
- le débat public et la gouvernance doivent être envisagés comme un continuum : un processus technologique s'étalant sur plusieurs années, c'est à une alternance de débats publics et de consultations qu'il importe de procéder.
Dans son organisation, comme dans son déroulement, le débat national sur la transition énergétique a tenté de s'inspirer de ces principes, bien que certains en aient sévèrement critiqué les résultats (261 ( * )) . Il a été préparé en amont par la Conférence environnementale de 2012.
Il a eu l'ambition d'être inclusif, notamment à travers ses sept collèges composant le Conseil national du débat, l'institution du Comité citoyen chargé de s'assurer de l'accès des citoyens au débat.
Dans son déroulement, les débats ont duré huit mois et ont été conclus par un document de synthèse adopté le 18 juillet 2013. Celui-ci prend en compte l'ensemble des travaux du Conseil, des débats territoriaux et du débat citoyen. Il fait aussi état des points consensuels et des divergences demeurant à l'issue des travaux, comme la Charte du débat adoptée au mois de janvier 2013 l'y invitait.
La synthèse du débat national devrait servir à l'élaboration du projet de loi sur la transition énergétique, dont la discussion pourrait avoir lieu au printemps 2014, comme l'a annoncé M. Philippe Martin, ministre de l'écologie et de l'énergie.
*
En définitive, face au débat public, on peut être partagé entre deux positions. La première, pessimiste, consiste à affirmer que « nous devons être conscients que la société sera toujours fragmentée et divisée et que l'amélioration des procédures ne résoudra pas les controverses... » (262 ( * )) . Une seconde position, plus volontariste, a été défendue par M. Georges Mercadal, alors vice-président de la CNDP : « ... renoncer au débat public sur des options générales maintenant, après le débat sur les nanotechnologies, ce serait donner raison à ceux qui ont voulu empêcher ce débat. Ce serait alimenter le courant de méfiance du public à l'égard des institutions, donner raison à la force contre la volonté d'organiser la confrontation... » (263 ( * )) .
Le fait que le débat national sur la transition énergétique ait été organisé semble plutôt avoir donné raison à M. Mercadal.
Dans ce contexte, les rapporteurs souhaiteraient formuler les deux propositions suivantes :
- établir une charte définissant la déontologie et la méthodologie de la participation du public aux débats de société ;
Une telle charte aurait le mérite d'apporter un début de réponse aux imprécisions actuelles du droit, qui ont été rappelées précédemment.
- inciter les régions à instituer un lieu de débat permanent et un observatoire des sciences et des technologies.
En parfaite adéquation avec les nouvelles compétences qui sont conférées aux régions en matière de CSTI par l'article 19 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, cette dernière proposition vise aussi à répondre au vif désir de participer qu'ont relevé M. Michel Alberganti et d'autres interlocuteurs des rapporteurs.
Il serait judicieux que les différents acteurs des CSTI soient associés à la fondation et aux règles d'organisation de l'observatoire.
3. Améliorer l'adéquation des décisions des autorités politiques aux exigences du débat public
Le rôle des autorités politiques dans le débat public est capital, parce qu'il leur incombe bien souvent d'apprécier l'opportunité d'engager un tel débat et de prendre les décisions subséquentes.
Or, ce rôle est d'autant plus délicat à assumer que les décideurs publics sont confrontés, d'une part aux enjeux liés au temps long dans lequel s'inscrit la recherche fondamentale et à ceux de l'extrême rapidité des innovations technologiques et d'autre part aux controverses que celles-ci soulèvent de plus en plus.
a. Les difficultés rencontrées par les autorités politiques
Ces difficultés trouvent leur source dans la défiance des citoyens à l'égard des autorités politiques, ainsi que dans la perception limitée par ces dernières des enjeux de la science et de la technologie.
i. La défiance des citoyens à l'égard des autorités politiques
Cette défiance est l'héritage des divers scandales sanitaires - le sang contaminé, la vache folle, l'amiante, le tabac - ou encore l'accident nucléaire de Tchernobyl, qui sont des dysfonctionnements à l'aune desquels sont constamment invoqués les risques qui seraient liés aux technologies émergentes, par exemple la téléphonie mobile (264 ( * )) ou le gaz de schiste (265 ( * )) . Quant à la défiance manifestée à l'occasion du débat sur les nanotechnologies, on a vu précédemment qu'elle tenait - selon M. Bergougnous, président de la commission particulière de la CNDP - à ce que l'État avait été perçu comme complice à la fois des scientifiques et des industriels, du fait de son souci de compétitivité.
Au demeurant, cette défiance d'une fraction de l'opinion publique et de certaines ONG est d'autant plus forte qu'elle est alimentée par le fait que les citoyens seraient insuffisamment informés et consultés sur les débats et enjeux de recherche, comme l'indiquent les résultats des sondages IPSOS pour le Forum Le Monde-La Recherche de 2011 et 2012.
Question : Pour chaque proposition, indiquez si elle correspond tout à fait, plutôt, plutôt pas ou pas du tout à ce que vous pensez.
Enquête Ipsos/Logica Business Consulting pour La Recherche et le Monde, juin 2012 - Ipsos Public Affairs
Sur ce point, il est intéressant de relever, même si les proportions diffèrent de celles de la France que, selon le sondage IPSOS-MORI effectué en 2011 auprès du public britannique, seulement 43 % des Britanniques s'estiment bien informés au sujet de la science, de la recherche et de ses développements, contre une majorité de 56 % qui déclarent le contraire.
Dans ce contexte, comme l'a relevé Bertrand Pancher, député et membre de l'OPECST, « nos concitoyens ne croient plus à la parole publique ni aux vérités scientifiques » (266 ( * )) , ce que confirment les sondages d'IPSOS effectués pour le Forum le Monde-La Recherche de 2011. Ce sondage fait en effet notamment apparaître, d'une part, que les députés spécialisés dans les questions scientifiques ne se voient accorder la confiance que par 26 % des personnes sondées pour leur expliquer les enjeux de la recherche et les débats qu'elle suscite, contre une majorité de 73 % qui serait défiante. D'autre part, en ce qui concerne le Gouvernement, les résultats sont respectivement de 18 % et de 81%.
À cet égard, pour M. Sylvestre Huet, les méconnaissances généralisées des Français sur l'énergie nucléaire ou le risque radioactif tiennent au fait que, outre la difficulté objective du dossier « le souci majeur des responsables politiques et des élus fut d'en parler le moins possible à leurs électeurs » (267 ( * )) .
Pour autant, la critique de M. Huet doit être nuancée fortement. Car l'OPECST, à travers ses rapports successifs sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et sur l'accident de Fukushima, a un tant soit peu contribué à l'information du Parlement et, au-delà, des citoyens désireux d'en prendre connaissance. On se trouve, sur ce dernier point, ramené à la problématique soulevée par M. Étienne Klein du désir de connaître des citoyens.
Le corollaire de cette défiance est la démarche qui consiste à demander un moratoire sur le développement de la nouvelle technologie et, ce, au nom du principe de précaution, lequel moratoire serait justifié par le fait que les risques sur la santé et l'environnement seraient insuffisamment documentés (268 ( * )) .
Une deuxième source de cette défiance à l'égard des décideurs publics réside dans le reproche selon lequel ils ne voudraient pas répondre aux attentes des citoyens. C'est ce qu'a déclaré M. Philippe Deslandes, alors président de la CNDP, à l'occasion du colloque du Centre d'analyse stratégique « Comment débattre des nouvelles technologies » : « Le public a mis en exergue l'attente d'une forte gouvernance, ouverte et responsable, couvrant tout à la fois les questions réglementaires aux plans national et européen ». Or, il a constaté que les ministères ayant participé au débat national sur les nanotechnologies n'avaient pas émis de propositions sur cette question qu'il a qualifiée de centrale.
Cette absence de prise en compte des demandes des citoyens tiendrait à la conception particulière de la démocratie représentative qui prévaudrait en France selon laquelle, d'après M. Patrick Legrand, alors vice-président de la CNDP, il n'est pas de tradition que s'instaure en France un dialogue entre le Parlement et l'exécutif (269 ( * )) . En effet, il a déclaré avoir évoqué avec l'OPECST - à la suite du débat national sur les nanotechnologies - les interrogations sur la partie de ce débat sur les nanotechnologies qui, selon lui, a montré des inquiétudes et des préoccupations. Or, pour M. Legrand, « Les parlementaires ont peur du débat public car il les met en cause. Le rapport au débat public, c'est-à-dire la participation des citoyens à un processus de décision, échappant à la démocratie représentative est vue par eux comme les mettant en danger ».
Une telle position est très excessive et injuste. Car il convient de rappeler que c'est l'OPECST qui a instauré la première Conférence de citoyens. En outre, s'agissant du débat national sur la transition énergétique, l'OPECST a organisé deux auditions publiques (270 ( * )) , dont on sait qu'il s'agit d'un exercice de démocratie participative transparent, qui a fait ses preuves depuis longtemps puisque des experts représentant des points de vue différents (271 ( * )) , débattent en présence de parlementaires de différents groupes, de la presse et du public, les uns et les autres pouvant interpeller les experts. De surcroît, ces auditions publiques sont retransmises par les chaînes parlementaires.
ii. La perception limitée par les décideurs des enjeux scientifiques, technologiques et industriels
Comme les journalistes et les citoyens, la plupart des responsables politiques sont dépourvus de formation scientifique et de culture industrielle, reproche que les rapporteurs ont fréquemment entendu au cours de leurs travaux.
C'est pourquoi, fait remarquer M. Sylvestre Huet, les assemblées parlementaires délèguent à l'OPECST la tâche d'évaluer les choix scientifiques et technologiques.
Tout en soulignant la qualité des travaux de l'OPECST, M. Francis Chateauraynaud, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, relève néanmoins que « la grande masse des parlementaires n'y prête qu'une attention très limitée . Ce n'est que lorsque l'actualité scientifique chauffe, que la controverse ou le conflit monte, sur le nucléaire, les OGM, les nanotechnologies, la biologie de synthèse ou le gaz de schiste, que les groupes politiques réagissent ». En somme, comme les médias, les responsables politiques ne se préoccuperaient de science que dans les moments exceptionnels et non de façon continue.
Ils ne seraient pas non plus différents des citoyens à qui ferait défaut le désir de connaître, cher à M. Étienne Klein, ou encore l'usage du « trousseau de clés » du savoir (272 ( * )) évoqué par M. Francis Chateauraynaud.
Un autre reproche - touchant à l'absence de culture industrielle des élites politiques - a été formulé aux rapporteurs par M. Gérard Pignault, directeur de l'École supérieure de chimie physique et électronique de Lyon, président de la commission Recherche de la Conférence des grandes écoles. Il a en effet regretté que, contrairement aux objectifs fixés à l'École nationale d'administration lors de sa création en 1945, la formation des élèves ne leur apporte pas une meilleure connaissance - et plus approfondie - des réalités industrielles.
Cela étant, il y a lieu de rappeler, là encore, que ces dernières ne sont pas inconnues de l'OPECST ni même d'autres instances parlementaires. Pour sa part, l'OPECST a consacré plusieurs de ses travaux aux questions industrielles à travers des rapports, des auditions publiques ou des visites in situ d'entreprises, et compte, parmi les membres de son Conseil scientifique, le directeur scientifique du groupe Total.
Outre l'absence de culture scientifique et industrielle, les responsables politiques souffrent d'un second handicap lié aux contraintes entourant la décision politique. Celle-ci s'inscrit dans le temps court, comme l'a rappelé Jean-Yves Le Déaut (273 ( * )) , à la différence du temps long de la recherche fondamentale. Ainsi que l'a déclaré le professeur Serge Haroche, Prix Nobel de physique 2012, « La recherche scientifique est une démarche sur le long terme. Un groupe de recherche sur une thématique donnée ne devient productif et n'obtient des résultats intéressants qu'après un long développement ».
Mais parce qu'« il y a une contradiction entre le temps des politiques et le temps de la recherche », le professeur Haroche estime qu'« il faut essayer de faire comprendre aux politiques la nécessité des constantes de temps longues pour la recherche » (274 ( * )) .
Cette discordance entre temps de l'action politique et temps de la recherche peut susciter parfois de l'incompréhension entre décideurs et communauté scientifique, surtout lorsque celle-ci estime que les décisions prises sont susceptibles de comporter de très sérieuses répercussions.
Ainsi, par exemple, lors de notre déplacement à Berlin, M. Schüler, directeur du Schülerlabor, nous a-t-il indiqué que, devant les actions violentes perpétrées par Greenpeace contre les laboratoire effectuant des recherches dans le domaine du génie génétique ou contre les établissements scolaires et Schülerlabor enseignant cette matière, le gouvernement du Land de Basse-Saxe SPD-Verts a décidé de fermer les laboratoires et d'interdire l'enseignement du génie génétique dans les établissements scolaires et dans les Schülerlabor. Est révélateur de la gravité de la situation le fait que les actions de Greenpeace dépassent le seul Land de Basse-Saxe, puisque le Schülerlabor de Berlin (275 ( * )) , après avoir enseigné le génie génétique sous la protection de la police, a également cessé tout enseignement de cette matière.
b. Une implication plus étroite des décideurs en faveur d'un large consensus sur la science et l'industrie
Il serait réducteur et très injuste de passer
sous silence les efforts de rapprochement entre les responsables politiques et
les autres médiateurs
- scientifiques, médias et
industriels - car de tels rapprochements existent de longue date ou sont
plus récents.
Parmi les rapprochements déjà anciens figure d'abord la désignation de parlementaires, députés et sénateurs, au sein d'organismes extraparlementaires, que retrace le tableau suivant :
Représentation parlementaire dans les organismes extraparlementaires (OEP)
Nombre d'OEP |
Nombre de représentants de chaque assemblée (276 ( * )) |
|||
Assemblée nationale |
Sénat |
Assemblée nationale |
Sénat |
|
Organismes extraparlementaires traitant de science et de technologie |
41 |
48 |
83 |
107 |
Organismes extraparlementaires traitant des autres aspects des CSTI |
23 |
61 |
31 |
146 |
Il y a ensuite le rapprochement intervenu en 2005, sur la base d'une expérience née au Royaume-Uni entre, d'une part, l'OPECST et l'une des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat et, d'autre part, l'Académie des sciences. En effet, en 2002, sous l'égide de la Royal Society (l'équivalent de l'Académie des sciences), un programme - le MP Scientist Paring - a été mis en place en vue d'un jumelage entre parlementaires, membres de la Royal Society et jeunes chercheurs.
Ces jumelages reposent sur la constitution de trinômes qui comprennent chacun, sur la base du volontariat, un parlementaire, député ou sénateur, issu de l'OPECST ou de l'une des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, un membre de l'Académie des sciences et un jeune chercheur de son laboratoire. La présence de ce dernier incarne la vitalité de la recherche et son avenir. Parlementaires et scientifiques n'ayant que peu de temps disponible, le programme est de courte durée. Les jumelages se déroulent en trois phases ; accueil des scientifiques au Parlement, visite des parlementaires dans les laboratoires, visite des scientifiques dans les circonscriptions électorales.
Au-delà de ces trois phases, des contacts directs se nouent entre « Jumelés » tout au long de l'année et même ultérieurement. Ce sont ces contacts personnels durables qui contribuent à l'originalité et à la richesse de ce programme.
Les trinômes
2005-2006 |
2007 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Nombre de trinômes |
10 |
11 |
12 |
14 |
12 |
À chaque session, le nombre de députés a été égal au nombre de sénateurs, sauf en 2011 en raison des élections sénatoriales. Il y a toujours eu un équilibre entre les appartenances politiques des parlementaires. Les disciplines scientifiques des chercheurs étaient les sciences physiques, chimiques et sciences de l'univers à part à peu près égale avec les sciences biologiques (biologie animale et végétale, biologie moléculaire et cellulaire, sciences médicales).
Parmi les prolongements de ces jumelages, on citera les actions communes pour sensibiliser des lycéens aux métiers d'ingénieur ou de chercheur et le rapprochement entre chercheurs et PME d'une même circonscription ou région. En ce qui concerne les rapporteurs, c'est à l'occasion du jumelage de 2012 qu'ils ont fait connaissance de la chercheuse à l'INSERM, Valérie Lallemand, l'une des responsables de l'association « L'Arbre des connaissances » et à l'audition de laquelle ils ont procédé.
Il est clair que ces jumelages contribuent à instituer un dialogue original et de nature à favoriser la relation entre science et société.
Ainsi, ils donnent aux parlementaires la possibilité de mieux connaître le milieu de la recherche à travers des contacts personnels et des visites de laboratoires. Ils leur fournissent l'occasion de créer des liens directs avec des chercheurs et des scientifiques du plus haut niveau à qui, selon un sondage récent, les Français font largement confiance.
Réciproquement, les jumelages contribuent à la formation civique des chercheurs en leur faisant découvrir la réalité et la complexité du travail parlementaire aussi bien à l'Assemblée nationale et au Sénat que dans les circonscriptions. Les scientifiques découvrent les méandres du processus législatif et les conditions d'élaboration des textes concernant la science, par exemple le budget de la recherche. Ils prennent conscience du grand nombre de sollicitations auxquelles sont soumis les parlementaires.
À ces initiatives s'ajoutent des rapprochements plus récents, tels que la participation de parlementaires aux cycles d'auditeurs de l'IHEST. Sur le modèle des cycles d'auditions de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) qui visent, pendant une année, à sensibiliser l'ensemble des représentants de la société aux questions de défense, l'IHEST réunit des personnes d'horizons divers, dont des élus, pendant une année pour, à partir de certains thèmes touchant aux sciences et à la technologie, susciter des échanges.
Enfin, la dernière initiative en date a permis l'association de l'OPECST au colloque organisé le 17 octobre 2013 par l'Institut des sciences de la communication du CNRS et l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information (AJSPI). Comme on l'a vu précédemment, ce colloque a eu pour thème le journaliste scientifique et les controverses scientifiques, sur la base de trois exemples : le changement climatique, les perturbateurs endocriniens et l'affaire Séralini, tous thèmes que l'OPECST a déjà abordés.
Il est prévu d'organiser ultérieurement d'autres colloques du même type, consacrés à l'énergie nucléaire ou au gaz de schiste.
Le mérite de ces colloques est, à l'évidence, de susciter une meilleure compréhension réciproque entre trois acteurs clés du débat public et, au-delà, des CSTI.
*
Comme on le voit, la construction d'une culture du débat public apaisé passe par l'élaboration d'un consensus sur les enjeux de la recherche. La loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 et la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche l'ont bien compris. Dans le premier cas, la loi évoque expressément l'idée de pacte de la nation avec sa recherche. Dans le deuxième cas, en application de son article 15, la loi prévoit que les priorités de la stratégie nationale de recherche seront arrêtées après une concertation avec les communautés scientifique et universitaire, les partenaires sociaux et économiques et des représentants des associations et fondations reconnues d'utilité publique, les ministères concernés et les collectivités territoriales, en particulier les régions.
Sous le bénéfice des diverses observations précédents, les rapporteurs souhaiteraient formuler les préconisations suivantes :
- prévoir une représentation parlementaire paritaire dans les conseils d'administration des organismes publics de recherche, ainsi qu'au sein de celui de l'ANSES . Une telle mesure serait de nature à accroître utilement les sources d'information du Parlement.
- intégrer une formation aux CSTI dans les établissements d'enseignement supérieur fréquentés par les décideurs.
Des modules de méthodologie et d'histoire des sciences et techniques seraient intégrés dans les cursus des écoles formant les cadres des différentes fonctions publiques (Instituts d'études politiques, Instituts régionaux d'administration, Centre national de la fonction publique territoriale-CNFPT), des grands corps (École nationale d'administration, Institut national des études territoriales) ainsi que dans les écoles de commerce, pour sensibiliser les futurs hauts fonctionnaires aux enjeux des CSTI. Les écoles d'ingénieurs bénéficieraient de cours d'introduction et de méthodologie en sciences humaines et sociales.
Cette formation s'accompagnerait d'une prise de connaissance des institutions de CSTI existantes.
- ajouter la composante « Industrielle » à l'Institut des hautes études pour la science et la technologie et promouvoir ses formations auprès des élus.
L'IHEST devrait évoluer en IHESTI afin de mieux ancrer encore la culture industrielle dans les CSTI. Aussi l'IHESTI et le CNFPT devraient-ils, de concert, former les élus aux CSTI. Aujourd'hui, les thèmes traités par le CNFPT touchent davantage aux disciplines des politiques publiques et du droit et très peu à celles des sciences et des techniques. De fait, les élus - et notamment les élus ruraux - souffrent d'un manque de formation sur ces questions.
En effet, ce sont les élus ruraux qui se sentent le plus isolés pour faire face aux nouveaux enjeux scientifiques et technologiques. M. Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France, a déclaré, lors de son intervention à l'audition publique du 13 juin 2013, qu'un tiers de la population vit dans des communes rurales, ces territoires restant marginalisés. Il a souligné le manque d'ingénierie dont disposent les élus ruraux pour faire face à des décisions et a demandé la mise à disposition d'une formation pour que les élus puissent développer leur mission d'intérêt général.
Le dispositif développé par l'IHESTI et le CNFPT devrait donc prendre en compte les besoins des élus ruraux et réfléchir à l'accessibilité à ces formations de ces derniers.
- faire organiser par l'OPECST un café des sciences dans les assemblées parlementaires.
L'idée - qui est déjà mise en oeuvre au Parlement suédois - est d'organiser sur une base mensuelle un évènement de « vulgarisation » scientifique, s'intégrant dans le cadre de travail et l'activité des parlementaires ou traitant de sujets scientifiques en amont de l'examen des textes. Cela permettrait d'assurer un partage des CSTI au plus haut niveau de l'État de façon interactive et conviviale ;
- proposer des séances de formation au Parlement pour sensibiliser les parlementaires aux enjeux scientifiques, éthiques et juridiques de la recherche.
Le déplacement à Berlin des rapporteurs leur a permis de constater que les parlementaires allemands pouvaient bénéficier de telles séances de formation à l'occasion de la discussion de la législation sur les cellules souches.
Il serait opportun que les parlementaires français puissent également bénéficier de possibilités analogues, d'autant qu'ils sont appelés à discuter de textes importants portant notamment sur des questions de bioéthique.
II. SIMPLIFIER ET AMÉLIORER LA GOUVERNANCE
S'il est essentiel de bâtir un consensus sur les enjeux des diverses composantes des CSTI, encore faut-il qu'existe un cadre qui permette d'y parvenir de façon optimale. Se trouve ainsi posée la question cruciale de la gouvernance.
Or, sur ce point, force est de constater que, comme l'ont montré les propos tenus par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs, les solutions qui y sont apportées ne paraissent pas satisfaisantes, l'un des principaux points d'accord semblant être la nécessité de maintenir un État stratège, à l'heure où la décentralisation tend à s'accentuer.
Il importe donc d'examiner les faiblesses de la gouvernance et de voir s'il existe des moyens d'y remédier.
A. LA MULTITUDE DES AUTORITÉS NATIONALES DES CSTI EST-ELLE PERTINENTE ?
Ces autorités nationales recouvrent respectivement les ministères et certains organes consultatifs.
1. L'éclatement des compétences et des moyens entre différents ministères a justifié la recherche d'une meilleure coordination
a. Les CSTI : des politiques ayant fait constamment intervenir plusieurs ministères
Cette constante pluralité d'intervenants est reflétée par l'évolution des tutelles ministérielles sur les institutions intervenant en matière de CSTI. Pour l'IGAENR, elle témoigne de la difficulté à définir le champ exact et les objectifs que souhaite conduire la puissance publique en ce domaine (277 ( * )) .
Avant que le concept de culture scientifique et technique ne soit établi, c'est le ministère en charge de l'éducation qui a assuré cette fonction. Les « Musées de l'éducation » en furent, très longtemps, la traduction : galeries du Muséum national d'histoire naturelle, Musée de l'homme, Musée national des techniques, Musée de l'éducation, Palais de la Découverte.
Au moment de la création de la Cité des sciences et de l'industrie, la volonté d'établir un lien avec l'économie et, plus particulièrement avec l'économie industrielle, justifia un rattachement au ministère de l'industrie, puis au ministère de la recherche. Ce n'est qu'en 1998 que le ministère de la culture devint cotuteur de cette institution.
Ces hésitations, que l'on retrouve aujourd'hui encore, y compris dans les programmes budgétaires issus de la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances - qui sera évoquée plus loin - témoignent de la difficulté à définir une politique dans un champ qui est au carrefour de diverses politiques touchant à la recherche, l'éducation, la culture et l'industrie.
La situation complexe qui en résulte n'a pas manqué d'être soulignée à l'occasion de la table ronde organisée le 27 février 2013 au Sénat sur la gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle (278 ( * )) . Ainsi, M. Jean-Pierre Leleux, co-rapporteur, a-t-il vu un facteur de fragilité dans cette intervention de plusieurs ministères, les responsabilités n'étant pas toujours claires, ce qui rend, selon lui, les arbitrages difficiles et pose la question de la structure ministérielle à mettre en place.
b. La recherche d'une meilleure coordination interministérielle
La création de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) et celle de la Mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » sont les exemples emblématiques qui, au cours de ces soixante dernières années, illustrent cette volonté des gouvernements successifs de viser à la meilleure coordination possible de la politique de recherche.
La DGRST a été organisée en 1961 par le décret du 8 avril 1961, puis réorganisée bien des fois ensuite, placée d'abord auprès du Premier ministre de 1958 à 1969 (sous la tutelle d'un secrétaire d'État chargé de la recherche), puis du ministre chargé de l'industrie entre 1969 et 1977, et enfin rattachée de nouveau aux services du Premier ministre de 1977 à 1981, par le truchement, là aussi, d'un secrétaire d'État chargé de la recherche. En 1981, le décret qui a instauré le ministère de la recherche et de la technologie a supprimé la DGRST.
Les tâches de la DGRST ont été nombreuses au cours de ses vingt ans d'existence :
- rôle de prospective et de planification ;
- analyse et évaluation du potentiel français de recherche ;
- responsabilité dans la préparation budgétaire ;
- participation aux modifications de structures et de statut des établissements de recherche ;
- définition d'une politique de l'emploi scientifique ;
- problème de coopération scientifique internationale, en liaison avec les ministères concernés ;
- politique de régionalisation, en liaison avec la DATAR et les instances régionales ;
- enfin, gestion des crédits du Fonds de développement de la recherche scientifique et technique (1959-1981) et gestion des crédits de l'aide au développement (1965-1978).
En outre, chaque année, la DGRST recevait les demandes budgétaires des départements ministériels et organismes sous tutelle et les instruisait en fonction de la politique nationale de recherche. Ses propositions étaient ensuite soumises pour avis au Comité consultatif de la recherche scientifique et technique (279 ( * )) . Le secrétaire d'État à la recherche transmettait alors au Premier ministre ses propositions budgétaires qui étaient délibérées en Comité interministériel de la recherche scientifique et technique. Présidé par le Premier ministre, ce comité réunissait les ministres de l'éducation nationale, de la défense, de l'industrie et des finances. L'arbitrage rendu par le Gouvernement était ensuite soumis au vote du Parlement.
La mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) a été créée par la loi organique relative aux lois de finances en 2001.
La MIRES est composée de dix programmes, dont cinq relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les dix programmes de la Mission
interministérielle
|
|
Programme 142 |
Enseignement supérieur et recherches agricoles |
Programme 150 |
Formations supérieures et recherche universitaire |
Programme 172 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
Programme 186 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
Programme 187 |
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources |
Programme 190 |
Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables |
Programme 191 |
Recherche duale |
Programme 192 |
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
Programme 193 |
Recherche spatiale |
Programme 231 |
Vie étudiante |
Les cinq programmes du ministère de
l'enseignement supérieur
|
|
Formations supérieures et recherche universitaire |
|
Vie étudiante (aides directes, aides médicales et socio-éducatives, restauration et logement) |
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources |
|
Recherche spatiale (hors recherche duale) |
|
Les cinq programmes dont le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche assume directement la responsabilité regroupent près de 90 % des crédits de la mission. À lui seul, le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » représente près de la moitié des crédits de la MIRES.
La MIRES réunit, outre le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, plusieurs autres départements ministériels :
- le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
- le ministère de l'économie et des finances ;
- le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;
- le ministère de la défense ;
- le ministère de la culture et de la communication.
De plus, par l'intermédiaire des cotutelles d'organismes de recherche, elle associe également les ministères chargés de la santé, du travail et des affaires étrangères.
S'agissant du programme 186 relatif à la recherche culturelle et à la culture scientifique, il est géré par le ministère de la culture et de la communication, en coordination avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Pour ce qui est plus spécifiquement des crédits de la culture scientifique et technique, ils sont gérés par Universcience, établissement public sur lequel s'exerce la tutelle des ministères de la culture et de la recherche (280 ( * )) .
Jusqu'à l'adoption de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, ces crédits - s'élevant à 3,6 millions d'euros - concernaient les contrats de projets État-régions (CPER) et les dotations des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI).
La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a désormais transféré la gestion de ces crédits aux régions.
Malgré l'effort de rationalisation auquel a tendu la MIRES, le financement des CSTI demeure d'autant plus complexe qu'aux crédits ouverts par le programme 186 s'ajoutent ceux intervenant dans le cadre des investissements d'avenir.
Ainsi, le Commissariat général à l'investissement (CGI) a délégué à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) l'organisation d'appels à projets dédiés à la CSTI pour les programmes « Internats d'excellence » et « Égalité des chances ». Ces appels ont mobilisé l'ensemble du réseau des acteurs de la culture scientifique. Les investissements d'avenir abondent également le projet « ESTIM » (Égalité d'accès aux sciences, aux technologies, à l'innovation et au multimédia) qui a vocation à structurer le réseau de la culture scientifique. En outre, en 2012, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a intégré dans sa programmation une priorité en faveur des actions de culture et de communication scientifiques. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour sa part, continue de mettre directement en oeuvre la manifestation publique nationale « Fête de la science » sur l'ensemble du territoire, et de soutenir des associations nationales investies dans la CSTI ainsi que des projets ponctuels portés par différents acteurs, aussi bien des structures associatives que des opérateurs de recherche, en fonction des orientations fixées au niveau national.
En second lieu, force est de constater que la MIRES n'inclut pas le ministère de l'éducation nationale. Il y a là une limite importante à la coordination optimale des politiques en matière de CSTI alors que, comme cela a été vu, le ministère de l'éducation nationale en est un acteur majeur, à travers la formation des professeurs et la définition des programmes. Il est toutefois vrai que, comme l'a indiqué Mme Claudie Haigneré lors de l'audition publique du 13 juin 2013, le ministère de l'éducation nationale a créé un vade mecum de la CSTI en liaison avec Universcience, à disposition du monde enseignant.
Exemples de coordination en matière de CSTI en Allemagne et au Royaume-Uni En Allemagne , la loi fondamentale autorise une coopération entre les Länder - qui disposent d'une large compétence en matière d'éducation et de recherche - et l'État fédéral. C'est pourquoi, en 1957, a été institué le Wissenschaftsrat (Conseil scientifique). Il lui incombe d'émettre des recommandations sur le développement du contenu et la structure du système d'enseignement supérieur, ainsi que sur le financement des institutions de recherche et sur la décision d'accréditer les universités privées nouvellement créées.
Il comprend deux commissions :
|
Pour autant, on peut se demander si l'institution, par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, d'un Conseil stratégique de recherche ne constitue pas un pas - fût-il limité - vers une meilleure coordination.
Ce conseil propose en effet les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche - laquelle, en application de l'article 15 de ladite loi, intègre les CSTI - et participe à la mise en oeuvre de ces orientations.
Ce conseil est présidé par le Premier ministre et, par délégation, par le ministre chargé de la recherche. Il comprendra notamment un député ou un sénateur membre de l'OPECST.
Il est toutefois regrettable que la stratégie dont ce conseil aura à connaître n'inclura pas clairement l'industrie, sauf à travers la référence à l'innovation, ce qui est de nature à atténuer la portée de la prise en compte des CSTI par cette même stratégie.
Une autre question importante a été soulevée, au cours de l'audition publique du 13 juin 2013, concernant la coordination entre les ministres de la culture, de la communication et de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans le domaine de l'information scientifique à France Télévisions. Sur ce point, Mme Sylvane Casademont, directrice de cabinet du directeur général pour la recherche et l'innovation, a fait part de la volonté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de promouvoir les émissions scientifiques.
Compte tenu du fait qu'une bonne coordination interministérielle est la condition sine qua non d'une politique des CSTI efficace, il importe d'affirmer le rôle pilote du ministère en charge de la recherche plutôt que d'envisager la nomination d'un délégué interministériel en charge des CSTI qui, par hypothèse, ne serait pas un ministre de plein exercice. C'est pourquoi les rapporteurs souhaiteraient préconiser deux mesures :
- inviter le Premier ministre à édicter un décret confiant la tutelle du partage des CSTI au ministère en charge de la recherche, d'une part et, d'autre part, demandant à chacun des membres du Gouvernement de désigner un référent pour les CSTI, dont les actions seront coordonnées par le ministère en charge de la recherche ;
- l'organisation d'une conférence annuelle sur les CSTI , qui réunira l'État et l'ensemble des acteurs locaux : régions, CCSTI, associations, communautés scientifique et universitaires. Cette conférence serait l'occasion de débattre des questions touchant à la stratégie des CSTI et d'échanger sur les bonnes pratiques. Ainsi illustrerait-elle pleinement le rôle de l'État stratège que beaucoup d'acteurs souhaiteraient voir s'affirmer.
2. La diversité des organes consultatifs intervenant dans le domaine des cultures scientifique, technique et industrielle
Antérieurement à la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, quatre instances consultatives se voyaient conférer un rôle particulier dans les questions touchant aux CSTI (281 ( * )) .
Deux instances consultatives étaient rattachées au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche :
le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), créé en 1946, puis renforcé dans ses missions et sa représentativité successivement par la « loi Faure » et la « loi Jospin » ;
le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), institué en 1982.
Aux termes de l'article L.232-1 du code de l'éducation, le CNESER était consulté notamment sur :
- les questions relatives aux missions confiées aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ;
- la politique proposée par les pouvoirs publics pour assurer la cohésion des formations supérieures dépendant du ministre chargé de l'enseignement supérieur.
Quant au CSRT, il avait été installé par le ministère de la recherche, lui-même nouvellement créé en 1982, par le décret du 30 novembre 1982 qui lui avait confié entre autres missions :
- d'assister le Gouvernement dans la définition des grands choix de la politique scientifique et technologique de la nation, dans le cadre d'une concertation associant les acteurs de la recherche et la société ;
- de participer à l'animation du dialogue et du partage de l'information scientifique et technique avec la communauté nationale ;
- de se prononcer obligatoirement pour avis sur les textes et documents budgétaires relatifs au secteur de la recherche (les crédits budgétaires de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ») ;
- de se prononcer pour avis, lorsqu'il est saisi par le ministre chargé de la recherche, sur les projets de réformes concernant en particulier l'organisation de la recherche et les projets de réformes relatives à l'emploi scientifique.
L'existence de deux instances consultatives s'explique par le fait que les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche dépendaient, au début des années 1980, de deux ministères distincts.
L'article 20 de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche étend les compétences, en matière de recherche, du CNESER, en précisant qu'il est obligatoirement consulté sur « la stratégie de l'enseignement supérieur et la stratégie nationale de recherche » en lui conférant les compétences du CRST en matière d'emploi scientifique. Il est également prévu qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles la parité sera assurée entre les femmes et les hommes parmi les membres élus et nommés du CNESER ;
la troisième instance consultative à laquelle se substitue le Conseil stratégique de la recherche était le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST).
Le HCST avait été institué par la loi de programme du 18 avril 2006. Placé initialement auprès du Président de la République, puis ensuite auprès du Premier ministre qui pouvait le saisir, le HCST était chargé d'apporter son expertise au Président de la République et au Gouvernement sur toutes les grandes orientations en matière de recherche, de technologie et d'innovation.
Le HCST pouvait également, par une décision prise à la majorité de ses membres, se saisir des questions sur lesquelles il estimait urgent d'appeler l'attention des pouvoirs publics. Il était composé de 21 personnalités, dont le Président de l'OPECST, oeuvrant dans tous les domaines de la connaissance scientifique et technologique.
Comme l'a relevé Vincent Feltesse, député et rapporteur de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, « les principaux points de la contribution du Haut conseil aux assises en matière de recherche ont également été pris en compte dans la définition et l'organisation de la stratégie nationale de la recherche portée par le projet de loi » ;
la quatrième instance est le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, institué par un décret du 24 avril 2012.
Créé pour cinq ans, ce conseil, placé auprès des ministres de la culture et de la recherche, est chargé d'apporter son expertise pour l'élaboration d'une politique en matière de culture scientifique, technique et industrielle. Il est consulté sur la programmation des opérations menées dans les régions sur les modalités de leur impact et sur la répartition des crédits alloués par l'État.
Ce conseil a été l'objet de critiques touchant au rôle dévolu à la présidente d'Universcience et à sa composition.
au cours de leurs auditions, plusieurs interlocuteurs des rapporteurs ont vu un conflit d'intérêts dans le fait, d'une part, que le décret du 24 avril 2012 ait confié la présidence du Conseil national de la CSTI à la présidente d'Universcience, en application de l'article 3 du décret du 24 avril 2012. D'autre part, la présidente d'Universcience préside, en application de ce même décret, le comité opérationnel.
Assistant le Conseil national, ce comité est chargé, aux termes de l'article 4 du décret du 24 avril 2012, d'instruire les propositions des pôles territoriaux de référence. Ces derniers sont choisis parmi les personnes morales de droit public ou privé - désignées par le préfet de région après consultation du président de région - qui agissent pour le développement et la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Ces pôles instruisent les propositions susceptibles d'être soumises au niveau national, ainsi que les demandes de financement qui les accompagnent.
Or, d'après l'article 4 du décret du 24 avril 2012, les membres du comité opérationnel, composé au moins pour moitié de représentants des pôles territoriaux, sont désignés par la présidente d'Universcience.
Aux yeux de nombreux acteurs des CSTI, notamment, cet ensemble de dispositions a pour effet de renforcer la position dominante du pôle national de référence, d'autant plus que, comme on l'a vu, antérieurement à la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement, le ministère de l'enseignement et de la recherche avait transféré ses crédits dédiés aux CSTI à Universcience. Universcience s'était alors vu reprocher de s'auto-subventionner grâce à un tel transfert, Mme Claudie Haigneré ayant, sur ce point, déclaré aux rapporteurs qu'Universcience se bornait à gérer ces crédits, les délégations régionales à la recherche et à la technologie étant chargées de choisir les destinataires de ces crédits. Quant au second conflit d'intérêts qu'Universcience pouvait se voir reprocher, à savoir son influence au sein du comité de pilotage de sélection des investissements d'avenir, Mme Haigneré a fait valoir qu'Universcience n'en faisait pas partie ni qu'il ne participait au fléchage des moyens d'investissements d'avenir.
Un deuxième grief invoqué essentiellement par les acteurs locaux des CSTI tient à ce que la composition du Conseil national leur accorde peu de place, au regard du rôle important qu'ils jouent. À ce jour, le Conseil national compte un représentant des CCSTI, un représentant des associations, tandis qu'aucun représentant des collectivités territoriales n'y a été désigné.
*
Les rapporteurs se félicitent d'autant plus de l'effort de rationalisation entrepris par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche que la suppression du CRST et du HCST - au 1 er juillet 2014 et, ce, en application du décret du 23 mai 2013 - avait également fait partie des propositions qu'ils entendaient formuler.
S'agissant du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, il conviendrait de réfléchir à une modification du statut de la présidence, qui devrait être séparée de celle d'Universcience pour prévenir tout reproche de partialité .
En second lieu, il conviendrait, compte tenu du nouveau rôle conféré aux régions, de prévoir une présence accrue de ces dernières et du monde associatif, ce que d'ailleurs, Mme Haigneré a appelé de ses voeux à l'occasion de l'audition publique du 13 juin 2013. En outre, il apparaît également opportun de prévoir la désignation d'un représentant de l'OCIM , qui pourra ainsi faire bénéficier le Conseil de sa vision transversale des CSTI.
Enfin, une éventuelle réforme du Conseil national devrait ouvrir la possibilité de sa saisine par les différentes parties prenantes , cette proposition venant compléter utilement celles formulées précédemment visant à instituer un Observatoire des sciences et des technologies dans les régions et à prévoir une conférence annuelle sur les CSTI.
B. MIEUX ARTICULER LES ACTIONS DE L'ÉTAT ET CELLES DES ACTEURS LOCAUX
Il s'agit de tenter de définir le rôle que pourrait jouer l'État stratège.
1. La demande d'un État stratège
Cette demande a été exprimée par plusieurs des interlocuteurs des rapporteurs - en particulier les acteurs de terrain - qui, tout en approuvant le principe d'une compétence obligatoire des régions dans le domaine des CSTI prévu par l'avant-projet de l'Acte III de la décentralisation, avaient néanmoins souhaité que l'État définisse une stratégie cohérente des CSTI.
L'article 19 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche va dans le sens d'un tel souhait, puisqu'il prévoit que les régions coordonnent, sous réserve des missions de l'État et dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche , les initiatives territoriales visant à développer la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics, et participent à leur financement.
Ce transfert de compétences s'accompagne d'un transfert des crédits que l'État accordait aux initiatives territoriales, soit la dotation de 3,6 millions d'euros qui, jusqu'alors, avait été gérée par Universcience, comme on l'a vu.
Ce besoin d'un État stratège a été exprimé avec fermeté par Mme Nayla Farouki, philosophe au CEA, qui a déclaré aux rapporteurs que la fonction de cet État devrait revêtir un double aspect.
D'une part, il devrait chercher à réconcilier les trois catégories suivantes :
- la « sous-classe », selon ses propres termes, des CCSTI : bien qu'organisant des conférences et des débats, ces CCSTI - dont celui de certaines grandes villes - sont dépourvus de réels moyens ;
- la classe dominante comprenant les musées de sciences ;
- Universcience.
Aux yeux de Mme Farouki, l'hyper-domination exercée par Paris nourrit un sentiment d'injustice et des tiraillements qui pourraient être toutefois surmontés avec de la bonne volonté en réunissant ces acteurs autour d'une table. Sur ce point, les rapporteurs ont toutefois douté que, compte tenu des enjeux financiers, la seule bonne volonté suffise.
D'autre part, Mme Farouki a estimé que le rôle de l'État était d'autant plus vital que la décentralisation en faveur des régions pourrait s'accompagner de l'apparition de ce qu'elle a qualifié de néo-féodalités pré-colbertistes et d'un repli sur le territoire, risquant ainsi de faire renaître le désert français. De telles perspectives sont imputables, selon Mme Farouki, au refus de certaines régions de collaborer avec d'autres régions.
2. Quelles orientations l'État stratège devrait-il définir ?
Lors des débats intervenus au Sénat sur l'amendement dont est issu l'article 19 de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué, en réponse à certains orateurs qui s'étaient inquiétés du flou entourant cet amendement, que la ministre de la culture et de la communication et elle-même apporteraient des précisions nécessaires dans le cadre d'un document sur la stratégie de l'État dans le domaine de la CSTI.
Au vu des propos qu'ils ont entendus au cours de leurs auditions et les informations qui ont été portées à leur connaissance, les rapporteurs constatent que quatre thèmes, notamment, pourraient être traités dans cette stratégie ; l'étude des besoins réels en scientifiques - ingénieurs et techniciens -, la question du financement des acteurs de CSTI, les critères de labellisation et l'animation des évènements scientifiques.
a. La nécessaire étude des besoins réels en scientifiques, ingénieurs et techniciens dans la stratégie nationale de recherche
Se référant aux différents points de vue dont l'étude de faisabilité a fait état quant aux besoins réels en scientifiques, ingénieurs et techniciens, Mme Nayla Farouki a jugé nécessaire que l'État procède à une étude très minutieuse, secteur par secteur, des besoins futurs.
Cette proposition mérite d'être reprise, car une telle étude peut constituer un instrument très utile de la politique de l'emploi scientifique, surtout dans des branches stratégiques, comme l'énergie nucléaire.
b. La question du financement des actions de CSTI
Ce financement devrait répondre à deux critères : être suffisant et équitable.
S'agissant du niveau des dotations, les critiques récurrentes concernent son niveau dérisoire, très nettement inférieur à celui accordé à la culture littéraire et artistique. M. Bernard Alaux, directeur de Cap Sciences de Bordeaux, a ainsi déclaré aux rapporteurs que, sur 100 euros dépensés pour la culture, la culture littéraire et artistique bénéficiait de 98 euros, et les CSTI de 2 euros.
Un autre aspect a été évoqué par M. Philippe Guillet, président de l'AMCSTI, qui a comparé le montant de 3,6 millions d'euros versés par l'État à celui alloué par certaines villes : 5 à 6 millions d'euros pour Toulouse, 2 millions d'euros pour Poitiers, 1,5 million d'euros pour Orléans (282 ( * )) .
L'existence de ces disparités l'a conduit à demander qu'une mission interministérielle soit constituée pour examiner la répartition territoriale des moyens.
En second lieu, comme d'autres secteurs, les CSTI souffrent des conséquences de la politique d'austérité budgétaire, comme l'a rappelé la sénatrice Dominique Gillot dans son avis budgétaire sur l'enseignement supérieur et la recherche au titre du projet de loi de finances pour 2013. Ainsi, la Bretagne a-t-elle dû faire face à une baisse des crédits de 40 % entre 2010 et 2011, ce qui a obligé le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à débloquer une enveloppe exceptionnelle pour éviter des licenciements. ConnaiSciences, dans le Languedoc-Roussillon, ne bénéficiant d'aucun crédit du contrat de projets État-région, a été contrainte de solliciter l'aide des fonds communautaires (FEDER) pour couvrir les budgets 2012 et 2013. Enfin, la région Aquitaine a subi une baisse nette de 15 % de ses crédits.
Cette crise touche aussi les associations d'éducation populaire. La sénatrice Dominique Gillot souligne qu'elles ont été assez largement ignorées par la nouvelle gouvernance, qui les a soumises à des pôles territoriaux dépendant des centres de CSTI. Or, ces associations jouent un rôle majeur dans l'éducation par les sciences des populations qui en sont éloignées (zones rurales, quartiers enclavés, etc .) et dans l'animation scientifique en faveur des jeunes.
Dans ce contexte, force est de constater que le transfert aux régions des crédits des CSTI ne dispensera pas, bien au contraire, les différents acteurs locaux de continuer à recourir à diverses sources de financement. Il peut s'agir soit de financements publics, tels que les investissements d'avenir - ces derniers étant toutefois temporaires, comme l'a souligné M. Jean-Claude Guiraudon - ou les financements communautaires (283 ( * )) ou encore les financements privés. Lors de son congrès de 2011, l'AMCSTI s'était ainsi référée au mécénat, en faisant valoir le caractère favorable de la législation française.
Dans le même esprit, M. Goéry Delacôte, ancien directeur de l'Exploratorium de San Francisco et du Musée de Bristol, a préconisé la création d'une ou deux fondations dont le capital serait de l'ordre du milliard d'euros (284 ( * )) .
La deuxième tâche qui incombera à l'État stratège consistera à veiller à une répartition équitable de la dotation de 3,6 millions d'euros qui sera versée aux régions, afin de prévenir le risque de la constitution de néo-féodalités évoquée par Mme Nayla Farouki, philosophe au CEA.
L'équité ne sera respectée que si, comme l'ont déclaré certains orateurs lors de la discussion au Sénat de l'amendement transférant les crédits aux régions, des possibilités de péréquation sont prévues. Il appartiendra donc au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en concertation avec les régions, de réfléchir à la mise en place de tels mécanismes.
Pour autant, les rapporteurs estiment que, en contrepartie des crédits qui leur sont transférés, il est nécessaire d'inviter les régions à énoncer leurs stratégies en lien avec la feuille de route qui devra être établie par le ministre chargé de la recherche .
Enfin, conformément à une demande qui a été exprimée lors des auditions des rapporteurs, il conviendra de conforter financièrement les têtes de réseaux des associations, notamment dans leur rôle de coordination des acteurs . Mais, en parallèle, un travail de mutualisation devra être organisé par ces têtes de réseaux .
c. La fixation de critères de labellisation
Le précédent système, qui a fonctionné de 2008 à 2012, avait prévu l'octroi d'un label national « Science, Culture et Innovation » à des centres de CSTI pour une durée maximale de quatre ans. Il attestait le professionnalisme de ces structures, le lien constant qu'elles entretenaient avec la recherche ainsi que l'innovation et la validité scientifique de leur activité. Ce label avait été décerné pour la première fois en 2008 à 26 centres de CSTI.
Au regard du système antérieur, celui que les rapporteurs souhaiteraient proposer ne se limiterait pas aux CCSTI mais concernerait aussi les associations. Il viserait, en effet, à prendre en compte les difficultés de financement rencontrées par les acteurs de terrain du fait du système des appels à projets.
Ce dernier présente deux principaux inconvénients. D'une part, les appels à projets ne financent pas, en règle générale, la totalité du projet, les frais de fonctionnement en étant exclus, ce qui a pour effet de favoriser les grosses structures, lesquelles disposent de moyens de fonctionnement plus importants que les autres. D'autre part, le financement étant d'une durée limitée, l'appel à projets ne permet pas d'assurer aux bénéficiaires une visibilité.
Pour ces raisons - notamment pour permettre aux petites associations de continuer à exercer leurs activités - il est proposé d'instituer un système de double labellisation . Il y aurait une labellisation nationale applicable aux têtes de réseau et une labellisation régionale, selon des modalités fixées par l'État, en concertation avec les régions, s'inspirant du régime des associations reconnues d'utilité publique. Il y aurait une phase de pré-labellisation d'une durée d'un an pour s'assurer de la valeur de l'association, puis l'octroi du label pour une durée de trois ans renouvelable. Le financement auquel ces labellisations pourraient être éligibles serait d'une durée de trois ans.
d. L'organisation des évènements
Lors de l'audition publique du 13 juin 2013, Mme Sylvane Casademont, directrice du cabinet de la Direction générale pour la recherche et l'innovation, avait indiqué que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait se réserver la possibilité de prendre des mesures incitatives comme la Fête de la science.
Par anticipation, Mme Casademont répondait ainsi au souhait que Mme Blandin devait exprimer lors de la discussion de l'amendement relatif au transfert de compétences, souhait selon lequel « l'État reste le garant de l'animation scientifique sur l'ensemble du territoire ».
Il y a lieu de noter qu'en Allemagne, l'année de la science, qui est un concept analogue à celui de notre Fête de la science - bien que les modalités en soient différentes -, est du ressort du ministère fédéral de l'éducation et de la recherche. Celui-ci en fixe les thèmes, après concertation avec notamment les organes de recherche.
C. UN IMPÉRATIF : L'AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE TERRITORIALE DES CSTI
L'objectif consiste essentiellement, pour Universcience, à régler les difficultés nées de la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des sciences, d'une part et, d'autre part, à améliorer le cadre de ses relations avec les régions.
1. Surmonter les difficultés liées à un contexte centralisé
a. L'évolution du statut du Palais de la Découverte
Le Palais de la Découverte a été fusionné avec la Cité des sciences et de l'industrie en janvier 2010 pour donner naissance à Universcience. Cette décision politique, qui est résultée notamment des conclusions de la révision générale des politiques publiques, a souligné la nécessité pour les deux établissements de coopérer à un objectif commun : « rendre accessible à tous la culture scientifique et technique » et devenir « dans ce domaine un pôle national de référence ».
L'apport de la fusion a été l'objet de controverses. En effet, en 2009, de nombreux scientifiques s'étaient mobilisés contre la fusion (285 ( * )) . D'une part, ils redoutaient que la fusion ne détruise le lien étroit entre les visiteurs et le Palais de la Découverte, lequel a toujours justifié un statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'autre part, était mise en cause la pertinence de la fusion de cet EPCSCP et de la Cité des sciences, EPIC, dont les motivations, le style et les personnels sont totalement différents.
En revanche, Mme Claudie Haigneré a déclaré, lors de l'audition publique du 13 juin 2013, que la création d'Universcience avait été « la résultante du constat qu'il y avait de multiples acteurs qui n'avaient pas toujours la possibilité de mutualiser leurs actions. Cela engendrait une dispersion des acteurs, une difficulté de financement des structures agissant dans ce champ et, sans doute, un manque de visibilité , de rayonnement et d'audience dans le cadre des politiques publiques, en particulier dans ce champ de la culture scientifique, technique et industrielle ».
Quoi qu'il en soit, la pertinence de la fusion a été confirmée, aux yeux de M. Joël de Rosnay, conseiller de la présidente d'Universcience, par le fait que cet établissement était, de façon originale, parvenu à susciter l'éveil et la motivation des jeunes, ces derniers représentant la moitié des 3,5 millions de visiteurs annuels (286 ( * )) .
Pour sa part, M. Philippe Lazar, président de la société des Amis du Palais de la Découverte (SAPADE), a déclaré aux rapporteurs que, à son regret, le Gouvernement ne s'est pas inspiré des réformes intervenues à la télévision, où France 2 et France 3, tout en étant soumises à l'autorité d'un président unique, n'en ont pas moins conservé leur propre spécificité. À cet égard, il a considéré qu'il était d'autant plus important d'y veiller que, selon lui, le public est très attaché aux dénominations respectives de Palais de la Découverte et de Cité des sciences, à la différence du terme d'Universcience qui est très méconnu.
La solution ainsi préconisée par M. Lazar avait été également recommandée par le rapport de la mission d'information de la commission des Affaires culturelles du Sénat sur la diffusion de la culture scientifique et technique.
La décision prise le 3 octobre 2013 par le conseil d'administration d'Universcience de créer un comité d'orientation propre au Palais de la Découverte (COPADE) va dans le sens du souhait exprimé par M. Philippe Lazar tant en ce qui concerne ses missions, sa composition que son fonctionnement.
Ainsi, le COPADE contribuera-t-il :
- au développement de relations fonctionnelles entre le Palais de la Découverte et la communauté scientifique dans sa diversité ;
- à l'actualisation du contenu scientifique du projet culturel et scientifique du Palais de la Découverte à l'occasion des travaux de rénovation, étant entendu que sa mission reste de faire comprendre à un large public, avec un effort particulier auprès des jeunes, ce qu'est la démarche scientifique et ce que sont les principales avancées de la connaissance qui en résultent ;
- à expliciter les dimensions culturelles de la science.
Quant à la composition du COPADE, elle confirme la vocation scientifique du Palais de la Découverte puisqu'il comprend :
- au moins une personnalité appartenant au conseil scientifique d'Universcience, désignée par la présidente d'Universcience ;
- au moins quatre personnalités scientifiques appartenant à des disciplines différentes, nommées par la présidente d'Universcience sur une liste de huit noms établie conjointement par le président de l'Académie des sciences, l'administrateur du Collège de France, le président du CNRS et le président de la Conférence des présidents d'universités ;
- au moins une personnalité spécialiste de l'accueil du public, de la médiation ou de la muséographie ; la présidente d'Universcience est membre de droit du COPADE, qui peut s'élargir par cooptation unanime jusqu'à concurrence de douze membres.
Deux représentants élus des médiateurs du Palais de la Découverte participent avec voix consultative aux réunions du COPADE.
La durée du mandat des membres du COPADE est de trois ans.
Pour ce qui est de son fonctionnement, le COPADE est présidé par la présidente d'Universcience, un vice-président élu par et parmi ses membres étant chargé d'animer les réunions en cas d'absence de la présidence.
Le COPADE s'appuie, pour l'accomplissement de ses missions, sur un correspondant scientifique appartenant aux équipes d'Universcience. Le correspondant scientifique est un scientifique de haut niveau, désigné par la présidente d'Universcience après avis du COPADE.
Le COPADE, qui est réuni au moins trois fois par an, est tenu au courant par la présidence d'Universcience de l'ensemble des activités et projets d'activités impliquant le Palais de la Découverte. Il fait part, en retour, de son avis à leur sujet et formule des recommandations. Il est habilité à faire part des propositions d'ordre prospectif en termes scientifiques et culturels.
Les rapporteurs se félicitent d'autant plus de la décision du 3 octobre 2013 que les auditions de M. Philippe Lazar et celles des professeurs Albert Fert, Prix Nobel de physique (2007) et Antoine Brahic, astrophysicien, les ont renforcés dans leur conviction de la nécessité de maintenir et de raffermir le rôle du Palais de la Découverte, qui a été et est de permettre au public « de voir la science en train de se faire » et de susciter ainsi plusieurs vocations de scientifiques, à commencer par celle des trois personnalités précitées.
Il est toutefois souhaitable que les travaux de rénovation envisagés remédient en particulier au vieillissement de certaines expérimentations qu'a évoqué le professeur Brahic.
b. Les relations entre Universcience et les régions
Ces relations sont marquées par de forts malentendus et la capacité à coopérer.
Certains des reproches adressés à Universcience sont anciens. En effet, déjà antérieurement à la création d'Universcience, la mission sénatoriale sur la diffusion de la culture scientifique et technique avait constaté que la Cité des sciences avait négligé sa vocation nationale et souhaité qu'elle renoue avec celle-ci.
Or, ce reproche d'être davantage une institution parisienne plutôt qu'un pôle national de référence a été formulé à Universcience par plusieurs intervenants lors de la table ronde, qui a été organisée au Sénat, sur la gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle (287 ( * )) .
À ce reproche, Mme Brigitte Coutant, directrice de la délégation aux affaires institutionnelles, territoriales et internationales d'Universcience, a répondu, au cours de cette même table ronde, que si Universcience se situe effectivement à Paris, ses missions sont bien nationales. Elle a précisé qu'Universcience avait veillé à séparer, au sein de son organisation, les actions propres de l'établissement de celles qui s'inscrivent dans sa mission d'impulsion de la culture scientifique.
D'autres reproches touchant au mélange des genres dans lequel Universcience est impliqué ont été évoqués précédemment.
Pour autant, force est de constater qu'en parallèle à ces critiques, la coopération entre Universcience et les acteurs territoriaux s'est développée au-delà même du comité opérationnel assistant le Conseil national de la culture scientifique et technique (288 ( * )) et ce, à travers des projets communs, qui ont été lauréats du programme des investissements d'avenir.
Il s'agit d'abord de l'initiative ESTIM (égalité d'accès aux sciences, aux technologies et au multimédia), dont l'un des trois projets (289 ( * )) - Estim-Gouvernance - a été élaboré en partenariat avec l'Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle.
Ce projet d'une durée de trois ans - d'un montant de 4,1 millions d'euros, financé à 48 % par les investissements d'avenir - a pour ambition d'accompagner la mise en place d'une nouvelle organisation des acteurs pour impulser, au niveau national et territorial, une politique commune des CSTI, augmenter sa visibilité, son impact et optimiser la gestion des ressources.
Il est prévu que le projet Estim-Gouvernance s'articulera avec les outils développés au sein des deux autres programmes d'Estim : Estim-Numérique-Art-Science-Technologie et Estim-École de la médiation.
La seconde initiative conjointe d'Universcience et d'acteurs territoriaux est le programme INMEDIATS (Innovation-Médiation-Territoires) qui a déjà été évoqué précédemment. Il repose sur un partenariat réunissant Universcience et cinq centres de la culture scientifique, technique et industrielle : Cap Sciences (Bordeaux-Aquitaine), Relais d'Sciences (Caen-Basse-Normandie), la Casemate (Grenoble), Espace des sciences (Rennes) et Sciences-Animation (Toulouse, Midi-Pyrénées).
Ce programme d'une durée de cinq ans et doté de 30 millions d'euros a pour objectif de renforcer l'égalité des chances dans l'accès aux sciences et aux techniques, notamment en faveur des jeunes âgés de 15 à 25 ans. À cette fin, il propose de développer et d'expérimenter de nouveaux outils de médiation culturelle exploitant le potentiel des nouvelles technologies numériques.
2. Accroître la valorisation des initiatives des acteurs territoriaux
Lorsque l'on examine la liste des projets lauréats du programme des investissements d'avenir (290 ( * )) , on ne peut que constater la richesse du gisement d'inventivité et de talent que les acteurs territoriaux sont en mesure d'exploiter.
Cependant, dans le même temps, il y a lieu de regretter que, jusqu'à présent, le développement - pourtant nécessaire - des synergies ait été freiné par l'insuffisante connaissance réciproque des acteurs territoriaux.
a. L'insuffisante connaissance réciproque des acteurs territoriaux
Rien n'illustre mieux cette insuffisante connaissance réciproque que les propos qu'avait tenus M. Bruno Dosseur, directeur du centre de CSTI Relais d'Sciences de Caen, à l'occasion du Forum de la culture scientifique et technique (291 ( * )) : « Nous sommes un certain nombre à penser que les territoires sont très souvent innovants, mais que ces innovations sont mal connues. Elles sont mal mutualisées, elles ne passent pas d'une région à l'autre parce qu'elles sont souvent financées par une seule région. Nous avons donc un énorme effort à accomplir en termes d'échanges et de meilleure connaissance des uns et des autres, déjà au niveau interrégional ».
Cependant, on peut se demander si cette situation ne serait pas due également à un refus de coopérer. C'est ainsi que lors des rencontres de l'OCIM des 26 et 27 novembre 2009, Mme Christine Velty, alors présidente de l'AMCSTI, avait déclaré qu'en vue de remédier à l'absence de données chiffrées sur le poids de la CSTI en France, l'AMCSTI avait fait parvenir, au début de l'année 2009, un questionnaire à ses membres sur la taille des structures, les budgets de fonctionnement, les aides ministérielles et des collectivités territoriales, l'autofinancement, le nombre et la nature des emplois, la fréquentation, les activités de production, le coût moyen d'un visiteur. Or, seulement un tiers des membres de l'AMCSTI a répondu.
b. La nécessité de développer les synergies
Pour remédier de façon efficace aux inconvénients évidents liés à la fragmentation de ce qu'Universcience appelle l'écosystème de la CSTI (292 ( * )) - source d'inégalités infra-inter et suprarégionales - il importe que les acteurs territoriaux développent des synergies à ces trois niveaux. Certes, le programme Estim-Gouvernance y contribuera. Mais il devra être complété par des initiatives à tous les échelons.
M. Bruno Dosseur, directeur du centre de CSTI Relais d'Sciences à Caen a ainsi parfaitement résumé le besoin pour les CCSTI de s'appuyer sur les autres acteurs, en faisant observer que son équipe ne pouvait elle seule aller à la rencontre de la population de Basse-Normandie, soit 1,4 million de personnes, en particulier les jeunes de 15 à 25 ans (293 ( * )) .
Quant aux régions, lorsqu'elles en ont la volonté, elles parviennent à produire des actions communes de grande qualité comme l'exposition « Nanotechnologies », qui a été coproduite par Cap Sciences (Bordeaux) et le CCSTI de Grenoble.
Enfin, le projet « Météo et climat : tremplin pour l'enseignement des sciences » porté par l'ENS de Lyon et Météo-France, qui a été lauréat du programme des investissements d'avenir, montre bien qu'un organe national peut trouver des partenaires de qualité parmi les acteurs territoriaux. Ce projet est important non seulement du fait du montant des investissements engagés, 310 000 euros au titre des investissements d'avenir pour 620 000 euros d'investissement total, mais également en raison de son objet.
Il propose en effet la mise en place d'une plateforme numérique en réseau destinée à la formation de professeurs (150 formateurs pour 10 académies) comportant des supports pédagogiques élaborés en coopération entre l'IFE (Institut français de l'éducation) et Météo-France.
*
Il apparaît très clairement qu'une diffusion plus ample et plus équitable des CSTI dans les territoires doit reposer sur une volonté politique forte des acteurs locaux de coopérer le plus possible. C'est ce qu'ont rappelé certains intervenants lors de la table ronde organisée au Sénat sur la gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle.
Au demeurant, une telle évolution ne pourra que favoriser une meilleure prise de décision par les acteurs publics.
Comme les rapporteurs l'ont souvent indiqué à leurs interlocuteurs, les élus, surtout dans le cadre de l'organisation des activités périscolaires liées à la réforme des rythmes scolaires, auront besoin très rapidement de disposer des informations nécessaires pour choisir les acteurs de terrain compétents.
Pour ces raisons - et compte tenu du travail de cartographie de ces acteurs de terrain qu'il a déjà entamé - il apparaît opportun d'inclure clairement les CSTI dans les attributions de l'OCIM (Office de coopération et d'information muséales). Cette évolution ajouterait un volet industriel à l'Observatoire du patrimoine et de la culture scientifique et technique (OPCST) dont il a la charge.
Au demeurant, ce travail de cartographie des acteurs de terrain effectué par l'OCIM est d'autant plus indispensable qu'il contribuera à accompagner les municipalités dans le développement d'activités périscolaires liées aux CSTI.
Enfin, les rapporteurs proposent d'impliquer les collectivités territoriales dans le fonctionnement des Maisons pour la science et la technologie, ce qui est une manière de les intéresser à la formation continue des enseignants, qui est assurée par ces dernières.
*
* *
CONCLUSION
« La société de la connaissance nous appelle à la naissance partagée d'un monde nouveau, où la créativité serait développée chez tous. L'enseignement, qui transmet la science, est évidemment concerné au premier chef : non pas en créant une culture scientifique et technique, comme le terme devient trop répété aujourd'hui, mais en reconnaissant l'enracinement de la science et de la technique dans la culture tout court, une reconnaissance qui va au coeur de l'histoire de l'Europe et de sa contribution à la science moderne » (294 ( * )) .
Ces propos de M. Pierre Léna, astrophysicien, membre de l'Académie des sciences, résument bien la démarche que les rapporteurs ont souhaité proposer à l'ensemble des acteurs et des décideurs.
Le partage des cultures scientifiques est un vecteur de construction d'un savoir démocratique , à plusieurs niveaux. Partager les connaissances scientifiques, techniques et industrielles, c'est permettre à chacun de prendre part aux débats contemporains, aux décisions qui font progresser nos sociétés et comprendre les enjeux de notre société démocratique du XXI e siècle. Il s'agit ensuite de démocratisation sociale : mieux partager les CSTI dans notre éducation formelle comme dans l'éducation informelle , c'est avoir pour objectif que chacun puisse choisir son avenir professionnel, notamment scientifique, indépendamment de son origine sociale ou de son sexe. Et en permettant un développement économique solide basé sur la connaissance, c'est aussi revaloriser les métiers techniques et de l'industrie. Les enjeux sont importants et le rôle-clé que joue la diffusion des CSTI n'est certainement pas suffisamment reconnu dans l'atteinte de ces objectifs. Les ressources sont immenses dans notre pays. Elles ne sont peut-être pas suffisamment exploitées.
Les recommandations concrètes qu'ont modestement proposées les rapporteurs tentent de répondre à ces enjeux.
La notion de « diffusion » ne recouvre plus la richesse des acteurs et actions liées aujourd'hui aux cultures scientifique, technique et industrielle (CSTI). C'est la raison pour laquelle les rapporteurs ont proposé de parler davantage, dans ce rapport, de « faire connaître et partager les CSTI ». « Faire connaître » parce que nous ne sommes pas tous à égalité devant la science : le scientifique et le simple citoyen n'ont pas le même niveau de connaissance d'un sujet. Mais nous devons tous pouvoir disposer des outils de compréhension et de participation aux débats. Le « partage » est à ce titre une notion plus juste que celle de diffusion, descendante. Car comme le dit Marina Cavazzana-Calvo, médecin-chercheure et lauréate du prix de la femme scientifique de l'année en 2012, « la science n'est rien sans le partage avec les autres. Et l'absence de partage, c'est une injustice ». « Le vrai pouvoir, c'est la connaissance », disait Francis Bacon. Et Jean - Claude Ameisen ajoute : « quand on a du pouvoir, on a une responsabilité ».
Les savoirs sont trop cloisonnés. Regardons les filières des lycées : les humanités dans les filières scientifiques et les sciences dans les filières littéraires sont-elles suffisamment présentes pour permettre des échanges, partager une connaissance intelligente et donc le pouvoir ? Et rend-on suffisamment visibles les applications de cette connaissance aux étudiants, aux élèves ? Ne peut-on établir davantage de connexions entre le monde de l'éducation, celui de la recherche et celui du développement économique et industriel ? Les rapporteurs pensent que cela est nécessaire et ont essayé dans ce rapport de proposer des pistes.
Les défis auxquels les CSTI ont à s'atteler sont donc ambitieux et divers. Et pour y répondre, les acteurs du partage des CSTI sont pluriels, nombreux et, pour beaucoup, très innovants. De nouveaux acteurs s'ignorent encore comme certains médias généralistes, parents, éducateurs, certaines entreprises ou collectivités territoriales. L'implication de tous ces acteurs, et leur responsabilisation dans leur fonction directe ou indirecte de partage des CSTI est un enjeu central.
Et par leurs recommandations, les rapporteurs ont tenté de répondre à la demande des acteurs des CSTI d'une gouvernance nationale forte, qui respecte leur autonomie et leur diversité, mais qui leur donne une cohérence d'action commune et leur permet de mutualiser leur travail. Ils ont également exprimé des propositions pour que les enjeux des acteurs scientifiques, techniques et industriels locaux viennent enrichir la stratégie nationale et que cette dernière ait le souci d'un rééquilibrage des territoires.
La connaissance est toujours en mouvement, toujours en recherche de progrès. Il y a dans le fait de faire connaître et de partager les cultures scientifique, technique et industrielle un objectif politique majeur , dont on ne pourra faire l'économie sous peine de vider la notion de société de connaissance de toute substance et de prendre le risque de mettre en péril l'exigence de cohésion sociale en accroissant davantage le fossé entre sachants et non-sachants.
RECOMMANDATIONS
I. Le développement du partage des cultures scientifique, technique et industrielle (CSTI) au sein du système éducatif (pages 105 à 131)
1) Inscrire la formation initiale et continue des enseignants dans une perspective de développement des cultures scientifique, technique et industrielle (cf. pages 105 à 110)
1. Veiller à la qualité de la formation des formateurs recrutés par les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) en matière de pédagogie par l'expérimentation, sur les matières scientifiques et les nouvelles technologies.
2. Intégrer un enseignement spécifique des CSTI dans le cursus des étudiants des ESPE et faire intervenir la Fondation La Main à la pâte ou un acteur similaire au moins une fois dans le cursus ;
3. Prévoir que l'examen final - notamment les épreuves d'admissibilité - attribue une place plus importante aux compétences pédagogiques des candidats, et en particulier la pédagogie par l'expérimentation.
4. Assurer la formation continue des enseignants déjà en poste en termes de connaissance des CSTI.
5. Engager une réflexion sur l'accompagnement des jeunes enseignants et sur leur première affectation.
6. Reprendre les recommandations du rapport de l'Académie des sciences en ce qui concerne la formation des professeurs dans le domaine de l'informatique :
7. Au collège, aller vers un enseignement d'informatique spécifique, assuré par des professeurs ayant une exigence de niveau et de diplôme identique à celle des autres sciences au collège ;
8. Dans les lycées, recruter des enseignants de discipline informatique ayant une exigence de niveau et de diplôme identique à celle des autres sciences au lycée ;
9. Concevoir une intégration de l'informatique dans les enseignements disciplinaires traditionnels, aussi bien dans les humanités que dans les sciences.
2) Promouvoir une pédagogie au service des CSTI dans les différents niveaux d'enseignement (cf. pages 110 à 131)
10. Dans les classes maternelles, encourager une initiation à la science et à la technologie par l'expérimentation et les arts, à l'exemple des projets soutenus par le département de l'éducation du gouvernement américain (cf. page 123).
- Dans les classes primaires (cf. pages 123 et 124) :
11. Inclure des programmes des CSTI dans les projets éducatifs territoriaux ;
12. Développer le recours aux dispositifs tels La Main à la Pâte dans toutes les classes ;
13. Systématiser la sensibilisation aux sciences de l'ingénieur et aux métiers de technicien sur le modèle du programme communautaire Ingenous ;
14. Introduire une initiation à l'informatique dans les programmes, en mêlant les activités sur ordinateur et les activités de compréhension de l'informatique.
- Dans les collèges (cf. pages 124 à 126) :
15. Généraliser l'EIST (Enseignement intégré de science et de technologie) jusqu'en classe de troisième ;
16. Inclure un module qui soit consacré au volet industriel des CSTI dans les thèmes de convergence, afin de développer les connaissances sur les enjeux et les métiers de l'industrie ;
17. Introduire un véritable enseignement informatique indépendant des autres enseignements scientifiques et techniques, et qui développe des coopérations avec ceux-ci dans une volonté d'interdisciplinarité ;
18. Transformer le cours d'histoire des arts en cours d'histoire des arts et des techniques ;
19. Créer des interfaces internet départementales pour mettre en contact les élèves de 3 ème et les acteurs locaux pouvant les accueillir pour effectuer le stage de découverte auquel ils sont astreints en 3 ème .
- Dans les lycées (cf. pages 126 et 127) :
20. Étendre l'enseignement de la technologie à toutes les filières, conformément à l'avis de l'Académie des technologies du 1 er février 2013 ;
21. Généraliser les travaux pratiques encadrés en classe terminale ;
22. Rendre obligatoire l'enseignement de l'informatique en seconde, première et en terminale sans exclure une option de spécialité plus approfondie en terminale ;
23. Proposer un enseignement de l'informatique en première et en terminale ES ;
24. Continuer et développer l'enseignement de l'informatique dans les séries techniques et professionnelles ;
25. Étudier l'équilibrage horaire des disciplines requis par l'introduction de l'informatique avec, d'une part, un horaire spécifique d'informatique et, d'autre part, la prise en compte de contenus informatiques au sein des autres disciplines et de leurs programmes.
26. Dans les établissements primaire et secondaire, désigner un référent pour les CSTI afin de coordonner les actions de partage des CSTI au sein de l'établissement et à l'extérieur avec les autres acteurs des CSTI (rectorats, universités, associations, organismes de recherche). Dans les écoles primaires, cela pourrait être les directeurs/trices, au collège et au lycée, les centres de documentation et d'information.
- Dans les établissements d'enseignements primaire et secondaire (cf. page 129) :
27. Prévoir que dans les établissements primaires et secondaires, ces derniers organisent chaque année un débat, fil rouge de l'année, sur le modèle des conférences de citoyens. Ce dispositif aurait plusieurs objectifs :
a - d'impliquer les parents dans le système éducatif et leur transmettre, en tant qu'éducateur, la connaissance de certains sujets scientifiques,
b - sensibiliser parents et élèves à leur participation en tant que citoyens aux débats scientifiques,
c - faire intervenir dans les établissements des acteurs locaux et nationaux émanant des mondes de la recherche et de l'entreprise ;
28. Créer un concours pour promouvoir les projets scientifiques ou techniques des jeunes du cours moyen de l'école primaire à la classe terminale, en s'inspirant de l'exemple allemand du Jugend forscht.
- Dans les établissements d'enseignement supérieur (cf. pages 129 à 131) :
29. Systématiser l'organisation d'enseignements interdisciplinaires associant le plus souvent possible les différentes sciences dures et biologiques, mais aussi les sciences humaines ;
30. Augmenter le volume horaire dédié à l'enseignement de l'informatique dans les classes préparatoires aux grandes écoles ;
31. Développer des cours spécifiques de culture informatique pour tous les étudiants des cycles de licence et de maîtrise, en particulier ceux qui se destinent à l'enseignement ;
32. Développer la formation par alternance dans les universités et les écoles d'ingénieurs.
33. Intégrer des formations aux CSTI dans les dispositifs de formation continue et tout au long de la vie.
34. Favoriser la mobilité internationale des étudiants-e-s et, à cette fin, un usage approfondi des langues.
II. Réduire les inégalités d'accès au savoir scientifique et technologique (cf. pages 131 à 162)
1) Corriger les effets pervers de la démocratisation ségrégative du système éducatif (cf. pages 131 à 147)
35. Préciser le rôle des différents intervenants dans la procédure d'orientation des collégiens et des lycéens et impliquer davantage les familles.
36. Subordonner à l'acquisition effective du socle commun de connaissances et des compétences, en fin de scolarité obligatoire, le moment de l'orientation entre les trois voies du lycée (générale, technologique et professionnelle) et non plus en 3 ème .
37. Prévenir les choix irréversibles d'orientation en réduisant le nombre des options en voie générale, en facilitant les changements de parcours entre les voies générale, technologique et professionnelle et en accordant le bénéfice d'une année supplémentaire d'études au bacheliers de chacune des trois voies.
38. Réformer les filières scientifique, littéraire, économique et sociale et technologique, notamment en initiant les lycéens à la recherche, en liaison avec les organismes de recherche correspondant à leurs filières.
2) Poursuivre résolument l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes (cf. pages 147 à 162)
39. Conditionner le montant des subventions versées aux acteurs des CSTI à leurs actions en faveur de l'égalité femmes-hommes pour le goût des sciences et susciter les vocations scientifiques autant chez les filles que chez les garçons.
40. Instituer, au sein des établissements de recherche, un référent à l'égalité entre les femmes et les hommes chargé de prévenir les discriminations.
41. Conditionner une partie de la dotation aux universités et aux organes de recherche à la prise de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes, les universités et les organes de recherche devant, à cette fin, présenter un rapport annuel.
42. Former les professeurs, les médiateurs et le service public d'orientation afin qu'ils encouragent davantage les jeunes filles à se diriger vers les études et les métiers de la recherche et des sciences de l'ingénieur.
43. Introduire dans le cahier des charges des éditeurs de manuels scolaires l'interdiction de clichés de genre et inviter la mission contre les discriminations entre filles et garçons du ministère de l'éducation nationale à s'assurer du respect de cette disposition.
III. Promouvoir une culture du dialogue apaisé entre les acteurs de la science, la technique, l'industrie et le public : une responsabilité collective (cf. pages 162 à 210)
1) Développer les actions de médiation des chercheurs (cf. pages 162 à 177)
44. Procéder réellement à la reconnaissance institutionnelle des actions de médiation dans les carrières des chercheurs en veillant à la bonne application de la nouvelle responsabilité du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, concernant la valorisation des activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle dans la carrière des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
45. Développer les actions de médiation :
a - en ouvrant au public les laboratoires des instituts de recherche financés sur fonds publics au moins deux fois par an ;
b - en valorisant les actions de médiation et de communication des doctorants via la prise en compte des heures de médiation dans l'évaluation de la thèse et, par exemple, la création du concours « Thèse en trois minutes » ;
c - en créant un module de médiation scientifique en 3 ème année de licence parmi une liste de cours à choisir ;
d - en favorisant le regroupement des acteurs locaux des CSTI (universités, associations, entreprises, etc.) en vue d'actions de partage des CSTI ;
e - en incitant les Alliances de recherche à mettre en place une meilleure coordination des actions de médiation dans les établissements scolaires et universitaires ; et à coordonner ces actions en lien avec la stratégie nationale de recherche ;
f - en assortissant toute subvention versée à un établissement d'enseignement supérieur ou à un organe de recherche de l'obligation d'en affecter une fraction au financement d'actions de médiation.
46. Inciter au recrutement d'administrateurs de la recherche et favoriser le développement de cellules d'ingénierie de projets.
2) Améliorer le traitement des CSTI par les médias (cf. pages 118 à 188)
47. Diffuser, avant le journal télévisé, une émission d'environ trois minutes sur un sujet scientifique, technique ou industriel sur le modèle de l'émission D'Art d'art, ainsi qu'un programme pour les enfants, court et ludique à un horaire approprié.
48. Prévoir une émission spéciale au cours de laquelle seraient remis : un prix de reconnaissance des personnalités scientifiques - femmes et hommes de l'année - ; un prix de la médiation analogue au prix « goût des sciences » ; un prix de la médiation des doctorants au titre du concours « 120 secondes pour présenter une thèse ».
49. Réaliser un feuilleton grand public mettant en scène des métiers de l'industrie.
50. Inciter les différents médias à améliorer la couverture médiatique de la Semaine de l'industrie et de la Fête de la science.
51. Créer une émission télévisée de financement participatif ( crowdfunding ) pour des projets à court terme et innovants.
52. Créer un centre de communication scientifique au sein de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), servant d'interface entre les journalistes et le monde scientifique, en y associant les spécialistes des sciences humaines et sociales.
53. Créer un portail internet spécialisé regroupant l'ensemble des émissions scientifiques diffusées par les chaînes publiques (France Télévisions, LCP-AN, Public Sénat).
54. Procéder à une meilleure synergie entre les portails de contenus multimédias existants et consolider les liens entre acteurs.
55. Intégrer des modules de méthodologie de sciences et d'histoire des sciences et des techniques dans les cursus des écoles de journalisme.
3) La contribution des entreprises au renforcement de la visibilité du volet industriel des CSTI (cf. pages 188 à 190)
56. Inciter les différentes branches professionnelles à se concerter pour mettre en place un réseau d'intervenants à la disposition des établissements scolaires.
57. Inciter les entreprises à créer dans chaque région une Académie du jeune ingénieur et du jeune technicien, existant en Allemagne.
58. Promouvoir, en concertation avec l'ensemble des acteurs des CSTI, le tourisme industriel.
59. Inciter les entreprises et les régions à relayer la candidature de la France à l'organisation des Olympiades des métiers en 2019.
4) La place des citoyens dans le débat public (cf. page 190 à 201)
60. Prévoir que l'OPECST organise des conférences de citoyens sur des sujets d'actualité ou tout autre sujet de nature scientifique, technique ou industrielle ayant une dimension sociétale.
61. Établir une charte définissant la déontologie et la méthodologie de la participation du public aux débats de société.
62. Inciter les régions à instituer un lieu de débat permanent et un observatoire des sciences et des technologies.
5) Améliorer l'adéquation des décisions des autorités publiques aux exigences du débat public (cf. pages 201 à 210)
63. Prévoir une représentation parlementaire paritaire dans les conseils d'administration des organes publics de recherche ainsi qu'au sein de celui de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
64. Intégrer une formation aux CSTI dans les établissements d'enseignement supérieur fréquentés par les décideurs.
65. Ajouter une composante industrielle à l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST) et promouvoir ses formations auprès des élus.
66. Proposer des séances de formation au Parlement pour sensibiliser les parlementaires aux enjeux scientifiques, éthiques et juridiques de la recherche.
67. Faire organiser par l'OPECST un café des sciences dans les assemblées parlementaires. Ces événements pourraient opportunément être organisés sur des sujets spécifiques en amont de l'examen de textes.
IV. Simplifier et améliorer la gouvernance (pages 211 à 232)
1) La gouvernance nationale (page 211 à 225)
68. Prévoir, dans la stratégie nationale de recherche, une étude sur les besoins réels par secteur en emplois de scientifiques, d'ingénieurs et techniciens, actualisée régulièrement.
69. Inviter le Premier ministre à édicter un décret confiant la tutelle du partage des CSTI au ministère en charge de la recherche, d'une part et, d'autre part, demandant à chacun des membres du Gouvernement de désigner un référent pour les CSTI, dont les actions seront coordonnées par le ministère en charge de la recherche.
70. Organiser une conférence annuelle sur les CSTI rassemblant l'État et l'ensemble des acteurs locaux. Cette conférence serait l'occasion de débattre des questions touchant à la stratégie des CSTI et d'échanger sur les bonnes pratiques.
71. Revoir le statut du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle :
a - en séparant la présidence de ce Conseil de celle d'Universcience ;
b - en prévoyant un représentant de l'Office de coopération et d'information muséales (OCIM) et une présence accrue des régions et du monde associatif ;
c - en ouvrant une possibilité de saisine du Conseil pour les différentes parties prenantes.
2) La gouvernance territoriale (pages 225 à 232)
72. En contrepartie du transfert des crédits des CSTI aux régions, inviter ces dernières à énoncer leurs stratégies, en lien avec la feuille de route qui devra être établie par le ministère chargé de la recherche.
73. Permettre aux structures d'autoévaluer les projets pour lesquels ils sont financés.
74. Conforter financièrement les têtes de réseaux notamment dans leur rôle de coordination des acteurs. Un travail de mutualisation doit être organisé par ces têtes de réseaux.
75. Instituer un système de double labellisation destiné à permettre aux petites associations de continuer leurs actions de CSTI.
76. Inclure les CSTI dans les compétences de l'office de coopération et d'information muséales (OCIM), pour l'identification des acteurs des CSTI .
77. Établir localement l'identification des acteurs des CSTI afin d'accompagner les municipalités dans le développement d'activités périscolaires liées aux CSTI.
78. Impliquer les collectivités locales dans l'administration des Maisons des sciences.
V. Intitulé du rapport
79. Substituer le titre suivant « Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles » à l'intitulé précédent « La diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle : un impératif ».
EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
L'OPECST s'est réuni le mercredi 8 janvier 2014, sous la présidence de M. Bruno Sido, président, pour examiner le présent rapport.
« M. Bruno Sido , sénateur, président. J'ai le vif plaisir de vous présenter à tous mes meilleurs voeux 2014 pour vous-mêmes et les vôtres, pour vos projets, en ayant une pensée toute particulière pour ceux qui sont concernés par les multiples échéances électorales qui s'annoncent.
Cette année 2014 commence de manière relativement spectaculaire pour l'Office avec, au cours du mois de janvier, l'examen de trois projets de rapports :
- le premier aujourd'hui sur « La diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle », présenté par Mme Maud Olivier, députée, et M. Jean-Pierre Leleux, sénateur ;
- un autre, la semaine prochaine, soit le 15 janvier, au Sénat, sur « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir des véhicules écologiques », présenté par M. Denis Baupin, député et Mme Fabienne Keller, sénatrice ;
- et, enfin, un dernier projet de rapport le 21 janvier, à l'Assemblée nationale à nouveau, sur « Les enjeux scientifiques, technologiques et éthiques de la médecine personnalisée », présenté par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés.
Pour ces trois rapports, comme déjà annoncé, nous continuons à organiser une plage de consultation réservée aux membres de l'Office, comme nous l'avons fait à la fin de l'année 2013 pour le rapport sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique, puis pour le rapport sur la filière hydrogène.
Cette méthode permet à chacun de prendre connaissance, dans de bonnes conditions, de travaux complexes afin de ne pas les découvrir seulement au début de notre réunion d'examen du rapport.
Par ailleurs, je vous signale que l'Office a déjà été saisi, officiellement ou encore officieusement, de nouveaux thèmes d'investigation s'inscrivant assez harmonieusement dans les problématiques prioritaires dont nous avons eu l'occasion de débattre à l'occasion de la réunion du Conseil scientifique en octobre 2013.
Toutefois, en dépit de l'excellente réputation des travaux de l'Office qui nous vaut un certain succès dans les demandes de saisine, nous risquons de buter, de plus en plus fréquemment, sur une difficulté d'ordre technique, à savoir le faible effectif des fonctionnaires affectés à notre délégation au Sénat.
Cette introduction n'a pas été, je l'espère, trop longue car je sais que le Premier vice-président est également impatient de vous présenter ses voeux ; je vais immédiatement lui céder la parole.
Je la donnerai ensuite à nos deux rapporteurs pour nous présenter leurs travaux sur la culture scientifique, technique et industrielle, thème qui est particulièrement cher à l'Office puisqu'il recoupe des préoccupations exprimées dans quasiment chacun de ses rapports.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président . Quelques mots seulement pour souhaiter une excellente année 2014 à nos collègues, et bon vent à l'Office pour la poursuite de ses travaux.
M. Jean-Pierre Leleux, sénateur, co-rapporteur . Comme M. Jean-Yves Le Déaut l'avait précisé lors de l'audition publique que nous avons organisée le 13 juin 2013 sur les perspectives de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), notre rapport répond bien à une attente même si de très nombreuses études l'ont précédé au cours ces trente dernières années.
En effet, la question de la diffusion de la CSTI est confrontée à un paradoxe récurrent. D'un côté, elle apparaît comme une idée neuve notamment chez certains scientifiques que nous avons rencontrés.
De l'autre côté - et c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles persiste l'impression de l'absence de progrès -, si la diffusion de la CSTI est certes considérée comme un enjeu de politique publique, qu'illustre par exemple l'inscription d'une dotation de 100 millions d'euros dans le programme des investissements d'avenir, cet enjeu ne semble toujours pas considéré à la hauteur de ce qu'il devrait être, à savoir une priorité nationale.
Or, certains faits - tels que les résultats des élèves français révélés par la dernière enquête PISA - mettent en évidence les défaillances de notre système éducatif, censé pourtant être l'un des principaux acteurs de la diffusion de la CSTI.
Devant ces constats, auxquels nous avons été confrontés tout au long de nos travaux, notre démarche, tout en étant modeste, a souhaité être efficace. Modeste, parce que, par souci de pragmatisme, nous proposons des recommandations pouvant s'inscrire dans un budget que nous savons contraint, tant pour l'État, les collectivités territoriales que pour tous les acteurs publics et privés impliqués dans la CSTI. Pour autant, nous n'avons pas renoncé à exprimer nos convictions et à formuler des propositions qui soient les plus concrètes possibles.
La première de ces convictions est qu'il importe désormais de parler au pluriel des cultures scientifique, technique et industrielle, à la fois pour marquer leurs spécificités respectives et mieux mettre en évidence qu'elles sont des composantes à part entière de la culture et non plus seulement des appendices des cultures littéraire et artistique.
La deuxième conviction est qu'à la notion traditionnelle de diffusion - qui renvoie à un mode de transmission verticale des connaissances des sachants vers les non-sachants - il convient de substituer celle, plus appropriée, de partage, laquelle figure d'ailleurs dans la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche et a été reprise par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il y a là une exigence politique de démocratisation du savoir et un objectif de cohésion sociale.
Dans la première partie de notre rapport, nous montrons que cette exigence et cet objectif ont inspiré les actions des différents protagonistes.
Dans une seconde partie, nous insistons sur l'urgence qu'il y a à donner une nouvelle impulsion aux politiques de CSTI.
Tant en France que dans les pays étrangers, les politiques de CSTI ont souhaité répondre à une double exigence : l'une qui vise à faciliter l'accès du plus grand nombre au savoir ; l'autre érige la CSTI en instrument de politique économique et sociale, et même en levier de la compétitivité, à l'exemple du rapport Gallois.
L'accès du plus grand nombre au savoir mobilise différentes catégories d'acteurs et de dispositifs, dont le rôle a été profondément modifié par la révolution numérique.
Il s'agit d'abord des acteurs de l'éducation dite informelle, c'est-à-dire celle dispensée en dehors des institutions scolaires et universitaires.
Malgré les difficultés financières auxquelles ces acteurs sont confrontés, notamment du fait du désengagement progressif de l'État, ils font néanmoins preuve d'une réelle vitalité et diversifient leurs sources de financement.
S'agissant des musées, qui sont les acteurs les plus anciens de la CSTI, le directeur du Musée d'histoire naturelle de Toulouse a souligné, lors de l'audition publique, que les musées avaient parfaitement su moderniser leur offre culturelle en y intégrant les problématiques d'actualité, telles que la biodiversité ou les changements climatiques.
Quant aux associations, le très dense maillage territorial que les plus grandes d'entre elles - comme les Petits Débrouillards, Planète Sciences ou le CIRASTI - sont parvenues à tisser, leur a permis de s'imposer comme des acteurs majeurs de la diffusion des CSTI. Ne se bornant pas à apporter un complément à l'éducation formelle, elles ont aussi contribué à la cohésion sociale, par exemple, en intervenant dans les quartiers défavorisés.
Enfin, les médias, qui constituent des outils de diffusion du savoir, sont sûrement sous-mobilisés, les cultures scientifique, technique et industrielle faisant souvent défaut à la formation des journalistes. D'où, comme les rapporteurs l'ont constaté lors de leurs auditions, la tendance à la frilosité à consacrer du temps aux sciences dans les médias, et la tentation du sensationnalisme.
Parmi les acteurs, les centres de culture scientifique, technique et industrielle sont représentatifs de certaines particularités qui ont marqué le développement des cultures scientifique, technique et industrielle en France. Comme les associations, ces centres ont contribué à l'ancrage territorial de ces cultures grâce, dans plusieurs régions, aux efforts conjugués du monde académique et des collectivités territoriales. Pour autant, il existe d'importantes inégalités entre ces centres qui, malgré leurs efforts, restent parfois inconnus du public.
Dans ce contexte, la création d'Universcience a été un facteur supplémentaire de déséquilibre et de tiraillements entre cette entité et les autres centres régionaux. Né de la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l'Industrie, décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, Universcience, par ses missions, est un acteur essentiel, en lien avec les acteurs de terrain, les systèmes éducatif et universitaire, la recherche, les médias et le monde industriel. Malgré certains résultats flatteurs - Universcience est le premier centre de sciences européen -, son statut et son rôle dans la gouvernance des CSTI ont été critiqués par plusieurs personnalités que vos rapporteurs ont auditionnées, notamment parce que, en tant que centre de sciences et distributeur des crédits, la structure était considérée comme juge et partie. Au demeurant, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche met fin à ce malentendu en transférant désormais aux régions la gestion de ces crédits, qui s'élèvent à 3,6 millions d'euros.
La révolution numérique a bouleversé le cadre dans lequel ces différents acteurs agissaient jusqu'à présent aux plans quantitatif et qualitatif.
Grâce à Internet, le public n'a jamais disposé d'autant d'informations aussi rapidement et gratuitement, à tel point que certains sociologues parlent d'un déluge informationnel.
Quant aux Massive Online Open Courses - cours en ligne ouverts et massifs, dits MOOCs qui permettent de mettre gratuitement à disposition sur Internet les cours des meilleures universités, l'un de leurs principaux avantages est de toucher plusieurs centaines de milliers, et même des millions, d'étudiants.
Sur le plan qualitatif, les exemples de Wikipédia ou de la biologie de garage montrent que, grâce à la révolution numérique, le public a la possibilité et le sentiment de participer à l'élaboration du savoir. Pour autant, cette révolution s'accompagne de fractures générationnelle, sociale et culturelle, lesquelles font obstacle à l'accès à ces ressources.
Pour ce qui est du système d'éducation formelle, la révolution numérique n'a pas manqué de bouleverser les rapports pédagogiques traditionnels en érodant le monopole du savoir que détenaient les enseignants, même si la valeur cognitive des technologies numériques s'avère limitée
En ce qui concerne les MOOCs , la première plateforme de cours en ligne (France Université numérique) est ouverte depuis fin octobre 2013 et les cours commenceront au début de l'année 2014.
L'institution d'un service public du numérique éducatif par la loi pour la refondation de l'école est un des aspects de l'adaptation du système éducatif à la révolution numérique.
Si celle-ci lui a imposé de l'extérieur des mutations, l'Éducation nationale a également procédé à une rénovation interne concernant l'apprentissage des sciences à travers l'expérimentation - dont La Main à la Pâte a été l'exemple emblématique -, et le développement du goût des sciences et de la technologie. L'éducation nationale s'est ainsi ouverte davantage sur l'extérieur à travers des partenariats en direction du milieu de la recherche, des industriels mais aussi des acteurs de terrain de la CSTI.
La démocratisation du savoir passe enfin par l'instauration d'un dialogue entre la science et la société, en vue de débats publics sereins. Même si cet objectif est loin d'être atteint, il n'en demeure pas moins la clé de la réussite du partage des savoirs, comme l'illustrent, au cours de ces dernières années, le développement par les instituts de recherche de leur communication sur leurs activités ou encore la multiplication des interfaces entre la science et la société, allant de la création de l'OPECST à celle du Haut conseil des biotechnologies, à l'instauration des conférences de citoyens ou encore au développement des sciences dites participatives, qu'encourage la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur . Le deuxième objectif majeur que se fixent les CSTI est celui de l'efficacité du système éducatif et de recherche, objectif devenu presque obsessionnel dans le contexte de concurrence exacerbée de la mondialisation.
Cet objectif vise d'abord à lutter contre l'échec scolaire et la promotion de la formation tout au long de la vie, dans un souci de cohésion sociale En second lieu, les systèmes éducatifs et les organismes de recherche ont visé à rechercher l'excellence, en raison du rôle joué par les classements internationaux et par l'Union européenne.
Le Programme international de suivi des acquis (PISA) dirigé par l'OCDE, pour ce qui est de l'enseignement scolaire, et le classement de Shanghai, pour l'enseignement supérieur, sont deux des classements les plus connus.
Les résultats à ces classements sont devenus, dans certains États, des éléments du débat public sur l'efficacité de leur système éducatif.
Aussi l'Allemagne a-t-elle connu ce que l'on y a appelé le Pisa Schock qui a incité les Länder à entreprendre des réformes et en particulier à envisager un assouplissement du système de sélection de l'entrée au lycée.
En ce qui concerne la France, Pisa a suscité des critiques, notamment sur la pertinence du classement et des tests utilisés. Mais, comme en Allemagne, les mauvais résultats enregistrés par la France depuis plusieurs années déjà donnent lieu à un large débat public, qui a d'ailleurs été pris en compte par l'annexe de la loi pour la refondation de l'école.
Pour ce qui est du classement de Shanghai, il suscite également des critiques, notamment parce qu'il ne prend pas en considération l'enseignement dispensé et les débouchés professionnels, ce qui a conduit Mme Geneviève Fioraso à encourager l'Europe à se doter de son propre système de classement appelé U-Multirank. Ce dispositif, dont la première édition interviendra au printemps 2014, reposera sur des critères relatifs à l'enseignement, aux formations à la recherche et à l'innovation.
Les États membres - la France avec les investissements d'avenir - ont pris diverses mesures pour développer la compétitivité de leur système de recherche. Pour sa part, dans la ligne de la stratégie de Lisbonne lancée en 2000, l'Union européenne renforce une telle orientation dans le programme appelé Horizon 2020. Couvrant la période 2013-2020, ce programme - doté de 70 milliards d'euros - a notamment pour objectif de renforcer l'excellence scientifique de l'Europe.
La seconde partie du rapport expose les motifs des recommandations et les cadres d'actions que nous avons souhaité proposer en vue, d'une part, d'améliorer le partage des savoirs et, d'autre part, de promouvoir une meilleure gouvernance des CSTI, tout en rappelant les dispositions concernant les CSTI contenues dans les lois sur la refondation de l'école et sur l'enseignement supérieur et la recherche.
Le premier point de nos recommandations vise à inscrire, de façon systématique et transversale, le partage des CSTI dans le système éducatif.
Ainsi, s'agissant de la formation des enseignants, clé de la réussite d'une pédagogie basée sur la promotion des CSTI, nous avons jugé nécessaire de l'inscrire dans leur formation initiale et continue en particulier dans celle des enseignants formés dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), qui ont été ouvertes lors de la rentrée de septembre 2013.
De même serait-il souhaitable qu'à tous les niveaux d'enseignement - de la maternelle à l'enseignement supérieur - le goût des sciences et de la technologie soit développé et entretenu à travers la systématisation de l'expérimentation, comme la pratiquent les Schülerlabor allemands, par exemple, et que les propositions de l'Académie des sciences concernant le développement de l'informatique soient mises en application.
Mais, dans un pays confronté au défi de la ré-industrialisation, il est également essentiel que les élèves soient sensibilisés au volet industriel des CSTI, à travers notamment l'instauration d'un module au collège et au lycée.
Améliorer le partage des savoirs, c'est aussi le rendre plus accessible au plus grand nombre. Or, notre système éducatif a connu, selon les termes des spécialistes, une démocratisation ségrégative ce qui vaut à la France d'être taxée de championne des inégalités dans les derniers résultats de Pisa. On peut également rappeler les chiffres de la Cour des comptes : en 2010, 18 % des élèves issus d'une classe défavorisée obtenaient un bac général contre 78 % des élèves issus d'une classe sociale favorisée.
Dans ce contexte doivent être menés le chantier de la lutte contre les inégalités sociales et les inégalités entre femmes et hommes.
Concernant la correction des inégalités sociales, nous émettons plusieurs propositions sur la sélectivité et le manque de porosité des filières au collège et au lycée, mais aussi sur l'orientation professionnelle : les filières techniques et professionnelles doivent être valorisées et les cultures scientifique, technique et industriel de tous les élèves renforcées.
Quant aux inégalités entre les femmes et les hommes, force est de noter que, malgré des avancées non négligeables qui ont permis la réussite scolaire des filles et des femmes, leur accès aux carrières scientifiques et techniques demeure limité. Alors que, selon l'OCDE, dans de nombreux pays, la majorité des diplômés de l'université sont des jeunes femmes, ce sont les hommes qui dominent largement la production scientifique dans la plupart des pays, et notamment dans les pays les plus influents et les plus prolifiques en science. L'étude publiée par Nature , le 11 décembre 2013, qui se penche sur l'ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes dans la recherche, conclut que « Chaque pays devrait attentivement identifier les micro-mécanismes qui contribuent à reproduire ce schéma ancien. Aucun pays ne peut se permettre de négliger les contributions intellectuelles de la moitié de sa population ». C'est pourquoi nous recommandons aux acteurs d'intéresser davantage les filles aux CSTI, d'introduire dans le cahier des charges des éditeurs de manuels l'obligation de s'abstenir de clichés sur les femmes et les hommes ou encore de conditionner une partie de la dotation aux universités et aux organes de recherche à la prise de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes les universités et les organes de recherche devant, à cette fin, présenter un rapport annuel.
Améliorer le partage des savoirs passe ensuite par le développement d'une culture du dialogue apaisé sur la science, la technologie et l'industrie, responsabilité que doivent assumer ceux qui détiennent le pouvoir - décideurs, médiateurs de la science et industriels - mais aussi les citoyens. À cette fin, les actions de médiation doivent obtenir une reconnaissance institutionnelle dans la carrière des chercheurs. Par ailleurs, nous proposons d'impliquer davantage les doctorants dans la médiation scientifique ou encore d'assortir toute subvention versée à un établissement d'enseignement supérieur et de recherche de l'obligation d'en affecter une fraction au financement de telles actions.
Concernant les médias, nous préconisons qu'un lieu ressource puisse être développé pour faire le lien entre les journalistes et les chercheurs, par exemple dans le cadre de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST). Par ailleurs, un portail Internet spécialisé regroupant l'ensemble des émissions scientifiques diffusées par les chaînes publiques pourrait par exemple être créé. Il serait également nécessaire que les futurs journalistes soient mieux formés aux spécificités des CSTI, et que dans cette perspective des modules de méthodologie et d'histoire des sciences et des techniques puissent être intégrés aux cursus des écoles de journalisme.
Il nous apparaît également important de réfléchir à ce que l'OPECST réitère et développe son expérience d'organisation des conférences de citoyens. Pour la participation du public, le niveau régional nous semble être un bon échelon. Nous proposons d'inciter les régions à instituer un lieu de débat permanent et un observatoire des sciences et des technologies.
S'agissant de la gouvernance, il importe de renforcer la coordination des politiques au plan national notamment en conférant désormais un rôle pilote au ministère en charge de la recherche, conformément au souhait - exprimé par de nombreux acteurs - de voir s'affirmer un État stratège. Par ailleurs, ce dernier doit s'appuyer sur les ressources et besoins locaux. Pour cela, nous proposons qu'une conférence annuelle rassemble l'Etat et les acteurs locaux afin de débattre des questions touchant à la stratégie des CSTI et d'échanger sur les bonnes pratiques.
Il faut également simplifier la gouvernance en séparant la présidence du Conseil national de la CSTI de la présidence d'Universcience et prévoir au sein de ce conseil une représentation plus importante des régions, des musées et du monde associatif. Il nous semble également important de conforter financièrement les têtes de réseaux, notamment dans leur rôle de coordination des acteurs et de mutualisation de leurs actions.
Par nos recommandations, nous avons tenté de répondre à la demande des acteurs d'une gouvernance nationale forte qui respecte leur autonomie et leur diversité, mais qui favorise la cohérence de leurs actions en leur permettant de mutualiser leur travail.
Nous avons aussi voulu insister sur le fait que faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle constituait un objectif politique majeur, dont on ne pourra faire l' économie sous peine de vider la notion de société de la connaissance de toute substance et de prendre le risque de mettre en péril l'impératif de cohésion sociale en creusant davantage le fossé entre sachants et non-sachants.
M. Bruno Sido, sénateur, président . Vous avez résumé un sujet très vaste dans votre rapport que je trouve très intéressant, car ce dont il traite est au coeur de la démocratie et de l'égal accès de tous au savoir.
Je souhaiterais évoquer, d'une part, la portée de la révolution numérique et, d'autre part, celle des classements internationaux.
La révolution numérique n'a-t-elle pas apporté autre chose qu'un vernis à ceux qui n'ont pu bénéficier du système d'éducation formelle ? Ces personnes peuvent-elles avoir accès à l'éducation formelle ?
S'agissant des classements internationaux, on peut y réagir de deux façons. Soit comme les Allemands, on les prend en compte en vue de procéder à des réformes. Soit, comme en France, on en invente d'autres. Mais est-ce la bonne méthode pour améliorer la diffusion de la CSTI par ceux qui sont en charge de l'éducation informelle, par exemple les journalistes qui ont pour mission de transmettre ? Tout en me demandant si ces professionnels ont tous une formation leur permettant de traiter des sujets scientifiques, je constate qu'ils parlent parfois à charge au sujet de certaines questions, telles que les OGM ou le gaz de schiste. Dès lors, se pose la question de savoir comment améliorer l'accès du plus grand nombre aux CSTI, dans des sociétés qui progressent à grande vitesse grâce aux sciences et aux technologies. À cet égard, je dois souligner que vous avez raison d'employer le pluriel en évoquant ces diverses cultures .
Mme Corinne Bouchoux, sénatrice . J'ai pu apprécier tout l'intérêt du rapport quant à la méthode et au fond. Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, la composition du groupe d'experts auprès des rapporteurs est-elle presque paritaire, tandis que sa problématique - transverse - intègre les questions sociales et les inégalités de genre, qui sont un sujet majeur.
L'analyse du rapport est fine et convaincante. Les propositions sont toutes positives et peuvent être mises en oeuvre, posant la question de fond du rôle essentiel des régions : se saisiront-elles de cet enjeu ?
Je souhaiterais que les rapporteurs puissent être auditionnés par la commission de la Culture du Sénat, qui travaille beaucoup sur les questions de CSTI et par la commission d'enquête sur les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE).
En tout état de cause, il faut que ce rapport soit diffusé, valorisé et serve d'outil de communication de l'OPECST.
Je voudrais évoquer un système en vigueur dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, qui permet aux personnes âgées de 28 ans, non titulaires du baccalauréat mais passionnées de sciences et de technologies, de devenir ingénieur. À cette fin, ces personnes disposent d'une année de mise à niveau scientifique.
Un système analogue - appelé maths0 - existait aussi en France à l'Université d'Orsay, mais il était réservé uniquement aux personnes voulant suivre des études de médecine. Le modèle du CNAM ne répond pas, selon moi, à toutes les demandes de vocations scientifiques et technologiques tardives.
C'est pourquoi, il convient de trouver un système qui, grâce aux propositions des rapporteurs, permettrait aux vocations tardives de déboucher sur une profession.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur. S 'agissant du vernis qu'apporteraient les technologies numériques à certaines personnes, on doit noter toutefois qu'il existe une envie de trouver et une curiosité qui permettent à des personnes n'ayant pu bénéficier de l'éducation formelle de se cultiver néanmoins. Au demeurant, des associations telles que le CIRASTI - collectif d'associations - mènent des actions d'éducation informelle dans les quartiers auprès de personnes qui ont été éloignées du système éducatif traditionnel, afin de les intéresser à la science de façon très expérimentale. Donc, il existe bien des moyens de raccrocher à l'éducation formelle des personnes qui ont pu en être éloignées.
Pour ce qui est des classements internationaux, je juge justifiées les remarques formulées par Mmes Fioraso et Pécresse sur le fait que le classement de Shanghai ne prend pas en compte les débouchés professionnels. Je trouve en effet dommageable qu'il se limite au nombre de publications, de médailles Fields et de prix Nobel.
En fait, ce classement a été créé pour permettre aux universités chinoises - en particulier, celle de Shanghai - de se comparer aux autres universités équivalentes, et non pour déterminer les conditions pour favoriser l'éducation à la science ou les vocations scientifiques.
M. Jean-Pierre Leleux, sénateur, co-rapporteur . Il convient de ne pas opposer éducation formelle et éducation informelle, car elles sont complémentaires dans le contexte actuel du développement du numérique, dont les enjeux sont transversaux dans les deux systèmes d'éducation.
Pour autant, faute d'expérience suffisante, les effets de cette mutation profonde du partage des connaissances ne seront visibles qu'au fil du temps. Nous soulignons dans le rapport qu'on ne peut se passer de l'éducation formelle. Car, aujourd'hui, le déluge informationnel suscité par Internet manque encore de repères et de régulation, qui permettraient à la bonne connaissance d'être diffusée.
En outre, la révolution numérique souffre d'un déficit de perception cognitive, de telle sorte qu'elle ne pourra jamais remplacer l'éducation formelle.
En ce qui concerne les médias, une grande partie du rapport traite du rôle que jouent les journalistes dans la diffusion des CSTI. Or, la grande ignorance des sujets chez une large majorité d'entre eux, favorise la tendance au sensationnalisme. Il en résulte que l'objectivité est absente de l'espace médiatique, sauf pour les rares exceptions de journalistes de revues spécialisées. C'est pourquoi, une de nos recommandations préconise la création d'une plate-forme-ressource entre monde scientifique et médias, pour favoriser progressivement une certaine prise de conscience de la nécessaire objectivité dans un monde mouvant et pour appeler les journalistes à la prudence lorsqu'ils traitent de polémiques.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur. Nous faisons une recommandation ouvrant la possibilité d'une « année blanche » en faveur des lycéens désireux de changer de filière. La proposition intéressante émise par Mme Corinne Bouchoux va toutefois au-delà.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président . Je voudrais également vous féliciter pour ce rapport très argumenté et documenté.
Je partage l'idée de substituer l'intitulé que vous proposez à celui, initial, de diffusion de CSTI.
Je souhaiterais évoquer cinq questions.
La première concerne le jugement - que je trouve diplomatique - que vous portez sur les rapports entre Universcience et les régions. Vous évoquez même leur amélioration, sans toutefois analyser les problèmes budgétaires, en particulier le montant des crédits accordés aux régions au regard du budget dont dispose Universcience. En effet, Universcience ne doit pas être uniquement une institution parisienne, mais aussi un acteur du développement des CSTI au niveau national. Grâce aux investissements d'avenir, des liens étroits ont pu se nouer entre Universcience et cinq autres centres régionaux. Estimez-vous que cette démarche expérimentale soit la seule voie qui permettrait l'amélioration des relations entre Universcience et les régions ou, que, au contraire, elle doit s'étendre à tous les centres régionaux ?
La deuxième question touche aux crédits consacrés aux CSTI, secteur qui reste le parent pauvre de la culture. Leur gestion est soumise à une double tutelle, dont celle du ministère de la culture. Les crédits qui sont alloués à ce dernier sont en baisse. D'autre part, les CSTI sont à la périphérie de ses préoccupations. Dans ce contexte, n'y a-t-il pas un risque à maintenir les crédits des CSTI au sein de ce ministère ? Ne serait-il pas préférable, compte tenu des objectifs assignés aux CSTI - tels que le développement des vocations d'ingénieurs et de la diffusion de la science - de rattacher plutôt ces crédits au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont le budget augmente et échappe à la rigueur budgétaire ?
En second lieu, les investissements d'avenir ont permis de sauver ou de développer certains projets, comme les maisons des sciences. Celles-ci, avec l'aide des Petits Débrouillards, dispensent une pédagogie entièrement nouvelle et bien meilleure que la pédagogie traditionnelle, comme j'ai pu le constater dans ma région. Ne devrait-on pas généraliser cette expérience, même si je suis conscient des coûts budgétaires qui en résulteraient ?
La troisième question a trait à l'organisation du débat public que vous avez beaucoup évoquée. Les propos de certaines personnalités que vous citez sont pessimistes. D'autres indiquent qu'il n'existe pas de bon exemple de débat public, ce qui, selon moi, n'est pas vrai.
Je suis réservé quant à la recommandation sur la possibilité de confier à l'OPECST le soin d'organiser des conférences de citoyens. En effet, il s'agit d'une procédure lourde, même si je trouve que la conférence que l'Office a organisée sur les OGM en 1998 a très bien fonctionné.
En revanche, les débats publics organisés par la Commission nationale du débat public (CNDP), qui sont une procédure encore plus lourde, ont montré leurs limites sur certains sujets. Pour autant, c'est moins la CNDP qui est en cause, que le fait que, lors de certains débats, des intervenants ont tenté de faire prévaloir leur vérité et leurs certitudes. De fait, il est difficile d'organiser des débats, lorsqu'existent de tels clivages idéologiques.
Ma quatrième interrogation concerne les moyens d'élaborer des politiques de long terme, alors que la recherche et la science s'inscrivent dans des temps longs, à la différence des décisions politiques qui visent à l'obtention de résultats rapides.
Enfin, si les semaines d'évaluation et de contrôle de l'application des lois organisées dans les assemblées sont une très bonne chose, ne serait-il pas utile qu'une partie de ces séances soit organisée de façon systématique sur un thème abordé par l'OPECST, puisque l'évaluation fait partie de ses missions ?
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur . Nous souhaitons qu'un décret du Premier ministre impartisse aux ministres l'obligation de désigner des référents pour les CSTI et que la tutelle de ces derniers soit assurée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, même si je ne suis pas sûre que de telles mesures puissent être mises en oeuvre.
M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président . Au moins, faudra-t-il poser la question budgétaire.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur . S'agissant des maisons des sciences, nous avons suggéré que les collectivités territoriales soient impliquées dans leur administration, de façon à créer une synergie avec les projets élaborés par les régions.
Sur l'évaluation, je souhaiterais savoir s'il serait possible que, en cas d'adoption des recommandations, celles-ci fassent l'objet d'une évaluation pour l'Office dans un an ?
M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président . J'envisage la même chose pour le rapport sur l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques que j'ai présenté il y a deux ans.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur . En ce qui concerne la dimension très parisienne d'Universcience, ce reproche a été fréquemment formulé lors de nos auditions et souligne la nécessité de revoir les conditions de son action. Quant aux crédits attribués aux régions, ils s'élèvent à 3,6 millions d'euros et ceux d'Universcience à près de 110 millions d'euros.
M. Jean-Yves Le Déaut, députée, premier vice-président . Il existe donc bien de très importants déséquilibres budgétaires, ce qui confirme mon jugement selon lequel votre approche a été empreinte de diplomatie.
M. Jean-Pierre Leleux, sénateur, co-rapporteur . Au cours de nos auditions, nous avons ressenti le besoin d'une plus grande visibilité de la stratégie de l'État. D'où le besoin d'un pilote, qui se substitue à une pluralité d'acteurs se trouvant en concurrence les uns avec les autres.
Quant au mouvement brownien du monde associatif, il révèle beaucoup d'énergie et de passion malgré de très faibles moyens. Cette différence avec Universcience - très critiqué du fait de son organisation et de sa captation d'une grande partie des crédits - rend nécessaire une nouvelle répartition des moyens. Vont dans ce sens certaines mesures telles que le transfert des crédits des CSTI.
Nous n'apportons pas de réponse à la question de savoir s'il faut généraliser des expériences régionales ou s'il faut favoriser des régions pilotes. Compte tenu des inégalités que nous avons constatées, il importerait que des synergies soient déployées au niveau régional.
Pour ce qui est du réseau associatif, il est extrêmement actif et capillaire en matière d'information au niveau communal. Il convient de le privilégier, la labellisation que nous proposons devant permettre d'établir des relations de confiance entre les associations et les élus.
En ce qui concerne la discordance entre le temps de la science et celui de la décision politique, j'observe que la société évolue lentement et que le temps politique se déploie dans un horizon très court. Il faudrait dynamiser le temps sociétal et ralentir un peu le temps politique. Au demeurant, une recommandation prévoit progressivement la sensibilisation du monde politique aux CSTI.
Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée . Le rapport a l'immense mérite d'exister et d'être très complet. L'accent mis sur l'éducation est premier.
Pour autant la relation à l'expérimentation aurait mérité d'être plus développée dans la deuxième partie, en ce qui concerne en particulier les actions entreprises par les Petits Débrouillards et la Main à la Pâte, qui ne sont plus relayées aujourd'hui que par des militants associatifs ou pédagogiques tentant de survivre péniblement avec des moyens dérisoires.
Nous sommes un pays scientifique - ce qu'il importerait de réaffirmer - connu pour ses scientifiques, ses laboratoires et ses universités de très haut niveau. Or, je suis interpellée par le fait que, vingt ans après la révolution numérique, l'on en soit encore à se poser la question de la place de l'informatique dans l'enseignement. Que l'on en soit à user du terme américain de MOOCs conduit à se demander pourquoi le corps social français s'est aussi peu approprié économiquement, industriellement, politiquement la place de l'informatique et du langage binaire que nous utilisons quotidiennement dans le moindre de nos appareils. La France aurait dû le faire à la fin des années 1980, lors de l'apparition du Wifi.
Vous insistez beaucoup, dans vos premières recommandations, sur la place de l'informatique dans l'enseignement, comme si cet enseignement - celui d'un langage plus que d'une science - devenait une priorité. Ne s'agit-il pas plutôt de vivre que d'enseigner l'informatique ? Ne risque-t-on pas de créer dans la classe de quatrième un enseignement particulier qui serait séparé de l'enseignement des technologies ? Celui-ci étant dispensé par des professeurs qui parviennent à motiver les élèves, ne serait-il pas l'interface dont ont besoin les jeunes de 10 à 15 ans ?
C'est pourquoi, je suis assez réticente vis-à-vis de votre proposition visant à généraliser l'enseignement de l'informatique à tous les niveaux, de la maternelle aux classes préparatoires.
Le vrai sujet prioritaire n'est-il pas la capacité à mettre de la matière - ce que j'appellerai la pâte à la main - dès l'école maternelle ? À cet égard, la recommandation insistant sur la nécessité de juger les élèves des ESPE sur leur capacité à expérimenter est importante. Or, dans tous les programmes, l'intellect est privilégié, alors que, dans le passé, les concours et les examens comportaient des épreuves d'expérimentation. Il convient, dès lors, d'insister sur la capacité à expérimenter et d'éviter de donner l'impression que l'informatique serait une discipline particulière.
En revanche, j'apprécie le lien que vous établissez entre art, science et technique.
Il convient de mettre de nouveau en vigueur l'idée de projet des élèves - et ce, dès le collège - donnant lieu à une évaluation par des professeurs de disciplines différentes, une idée oubliée, alors qu'elle fait partie de notre tradition.
S'agissant de votre recommandation érigeant les CDI en référents des CSTI, elle posera, selon moi, un problème de recrutement.
Enfin, en ce qui concerne la Fête de la science, il importe de réaffirmer qu'elle est une politique publique de l'État non pas optionnelle mais obligatoire.
Pour conclure, ce rapport exprime tout ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent.
M. Bruno Sido, sénateur, président . Au demeurant, je note qu'il comporte 79 recommandations.
M. Roland Courteau, sénateur . La formation tout au long de la vie, qui ne semble pas avoir connu beaucoup de succès, intègre-t-elle la CSTI ?
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur . Nous le proposons dans une recommandation.
M. Bruno Sido, sénateur, président . Je mets aux voix le nouvel intitulé du rapport : « Faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle ».
Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée . Il conviendrait d'ajouter in fine : un enjeu !
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteur. Il s'agit plus d'un impératif que d'un enjeu. C'est pourquoi je proposerais : « Un impératif : faire connaître et partager les cultures scientifique, technique et industrielle ».
Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée . C'est bien.
M. Bruno Sido, sénateur, président . Le rapport et son nouvel intitulé sont adoptés à l'unanimité. »
COMPOSITION DU COMITÉ DE PILOTAGE
- M. Bernard Alaux , directeur de Cap Sciences (Bordeaux Aquitaine) ;
- M. Patrick Baranger , président du réseau Hubert Curien (Lorraine) ;
- M. Rémi Barré, professeur au Cnam ;
- M. Jean-Michel Besnier , philosophe des sciences, professeur à l'Université Paris IV-Sorbonne ;
- Mme Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, directrice de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST) ;
- M. Richard-Emmanuel Eastes, fondateur du groupe Traces (association effectuant des actions de CST), affilié à l'École normale supérieure, directeur du musée Espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes au sein de l'ESPCI ParisTech ;
- M. Georges Mercadal, ancien président de la Commission nationale du débat public, président d'une instance de dialogue avec la société civile au sein de l'ANSES ;
- Mme Aline Richard, directrice de la rédaction de La Recherche ;
- Mme Sylvia Serfaty, chercheuse en mathématiques, professeure à l'Université de Paris VI, Prix Henri Poincaré 2012 ;
- Mme Marjolaine Vernier, ingénieure au CNRS, chercheuse à l'ENS Cachan.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
1. Auditions en France
Déplacement à Grenoble, 28 février 2013
- M. Michel BELAKHOVSKY, vice-président, ancien physicien du Synchrotron de Grenoble ;
- M. Patrice CHASTAGNER, administrateur, membre du bureau, représentant le « I » de CSTI ;
- M. Laurent CHICOINEAU, directeur du CCSTI de Grenoble, professeur associé à l'Université Stendhal ;
- M. Patrice SENN, président, ex employé de France Telecom ;
- M. Morad BACHIR-CHÉRIF ;
- Mme Marie-Christine BORDEAUX, enseignante-chercheure en sciences de l'information et de la communication à l'Université Stendhal, VP Culture au PRES ;
- M. Joël CHEVRIER, professeur de physique, en charge de la CST à l'Université Joseph Fourier ;
- M. Abderramane DJELLAL ;
- M. Patrick FERRAND, IA-IPR SPC, doyen des IPR, Rectorat de Grenoble ;
- M. Claus HABFAST, responsable de la communication, ESRF ;
- M. Michel IDA, directeur du programme Innovation Ouverte, CEA ;
- Mme Pascale NATALINI, responsable de la communication, CNRS Alpes ;
- M. Olivier NOBLECOURT ;
- M. Jean-René ODIER, DGA développement économique, Grenoble-Alpes Métropole ;
- M. Joseph SERGI, principal du collège Lucie Aubrac, Grenoble Villeneuve.
2. Déplacement à Berlin, 17-18 avril 2013
Personnalités françaises rencontrées par les rapporteurs
- M. Matthieu WEISS, conseiller pour la science et la technologie de l'ambassade de France à Berlin ;
- Mme Marie de CHALUP, attachée au service de la science et de la technologie.
Personnalités allemandes rencontrées par les rapporteurs
17 avril 2013
- Mme Heidegard MATTHIES, sociologue, chercheuse au Sozial-wissenchaftszentrum de Berlin ;
- M. Harmut WETWETZER, journaliste scientifique au Tagesspiegel .
18 avril 2013
- M. Ulrich SCHELLER, directeur du Schülerlabor « Gäsernes Labor », Max Delbrück Zentrum, Berlin ;
- Mme Eva MOUNEY, responsable au Bundesministerium für Bildung und Forschung (ministère fédéral de l'éducation et de la recherche) de l'année scientifique sur le thème de la démographie, et M. Christian HERBST, son assistant ;
- M. Markus WEISSKOPF, président de WiD (Wissenschaft im Dialog).
3. Visioconférence au ministère des affaires étrangères avec l'ambassade de France à Londres, 8 octobre 2013
Acteurs de terrain
- Mme Gail CARDEW, Royal Institution, Director of Science and Education ;
- Mme Annette SMITH, Association for Science Education (ASE), Chief Executive ;
- Mme Heather MAYFIELD, Science Museum, Deputy Director.
Gouvernance de la CSTI
- Mme Cate HASNAIN, Head of Skills and Profession Development,
GO-Science ;
- Mme Chloe SHEPPART, Researchers' Engagement, WT;
- Mme Claudine ANDERSON, Public Engagement-Policy Manager, RCUK.
Acteur du monde académique et de la recherché
- Dame Julia HIGGINS, Fellow, génie chimique, Royal Society.
4. Auditions des rapporteurs
Mercredi 12 décembre 2012
- M. Rémi BARRÉ, professeur au CNAM ;
- M. Marco ZITO, physicien de particules au CEA, Saclay.
Mardi 18 décembre 2012
- Mme Hélène MÉJEAN-CHALOPIN, directrice de la communication de l'Union des industries chimiques, accompagnée de Mme Danièle Olivier, vice-président de la Maison de la chimie ;
- M. Jean-Claude GUIRAUDON, président du CIRASTI.
Mercredi 19 décembre 2012
- M. Rémi BARRÉ, professeur au CNAM ;
- M. Jean-Michel BESNIER, professeur à l'Université Paris IV-La Sorbonne ;
- Mme Marie-Françoise CHEVALLIER-LE GUYADER, directrice de l'IHEST ;
- M. Richard-Emmanuel EASTES, responsable du groupe TRACES ;
- M. Georges MERCADAL, ancien vice-président de la Commission nationale du débat public ;
- Mme Sylvia SERFATY, prix Henri Poincaré (2012), professeure à l'Université Paris VII ;
- Mme Marjolaine VERNIER, ingénieure à l'ENS Cachan.
Mardi 15 janvier 2013
- M. Jean-Pierre LEDEY, président de Planète Sciences.
Mardi 22 janvier 2013
- Mme Marie-Pauline GACOIN, vice-présidente de Sciences Essonne, représentante de Synchrotron Soleil, Mme Cécile LANGLOIS, secrétaire, représentante des Petits Débrouillards, et M. Louis SANGOUARD, Trésorier.
Mardi 5 février 2013
- Mme Claudie HAIGNERÉ, ancienne ministre, présidente d'Universcience, accompagnée de Mmes Laure CHÉMERY, chargée des affaires territoriales et internationales, et Laure MONTASSAR, chargée des relations institutionnelles.
Mercredi 6 février 2013
- M. Eric DEBARBIEUX, délégué ministériel en charge de la prévention et de la lutte contre la violence scolaire.
Mercredi 13 février 2013
- M. Marc LIPINSKI, directeur de recherche au CNRS.
Mardi 19 février 2013
- M. Philippe LAZAR, ancien directeur général de l'INSERM, président de la SAPADE (Société des amis du Palais de la Découverte).
- M. Didier MICHEL, directeur de l'AMCSTI (Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle), accompagné de M. Philippe GUILLET, président.
Mardi 26 février 2013
- M. Bernard ALAUX, directeur de CAP Sciences ;
- M. Lionel LARQUÉ, directeur-adjoint, association « Les Petits Débrouillards », Alliance sciences-société ;
- M. Pierre LÉNA, président de La Main à la Pâte, membre de l'Académie des Sciences ;
- M. Guy KECKHUT, directeur adjoint du CNAM-Lorraine, coordinateur du réseau Hubert Curien.
Mercredi 27 février 2013
- Mme Valérie LALLEMAND, chargée de
recherches à l'INSERM, présidente de l'association
« l'Arbre des connaissances », et Mme Morgane
LE BRAS,
vice-présidente de l'association « l'Arbre des
connaissances », enseignante-chercheure ;
- M. Yves LICHTENBERGER, directeur du programme « emploi et égalité des chances » au Commissariat général d'investissement, accompagné de Mme Alice HADEU, responsable du programme « emploi et égalité des chances » à l'ANRU (opérateur désigné).
Mardi 19 mars 2013
- M. Marc BOISSONNADE, directeur de l'association Fondation 93 ;
- M. Sylvestre HUET, président de l'Association des journalistes scientifiques et de la presse d'information (AJSPI).
Mardi 2 avril 2013
- Mme Astrid BRANDT-GRAU, chef du département de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la technologie, service de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation au ministère de la culture et de la communication , et M. Grégoire POSTEL-VINAY, chef de la mission stratégie au ministère du redressement productif.
Mardi 23 avril 2013
- M. Jean-François BALAUDÉ, président de l'université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, représentant de M. Jean-Loup SALZMANN, président de la Conférence des présidents d'Universités, et de M. Gérard PIGNAULT, directeur de CPE Lyon et président de la Commission Recherche de la CGE, représentant de M. Pierre TAPIE, président de la Conférence des grandes écoles, et M. Arnaud ZOHOU, directeur du CCSTI La Rotonde, École des mines de Saint-Étienne.
- M. Albert FERT, Prix Nobel de physique (2007) ;
- M. Matthew HOULIHAN, Regional Manager - Europe, West|UK Science & Innovation Network, ambassade du Royaume-Uni, accompagné de Mme Fionna FOX, directrice du Science Media Center.
Mardi 28 mai 2013
- membres du comité de pilotage : M. Bernard ALAUX, M. Jean-Michel BESNIER, Mme Marie-Françoise CHEVALLIER-LEGUYADER, M. Georges MERCADAL et Mme Marjolaine VERNIER ;
- M. Jean-Claude ROYNETTE, président Scientipôle Savoirs & Société, président de « Diagonales », assisté de Mme Sylvie RETAILLEAU, MM. Jean-Marc CHOMAZ, Gianni GIARDINO et Christian JACQUEMIN.
Mercredi 19 juin 2013
- Mme Louise DURANDIN, présidente de l'Association francophone pour le savoir (AFCAS), et Mme Esther GAUDREAULT, directrice générale ;
Mercredi 16 octobre 2013
- M. André BRAHIC, astrophysicien, CEA ;
- Mme Nayla FAROUKI, historienne et philosophe des sciences, conseillère scientifique au CEA.
Mercredi 30 octobre 2013
- Mme Marie-Christine BLANDIN, sénatrice, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.
ANNEXES
ANNEXE I : LISTE DE RAPPORTS PORTANT SUR LA DIFFUSION DES CULTURES SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE
Date |
Titre |
Commanditaire |
Auteurs |
1979 |
Rapport pour la création du Musée national des sciences de la technique et de l'industrie (MNSTI) |
Présidence de la République |
Maurice Lévy |
1981 |
Discours de clôture Chevènement |
Gouvernement |
Jean-Pierre Chevènement |
1981 |
CST et aménagement du territoire |
Premier ministre |
Yves Malécot |
1985 |
Rapport pour le développement des CCSTI |
Gouvernement et ministère de la recherche et de la technologie |
Bernard Maitte |
1989 |
Créer et diffuser de la CST |
Gouvernement et ministère de la recherche et de la technologie |
Bernard Maitte |
(...) |
|||
2001 |
La CSTI en 2001, constats pour agir |
EP-CSI |
Real Jantzen |
2002 |
Désaffection des étudiants pour les études scientifiques |
Ministre de l'éducation nationale |
Guy Ourisson |
2002 |
« Société du Savoir et Citoyenneté » |
CES |
Collectif |
2003 |
Rapport de la commission du Sénat |
Sénat |
Marie-Christine Blandin et Ivan Renar |
nov. 2003 |
Développement et diffusion de la CST, un enjeu national |
Premier ministre |
Emmanuel Hamelin |
2004-2005 |
Plan national pour la CST |
Gouvernement |
Jean-Jacques Agaillon et Claudie Haigneré |
2006 |
Évaluation des CCSTI, pour une labellisation |
Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) |
Chaumier et Moreno |
fév 2010 |
Communication d'informations scientifiques et médicales et société : enjeux éthiques |
Comité consultatif national d'éthique (CCNE) |
Pascale Cossart et Patrick Gaudrey |
fév 2012 |
La diffusion de la culture scientifique : bilan et perspectives |
Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche |
IGAENR |
fév 2012 |
20 propositions pour renforcer notre partenariat et redonner aux jeunes le goût des sciences et des techniques |
Ministre de l'éducation nationale |
Claudie Haigneré |
fév 2013 |
La gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle |
Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat |
Marie-Christine Blandin et Jacques-Bernard Magner |
Source : Olivier Las Vergnas, L'institutionnalisation de la culture scientifique et technique, un fait social français (1970-2010), Revue Savoirs 2011.
ANNEXE II : LES MÉDIAS, LA SCIENCE ET LA TECHNONOLOGIE EN FRANCE, AU ROYAUME-UNI ET EN ALLEMAGNE
1. La science sur France Télévisions en 2013 (295 ( * ))
Liste des programmes de culture scientifique diffusés sur les antennes de France Télévisions entre janvier et mai 2013
FRANCE 2
Documentaires
- Afrique sauvage (copro. BBC)
Diffusion : le 01/01/2013 en Sl
Auteur : Mike Gunton
Résumé : Les yeux dans les yeux avec la faune sauvage, ce documentaire révèle les invraisemblables défis auxquels chaque animal doit faire face, leurs surprenantes solutions aux problèmes quotidiens, qui parfois font écho à nos propres comportements. Ainsi, l'Afrique est notre patrie ancestrale, celle qui nous a tous façonnés.
- J'ai marché sur la Terre (au Zimbabwe et en Nouvelle Calédonie)
Diffusion : le 16 mars et le 24 mars 2013 dans la case Grandeurs Nature
Auteur : Mathieu Vidard
Résumé : Aux quatre coins de la planète des chercheurs enquêtent, démontrent, analysent et parfois découvrent. Avec Mathieu Vidard, nous vous proposons de revisiter ce monde particulier de la recherche scientifique en milieu naturel en rencontrant ceux qui oeuvrent autour d'une même thématique sur le terrain.
- De la drogue dans nos assiettes
Diffusion : le 26 mars 2013 en 2ème partie de soirée case Infrarouge
Auteurs : Sylvie Deleule et Rémy Burkel
Résumé : 80 % des aliments que nous consommons sont transformés dans une sorte d'immense cuisine centrale, gérée par des multinationales de l'agro-alimentaire... Dans ces laboratoires mondialisés, les produits sont transformés, lyophilisés, prêts à l'emploi... Dans tous ces aliments, on retrouve invariablement les mêmes ingrédients chimiques à base de molécules de synthèse, d'additifs, arômes, colorants, conservateurs, émulsifiants, etc .
Magazines
- Les pouvoirs extraordinaires du corps humain (2ème n°)
Diffusion : 21/05/2013 en prime
Présentation : Michel Cymès et Adriana Karembeu
Résumé : Adriana Karembeu et Michel Cymes explorent à nouveau les pouvoirs extraordinaires du corps humain. Les voici en Tanzanie, dans le berceau de l'Humanité, à la recherche de la part animale en chacun de nous. Un voyage initiatique qui leur réservera bien des surprises, des émotions et qui les plongera dans un décor exceptionnel, au coeur de la vie sauvage, où ils croiseront des centaines d'animaux en liberté. Une émission de découverte pour toute la famille, au cours de laquelle ils s'interrogeront sur ce qui nous rapproche et nous sépare des animaux
- Complément d'enquête / Mémoire : j'ai tout oublié !
Diffusion : 17/01/2013 en S2
Présentation : Benoît Duquesne
Résumé : Hélène, Stéphane, Sarah, trois histoires, trois mémoires défaites, abîmées. Complément d'enquête se penche sur ces mémoires en morceaux, sur ceux qui les réparent, sur ces aventuriers qui explorent le cerveau pour en trouver les clefs.
- Certains reportages dans Envoyé spécial :
- Drogues de synthèse : la nouvelle menace (diffusé le 04/04/2013)
K1, Orgazmo, C-Gwiz, Librex, Chronic pops, Mayan dream, ces noms sont encore inconnus du grand public mais sur internet, ils désignent de nouvelles drogues ! Depuis quelques mois, elles sont vendues sur la toile dans des paquets semblables à ceux de chewing-gums. Ces nouvelles substances changent de composition moléculaire tous les 6 mois et prennent de vitesse les services en charge de classer les nouveaux stupéfiants, ce qui rend difficile leur interception par les douanes françaises.
- Télématin
Diffusion : quotidienne (matin)
Présentation : William Leymergie
Résumé : avec ses nombreuses rubriques, parmi lesquelles « sciences» ou encore « santé/médecine », l'émission quotidienne rend compte de l'actualité des sciences et des avancées de la recherche.
FRANCE 3
Documentaires
- Le mystère des jumeaux (Rd)
Diffusion : le 21 janvier 2013 en prime
Auteur : Nils Tavernier
Résumé : Nils Tavernier a accompagné un couple français dans l'aventure d'une grossesse gémellaire. Les parents découvrent que les liens qui unissent les futurs enfants apparaissent déjà bien avant leur naissance. Les deux bébés montrent d'étonnantes similitudes de comportement. Quel est le secret des jumeaux ? Sont-ils des êtres à part ? Ont-ils un destin particulier ? Ils sont un formidable terrain d'étude et d'observation pour les scientifiques mais, avant tout, ils amènent à réfléchir sur l'altérité et la fraternité.
Magazines
- C'est pas sorcier
Diffusion : le samedi à 10h50
Présentation : Jamy Gourmaud, Sabine Quindou et Frédéric Courant.
Magazine de vulgarisation scientifique à destination de toute la famille.
Résumé : le magazine qui décrypte la science pour mieux la mettre à la portée de tous est aujourd'hui l'une des émissions les plus appréciées des téléspectateurs, toutes générations confondues. Avec une technologie de pointe, l'équipe de C'est pas sorcier continue d'être sur le terrain, de réaliser des démonstrations très visuelles, de multiplier les rencontres et de nous guider au coeur de sujets toujours aussi variés.
À partir de l'été prochain, C'est pas sorcier organise Le Science Tour , en partenariat avec Les petits débrouillards et en collaboration avec France Télévisions Distribution et le site internet francetv éducation : il s'agit d'un dispositif itinérant et numérique constitué de bus et de différents outils pédagogiques (des expositions, des ateliers, un site Internet participatif, sciencetour.org, et un concours national ouvert à tous), permettant de rendre les sciences accessibles à tous à partir de 8 ans, tout en s'amusant. À compter de cet été, puis sur tout l'année, douze minibus sillonneront la France à la recherche des scientifiques de demain, et à la rencontre des publics, dans les quartiers urbains mais aussi sur la place des villages.
Par ailleurs, depuis le mois de mai 2013, C'est pas sorcier se décline en magazine papier, avec une sortie trimestrielle.
- Météo à la carte
Diffusion : quotidienne (après-midi)
Présentation : Marine Vignes et Laurent Romejko
Résumé : émission qui présente les conditions climatiques et s'attache à faire comprendre l'impact de la météo sur la santé, la nature, l'histoire mais aussi sur la vie quotidienne.
L'émission est amenée à traiter régulièrement de sujets scientifiques : A quoi sert une soufflerie climatique (08/02), Comment se forme une tempête (26/02), Des dinosaures dans le jura (14/03), Étudier le réchauffement climatique (15/04)
- Le monde d'après / Les mystères du cerveau
Diffusion : le 06 mai 2013 en prime
Présentation : FOG
Résumé : Depuis quelques années, la connaissance du cerveau a fait des progrès considérables. Franz Olivier Giesbert décrypte ces avancées avec des experts.
- les reportages à caractère scientifique de Thalassa :
- 3 portraits de scientifiques de 30' chacun dans 3 n° spéciaux de 110', La Polynésie au coeur (18 janvier), Les petites i1es de méditerranée (8 février) et Partir (8 mars).
- Lorien et les manchots (portrait d'une jeune chercheuse déterminée à sauver le manchot du Cap) dans le n° du 1er février.
- Les énergies bretonnes (éolienne et énergie de la houle et des marées) dans le n° du 15 février.
- On tremble à Istanbul (sur la menace d'un séisme en Turquie) dans le n° du 29 mars.
- Le choix du Sud sujet Plongée sur la Lune (plongée sur une épave avec le DRASM) et Cache cachalots (étude scientifique des cétacés en méditerranée) dans le n° du 12 avril.
- Contre la mer (dispositifs de digues pour prévenir inondations) dans le n° du 19 avril.
- sujet Les inconnus des grands fonds (scientifiques qui vont sur des plateformes pétrolières pour découvrir de nouvelles espèces) dans le n° du 10 mai.
FRANCE 4
Documentaires
- Le mystère des jumeaux (Rd)
Diffusion : le 23 avril 2013 à 22h15, le 30 avril à 23h54, le 4 mai à 18h30
Auteur : Nils Tavernier
Résumé : Nils Tavernier a accompagné un couple français dans l'aventure d'une grossesse gémellaire. Les parents découvrent que les liens qui unissent les futurs enfants apparaissent déjà bien avant leur naissance. Les deux bébés montrent d'étonnantes similitudes de comportement. Quel est le secret des jumeaux ? Sont-ils des êtres à part ? Ont-ils un destin particulier ? Ils sont un formidable terrain d'étude et d'observation pour les scientifiques mais, avant tout, ils amènent à réfléchir sur l'altérité et la fraternité.
- Le jeu de la mort (Rd)
Diffusion : le 20 janvier 2013 à 22h30 et le 30 janvier 2013 à 22h30
Auteurs : Christophe Nick et Thomas Bornot
Résumé : Le Jeu de la mort est un documentaire mettant en scène un faux jeu télévisé durant lequel un candidat doit envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes à un autre candidat, jusqu'à des tensions pouvant entraîner la mort. La mise en scène reproduit l'expérience de Milgram réalisée initialement aux États-Unis dans les années 1960 pour étudier l'influence de l'autorité sur l'obéissance.
FRANCE 5
Documentaires
• Séries phares :
- Au coeur du cosmos (4x50' - série scientifique produite par la BBC qui aborde les grands principes des lois universelles : le temps, la lumière, la gravitation et la matière).
- L'extraordinaire voyage de la terre (3x52' - série coproduite par BBC/Discovery qui permet de découvrir les conséquences de la rotation de la Terre sur les climats et la vie).
- Superstructures (cette série propose un tour du monde des constructions les plus ambitieuses et les plus spectaculaires de la planète. Épisodes déjà diffusés en 2013 : Le studio 804 / L'arche écologique / Les jardins de la baie de Singapour).
- Superstructures Evolution (6x45' - série documentaire coproduite par National Geographic Television/Windfall Film qui retrace l'évolution technologique des constructions ou inventions au fil des siècles, comme celle des télescopes, des barrages ou des dômes).
• Mais aussi de nombreux unitaires
:
- L'histoire ne tient qu'à un cheveu (Un biologiste de l'évolution, qui étudie une civilisation aujourd'hui disparue, les Saqqaq, vivant aux confins du Groenland, explore l'ADN de cheveux âgés de plus de quatre mille ans détenus par le musée national du Danemark).
- L'homme du Turkana (Un paléoanthropologue kenyan fouille depuis quarante ans le sol du bassin du lac Turkana pour comprendre les origines et les évolutions de l'Humanité).
- Les mystères du soleil (le fonctionnement du Soleil et l'origine de l'énergie solaire).
- Quand le climat s'emballe (l'origine des changements climatiques que connaît actuellement notre planète et les actions menées par les météorologistes pour prévenir les prochaines catastrophes naturelles).
- Tara Océans, voyage aux sources de la vie (Régulièrement, les océans sont secoués de grandes explosions de vie appelées 'bloorn'. Une équipe scientifique embarque à bord du voilier Tara et se lance à la poursuite des explosions. Le voyage commence en France et les mène au coeur de l'océan Indien).
- Françoise Barre-Sinoussi, un prix pour la vie dans la collection Empreintes : portrait de la chercheuse en virologie qui a participé à la découverte du VIH à l'origine du sida lorsqu'elle faisait partie, à l'Institut Pasteur, de l'équipe de Luc Montagnier.
Magazines
- On n'est pas que des cobayes
Diffusion : chaque vendredi à 20h35 depuis octobre 2011
Présentation : Agathe Lecaron, Vincent Chatelain et David Lowe.
Résumé : Magazine d'expérimentation scientifique.
Le dispositif interactif du programme, On n'est pas que des cobayes : les défis a obtenu le Prix du Public, catégorie Web-Jeunesse au Web Program-Festival lnternational de La Rochelle 2013 (26 au 29 Mars 2013)
- Le magazine de la santé
Diffusion : tous les jours à 13h35
Présentation : Michel Cymes et Marina Carrère d'Encausse
Résumé : Magazine quotidien et en direct consacré à la santé.
La rubrique Le journal de la santé traite de l'actualité médicale et notamment de l'actualité de la recherche médicale et des avancées scientifiques concernant le cerveau, des maladies telles que le cancer, le sida... etc .
Notons que le 10 mai dernier, Le magazine de la santé proposait un numéro spécial sur le cerveau, en partenariat avec l'ICM, l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière à Paris, qui compte le plus grand nombre de neuro-chercheurs au monde. C'était l'occasion pour l'équipe du Magazine de la santé de faire le point sur l'état de la recherche, en présence de nombreux chercheurs (Pr Stéphane Lehéricy, Laurence Lanfumey, Pr Gérard Saillant, Laurent Cohen).
Animation
- Sid, le petit scientifique (66x23')
Diffusion : dans le bloc Zouzous du matin (6h45-8h45)
Développée par le studio américain The Jim Henson Company, ce programme a pour but de promouvoir l'apprentissage de la science auprès des enfants en les encourageant à développer leur curiosité naturelle pour le monde qui les entoure.
Résumé : Sid, jeune garçon curieux de tout, est passionné de science. Chaque jour, il retrouve à l'école ses deux copines, Gabrielle et Marie et son copain Lucas. Avec leur maitresse Suzie, ils découvrent la science en réalisant des expériences sur tout un tas de sujets.
- Umi Zoomi (40x23')
Diffusion : dans le bloc Zouzous du matin (6h45-8h45)
Série ludo-éducative qui explique aux enfants de 3 à 6 ans à quoi servent les mathématiques, et comment on peut, en les utilisant, résoudre les problèmes de la vie quotidienne.
Résumé : Créative, imaginative et sacrément douée en mathématiques, Milli, 6 ans, mène une existence trépidante auprès de son petit frère Géo et de leur compagnon de jeux Bo le robot. Car, à trois, ils forment une équipe de choc : les super-héros du quotidien qui trouvent des solutions aux problèmes grâce à leurs pouvoirs mathé-magiques !
Liste des programmes de culture scientifique à venir sur les antennes de France Télévisions
FRANCE 2
Documentaires
- Marie Curie sur le front (docu-fiction 90', diffusion prévue en prime)
Auteurs : Yann LeGall et Alain Brunard
Résumé : Un récit romanesque qui permet par un jeu de flashback de découvrir les découvertes de cette grande scientifique ainsi que sa rencontre avec Claude Regault, un médecin biologiste avec qui elle dirigera après la guerre l'institut Curie ou sera mis au point la première thérapie contre le cancer, la radio thérapie.
- Les royaumes de la terre (90', copro. BBC diffusion prévue en prime)
Réalisateur : Mike Gunten
Résumé : le royaume des petits animaux qui vivent dans la savane entre le sous-sol et le sol. Toute sorte de mammifères étranges, de serpents, d'insectes qui mènent une lutte sans pitié pour leur territoire. Tourné avec des appareils hypersophistiqués, ce film nous fait découvrir une vie insoupçonnée rarement observée, cette vie qui fourmille sous les pattes des gros animaux sauvages d'Afrique.
- Le mystère de l'Atlantide (90',copro. BBC diffusion prévue en prime)
Auteur : Rhidian Brook
Réalisateur : Tony Mitchell
Résumé : La première grande civilisation européenne et la catastrophe naturelle qui la fit disparaître donnèrent naissance à la légende de l'Atlantide. Ce docu-fiction spectaculaire propose pour la première fois de revivre ce drame. La BBC collabore avec des scientifiques de premier plan, archéologues et historiens, afin de recréer, pour la première fois à l'écran, la spectaculaire fable des Minoens, berceau de la civilisation occidentale, précédant la Grèce antique d'environ 1000 ans.
- La fabrique des bébés (52')
Réalisateur : Ariane Poulantzas
Résumé : Une plongée dans un CECOS, centre hospitalier où l'on pratique le don de sperme, d'ovocytes ou d'embryons. Un lieu totalement anonyme et banal, comme tous les services hospitaliers, mais où se trame une activité de la plus haute importance; la fabrication de futurs êtres humains, fabrication au double sens de sélection des ingrédients et de mise en rapport artificielle des différents ingrédients préalablement sélectionnés.
Magazine
- Les pouvoirs extraordinaires du corps humain (3ème n°)
Présentation : Michel Cymès et Adriana Karembeu
Résumé : Adriana Karembeu et Michel Cymes explorent à nouveau les pouvoirs extraordinaires du corps humain. Ce3ème numéro se déroulera à la Réunion.
FRANCE 3
Documentaires
- Un retour parmi nous (52')
Réalisateur : Yves Campagna
Résumé : le traitement très spécifique de la douleur requiert des traitements très personnalisés reliés au passé et à l'histoire de chaque individu : rencontre avec 3 grands professeurs.
FRANCE 5
Documentaires
•
Allergies planétaires, la
rançon du progrès
(52')
Réalisateur : Véronique Berthonneau
Résumé : Classées au 4ème rang des maladies selon l'OMS, les allergies atteindront, selon les experts, 50 % de la population des pays industrialisés d'ici à 2030. Notre système immunitaire censé nous protéger réagit de telle manière que les produits les plus inoffensifs sont parfois dangereux. Quelles sont les circonstances qui déclenchent cette réaction immunitaire ? Comment expliquer la progression du nombre d'allergies ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment devient-on allergique ? Sommes-nous tous susceptibles de le devenir ? Le progrès et l'activité humaine sont-ils en cause ?
•
Bébéfunambule
(52')
Réalisateur : Laure Delesalle
Résumé : Que sait-on en 2011 de la façon dont se construit un enfant grand prématuré d'un point de vue psychomoteur, sensoriel, émotionnel, relationnel ? Quels ponts et quelles interactions y a-t-il entre développement personnel, développement neurobiologique et relation avec l'environnement ? C'est autour de ces trois axes que le film tentera de répondre à ces questions dans un contexte où les naissances prématurées en France ont augmenté de plus de 6 %, mais aussi les chances de survie qui permettent à 85 % d'entre eux de survivre.
- Médicaments et enfants (52')
Résumé : la question des médicaments pédiatriques dont la moitié, en médecine de ville, est utilisée hors Autorisation de Mise sur le Marché délivrée par l'AFFSAPS, et à l'hôpitaI 90 % ! Le film effectuera un état des lieux autour des médicaments pédiatriques pour tenter d'expliquer pourquoi l'enfant demeure le parent pauvre des médicaments. On montrera qui teste les médicaments, qui les développe, et pourquoi il est si compliqué de commercialiser un médicament pédiatrique.
- The cell (52')
Réalisateur : Mike Davis
Résumé : Voyage au coeur d'une cellule humaine. En pénétrant son noyau nous allons découvrir une chaîne en apparence infinie, qui vibre et se tord sans cesse : l'ADN.
- Quand les tiques attaquent ! La maladie de Lyme et co-infections (52')
Réalisateur : Chantal Perrin
Résumé : La maladie de Lyme est la forme la plus fréquente de la borréliose, maladie infectieuse bactérienne transmise à l'homme par les tiques. Ses symptômes sont très nombreux : ils peuvent être d'ordres neurologiques, cardiaques, ophtalmologiques, hormonaux, articulaires, osseux, cutanés etc.... Non soignée, elle peut se révéler invalidante voire mortelle.
- Atomes sweet home (52')
Réalisateur : Vincent Gaullier, Benoît Giros
Résumé : Chacun de nous est un meccano d'atomes. Toujours les mêmes ou quasiment. A tel point qu'il devient périlleux de définir la frontière entre les êtres vivants, les objets ou ... les planètes. Comme dans "Espèces d'Espèces", un personnage-narrateur, après avoir constaté le fait, cherche à savoir ce qu'il y avait "avant". "Monsieur Atomic" lui-même se construit et se déconstruit, se compose, se décompose et se recompose, change d'échelle.
- A-t-on retrouvé la mémoire de l'eau (52')
Réalisateur : Christian Manil et Jeanne Mascolo
Résumé : Jusqu'à sa mort en 2004, Jacques Benveniste (chercheur à l'Inserm) disait avoir découvert une empreinte dans l'eau, ce que l'on a appelé la mémoire de l'eau, un sujet tabou et décrié dans le milieu de la recherche qui lui valut d'être rejeté par la communauté scientifique. Mais le professeur Montagnier, Prix Nobel et découvreur du virus du SIDA a repris ces recherches dont les résultats risquent de surprendre.
- Biologie 2.0 : bienvenue dans la fabrique du vivant (3x52')
Réalisateur : Charles-Antoine de Rouvre et Jérôme Scemla
Résumé : Cette série documentaire de vulgarisation permettra de pénétrer dans le monde de l'avenir qui focalise aujourd'hui les efforts de la communauté scientifique internationale et de ses bailleurs de fonds. La biologie synthétique déchaîne les passions dans les milieux scientifiques, politiques et dans la société toute entière. Sommes-nous à l'aube d'une révolution ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelles sont les perspectives de développement et les implications scientifiques, humaines, sociales et économiques ?
- Climato-sceptiques : la guerre est déclarée (52')
Réalisateur : José Bourgarel
Résumé : Il s'agira d'appréhender le courant "climato-sceptique" particulièrement bien implanté aux Etats-Unis, qui tente d'installer le doute, voire de contester la thèse du réchauffement de la terre, pourtant scientifiquement démontrée.
- Ils sont des nôtres : les animaux et l'alcool (52')
Réalisateur : Jean-Yves Collet
Résumé : Quelle place tient l'alcool dans la nature ? A quoi sert-il ? Quels sont les animaux qui consomment de l'alcool ? Les animaux peuvent-ils être soûls, voire alcooliques ? Qu'est-ce que l'étude de l'alcool dans le monde animal peut nous enseigner sur les relations complexes que l'homme entretient avec ce produit psychotrope ?
- La symbiose des abysses (52')
Réalisateur : Jean-Yves Collet
Résumé : En été 2013, l'Ifremer va mener une mission océanographique exceptionnelle (BIOBAZ) dans les abysses de l'Océan Atlantique à bord du navire océanographique "Pourquoi pas ?", armé du robot sous-marin Victor 6000. En étudiant des créatures ciblées, vivant sur les volcans sous-marins à 2500 mètres de profondeur, cette expédition aux approches révolutionnaires risque de remettre en cause quelques fondamentaux sur les origines et l'évolution de la vie sur notre planète.
- Solarmax 2012 (52')
Réalisateur : Nicolopoulos Stéphane
Résumé : les tempêtes solaires (ou magnétiques) et leurs conséquences, dans un contexte où l'année 2012 coïncide avec le pic d'activité des cycles de 11 ans du soleil.
- Ice age (3x52')
Réalisateur : Mark Flowers
Résumé :
Ce documentaire nous
emmène lors de la dernière ère glaciaire, de -120 000
à
-10 000 ans. On y apprend entre autres, que ce sont les
importants changements climatiques, plus que le froid, qui ont
été responsables de la mort de nombreux animaux.
FRANCE Ô
Documentaire
- They're selling the wind
Diffusion rentrée 2013 : 52 mn
Réalisation : Elisabeth Jonniaux
La lutte contre le réchauffement climatique figure désormais en tête des priorités de l'agenda politique européen et mondial. Pour relever ce défi sans précédent, les Etats ont choisi de recourir à un instrument de régulation original : les permis d'émissions négociables et, ce qui en est la conséquence directe, la création d'un marché du "droit à polluer". Pourquoi la Communauté internationale et l'Union européenne ont-elles choisi de recourir à cet objet juridique mal identifié pour réguler les émissions de gaz à effet de serre, désignées comme principaux responsables du réchauffement climatique ? L'avenir de l'humanité pourrait-il être confié à cet outil quasi expérimental ?
L'offre de programmes scientifiques (hors information)
sur France Télévisions
Saison 2012/2013
Ce document est disponible en format PDF
•
Lancement de
C'est pas
sorcier
sur F3 en septembre 1993, le mercredi matin dans la case
jeunesse
Les minikeums.
Le magazine est diffusé et/ou rediffusé sur différentes cases selon les saisons : le mercredi, samedi et/ou dimanche matin, du lundi au vendredi (en fin d'après-midi puis le matin), le samedi à 20h10.
Case actuelle : le samedi à 10h50
•
Présentation
: Jamy
Gourmaud avec Frédéric Courant ou Sabine Quindou en alternance
(cette dernière a remplacé Patricia Saboureau en 1999).
•
Production
: Lazennec Bretagne de
1994 à 1997
Riff International de 1998 à 2008
MFP depuis 2009
•
Nouvelle formule lancée en sept.
2011 pour rajeunir et moderniser l'émission
:
Jamy sort du camion pour s'installer sur le terrain. Il met en évidence les observations de Fred et Sabine, grâce à des démonstrations qu'il réalise, dans un lieu emblématique du thème traité dans l'émission, avec son tout nouveau laboratoire mobile. Modulable et transportable, ce labo lui permet d'être opérationnel quel que soit l'endroit. Jamy dispose ainsi d'écrans tactiles proposant des démonstrations très visuelles avec des écrans 2D. De leurs côtés, Fred et Sabine multiplient les rencontres. Curieux et aventuriers, ils mènent leurs observations « grandeur nature » et nous guident au coeur de sujets toujours aussi variés.
Cependant, depuis novembre 2012, un ajustement de la nouvelle formule a été opéré. Le symbole de l'émission a fait son grand retour, à savoir le camion mais également les maquettes, à l'occasion d'un sujet consacré aux secrets du vertige. Il est plus grand, plus coloré que l'ancien et le labo mobile y est intégré. En effet, beaucoup de gens se plaignaient de cette nouvelle formule où le camion n'apparaissait plus.
•
Audiences 2013
: 360000 tsp / 6 %
de PdA (sur la case du samedi 10h50)
PdA en forte baisse (divisée par 2 sur 6 ans, vs -34 % pour la PdA journée de F3 sur 6 ans). La baisse est particulièrement accentuée sur les enfants de 4/14 ans qui pèsent désormais autant que les plus de 50 ans dans le public de l'émission.
•
Le Science Tour
Notons la collaboration de France Télévisions Distribution et du site internet francetv éducation au Science Tour, organisé par C'est pas sorcier en partenariat avec Les petits débrouillards .
Il s'agit d'un dispositif itinérant et numérique constitué de bus et de différents outils pédagogiques (des expositions, des ateliers, un site Internet participatif, sciencetour.org, et un concours national ouvert à tous), permettant de rendre les sciences accessibles à tous à partir de 8 ans, tout en s'amusant.
A compter de cet été, puis sur tout l'année, 12 minibus sillonneront la France à la recherche des scientifiques de demain, et à la rencontre des publics, dans les quartiers urbains mais aussi sur la place des villages.
• Déclinaison de
C'est pas sorcier
en
magazine papier
, avec une sortie trimestrielle depuis mai
2013.
•
Lancement d'
On n'est pas que des
cobayes
sur F5 en octobre 2011, le vendredi en prime (et
rediffusé le dimanche à 19h depuis avril 2012).
•
Présentation
: Agathe
Lecaron, Vincent Chatelain, David Lowe (et James le mannequin).
•
Production
: 2P2L
•
Concept
: magazine
d'expérimentations scientifiques, dans lequel l'équipe
d'animateurs tente de faire comprendre le monde et de démystifier ou
confirmer des croyances populaires (Peut-on manger et boire sous l'eau ? Depuis
quelle hauteur peut-on plonger sans se faire mal ? Comment échapper aux
moustiques ? Peut-on entrer dans un château de sable géant ?).
Pour mener à bien leurs expériences, l'équipe a recours
à des moyens de laboratoire (soufflerie, crash test,
etc
.). La
dimension ludique et expérimentale est très présente dans
cette émission qui se veut éloignée du carcan scolaire.
Evolution du concept entre les saisons : la 2ème saison est marquée par une plus grande rigueur scientifique (qui s'est traduite notamment par la reprise de certains sujets par le CNDP via Lesite.tv).
La 3ème saison intégrera la dimension participative et contributive des internautes en reprenant, lors de chaque numéro, une de leurs questions posées via les réseaux sociaux.
•
Audiences 2013
:
Case vendredi 51 : 560000 T5P/ 2.2 % de PdA
(Case dimanche 19h : 370 000 T5P/1.8 % de PdA)
La 2ème saison est marquée par l'arrivée d'un public jeune : 6 % de PdA en moyenne sur les enfants de 4-10 ans (plus globalement, les enfants de moins de 15 ans pèsent pour X du public de l'émission). La montée en puissance des adultes de 35 à 49 ans sur le magazine laisse, par ailleurs, préjuger d'une importante écoute conjointe parents-enfants .
•
Site internet
:
Un dispositif interactif et ludique unique en son genre. Il est en effet possible de se glisser dans la peau d'un « serial testeur» grâce au nouveau dispositif de france5.fr, qui permet de s'amuser avec la science, seul ou entre amis, grâce à un jeu et des défis .
Deux rubriques :
- Jouer : les télénautes peuvent tester leurs connaissances, jouer avec les différents indices tirés d'extraits de l'émission. Ils sont guidés par James, le mannequin crash test, qui leur fait découvrir les coulisses du laboratoire.
- Vos défis qui propose aux apprentis cobayes de reproduire, à plus petite échelle, des expériences tentées à l'antenne. Ils peuvent aussi créer leurs propres inventions, les filmer et les partager. Certains auront peut-être la chance de voir leurs vidéos diffusées dans l'émission.
Cette rubrique a obtenu le Prix du Public, catégorie Web-Jeunesse au Web Program-Festival International de La Rochelle2013 . »
2. Communiquer la science au Royaume-Uni, 2011 (296 ( * ))
« 2. La science dans les médias britanniques
Au Royaume-Uni, l'intérêt des médias pour la science n'est pas nouveau. D'une part, il découle du contexte culturel. Le Royaume-Uni est depuis longtemps une puissance scientifique et compte un grand nombre de prix Nobel, de prestigieuses universités et d'institutions dédiées à la science. D'autre part, il répond à la demande du public qui s'intéresse à la science et compte sur les médias pour s'informer. Mais comment les sujets scientifiques sont-ils vraiment traités au Royaume-Uni et quelle place tient la science dans un flux d'information de plus en plus important ?
2.1 La science dans la presse
La presse britannique se divise en trois types de journaux :
les grands formats (presse classique) : Le Guardian, The Observer, The Independent, The Daily Telegraph, The Sunday Telegraph, Financial Times, The Times et The Sunday Times ;
les tabloids (presse populaire) : The Sun, The Daily Mirror, Daily Mail et Daily Express ;
les quotidiens gratuits : Metro et Evening Standard .
En termes de tirage, les tabloïds et les gratuits devancent largement la presse classique dite « grand format ». Le Sun occupe la première place avec trois millions de lecteurs quotidiens en 2011. Metro arrive quatrième avec 1,3 million de lecteurs alors que les grands formats se situent entre 457 000 lecteurs pour The Times et 185 000 pour The Independent.
La science dans les tabloïds
Bien que les tabloïds s'intéressent très largement aux faits divers et aux célébrités plutôt qu'à la science, les informations scientifiques qu'ils diffusent ont un impact important sur le public britannique. Une étude réalisée par un groupe de recherche de l'école de journalisme de l'Université de Cardiff montre que le nombre de journalistes spécialisés en science, santé ou environnement au sein des tabloïds n'a cessé d'augmenter depuis 1989.
La science dans les grands formats
Depuis les années 80, la science a pris de plus en plus de place dans les grands formats. Le prestige des journalistes scientifiques ne cesse d'augmenter. Ils sont relativement nombreux au sein des grands formats, onze pour le Guardian & The Observer et sept pour le Times .
Les magazines spécialisés en science et technologie
Le plus important en terme de tirage, mais également le plus pointu, est le magazine hebdomadaire New Scientist . Un magazine d'actualité scientifique et technologique avec un tirage de 84 500 copies par édi-tion11. Son électorat est plutôt diplômé mais assez hétérogène « du prix Nobel à l'adolescent de 16 ans ».
Le magazine BBC Focus , quant à lui, est un mensuel sur la science et la technologie qui se définit comme jargon-free (sans jargon) et accessible à tous et est lu chaque mois par 71 800 personnes.
Le dernier arrivé au Royaume-Uni est le mensuel d'origine américaine Wired . Lancé en mars 2009, il connaît un franc succès. Il aborde les technologies de l'information sous l'angle sociétal : culture, économie et politique. Il est imprimé à environ 50 000 exemplaires par édition.
2.2 La science à la télévision
La BBC propose une riche offre scientifique
Selon Andrew Cohen, directeur de la division science de BBC, l'intérêt du public pour la science a permis de produire des programmes de meilleure qualité. La stratégie est simple : « diffuser un maximum de contenu scientifique au plus grand nombre de personnes ». Pour cela, de nombreuses heures de documentaires sont diffusées chaque année sur les quatre chaînes du groupe public : BBC1, BBC2, BBC3 et BBC4 . Chacune d'entre elles a ses spécificités d'audience.
BBC1 et BBC2 sont des chaînes tous publics avec une audience de masse. Sur ces dernières, Andrew Cohen cherche à attiser la curiosité et à transmettre les connaissances fondamentales, en particulier lorsqu'il s'agit d'émissions à heure de grande écoute (de 18 heures à 22h30). Il estime que « pour éduquer il faut divertir » et arrêter de produire des émissions froides et distantes. L'une des plus grandes réussites sur ces deux chaînes est Wonders of the universe (Les merveilles de l'univers), une émission sur les grandes théories de physique à l'origine de l'univers présentée par le Professeur Brian Cox. Bang Goes the Theory et Horizon sont deux autres programmes très populaires.
Sur BBC4 , la programmation est plus pointue. Elle répond aux attentes d'un public de connaisseurs. La chaîne propose des programmes tels que The Sky at night (Le ciel la nuit), diffusé une fois par mois le jeudi à 19h30, Chemistry : a volatile history (La chimie : une histoire volatile), sur les écrans en deuxième partie de soirée, et The Story of Maths (L'histoire des mathématiques), les mardis à 20 heures.
Channel 4 attire le public avec ses émissions d'histoire naturelle
Face à la richesse de l'offre des quatre chaînes de la BBC , Channel 4 , une chaîne publique majoritairement financée par la publicité, se doit de produire des émissions qui la différencient de son concurrent.
En 2010, la chaîne proposait Genius of Britain (Les génies britanniques). Cinq épisodes sur l'histoire des grands progrès scientifiques présentés notamment par l'éminent physicien Stephen Hawking. Une étude de satisfaction menée pour leur rapport annuel révèle que 81 % des personnes ont beaucoup appris en regardant ce programme et que 66 % estiment qu'il a renforcé leur intérêt pour la science.
Bien que la chaîne ait du mal à se faire une place sur les territoires de la BBC tels que les mathématiques, la physique et la médecine (malgré Genius of Britain ), elle a su se construire une solide réputation autour de ses émissions d'histoire naturelle. L'émission à succès, Inside Nature's Giant (À l'intérieur de géants de la nature), qui attire 1,5 million de téléspectateurs en moyenne, est le fruit d'un partenariat financier avec le Wellcome Trust . Le présentateur Richard Dawkins, célèbre biologiste et théoricien de l'évolution, est également un précieux atout. Son émission The Genius of Charles Darwin (Le génie de Charles Darwin) a attiré plus de 1,5 million de téléspectateurs en 2008.
La science dans les journaux télévisés
Si la science a du succès dans les émissions et les documentaires, qu'en est-il lorsqu'elle est abordée dans les bulletins d'information ? La BBC a récemment publié un audit de sa propre situation. Un premier rapport analyse la couverture médiatique de la science du groupe et de ses concurrents. Un deuxième rapport évalue la justesse de l'information qu'elle diffuse. L'audit a été mené par le groupe de communication scientifique d' Imperial College .
Les sujets scientifiques sont plus souvent abordés dans les bulletins d'information de Channel 4 et de BBC (toutes chaînes confondues) que dans ceux de Sky News . En termes de temps consacré à ces sujets, le constat est similaire. La durée d'une actualité scientifique est maximale dans le bulletin de la BBC2 Newsnight (Actualité la nuit), diffusé tous les soirs à 22h30, et minimale (quatre fois inférieure) au journal télévisé de Sky .
Quantité d'actualités scientifiques dans les bulletins d'informations télévisuels sur un échantillon type de 2010
Source : rapport BBC Trust.
Quant à la répartition des différents domaines scientifiques, le rapport révèle une prédominance des sujets ayant un rapport avec la médecine. Sur un échantillon de 2010, elle est un sujet d'actualité dans 39 % des cas alors que la physique l'est dans seulement 5 %.
2.3 La science à la radio
En ce qui concerne l'offre scientifique à la radio, BBC Radio 4 propose d'excellents contenus tant à travers les bulletins d'information que dans les émissions et reportages. Le bulletin Today (Aujourd'hui) s'attarde longuement sur l'actualité scientifique, il y consacre dix fois plus de temps qu'un bulletin de la mi-journée sur BBC Radio 1 . Les émissions les plus célèbres sont les suivantes :
Frontiers (Frontières) : explore les nouvelles idées du monde de la science en questionnant les scientifiques. Les critiques et controverses sont les bienvenues. L'émission est diffusée tous les mercredis à 21h pendant une demi-heure ;
Material World (Monde matériel) : chaque semaine, le présentateur Quentin Cooper, réalise un reportage sur une actualité scientifique et en discute en direct avec les chercheurs concernés. L'émission est diffusée tous les lundis à 21 heures pendant une demi-heure ;
The Infinite Monkey Cage (La cage aux singes infinie) : Brian Cox et Robin Ince observent le monde avec un regard de scientifiques. L'émission est un véritable spectacle. Son succès est tel qu'elle a donné lieu à une tournée dans tout le pays. L'émission est diffusée tous les mercredis à 16h30 pendant une demi-heure.
Par ailleurs, pour répondre à l'intérêt croissant du public pour le changement climatique, de plus en plus de programmes abordent ce thème.
2.4 L'apport d'Internet
Internet transforme le paysage médiatique et la communication scientifique. D'une part, il offre aux différents médias traditionnels un nouveau support de communication multimédia qui leur permet de varier et compléter leur offre. D'autre part, il permet à tout à chacun de communiquer, de partager les contenus scientifiques, de réagir.
2.4.1 De nouvelles opportunités pour les médias traditionnels
Les médias diversifient leur l'offre
Après une période d'adaptation nécessaire à Internet en tant que nouvelle technologie et aux modèles d'affaires associés, les médias traditionnels britanniques ont fini par comprendre et exploiter les avantages d'Internet pour enrichir et promouvoir leur offre. Loin de la contrainte du temps (pour la radio et la télévision) et de l'espace disponible (pour la presse papier), les médias peuvent proposer plus de contenu et se diversifier.
Dans le cas de la BBC , par exemple, l'audit de sa couverture médiatique de la science dans les journaux télévisés a révélé que les actualités liées à la mé-decine étaient majoritaires. Le constat est le même pour leur offre en ligne. En revanche, sur le site BBC News Science & Environnement (BBC Actualités sur la science et l'environnement) consacré à l'actualité scientifique et environnementale, la part d'actualité liée à la physique et aux sciences de la vie est bien plus importante.
Quant au Guardian , il est réputé pour son excellente offre en ligne. Il consacre plusieurs sections de son site à la science et à l'environnement. On peut y trouver de nombreux articles sur l'actualité, des podcasts, des blogs ainsi que des dossiers spéciaux.
Une nouvelle audience
À partir de 2006, les chaînes de télévision et les radios ont commencé à mettre à disposition leur offre audiovisuelle sur Internet. Cela leur permet de valoriser des programmes qui ne passent pas aux heures de grande écoute, notamment les émissions scientifiques diffusées sur BBC2 ou BBC4 en deuxième partie de soirée (22h30-minuit). En 2010, les Britanniques ont passé 22 heures par mois sur Internet, ce qui représente une augmentation de 65 % par rapport à 200718. Proposer les contenus sur Internet permet aux médias traditionnels de conserver l'audience qui se détourne de la télévision pour passer plus de temps sur l'ordinateur. Bien que la proportion de consommation non linéaire (contenus enregistrés et consommés à la demande depuis une télévision ou un ordinateur) soit encore faible, et plus importante chez les 16-44 ans que chez les 44 ans et plus, elle est en forte croissance depuis 2008. BBC iPlayer , le service en ligne de consommation de programmes en différé de la BBC , est passé de 2,1 millions de demandes par jour en moyenne en mai 2009 à 4,3 millions en mai 201119. Les gens passent plus de quatre heures par semaine à consommer les contenus audiovisuels des grandes chaînes en différé.
Minutes hebdomadaires passées à consommer
la télévision en direct
et en différé en
fonction des âges
Source : Ofcom.
En ce qui concerne la presse, Internet lui permet de s'internationaliser. Pour son offre numérique, The Guardian attire de plus en plus de lecteurs en dehors du Royaume-Uni, en particulier des États-Unis. En 2010, il touchait une audience en ligne de 36 millions de visiteurs par mois, ce qui le place juste après le New York Times à l'échelle mondiale.
2.4.2 Les médias sociaux
Le terme « médias sociaux » désigne un ensemble de technologies et de services permettant de développer des interactions sociales sur Internet. 40 % des Britanniques de plus de 16 ans les utilisent. On peut citer notamment Wikipédia (partage de connaissances), YouTube (partage de vidéos), Facebook (réseau social) et Twitter (microblogging). Les médias sociaux permettent une diffusion en réseau des contenus et un retour direct de l'audience.
Les médias sociaux permettent aux contenus d'être diffusés à large échelle sur Internet à travers des réseaux sociaux. Prenons l'exemple du compte Twitter du Professeur Brian Cox. Lorsqu'il présente une émission ou écrit un article, il le partage avec ses 367 000 abonnés (en date du 27 juillet 2011). Ces derniers peuvent eux-mêmes faire suivre l'information à leurs abonnés et ainsi de suite. Pour donner un ordre de grandeur, le nombre d'abonnés de Brian Cox est supérieur au lectorat quotidien du Guardian.
Twitter n'est qu'un outil parmi d'autres pour encourager la communication scientifique, YouTube , le site numéro un de partage de vidéos, est également très utilisé. Plusieurs universités y diffusent de courtes vidéos sur les thèmes scientifiques de leur choix. Le département de chimie de l' University of Nottingham a beaucoup de succès avec la série de vidéos The Periodic Table of Videos (Le tableau périodique des vidéos). Il s'agit de vidéos qui présentent de manière ludique chaque élément de la table périodique. Celle sur l'hélium a été vue par 203 000 personnes en 3 ans. Un autre exemple est celui des conférences TED. Il s'agit de conférences mondiales gérées par une association à but non lucratif qui a pour objectif de disséminer les « idées qui valent la peine d'être diffusées ». Les thèmes sont très variés mais concernent souvent des nouvelles découvertes scientifiques ou technologiques. Après chaque intervention, une vidéo de la performance de l'intervenant (souvent un scientifique) est mise en ligne. La plupart des vidéos du dernier événement à Édimbourg (juillet 2011) ont été vues plus de 200 000 fois.
Au-delà de permettre une diffusion virale, les médias sociaux donnent également la possibilité à l'émetteur d'avoir un retour. Ce dernier peut désormais entrer en interaction avec son audience et échanger des points de vue. Les nouvelles émissions scientifiques font l'objet de discussions sur les médias sociaux pendant ou juste après leur diffusion, ce qui permet aux producteurs d'avoir très rapidement une idée de l'opinion du public.
2.4.3 La blogosphère scientifique au Royaume-Uni
Dans le paysage de la communication scientifique, les blogs ont permis de diversifier la prise de parole. Les institutions et les scientifiques n'ont plus besoin de passer systématiquement par l'intermédiaire des médias traditionnels, ils peuvent également prendre la parole à travers leur propre site, le Wellcome Trust et la Royal Society ont le leur.
Certains correspondants ou journalistes scientifiques rédigent leur propre blog en parallèle de leur activité professionnelle pour les médias traditionnels. Ils en ont différents usages. Certains s'en servent pour aborder les sujets avec une approche plus personnalisée et pour ne pas être soumis aux contraintes des rédacteurs en chef (espace, ligne éditoriale, etc .). D'autres s'en servent comme un outil de promotion de leur travail.
Not Exactly Rocket Science est l'un des blogs scientifiques les plus célèbres au Royaume-Uni. Il est rédigé par Ed Yong, journaliste scientifique indépendant. Le blog de Ben Goldacre, Bad Science est également très apprécié. Il fait partie des blogs hébergés par le site Internet du Guardian . Il s'est fait connaître depuis 2003 en tant qu'auteur de la colonne Bad Science dans le Guardian . Il repère et dénonce les journalistes et politiciens qui font des déclarations scientifiques douteuses. Son succès se prolonge sur Twitter où il a plus de 133 000 abonnés (en date du 5 août 2011). Le Guardian héberge également The Lay Scientist de Martin Robbins et Life and Physics de Jon Butterworth.
2.5 Le journalisme scientifique
Le journalisme et la recherche sont deux milieux professionnels aux caractéristiques différentes. Il n'est ainsi pas surprenant que les interactions suscitent parfois des incompréhensions voire des tensions. Les journalistes ont pour objectif de captiver leur audience. Ils s'intéressent au particulier, au subjectif et cherchent des anecdotes et des explications simples. Les scientifiques, quant à eux, ont pour mission de faire avancer la science en se fondant sur l'objectivité tout en acceptant l'incertitude. La pression qui repose sur les premiers vient des attentes du public alors que celle qui repose sur les seconds émane plutôt des pairs et des investisseurs.
La relation difficile des débuts n'a cessé de s'améliorer dans les années 2000 grâce aux efforts conjoints des deux parties prenantes mais également de médiateurs (dont il sera question plus loin). Aujourd'hui, certains éminents scientifiques sont devenus de véritables icônes médiatiques en présentant des émissions de télévision à succès. Richard Dawkins, théoricien de l'évolution, Sir Paul Nurse, Prix Nobel, généticien et Président de la Royal Society , ou encore Stephen Hawkins, physicien théoricien, pour n'en citer que quelques-uns.
En 2000, à la suite de plusieurs controverses médiatiques (voir chapitre 3), The House of Lords Select Committee on Science and Technology (Commission sur la science et la technologie de la Chambre des Lords) rend public son troisième rapport sur la science et la technologie. Il y présente le domaine du journalisme scientifique au Royaume-Uni comme pouvant être à la fois très bon et très mauvais. Cette dichotomie vient du fait que les journalistes scientifiques ne sont pas les seuls à écrire sur la science. Une histoire bien documentée et écrite par un journaliste spécialisé peut se transformer en une actualité de quelques lignes. L'explication des fondements scientifiques se perd souvent du passage de l'un à l'autre. Tous les acteurs de la communication scientifique s'accordent sur un point : le journalisme scientifique ne peut être de qualité que lorsque les articles sont fondés sur la preuve scientifique ( evidence based ).
Un autre problème est le format des émissions et des interviews. Comment adapter la science, complexe par essence, à la temporalité d'un bulletin d'actualité à la radio, par exemple ? Comment un scientifique peut-il expliquer au grand public les résultats de ses recherches lorsque le producteur de l'émission radio dans laquelle il s'apprête à intervenir lui dit « 20 secondes, professeur, et pas de longs mots » ? »
3. Les principales pratiques de la médiation scientifique et technologique en Allemagne
AMBASSADE DE FRANCE EN ALLEMAGNE
SERVICE POUR LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE
« 1. Les médias
a. La télévision
Quelle est la place des sciences à la télévision ? Dans les journaux télévisés, dans les magazines ? Existe-t-il des chaînes "scientifiques" ? Quelles sont les principales émissions scientifiques ?
Liste des programmes scientifiques et horaires de diffusion sur une semaine.
La science est bien représentée à la télévision par de nombreux programmes de vulgarisation scientifique comme l'attestent les horaires de diffusion. En effet, il y a des émissions scientifiques à toutes heures y compris aux heures de grandes audiences.
b. La presse généraliste
Quelle est la place des sciences dans la presse généraliste (pages spécialisées, thématiques abordées (sciences fondamentales, médecine, environnement)) ?
Les journalistes qui sont en charge de ces rubriques ont-ils une formation scientifique ?
La presse généraliste mêle sciences dures et sciences humaines. Les thématiques qu'on retrouve systématiquement sont :
- L'humain
- La nature
- La Technique
- La santé
Elles se découpent ensuite en sous-catégorie plus ou moins précises. Par exemple, la thématique « nature » englobe le monde animal, les questions environnementales et la biologie.
Les magazines généralistes (hebdomadaires) les plus importants en termes de tirage sont :
- Der Spiegel :
Tirage 1 113 078
Rubriques :
Homme
Nature
Technique
Univers
Médecine
- Stern
Tirage : 1 053 453
Rubriques :
Nature
Cosmos
Technique
Homme
Santé
- Die Zeit
Tirage : 466 000
Rubriques :
Santé
Environnement
Les quotidiens les plus importants en termes de tirage sont :
- Die Süddentsche Zeitung
Tirage : 444 440
- Die Frankfurter Allgemeine Zeitung (F.A.Z.)
Tirage : 375 772
- Die Welt
Tirage : 234 905
Nous nous sommes entretenus avec un membre du service communication du Spiegel et du FAZ.
- Spiegel
La science a une place importante dans leur magazine, une « longue tradition » (lange Tradition). Sous l'appellation « Wissenschaft und Technik » (Science et technique), la rubrique regroupe dans chaque exemplaire 8 à 12 pages consacrées aux thématiques des sciences et techniques.
Les journalistes en charge de rédiger cette section ont une formation scientifique, de niveau universitaire (Hochschulausbildung) dans des domaines comme la médecine, la physique, la biologie ...
- Die F.A.Z
La science a une place spéciale dans ce quotidien. Deux pages lui sont consacrées tous les mercredis sous le nom : « Natur und Wissenschaft » (Nature et Science).
Les journalistes disposent également d'une formation scientifique universitaire.
c. La presse spécialisée
La presse spécialisée dans le domaine scientifique est particulièrement importante en Allemagne. Cela vient du fait qu'il y existe un nombre important de centres de recherches publiques (Communauté Leibniz, Société Max Planck, Communauté Helmholtz, Société Fraunhofer...). Ces derniers sont des acteurs majeurs de la recherche et disposent souvent de leurs propres magazines d'information.
Liste non exhaustive des magazines scientifiques :
- Forschung : Das Magazin der DFG
- Weiter vorn - Fraunhofer Magazin
- Junge Akademie Magazine JAM
- Hermann Nachrichten aus der Helmholtz-Forschung
- Leibniz journal
- Max Planck Forschung
- Gegenworte
- Impuls
- Wirtschaft und Wissenschaft
- Innovationen
- Masssträbe
- Geo Wissen :
Rubriques :
Nature
Technique
Homme
Culture
Tirage : 130 000 en 2011
- P.M . :
Rubriques :
Homme
Nature
Technique
Histoire
Automobile
- Science Illustrated : traite de tous les domaines de la recherche, de médecine, d'astronomie, d'archéologie...
Tirage : 90 000 en 2010
Spektrum der Wissenschaft
Rubriques :
Archéologie
Astronomie
Biologie
Chimie
Environement
Mathématique
Physique
Psychologie
Technologie
Tirage : 84 341 en 2011
Welt der Wunder
Rubriques :
Histoire
Technique
Environnement
Homme
Tirage : 269 828 en 2011
- Wunderwelt Wissen : rattaché à la chaine TV Galiléo. Aborde des sujets de société ou de sciences sociales à travers les sciences dures
Tirage : 220 000 (2009)
- Zeit Wissen
Rubriques :
Sciences
Santé
Technologie
Vie quotidienne
Tirage : 79 592 (2011)
Sources :
• www.media-internationaux.com
• http://www.wissenschaft-im-dialog.de
• Etude IVW2010
• FAZ : service communication
• Spiegel : service communication
d. Émissions de radio
Quelles sont les principales émissions scientifiques à la radio ? Horaire de diffusion, éventuellement audiences et thèmes abordés ?
La science est très peu traitée par la radio. « DeutschlandRadio Wissen » de Cologne est la seule radio spécialisée dans la science. Les radios n'ont en outre aucune émission proprement scientifique. Quelques-unes ont une rubrique santé/bien être, et les radios spécialisée dans l'information peuvent traiter de sujets scientifiques lorsque l'actualité s'y prête.
http://wissen.dradio.de/programmschema.20.de.html
Source :
http://www.listenlive.eu/germany.html
e. Internet
Quels sont les principaux sites internet et blogs spécialisés qui diffusent des informations scientifiques et technologiques ?
http://www.weltderphysik.de/
http://www.sciencegarden.de/
http://www.lisa.gerda-henkel-stiftung.de/blog.php?nav_id=665
http://www.nanopartikel.info/cms
http://www.nano-map.de/#hide_2
http://www.biosicherheit.de/
http://www.bine.info/
http://www.exploratorium.edu/evidence/
http://www.pflanzenforschung.de/
http://www.zpid.de/
http://www.biodiversity.de/
http://futurenow.dw.de/deutsch/
http://www.scinexx.de/
http://idw-online.de/en/
• Portails internet des ministères.
Pensez-vous qu'il y a des différences significatives avec ce qui existe en France ?
La décentralisation allemande crée de grandes différences et notamment une multiplication des média.
Est-ce que ces médias prennent part aux grands débats scientifiques au sein de la société ? Participent-ils aux controverses ?
Oui (cf. plus loin le paragraphe sur « Wissenschaft im Dialog »)
Source :
http://www.wissenschaft-im-dialog.de
2. Grandes institutions nationales
Grandes institutions nationales
Il y a en Grande-Bretagne, toute une série de grandes institutions nationales qui ont un rôle important dans la diffusion de la culture scientifique et technologique, comme le BIS (Departement for Business, Innovation and Skills), les Research Councils UK, Sciencewise, le British Council, la Royal Society, la Royal Institution, le Wellcome Trust. Qu'en est-il en Allemagne ?
Est-ce qu'il y a une instance centrale pour la gouvernance de la médiation scientifique et technologique ou est-ce que les initiatives restent décentralisées ?
Les grandes initiatives nationales de la médiation scientifique et technologique en Allemagne :
L'étude Pisa de l'OCDE avait révélé, en 2002, à travers les mauvaises performances en sciences des jeunes allemands, un déficit considérable dans ce domaine (dans le même temps la France obtenait des résultats moyens comparables à ceux des États-Unis).
Et de fait, l'Allemagne peut-être davantage que la France, confrontée à un désintérêt de la société civile envers les sciences, intérêt qui est pourtant fondamental pour le développement d'une économie de la connaissance, s'est révélée capable de relever le défi. Grâce à la mobilisation de la communauté scientifique allemande, des initiatives d'envergure qui sont décrites ci-dessous.
A. « Wissenschaft im Dialog » (Dialogue avec les sciences)
a. « Wissenschaft im Dialog », historique et organisation
En 1999, constatant un déclin constant du prestige et de l'intérêt pour les sciences en Allemagne, l'ensemble des représentants de la communauté scientifique sous l'impulsion du professeur Ehrard, président de la fondation pour la science allemande et du professeur Ganten, alors président de la société Hermann von Helmholtz et directeur du centre de médecine moléculaire de Berlin-Buch, avait fait naître une initiative d'envergure dans le champ de la culture scientifique, intitulée WID.
L'organisation WID, largement soutenue par le BMBF (ministère de l'enseignement et de la recherche) est déclarée d'utilité publique.
D'un point de vue organisationnel, l'ensemble des institutions de recherche allemandes s'y trouvent réunies sous l'égide d'un projet et d'un programme d'actions commun. C'est essentiellement l'organisation WID (SARL reconnue d'utilité publique) qui coordonne et finance la diffusion de la culture scientifique.
L'impact des associations et clubs indépendants reste marginal. Tous les projets d'envergure passent par WID qui leur accorde un soutien financier, une logistique et une bonne visibilité.
Les grandes entreprises mènent également une politique de soutien à des expositions à contenu scientifique. C'est le cas de Siemens, BMW, Volkswagen, Debis. On observe à ce sujet que les manifestations touchant le domaine de l'Art, traditionnellement plus prestigieuses aux yeux du public allemand, cèdent de l'influence par rapport aux manifestations scientifiques dans le soutien que leur accordent les grandes entreprises allemandes.
b. Les années thématiques de WID
Ainsi, WID se charge annuellement d'une programmation autour d'un thème fédérateur annuel, ces thèmes deviennent interdisciplinaires à partir de 2009.
2000 : l'année de la physique. L'été des sciences à Bonn.
2001 : l'année des sciences de la vie. L'été des sciences à Berlin.
2002 : l'année des sciences de la terre. L'été des sciences à Brème.
2003 : l'année de la chimie.
2004 : l'année des techniques. L'été des sciences à Stuttgart.
2005 : l'année Einstein. L'été des sciences à Berlin.
2006 : L'année de l'informatique. L'été des sciences à Munich
2007 : L'année des sciences sociales et humaines
2008 : L'année des mathématiques
2009 : L'année des expéditions scientifiques allemandes
2010 : L'avenir des énergies
2011 : l'année de la santé
2012 : L'année du développement durable
Voir http://www.bmbf.de/de/1758.php
Ces années thématiques sont ponctuées de nombreuses manifestations dans toutes les grandes villes allemandes. On y observe des initiatives originales comme par exemple un parlement composé de cent écoliers venus de toutes les grandes villes allemandes pour débattre de la thématique, un bateau transportant une exposition scientifique navigue tous les ans sur l'ensemble du réseau de canaux et de rivières allemandes attirant plus de 100 000 visiteurs. Un opéra scientifique...
On peut également noter l'organisation de nombreux Science Street« ou des scientifiques et des industriels présentent leur recherche ou leur projet dans des lieux publics : gare, place publique, centres commerciaux... Un grand effort a été déployé en direction des publics scolaires, avec notamment des manifestations visant les enfants.
c. Dimension internationale des années thématiques allemandes
La France avait en 2001 (Année des sciences du vivant) participé au programme de l'été des sciences de Berlin avec 2 expositions pour enfants au musée d'histoire naturelle et un « Sciences et Société » franco-allemand en partenariat avec le CNRS et l'OFAJ. Une quarantaine de chercheurs français et allemands et 300 jeunes des 2 nationalités s'étaient rencontrés à l'occasion de cette manifestation.
À l'occasion du 40 ème anniversaire du traité de l'Élysée, en 2003 (année de la chimie), Mme Haigneré avait été invitée à l'été des sciences à Mayence et le CNRS y avait présenté une exposition sur le thème « Chimie et biochimie ». Le CNRS a également en 2003 participé à un cycle de conférences dans les lycées de la région de Cologne en partenariat avec la communauté franco-allemande de Cologne.
d. Coup de projecteur sur une année thématique « 2004, l'année de la technique » :
2004 fut la cinquième année de la série des années scientifiques à thème, initiées et organisée par WID, mandatée par le BMBF.
Avec pour slogan « L'avenir, made in Germany », les six premiers mois de cette initiative d'envergure se sont soldés par le succès attendu. Plus de 120.000 visiteurs ont fréquenté les multiples manifestations proposées au grand public dans les principales villes allemandes :
28.01. - 01.02. Berlin : ouverture officielle en présence de la ministre de la recherche Mme Bulmahn.
18.03. - 21.03. Leipzig
19.04. - 24.04. Hanovre
06.05. - 09.05. Hambourg
18.06. - 19.06. Düsseldorf
08.07. - 11.07. Dresde
25.09. - 01.10. Stuttgart : Été des sciences
06.10. - 10.10. Darmstadt
22.10.- 26.10. Munich
18.11. - 21.11. Duisburg
Cérémonie de clôture.
Le programme de l'année des techniques fut organisé en 4 thématiques :
« Les signaux du mouvement » (BewegungsSignale )
Comment les techniques modernes mettent le monde en mouvement ?
Berlin, du 28.01 au 01.02.2004.
« Navigation au futur » : Le développement rapide des techniques et les opportunités professionnelles qu'offre ce développement aux futures générations.
Hanovre, du 19.04 au 24.04.2004
« Signaux lumineux » (LeuchtZeichen)
Manifestations autour de l'électronique et de l'optique
Dresde, du 08.07 au 11.07. 2004
« Impulsion vitale » (VitalitätsImpuls)
Comment vivrons-nous en 2030 ? Les réponses techniques à cette question.
On note aussi quelques opérations d'envergure :
Le « nanoTruck, voyage dans le nanocosme »
Un semi-remorque disposant de 60 m 2 de surface d'exposition s'est déplacé à travers l'Allemagne pour faire découvrir au public les nanotechnologies. Des scientifiques spécialisés ont accompagné l'exposition mobile pour faire des présentations et répondre aux questions du public
Comme en 2003, un navire avec à son bord une exposition sur le thème « la technique démultiplie les aptitudes humaines » a navigué sur les fleuves et les canaux à la rencontre du public.
Le Rally T
Un rallye d'un type particulier pour développer ou évaluer ses compétences en matière technique.
Le portail de la technique (das Tor zur Technik)
Une vitrine du Hightech en tournée à travers l'Allemagne. Avec des démonstrations des phénomènes scientifiques, les perspectives professionnelles liées au Hightech, des évènements...
Le programme d'accompagnement technique (Technik-Begleitprogramm)
Comment produit-on de l'innovation ? Comment les ingénieurs évaluent-il leurs performances ?...font partie des questions auxquelles les experts mobilisés à l'occasion de l'année des techniques ont répondu et en particulier pendant des journées portes ouvertes.
18-19 juin : journées nationales de la technique.
L'été des sciences à Stuttgart, du 25 septembre au 1er octobre.
À l'initiative particulière d'un partenariat entre l'Institut Fraunhofer de recherche en automatisation et en génie de la production de Stuttgart et WID. L'été des sciences a proposé tout particulièrement un programme ciblé sur les plus jeunes.
À côté de ces manifestations phares, une myriade de petites manifestations locales dont l'impact est loin d'être négligeable se sont également organisées. Ces initiatives plus modestes mais très nombreuses ont un retentissement local important.
e. Aspect financier
Pour l'année 2002, (Sciences de la Terre) : la fondation de soutien pour la science allemande (Stifterverband für die Deutsche Wissenschaft) a contribué à hauteur de 1, 5 million d'euros, le ministère de la recherche et de la Formation (BMBF) 2 à 3 millions d'euros, l'ensemble des institutions de recherche 4 à 5 millions d'euros et les sponsors privés 0,5 million d'euros.
Pour l'année 2005, (Année Einstein), le BMBF : 13 millions d'Euros et les différents partenaires : 12 millions d'Euros.
Devant le succès des années thématiques scientifiques le ministère de la recherche et de la formation (BMBF) et « Wissenschaft im Dialog » se sont engagés à reconduire le budget affecté à cette initiative. Au cours des années entre 2005 et 2012, l'apport des soutiens privés s'est fortement accru.
Plus d'information sur le site :
http://www.wissenschaft-im-dialog.de/index.php4
B. Autres initiatives notables
a. Accueil des écoliers dans les centres de recherche (Uni-lab et Schullabor)
Il s'agit d'une initiative des centres de recherche allemands pour renforcer la formation scientifique des jeunes.
Les institutions de recherche ont pris au sérieux les alarmes du ministère fédéral de l'enseignement et de la recherche (BMBF) concernant l'insuffisance de la formation scientifique de base à l'école et le déficit d'étudiants dans les matières scientifiques. À l'instar de WID (Wissenschaft im Dialog, cf . ci-dessus), qui multiplie manifestations et campagnes d'information sur les sciences en direction du jeune public, les grandes organisations scientifiques allemandes se mobilisent depuis 2000 pour accueillir au sein de leurs unités de recherche des jeunes en âge scolaire.
Si plusieurs centres, comme le Max Delbrück Centrum de Berlin avec le labo de verre ou l'Université de Bielefeld avec ses Teutolab pratiquent depuis presque dix ans l'accueil des classes, on assiste depuis 2002 à un développement spectaculaire de ce type d'initiatives. On en décompte plus de 300 en juillet 2011.
La structure d'accueil la plus fréquente est l'Unilab : laboratoire équipé pour la réalisation d'expériences scientifiques adéquates à l'âge et au temps disponible des jeunes visiteurs. Les animateurs qui encadrent ces expérimentations sont en général de jeunes chercheurs appartenant aux équipes de recherche locales. Les offres d'activités proposées sont variables
En 2004, 18 sites de recherches scientifiques (université ou centre de recherche) ont proposé des laboratoires d'expérimentation au public scolaire. Ces équipements sont majoritairement financés par le BMBF, par le Land concerné et par d'autres partenaires locaux (représentant au total un budget de plus de 6 Millions d'euros).
Parmi les grandes organisations scientifiques engagées dans cette initiative, la communauté Helmholtz se distingue par le nombre de structures mises en place pour accueillir les scolaires : 13 centres (sur les 17 centres de recherche que compte la Helmholtz) accueillent dans leurs locaux des laboratoires pour les scolaires. Le DLR ( Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt , centre de recherche allemand pour l'aéronspatial) et DESY (accélérateur de particules) en possèdent même sur plusieurs sites.
Cette initiative, qui concerne plus particulièrement le 2 ème cycle scolaire a pour but, en plus de faire pratiquer l'expérimentation scientifique dans un cadre extra-scolaire et dans des conditions très « scientifiques », de permettre une rencontre concrète des jeunes avec le métier de chercheur.
Voir :
http://www.lernort-labor.de/ ;
http://www.basf.com/group/corporate/site-ludwigshafen/de/about-basf/worldwide/europe/Ludwigshafen/Education/Schuelerlabore_der_BASF/index ;
http://www.baylab-plastics.de/ ;
http://www.glaesernes-labor.de/ ;
http://natworking.bosch-stiftung.de/content/language1/html/index.asp ;
http://www.lernort-labor.de/
b. La longue nuit des sciences
Le concept de « Longue nuit des sciences » s'inspire de celui de « Longue nuit des musées » et a été inauguré à l'occasion de l'été des sciences à Bonn en 2000. En 2001, Berlin repris à son compte cette initiative avec une résonnance considérable : presque 62 .000 visiteurs.
Après Berlin le format a été repris avec succès dans les villes suivantes :
- Hambourg (depuis 2005)
- Halle (Saale) (depuis 2001)
- Dresde (depuis 2002)
- Rostock
- Aix (depuis 2003)
- Nuremberg/Fürth/Erlangen (depuis 2003)
- Tübingen, Jena (depuis 2005)
- Stuttgart (depuis 2006)
- Erfurt, Duisburg-Essen (depuis 2007)
- Freiberg (depuis 2007)
- Heidelberg, Mannheim, Ludwigshafen (depuis 2007)
- Garching près de Munich (depuis 2007)
- Leipzig (depuis 2008)
- Magdeburg (depuis 2006)
De nombreux visiteurs se pressent chaque année dans les institutions scientifiques qui pour l'occasion ouvrent leur portes, mobilisent leurs chercheurs et préparent des animations pour tous les publics. L'engouement du public allemand pour la science n'est certes pas encore une tradition, mais les progrès dans ce sens sont notables. Lors des cérémonies d'ouverture, le secrétaire d'état au ministère de la culture, qui généralement se charge de la prestation ne manque pas de rappeler que la manifestation n'est pas uniquement organisée dans le but de fasciner les visiteurs mais aussi pour leur montrer que les fonds (67 milliards d'euros investis dans la R&D en 2009 soit 2,82 % du PIB) alloués à la recherche/développement sont bien investis !
Voir :
http://www.langenachtderwissenschaften.de/
c. « Jugend forscht » (les chercheurs juniors), une initiative pour promouvoir la recherche scientifique auprès des jeunes
Historique de l'initiative
Le premier concours est lancé en 1966 sous l'égide du rédacteur en chef de la revue Stern, Henri Nannen avec le slogan : « Nous sommes à la recherche des chercheurs de demain ».
Le but est clair : repérer et attirer vers les sciences les jeunes les plus compétents des établissements scolaires.
En 1966, le concours compte 244 candidats.
En 1969, le concours est ouvert aux moins de 15 ans qui se présenteront sous la rubrique «les collégiens expérimentent ».
À partir de 1981, le Chancelier fédéral donne une réception pour la remise des prix.
En 1990 , Jugend Forscht organise un concours international sur le thème de l'environnement (19 pays européens y participent, l'opération est reconduite en 92 et 94).
1991 : les nouveaux Länder sont intégrés au concours (on passe de 11 à 16 Länder impliqués).
En 2000, à l'occasion de l'expo 2000 de Hanovre, le concours international sur le thème de l'environnement réunira des candidats du monde entier et récompensera 143 lauréats.
En 2006, 9.603 lycéens participent au concours « Jugend forscht ». (En comparaison, les Olympiades de physique en France mobilisent 200 participants).
Description du concours
Le concours « die Jugend forscht » s'adresse à des lycéens, étudiants ou apprentis, âgés de 15 à 21 ans et intéressés par les sciences fondamentales et appliquées. Le projet de recherche/innovation proposé par un jeune ou un groupe de jeunes (jusqu'à trois jeunes), doit relever d'une thématique entrant dans les secteurs suivants : le monde du travail, la biologie, la chimie, les sciences de la terre et de l'espace, les mathématiques et l'informatique, la physique, les technologies.
Les prix attribués sont variables : séjours de recherche, voyages d'étude, soutiens financiers pour un montant global de 250.000 euros.
Aspects organisationnels
La coordination et l'organisation du concours se fait, en séquence, à trois échelles : la région, le Land et l'État fédéral. À chaque niveau, un responsable et une (des) entreprise(s) apportent leur parrainage et assurent le pilotage au niveau considéré. Des organismes régionaux (écoles, lycées, laboratoires, entreprises) apportent leur concours aux candidats. Au niveau de l'État fédéral, ce pilotage est pris en charge par la fondation « die Jugend forscht » en coopération avec le parrainage d'une entreprise (BASF en 2003).
Le candidat s'inscrit vers le 30 novembre au niveau de son Land de résidence, concrétise son projet sous la forme d'un rapport d'environ 15 pages. Les concours régionaux ont lieu en février puis, en cas de succès, le concours se poursuit au niveau du Land (mars- avril) et de l'État fédéral (Mai). La sélection a lieu à l'occasion d'une présentation publique des travaux sur des stands préparés par les candidats. L'évaluation se fait à partir des éléments écrits (le rapport), la présentation orale et l'animation du stand propre au projet. Les membres des jurys sont des représentants issus de la recherche, de l'enseignement et de l'économie.
Les points-clés de la réussite du projet
Un engagement politique soutenu et continu
Le concours est devenu au fil des années une institution prestigieuse et très médiatisée.
C'est le/la ministre de la recherche qui préside le conseil d'administration de la fondation et qui remet chaque année, personnellement, le prix aux lauréats du concours fédéral.
Une participation active de l'institution scolaire et des personnels d'enseignement (plus de 5.000 enseignants soutiennent actuellement les jeunes dans leur recherche) est requise.
Les campagnes de communication sont rendues efficaces par une forte coopération des établissements scolaires.
L'école où est inscrit le candidat ainsi que le nom du référent qui encadrera le projet sont exigés lors de l'inscription.
Un concept de financement adapté
Le budget global du concours se situe entre 2 et 3 millions d'euros par an, dont 500.000 euros sont pris en charge par le BMBF.
Le financement du concours est majoritairement assuré grâce à un système de soutien souple et diversifié.
De nombreuses entreprises d'importance très variable apportent leur concours en personnel, en financement et en matériel.
Au niveau fédéral, un sponsor général héberge et finance les manifestations de remise de prix ainsi que l'expo science qui clôture le concours. (Pour l'année 2003, c'est BAFAG à Ludwigshafen qui a financé la clôture de « Jugend Forscht »).
Au niveau régional, les 80 parrainages régionaux se constituent en « Sponsorspool ». Les fonds qui en découlent sont attribués aux professeurs qui encadrent des projets et servent aussi à financer les équipements nécessaires aux expériences.
Une organisation remarquable
La fondation « Jugend Forscht » est soutenue par le BMBF qui finance un bureau de coordination nationale à Hambourg constitué d'un responsable et de 13 collaborateurs à plein temps.
Le conseil d'administration de la fondation, outre son rôle de sponsor, détermine les grandes orientations du concours et leur conformité aux buts assignés à la fondation.
Au niveau des länder et des sous-unités géographiques, l'action est relayée par des parrainages locaux qui organisent et financent le concours au niveau local.
Le système des dépôts de brevet
Certaines idées et innovations sont suffisamment originales pour donner lieu à un dépôt de brevet. Ce dépôt de brevet a lieu dès remise du dossier de candidature. Dans ce domaine, l'organisation Jugend forscht apporte également une protection et un soutien aux jeunes concurrents.
La constitution du jury
Le jury fédéral est constitué de professeurs d'universités, de professeurs des écoles, de représentants du monde économique et d'anciens participants au concours Jugend forscht .
Les retombées
On estime à 80 %, le nombre des participants au concours qui s'engagent dans des filières d'études scientifiques.
Depuis 2006, la création d'une base de données « Jufobase » contient les mémoire de tous les lauréats. Actuellement, cette base contient plus de 500 textes consultables en ligne.
Voir :
https://www.jugend-forscht.de/
http://www.jugend-forscht-rlp.de/htm/main_htm/040_jufobase.htm
3. Musés et associations
Les musées et les associations
Quels sont les principaux musées scientifiques en Allemagne ? Connaissez-vous leurs publics ? Leurs fréquentations ? Quels sont les thèmes abordés ? Sont-ils gratuits ? Qui les finance ?
Existe-t-il au niveau local des centres de culture scientifique et technologique ? Quelle est leur importance ? Par qui sont-ils financés ?
Quelles sont les principales associations qui interviennent dans le domaine de la médiation scientifique et technologique ? Quelles sont leurs spécificités ?
Musées et associations sont-ils présents sur internet ? Sous quelle forme (site d'information, visite virtuelle, outils multimédia pour les classes) ?
a. Le réseau traditionnel des musées de sciences
Le réseau allemand des musées de sciences, gérés par les Länder, a, à quelques exceptions près (le musée précurseur des techniques de Munich Deutsches Museum fondé en 1903, celui de Berlin ou encore le musée des techniques et du travail de Mannheim), peu évolué au cours des vingt dernières années. Il n'a pas connu les renouvellements spectaculaires en termes d'approche du public et d'adaptation aux nouvelles technologies comme c'est le cas en France avec le Palais de la découverte à Paris, la cité des sciences et l'ensemble des CCSTI (Centre de culture scientifique, technique et industriel) de province.
b. L'apparition des « Sciences Center » dans le paysage allemand
Cependant, à côté des musées de sciences traditionnels, le plus souvent sous tutelle d'une université, on a pu observer au cours des dix dernières années l'apparition rapide de «Sciences Center», parfois implantés dans des centres urbains peu importants et qui présentent de nouvelles approches souvent très intéressantes de l'univers scientifique. Ces structures connaissent d'ailleurs un succès croissant auprès du public, surtout du jeune public. Les Sciences Center sont principalement financées par des fondations auxquelles participent de grandes entreprises (c'est le cas de Volkswagen pour Phaeno, par exemple).
Voici une liste des principaux « Sciences Center » en Allemagne :
• « Universum Science Center Bremen » ouvert en Septembre 2000, 250 expositions, 80 000 visiteurs par an. www.universum-center-bremen.de
• « Phänomenta » Flensburg , ouvert en 2005, www.phänomenta.com
• « Phänomenta » Peenemünde
• « Phänomenta » Lüdenscheid
• « Phänomenta » Bremenhafen
• « Phänomenta » Templin http://de.wikipedia.org/wiki/L%C3%BCdenscheid
• Expo Heidelberg , ouvert en 2001 http://www.explo-heidelberg.de/en/index.htm
• Phaeno à Wolfsburg inauguré le 24 novembre 2005 et qui présente une approche originale de l'univers scientifique à partir des phénomènes, 250 stations interactives, des laboratoires pour l'accueil des groupes scolaires, un théâtre scientifique ; ce centre reçoit en moyenne 40 000 visiteurs par mois. http://www.phaeno.de/aktuelle_ausstellung.html
• Terra phänomenalis ouvert en juillet 2005 dans le parc des découvertes de Minden (près d'Hanovre), http://www.pottspark-minden.de/
• Turmdersinne à Nürnberg, www.turmdersinne.de
• Mathematikum à Gießen , ouvert en 2002 (Land de Hesse) www.mathematikum.de
• Erlebniswelt Renaissance à Hameln , ouverte en septembre 2005, cette structure propose une découverte des sciences émergentes de la Renaissance. http://www.weserbergland-tourismus.de/urlaubsthemen/maerchen-und-schloesser/erlebniswelt-renaissance.html
• Odysseum à Köln (ouvert en 2008) cette structure présente une vision de l'univers scientifique dans le futur. http://www.odysseum.de/
Voir :
http://www.science-museum.de/orte/ »
ANNEXE III : LE PROGRAMME INMÉDIATS
Lauréat du Programme des Investissements d'Avenir, Inmédiats souhaite rendre la recherche et l'innovation accessible au plus grand nombre grâce à de nouveaux outils numériques.
Avec 30 millions d'euros investis sur 5 ans, Inmédiats est le plus ambitieux programme national dédié au développement de la culture scientifique et à l'égalité des chances.
6 centres autour d'un objectif commun
Le programme Inmédiats est porté par un partenariat de 6 centres de sciences régionaux : Cap Sciences (Bordeaux Aquitaine), l'Espace des Sciences (Rennes Bretagne), La Casemate (Grenoble Agglomération), Relais d'sciences (Caen Basse-Normandie), Science Animation (Toulouse Midi-Pyrénées) et Universcience (Paris Île-de-France).
Ce programme inédit a pour objectif de renforcer l'égalité des chances dans l'accès aux sciences et techniques , notamment pour les 15-25 ans . Il propose pour cela de développer et d'expérimenter de nouveaux outils de médiation culturelle exploitant le potentiel des nouvelles technologies numériques.
Un programme structuré autour de 3 axes
La mise en place d'équipements structurants
Création de nouveaux lieux de rencontre (fixes ou itinérants) avec les publics, basés sur l'élaboration de nouveaux types de ressources numériques et de nouvelles interfaces numériques (réalité virtuelle et augmentée, holographie 3D, motion capture, immersion, etc .)
La création de contenus et services numériques innovants
Services numériques collaboratifs offrant des ressources et des retours d'expériences professionnelles, création de contenus ou process de médiation numériques innovants, pour toucher de nouveaux publics et pour permettre une offre adaptée aux niveaux et centres d'intérêts des utilisateurs.
L'évaluation, la diffusion et la formation
Le programme Inmédiats donne une place importante à l'évaluation. L'ensemble des phases de développement des projets : en amont en étudiant les cibles, durant le programme pour pouvoir suivre l'efficacité des actions, partager les résultats et ajuster nos pratiques, jusqu'au terme du projet pour apprécier l'impact global. L'organisation de séminaires réflexifs ouverts aux autres acteurs permettra de questionner et partager cette expérience.
En réponse à ces axes, leurs principaux projets du programme Inmédiats sont
Nouveaux espaces de médiation
Living Lab
Fab Lab
MédiaMobile
Studio numérique
Contenus et Services numériques
Navinum/SciencesOnaute
Réseau Social Territorial
Mondes virtuels
Serious Games
Évaluation et Dissémination
Évaluation
Dissémination
Une approche centrée sur les usages pour dépasser les outils
Inmédiats s'est donné comme objectif de toucher les 15-25 ans et les publics empêchés. Afin de définir un point de départ de la réflexion et de disposer d'éléments sur les attentes et les comportements de la cible, Inmédiats a réalisé une étude qualitative afin d'explorer les pratiques des jeunes et tester les différents projets du programme (fab Lab, Living Lab, Mondes virtuels...)
Par ailleurs, chacun des développements effectués dans le cadre d'Inmédiats a une démarche spécifique en phase avec les publics et les objectifs d'égalité des chances sociale, culturel, de genre ou territoriale.
Dans ce schéma, les membres du partenariat souhaitent développer la place du numérique dans la diffusion de la culture scientifique et technique, mais le développement de ces nouveaux moyens reste un outil au service des objectifs du programme .
Un maillage des territoires et des partenaires
Au-delà de son ambition de lutter pour l'égalité des chances en maillant leurs territoires, les membres du programme Inmédiats oeuvrent pour que la culture scientifique dépasse les secteurs auxquels elle est généralement dédiée et participe de la vie sociale et économique . Cette volonté d'élargissement et de maillage se traduit par l'élaboration d'une stratégie partagée permettant d'identifier les secteurs à investiguer et des offres associées à développer.
Trouver de nouveaux usages aux actions des centres de sciences, c'est concevoir et développer au nom d'un intérêt commun, un projet collectif inter-régional innovant .
ANNEXE IV : RÉSULTATS DE PISA 2012
1. Commentaires du ministère de l'éducation nationale
Les résultats des élèves de 15 ans en culture mathématique situent la France dans la moyenne des pays de l'OCDE en 2012, mais la performance globale diminue rapport à l'enquête comparable de 2003. La France se singularise comme le plus inégalitaire des pays de l'OCDE : la performance scolaire y est plus fortement marquée par le niveau socioéconomique et culturel des familles. Les élèves français sont aussi parmi les plus anxieux vis-à-vis des mathématiques.
L'essentiel
Conduite en 2012 dans les 34 pays membres de l'OCDE et dans 31 pays ou « économies partenaires », l'enquête PISA mesure les performances d'un échantillon représentatif de 5 700 élèves de 15 ans scolarisés dans les collèges et lycées français. Elle porte principalement sur la culture mathématique, comme lors de l'enquête 2003.
En 2012, la France obtient un score global de 495 en culture mathématique, qui la situe dans la moyenne des 34 pays de l'OCDE. Mais ce résultat est inférieur de 16 points à celui obtenu en 2003. Cette baisse peut être mise en relation avec l'augmentation du nombre d'élèves en difficulté selon les critères de PISA : la part des élèves de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences et connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante passe en France de 16,6 % à 22,4 %, alors que sur la même période cette part évolue peu en moyenne pour l'OCDE.
La performance des élèves français de 15 ans scolarisés en seconde générale et technologique (score moyen de 546) est comparable aux scores obtenus par les meilleurs pays de l'OCDE. En revanche, les élèves ayant un an de retard, scolarisés en troisième générale, obtiennent un score de 411.
La dispersion des résultats des élèves français sur l'échelle de score est plus grande en 2012 qu'en 2003 : l'écart entre les 25 % les plus faibles et les 25 % les plus performants augmente de 10 points, ce qui place la France parmi les pays les plus inégalitaires selon ce critère. Le contraste avec l'Allemagne est particulièrement saisissant puisque celle-ci voit diminuer cet écart de 10 points.
L'édition 2012 de PISA montre l'augmentation du poids des déterminismes sociaux sur la performance des élèves français. Alors que les scores des élèves les plus favorisés situent la France parmi les pays les plus performants, les scores des élèves les plus défavorisés la placent en bas du tableau international.
En 2012 comme en 2003, la France se trouve parmi les pays de l'OCDE dont les élèves déclarent la plus forte anxiété vis-à-vis des mathématiques. Ce phénomène interroge, plus largement, la place de l'évaluation chiffrée dans notre système éducatif.
Chiffres-clés
65
Nombre de pays ayant participé à PISA 2012, dont les 34 pays de l'OCDE
16 points
Baisse du score sur l'échelle de culture mathématique
22,4 %
Pourcentage d'élèves en difficulté en culture mathématique en France
L'infographie
Répartition des élèves dans les niveaux de compétences PISA en culture mathématiques en France, en 2003 et 2012, en %
Note de lecture : En
culture mathématique, les groupes d'élèves obtenant les
scores les plus faibles augmentent proportionnellement entre 2003 et 2013. Au
cours de la même période, les groupes d'élèves
obtenant les scores moyens et élevés voient leur part
diminuer.
Repères
Qu'est-ce que le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ?
Conduite sous l'égide de l'OCDE, PISA évalue la capacité des jeunes à utiliser les acquis de leur scolarité obligatoire dans la vie courante. Ses résultats sont considérés comme des indicateurs de la performance des systèmes éducatifs et permettent d'établir des comparaisons internationales. La mise en oeuvre de procédures standardisées d'enquête, sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale, permet de garantir la comparabilité des résultats : désignation de responsables de l'enquête dans chaque établissement, respect des consignes de passation, contrôles, etc. Les questionnaires traduits dans 45 langues différentes sont proposés aux élèves de tous les pays participants.
Quelles sont les connaissances et compétences évaluées ?
Les élèves ne sont pas évalués sur des connaissances et compétences au sens scolaire, mais sur leur capacité à les mobiliser et à les appliquer dans des situations variées. Les champs couverts relèvent principalement de la compréhension de l'écrit, de la culture mathématique et de la culture scientifique. Renouvelée tous les trois ans, l'enquête met l'accent sur un domaine majeur qui représente les deux tiers du questionnaire : compréhension de l'écrit en 2000, culture mathématique en 2003, culture scientifique en 2006. La reprise du cycle en 2009 permet de suivre les évolutions dans le temps : les résultats de PISA 2012 sont ainsi directement comparables à ceux de 2003.
Les champs couverts relèvent principalement de la compréhension de l'écrit, de la culture mathématique et de la culture scientifique. Renouvelée tous les trois ans, l'enquête met l'accent sur un domaine majeur qui représente les deux tiers du questionnaire : compréhension de l'écrit en 2000, culture mathématique en 2003, culture scientifique en 2006. La reprise du cycle en 2009 permet de suivre les évolutions dans le temps : les résultats de PISA 2012 sont ainsi directement comparables à ceux de 2003.
Quels sont les élèves concernés ?
La population visée par l'enquête 2012 couvre 96 % de la génération des jeunes français nés en 1996 et scolarisés dans les établissements sous tutelle du ministère de l'éducation nationale, sauf les Erea, et du ministère en charge de l'agriculture, en France métropolitaine et dans les DOM, à l'exception de La Réunion et de Mayotte. Les élèves de l'échantillon français se répartissent dans des niveaux de formation extrêmement variés : les élèves « à l'heure », c'est-à-dire n'ayant jamais redoublé, se trouvent principalement en seconde générale et technologique ou en seconde professionnelle ; les élèves « en retard » sont en classe de troisième (27,8 %), voire en quatrième (1,9 %).
Qu'est-ce que la culture mathématique ?
C'est l'aptitude d'un individu à formuler, employer et interpréter des mathématiques dans un éventail de contextes de la vie réelle : raisonner en termes mathématiques, utiliser des concepts, procédures, faits et outils mathématiques pour décrire, expliquer et prévoir des phénomènes. Elle aide les individus à comprendre le rôle que les mathématiques jouent dans le monde et à se comporter en citoyens constructifs, engagés et réfléchis, c'est-à-dire à poser des jugements et à prendre des décisions en toute connaissance de cause.
Auteurs : Saskia Keskpaik, Franck Salles, Depp B2
2. Communiqué de l'OCDE
Les pays d'Asie dépassent les autres pays du monde dans le classement de la dernière enquête PISA de l'OCDE, qui a pour objet d'évaluer les connaissances et les compétences des jeunes âgés de 15 ans sur l'ensemble de la planète.
Plus de 510 000 élèves de 65 pays et économies ont été soumis aux épreuves de mathématiques, de compréhension de l'écrit et de sciences de l'enquête PISA 2012 de l'OCDE. Les mathématiques étaient la matière principale. Les compétences dans ce domaine constituent une importante variable explicative des bons résultats que pourront enregistrer les jeunes à l'âge adulte. Elles influent sur leur aptitude à suivre des études de niveau postsecondaire et sur la rémunération qu'ils pourront escompter obtenir dans l'avenir.
Shanghai (Chine) et Singapour se situent en tête pour les mathématiques, les élèves de Shanghai ayant obtenu un score équivalant à une avance de près de trois années d'études par rapport à la plupart des autres pays de l'OCDE. Hong Kong (Chine), le Taipei chinois, la Corée, Macao (Chine), le Japon, le Liechtenstein, la Suisse et les Pays-Bas font aussi partie du groupe des pays les plus performants
« Compte tenu du niveau élevé du chômage des jeunes, de l'aggravation des inégalités et de la nécessité impérieuse de stimuler la croissance dans un grand nombre de pays, il est plus urgent que jamais de faire en sorte que les jeunes acquièrent les compétences dont ils ont besoin pour réussir », a déclaré Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE, à Washington D.C. lors de la présentation du rapport. « Dans une économie mondialisée, la compétitivité et les possibilités d'emploi futures dépendront de ce que les individus sont capables de faire avec les connaissances qu'ils possèdent. Les jeunes sont l'avenir ; par conséquent, chaque pays doit faire tout ce qu'il peut pour améliorer son système d'enseignement et les perspectives qui s'offrent aux jeunes générations ».
L'enquête met en lumière plusieurs des traits qui caractérisent les meilleurs systèmes d'enseignement. Les plus performants, notamment en Asie, mettent fortement l'accent sur la sélection et la formation des enseignants, encouragent ces derniers à travailler ensemble et investissent en priorité dans l'amélioration de leur qualité, et non dans la taille des classes. De plus, ils fixent des objectifs clairs et donnent aux enseignants l'autonomie dont ils ont besoin dans la salle de classe pour pouvoir les atteindre.
Les élèves dont les parents ont de fortes attentes ont de meilleurs résultats : ils font généralement plus d'efforts, ont davantage confiance en leurs propres capacités et sont plus désireux d'apprendre.
Parmi les 64 pays pour lesquels il existe des données tendancielles allant jusqu'en 2012 pour les mathématiques, 25 ont vu leurs performances s'améliorer dans ce domaine, 25 autres n'ont enregistré aucun changement et 14 ont reculé. L'Allemagne, le Brésil, Israël, l'Italie, le Mexique, la Pologne, le Portugal, la Tunisie et la Turquie ont progressé de manière régulière au cours de la période. Shanghai (Chine) et Singapour ont accru leur score, qui était déjà élevé en 2009.
L'Italie, la Pologne et le Portugal ont aussi vu croître leur proportion d'élèves très performants et diminuer celle des élèves peu performants. L'Allemagne, le Mexique et la Turquie sont également parvenus à améliorer les résultats de leurs élèves les plus faibles, dont beaucoup sont issus de milieux défavorisés sur le plan socioéconomique. Cela montre que les pays peuvent simultanément renforcer l'équité et accroître les performances.
Selon l'OCDE, il est essentiel de donner à chaque enfant la possibilité de réussir. Or, 23 % des élèves des pays de l'OCDE et 32 % des élèves de l'ensemble des pays n'ont pas réussi à résoudre les problèmes de mathématiques les plus simples. Sans cette aptitude fondamentale, ils risquent fort de sortir tôt du système scolaire et d'être confrontés à des difficultés dans l'avenir. Certains pays ont réussi à aider les élèves ayant des performances insuffisantes : l'Allemagne, la Colombie, la Finlande, l'Irlande, le Mexique et la Pologne ont mis en place des dispositifs visant à repérer sans tarder les élèves et les écoles en difficulté et à leur apporter un soutien, si bien qu'ils ont vu croître les scores obtenus par cette catégorie d'élèves aux épreuves du PISA.
D'autres constats essentiels ont été mis en lumière :
Écart entre filles et garçons
Les garçons devancent les filles en mathématiques. Ils ont obtenu de meilleurs résultats dans 37 des 65 pays et économies considérés, mais les filles les ont dépassés dans cinq pays. L'écart entre les sexes est toutefois relativement faible : dans six pays seulement, il est supérieur à l'équivalent de la moitié d'une année d'études.
L'écart entre filles et garçons est le plus grand chez les élèves très performants, il reste important chez les élèves les plus faibles et est à peu près le même chez les élèves moyens. Par ailleurs, les filles se sentent moins motivées pour étudier les mathématiques et ont moins confiance en leurs capacités que les garçons.
Entre 2000 et 2012, l'écart entre les sexes en compréhension de l'écrit -- favorable aux filles -- s'est creusé dans 11 pays et économies. Garçons et filles ont des résultats analogues en sciences.
Compréhension de l'écrit
Sur les 64 pays et économies pour lesquels il existe des données comparables allant jusqu'en 2012, 32 ont amélioré leurs performances en compréhension de l'écrit, 22 n'ont enregistré aucun changement et 10 ont constaté une détérioration de leurs résultats. L'Allemagne, le Chili, la Corée, l'Estonie, la Hongrie, Israël, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Pologne, le Portugal, la Suisse et la Turquie ont vu leurs performances en compréhension de l'écrit progresser d'une évaluation à l'autre.
Dans l'ensemble des pays de l'OCDE, 8.4 % des élèves sont très performants en compréhension de l'écrit. C'est Shanghai (Chine) qui enregistre la proportion la plus forte d'élèves très performants, soit 25.1 %. Plus de 15 % des élèves de Hong Kong (Chine), du Japon et de Singapour sont très performants en compréhension de l'écrit, de même que plus de 10 % des élèves de l'Australie, de la Belgique, du Canada, de la Corée, de la Finlande, de la France, de l'Irlande, du Liechtenstein, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et du Taipei chinois.
Sciences
Shanghai (Chine), Hong Kong (Chine), Singapour, le Japon et la Finlande sont les cinq premiers pays du classement de l'enquête PISA 2012 pour les sciences. L'Estonie, la Corée, le Vietnam, la Pologne, le Canada, le Liechtenstein, l'Allemagne, le Taipei chinois, les Pays-Bas, l'Irlande, l'Australie, Macao (Chine), la Nouvelle-Zélande, la Suisse, la Slovénie, le Royaume-Uni, la République tchèque et la Belgique obtiennent en sciences des résultats supérieurs à la moyenne de la zone de l'OCDE.
Dans l'ensemble des pays de l'OCDE, 8.4 % des élèves sont très performants en sciences et leurs scores se situent aux niveaux les plus élevés. Cette proportion est à comparer aux chiffres supérieurs à 15 % des élèves qu'enregistrent Shanghai (Chine) (27.2 %), Singapour (22.7 %), le Japon (18.2 %), la Finlande (17.1 %) et Hong Kong (Chine) (16.7 %).
Les écoles et les élèves
Les systèmes scolaires très performants tendent à répartir plus équitablement leurs ressources entre les écoles favorisées et défavorisées sur le plan socioéconomique.
Selon les déclarations des élèves, les relations entre les enseignants et ces derniers se sont améliorées entre 2003 et 2012 dans tous les pays, sauf un. Au cours de cette période, des progrès ont aussi été effectués sur le plan de la discipline en moyenne dans l'ensemble des pays de l'OCDE et dans 27 pays et économies.
L'amélioration des relations entre enseignants et élèves est en corrélation étroite avec un engagement plus grand des élèves à l'égard de l'école et dans la vie scolaire.
La proportion d'élèves issus de l'immigration dans les pays de l'OCDE est passée de 9 % en 2003 à 12 % en 2012. Au cours de cette période, le désavantage de performance de ces élèves par rapport aux élèves autochtones appartenant à un milieu socioéconomique analogue, a diminué de 11 points, soit l'équivalent de trois mois d'études.
Les résultats de l'enquête PISA de l'OCDE mettent en lumière ce qu'il est possible d'accomplir dans le domaine de l'éducation en montrant de quoi sont capables les élèves scolarisés dans les systèmes d'enseignement qui sont les plus performants et progressent le plus vite. Les conclusions de cette évaluation permettent aux responsables de l'élaboration des politiques du monde entier d'apprécier les connaissances et les compétences des élèves de leur pays en les comparant à ceux des élèves d'autres pays, d'assigner à leurs politiques des cibles définies par rapport aux objectifs mesurables qui ont été atteints par d'autres systèmes d'enseignement, et de tirer des leçons utiles des politiques et pratiques suivies ailleurs.
ANNEXE V : LES PROJETS SÉLECTIONNÉS DANS LE CADRE DE L'APPEL À PROJETS INVESTISSEMENTS D'AVENIR (297 ( * ))
? L'appel à projets
L'appel à projets Développement de la culture scientifique, technique et industrielle et l'égalité des chances vise la diffusion de la culture scientifique et technique et la rénovation des formes d'enseignement des sciences, en veillant à en accroître l'accès pour des publics défavorisés. Le pilotage en a été confié à l'Agence nationale pour la Rénovation urbaine (ANRU) avec une enveloppe de 50 millions d'euros.
En réponse à un appel à projet lancé le 7 décembre 2010, 70 projets et déclarations d'intention ont été reçus par l'ANRU.
Sur la base des avis du Comité de pilotage et de suivi, présidé par Bernard Chevassus-Au-Louis et composé de 15 membres (représentants de l'État, scientifiques français et internationaux, membres des milieux de l'économie et de la culture scientifique), 12 projets ont fait l'objet d'une décision de financement du Premier ministre, représentant un investissement de 44 millions d'euros du Programme d'investissements d'avenir pour un coût total de plus de 100 millions d'euros en partenariat avec des collectivités locales, associations, fondations et entreprises.
? Diffusion territoriale de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI)
• Estim, porté par Universcience. Il s'agira de structurer la gouvernance du réseau national de la culture scientifique, technique et industrielle dont l'État lui a confié la mission et de développer des équipements communs (portail numérique de CSTI, école de la médiation, portail Sciences et arts). Un projet de télévision connectée, jugé très intéressant est en cours d'approfondissement.
• Inmédiats, porté par CAP Sciences Bordeaux Aquitaine avec un consortium de centres de sciences (Relais d'sciences-Caen, La Casemate-Grenoble, Universcience-Paris, Espace des sciences-Rennes et Sciences Animation-Toulouse) pour concevoir, développer, produire et diffuser une nouvelle génération d'équipements numérique de la CSTI.
• Parcours en sciences et techniques pour la réussite des jeunes Ligériens porté par l'Université du Maine avec un ensemble d'acteurs des Pays de Loire vise la création d'un média numérique régional de sciences, d'actions autour de l'acoustique et du végétal, de parcours scientifiques (« sciences et mode » ; « femmes et sciences ») pour remédier à la désaffection des jeunes pour les sciences.
• Savoir Apprendre, qui s'appuie sur l'expérience du Centre Exploradôme existant à Vitry-sur-Seine, permettra la construction d'une base technique et pédagogique pour la conception et la circulation des manipulations et du fonds muséographique dans un réseau de partenaires.
? Pédagogie des sciences
• Des maisons régionales pour la science et la technologie au service des professeurs initié par l'Académie des sciences et géré par la Fondation « Pour l'éducation à la science - Dans le sillage de La main à la pâte » prolonge l'action de Georges Charpak d'une transformation des manières d'enseigner les sciences à l'école et au collège par des pédagogies fondées sur la curiosité, l'observation et le raisonnement. Il permettra de consolider le noyau animateur du réseau et d'étendre progressivement les centres en région.
• Cap'Maths porté par l'association Animath avec un consortium des principales associations d'animation périscolaire en mathématiques renforcera les dispositifs existants en créant des clubs, des tutorats, des stages durant les vacances scolaires, des journées spécifiques ou des forums, et vise à mutualiser leur fonctionnement, leurs méthodes et leurs outils.
• L'Univers à portée de main porté par l'association Sciences à l'école permettra de concevoir et prêter aux établissements du second degré du matériel utilisé dans le cadre d'ateliers scientifiques concernant plusieurs domaines : astronomie, sismologie, météorologie, cosmologie, génomie, nanosciences.
• Astronomie vers tous et Sur la route des sciences portés par l'association Planète sciences avec un réseau de clubs scientifiques. Astronomie vers tous à destination des jeunes dits « empêchés », en milieu hospitalier, handicapés, en foyer d'accueil, en zones difficiles et équipement de cinq camions des sciences qui déplaceront dans les territoires les moins desservis des modules robotique, communications numériques, optique et aéronautique.
? Égalité des chances
• Jeunesse, innovation et cohésion sociale (JIX) porté par l'association les Petits Débrouillards, vise à mobiliser les jeunes générations, en particulier les jeunes des quartiers dits « Politique de la ville », autour des enjeux liés aux innovations scientifiques et technologiques en terme sociaux, économiques et d'emplois. Un ensemble d'actions seront entreprises : expositions itinérantes « C'est pas sorcier la science » et « Scienthèque » (minibus et géodômes ; expothèque, modulothèque et mobilothèque) et programme de formation de « jeunes adultes relais », d'« ados tuteurs » avec le passeport « le comptoir des savoirs », « UniverCités » et « les quartiers de la connaissance » créant de nouvelles interfaces entre l'enseignement supérieur et les quartiers (400 quartiers seront priorisés).
• Maths au CP et Lecture et petite enfance proposé par l'association Agir pour l'école, a pour objet d'expérimenter scientifiquement dans 350 classes de nouvelles pédagogies et outils d'enseignement des mathématiques et des sciences et d'autre part d'acquisition de la lecture en classe primaire afin de favoriser la réussite de tous quel que soit leur milieu social d'origine.
• Le CEDEC, centre pour le développement et l'évaluation des compétences (centre de recherche de l'École de la deuxième chance de Marseille), sera créé pour évaluer, diversifier et appuyer la diffusion des actions de culture scientifique et technique basés sur des projets encadrés par la recherche dans l'ensemble du réseau des Écoles de la deuxième chance.
• Entreprendre pour la cité en région PACA porté par l'association IMS Entreprendre pour la Cité vise à mobiliser les entreprises sur l'égalité des chances des élèves et étudiants dans l'accès aux filières et aux métiers scientifiques et techniques. Les actions « un jour, un métier » et « Parcours découverte scientifique » seront centrées sur les métiers de l'énergie et de l'environnement.
Cet appel à projets a un caractère permanent. Il est ouvert jusqu'à fin 2014 afin d'encourager le montage de projets ambitieux visant l'ouverture des jeunes, en particulier de milieux défavorisés, à la culture scientifique par la réalisation d'équipements innovants et la diffusion de pratiques plus appuyées sur l'expérimentation pour l'enseignement des sciences.
ANNEXE VI : COMPTE RENDU DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 13 JUIN 2013 QUELLES PERSPECTIVES POUR LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE ?
PROPOS INTRODUCTIFS PAR MME MAUD OLIVIER, DÉPUTÉE, CO-RAPPORTEURE, ET M. JEAN-YVES LE DÉAUT, DÉPUTÉ, PREMIER VICE-PRÉSIDENT DE L'OPECST
Mme Maud Olivier , députée, co-rapporteure de l'OPECST . À l'automne dernier, l'Office nous a confié, à Jean-Pierre Leleux, sénateur des Alpes-Maritimes, et moi-même, la mission d'établir un rapport sur la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI). Cette mission se justifie par la nécessité d'évaluer les dispositifs en place, au regard de l'exigence de démocratisation de l'accès au savoir, et celle de l'établissement d'une confiance durable entre la communauté scientifique, les pouvoirs publics et la société civile.
Bien que de nombreux rapports existent sur cette question, ces enjeux n'ont jamais été aussi importants, alors que se multiplient les questions à nos sociétés du fait des évolutions scientifiques et technologiques. Après quelques mois de travail, nous avons identifié plusieurs publics, que la complexité de l'enjeu nécessitera peut-être de différencier en matière d'objectifs et de moyens : les scolaires et les étudiants, les parents, les enseignants, les citoyens, les médias, les acteurs sociaux de quartiers, et les décideurs politiques et économiques.
À mi-chemin de notre travail, cette audition doit nous permettre de confronter les points de vue et de bénéficier de vos expériences. Nos objectifs sont ambitieux : donner à la CSTI la considération qu'elle devrait avoir dans les politiques, mais aussi établir des recommandations concrètes, pragmatiques, répondant aux attentes de notre société et des acteurs de terrain.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l'OPECST. Cette audition publique se déroule l'année même où l'on commémore le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, qui a beaucoup écrit sur l'éducation. C'est aussi l'année du centenaire de la mort d'Henri Poincaré, grand diffuseur de savoirs s'il en est, et du tricentenaire de la naissance de Diderot, le maître d'oeuvre de l'Encyclopédie.
C'est aussi le trentième anniversaire de l'OPESCT. De fait, l'Office est devenu un des acteurs majeurs de la culture scientifique, technique et industrielle, dont la préoccupation constante a été et demeure de constituer une interface entre la communauté scientifique, la société civile et les médias. J'observe à cet égard que le fondateur du site « Science et Démocratie » a déclaré lors d'un colloque organisé par l'Institut Pasteur l'an dernier qu'il avait eu l'idée de créer son site à la suite de la conférence de citoyens sur les OGM, conférence que j'ai eu l'honneur d'initier en 1998. Cette conférence a été la première conférence de citoyens organisée en France. Jean-Claude Ameisen, le président du comité consultatif national d'éthique vient du reste de me demander le 28 mai de présenter le cahier des charges et l'organisation de cette conférence de citoyen, qui était une première en France, sur un modèle initié par les Danois.
De même, le législateur a reconnu l'importance et l'utilité du rôle joué par l'Office, en soumettant à son avis des textes concernant des domaines très sensibles, sur la gestion des déchets nucléaires, la bioéthique et bien d'autres sujets. Mme Valérie Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche avait sollicité notre avis sur la stratégie nationale de la recherche et de l'innovation. Le 4 décembre 2012, nous organisions ainsi ici-même une journée sur les conclusions à tirer des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment sur les rapports entre science et société.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'idée d'une étude sur la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle est, me semble-t-il, sans conteste très opportune. Plusieurs questions récurrentes, au coeur des tables rondes de cette audition, n'ont pas à ce jour reçu de réponses satisfaisantes. Au demeurant, plusieurs faits tirés de l'actualité récente conforteraient ma conviction de l'impérieuse nécessité à apporter d'urgence des réponses, tant la culture scientifique, technique et industrielle est une toile de Pénélope des politiques publiques qu'il importe de tisser et de retisser avec vigilance et constance.
La culture scientifique, comme la culture en général, est un des ingrédients de la cohésion sociale . Un hebdomadaire allemand vient récemment de mettre en garde contre le fait que le pays du miracle économique produisait un enseignement déficient et de l'échec scolaire, sans aucune chance d'ascension sociale. Beaucoup d'associations ici présentes rappelleront que les actions de CSTI dans les quartiers difficiles sont absolument nécessaires, parce qu'elles offrent non seulement un accompagnement scolaire, mais aussi des activités dans lesquelles les jeunes peuvent s'épanouir. Le travail des associations risque toutefois d'être de plus en plus écrasant en ce qui concerne la France, d'autant qu'une note récente du Conseil d'analyse économique a estimé que 900 000 jeunes de 15 à 29 ans n'étudiaient plus ni ne cherchaient un emploi.
De telles situations sont susceptibles de vider peu à peu la notion d'économie de la connaissance de toute substance. C'est pourquoi il m'apparaît essentiel de poursuivre les politiques de démocratisation de l'enseignement , et non de réduire comme l'ont fait certains États, les dépenses consacrées à l'éducation au nom de l'austérité.
Le deuxième exemple est tiré de la crise des vocations scientifiques . On observe une baisse tendancielle de ces vocations dans la plupart des pays occidentaux. Afin d'inverser cette évolution, il m'apparaît primordial de développer la formation scientifique dès l'école primaire, et les sciences tout au long de l'enseignement, notamment à travers les travaux expérimentaux, personnalisés . L'objectif de développer des vocations est à mon sens particulièrement important. Je veux ainsi saluer l'initiative de femmes anciennes diplômées de l'École Polytechnique qui ont publié un ouvrage destiné à lutter contre le déficit de la représentation des femmes ingénieures et scientifiques auquel sont confrontées les jeunes filles, faute d'exemples dont elles pourraient s'inspirer.
Le troisième exemple touche aux controverses suscitées par une disposition de la loi présentée par Geneviève Fioraso sur la place de l'innovation dans la recherche. Dans un contexte marqué par la nécessité de réindustrialiser notre pays et celle de renforcer sa compétitivité, il serait absurde de ne pas exploiter tous les atouts de notre potentiel scientifique et technologique. D'autant que les chercheurs et ingénieurs français se voient souvent reprocher de faire de brillantes découvertes, dont ils se font ravir l'exploitation par d'autres. Selon plusieurs indicateurs, la France est au sixième rang de la recherche fondamentale au niveau international. Elle est classée entre la quinzième et la vingtième place pour l'innovation . Mais le transfert vers le monde socio-économique ne doit pas être vu comme un simple renforcement de la compétitivité, mais aussi comme un service à la société . Je viens d'intervenir devant les trois Académies réunies sur l'innovation thérapeutique, et nous avons organisé ici-même la semaine dernière une table ronde sur le rôle de l'innovation dans la transition énergétique.
C'est donc un état d'esprit qu'il faut changer. Innover, c'est changer, et changer, c'est risquer. Les sciences et les techniques ont marqué le vingtième siècle de leur empreinte, mais le progrès scientifique n'apparaît plus enchâssé dans un projet plus global de civilisation. Le progrès est de ce fait perçu comme ambivalent, source de mieux-être, mais également générateur de déchirures sociales, environnementales ou économiques . L'innovation doit être perçue comme un service à la société. Cet impératif d'innover est lié à l'impératif du développement et de l'excellence de la recherche fondamentale. On ne peut que donner raison à Serge Haroche, prix Nobel de physique, qui l'a dit dans cette même salle récemment.
Le dernier exemple est tiré du blog de Sylvestre Huet. Dans un billet récent, « Nucléaire ou biologie de synthèse : débat impossible ? », il a rendu compte de l'échec des débats sur un certain nombre de sujets qui nous préoccupent aujourd'hui. Il a évoqué plusieurs incidents, notamment dans le débat sur la biologie de synthèse organisé au CNAM, et l'on pourrait citer le débat passionné que nous avons avec la société civile sur l'utilisation des cellules souches embryonnaires pour la recherche. Ces exemples montrent qu'il est difficile d'avoir une approche rationnelle des risques et des innovations, et qu'il ne sera pas possible d'avancer sans un dialogue serein et confiant entre la communauté scientifique et la société.
Chacun doit pouvoir écouter celui qui ne pense pas comme lui. C'est à une véritable guerre de communication, et non pas à un débat auquel on assiste aujourd'hui, entre ceux qui ont des arguments préétablis, et qui ont leur vérité . Nous avons eu l'occasion de débattre de ce thème dans cette salle, sur un sujet éminemment controversé, celui des organismes génétiquement modifiés. Il y va de notre capacité à utiliser le dialogue pour lutter contre l'obscurantisme, la plus insidieuse menace à laquelle nos sociétés ont à faire face. Aux États-Unis, certains néoconservateurs américains remettent en cause la théorie de la relativité et les créationnistes l'évolution, preuve de la très forte capacité de nuisance de ceux que l'on pourrait qualifier de marchands de doute .
Si certains acteurs ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour être à la hauteur de leurs objectifs, il serait injuste de dire que rien n'a été fait. Je puis en témoigner, moi qui ai eu le bonheur de participer depuis vingt ans au développement des ExpoScience, et qui a soutenu la création du réseau Hubert Curien en Lorraine. C'est pourquoi je ne doute pas qu'au cours de cette journée, il sera fait allusion aux réussites des uns et des autres. Quoi qu'il en soit, ma forte conviction est qu'il faut inlassablement oeuvrer en faveur du développement de la culture scientifique, technique et industrielle. « Il n'y a que les passions et les grandes passions qui puissent élever l'âme aux grandes choses », rappelait justement Diderot.
PREMIÈRE PARTIE : PARTICULARITÉS ET MODALITÉS DE LA DIFFUSION DE LA CSTI
I. PREMIÈRE TABLE RONDE : À QUOI SERT LA CSTI ?
Présidence de Mme Isabelle Attard, députée du Calvados, secrétaire de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation
Mme Isabelle Attard, députée du Calvados, secrétaire de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation. J'ai eu le plaisir d'animer ici-même il y a quelques semaines avec mes collègues un colloque sur la relation science et société. Je suis très satisfaite de constater la reprise de ce débat aujourd'hui. Nous avons voté la loi pour la refondation de l'école, mais il reste à poursuivre nos discussions autour de la loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche. Le débat d'aujourd'hui vient à point nommé.
M. Fabrice Andreone, administrateur principal de la Direction générale Recherche et Innovation, Commission européenne . L'Union européenne est à la veille d'adopter un nouveau programme cadre pour la recherche, Horizon 2020. Un de ses grands objectifs est de permettre à la recherche d'adopter des solutions pour les défis sociétaux auxquels est confrontée l'Union européenne, en matière de santé, de sécurité alimentaire, de transport, d'énergie, de changement climatique , bref, toutes les grandes questions qui préoccupent le citoyen européen.
En parallèle, Horizon 2020 (huitième programme cadre) vise à s'assurer que les résultats de la recherche et de l'innovation seront adaptés à la société dans le long terme. Comment pouvons-nous être sûrs que les solutions apportées par la recherche aux défis de la société correspondent réellement aux besoins des différents acteurs sociétaux ? Les progrès scientifiques et techniques ne seront-ils pas rejetés par la société ? Je pense notamment aux OGM, aux antennes relais, aux scandales alimentaires, au transhumanisme, etc .
Le programme pour lequel je travaille, « La science dans la société », a pour but de s'assurer que les résultats de la recherche et de l'innovation répondent réellement aux besoins de la société et des acteurs sociaux. Ce programme existe depuis le début des années 2000 sous différentes formes. Nous espérons qu'il sera reconduit dans le cadre de la nouvelle programmation pluriannuelle de sept ans, en cours d'adoption. Il a déjà donné un certain nombre de conclusions, dont trois principales. Premièrement, l'acceptation de la technologie ne peut pas résulter uniquement de la communication - le deficit model . Deuxièmement, la diversité dans la recherche et l'innovation est une nécessité pour avoir de meilleurs résultats et une plus grande créativité . Troisièmement, il est absolument nécessaire d'engager la société et les citoyens dès le début du processus de recherche et d'innovation pour faire adopter les avancées technologiques.
Nous avons développé le concept de recherche et d'innovation responsables qui, nous l'espérons, sera repris dans Horizon 2020. Ce concept comprend sept volets. Le premier concerne l'engagement de la société. L'Union européenne souhaite ainsi l'engagement de tous les acteurs sociaux dans les processus de recherche et d'innovation . Deuxièmement, le développement de la CSTI exige de ne pas oublier 50 % des acteurs de la recherche, c'est-à-dire les femmes, moins représentées dans les milieux scientifiques. Le problème de genre dans le domaine de la recherche est une vraie question . Troisièmement, l'accès libre aux publications scientifiques sera reconnu, avec certaines précautions, dans le règlement du Conseil et du Parlement européens, mais aussi dans les règles de participation dans les projets communautaires et dans les contrats de subvention. Quatrièmement, la recherche et l'innovation doivent reposer sur l'éthique, condition du développement de la recherche et de l'innovation au service de la société. Cinquièmement, l'enseignement des sciences doit être amélioré à l'école, mais aussi à l'université . En ce sens, il est crucial de fournir aux chercheurs, comme à tous les acteurs de la société de la connaissance des outils pour participer au processus de recherche et d'innovation, et d'assumer la responsabilité qui y est liée. Sixièmement, il s'agit de développer des modèles de gouvernance efficace, qui permettent d'associer les citoyens aux différents porteurs d'enjeux. Septièmement, les médias sont essentiels , dans la mesure où ils mettent en scène la manière dont la recherche et l'innovation sont présentées à la société, et la manière dont celle-ci va parler aux chercheurs et aux innovateurs.
Les États-membres ont proposé que 0,4 % du budget d'Horizon 2020 soit consacré au successeur du programme « Science dans la Société ». Nous espérons pérenniser ce programme, comme la dimension politique, et diffuser la question « Science et Société » dans l'ensemble des sous-programmes de recherche qui composeront Horizon 2020.
M. Bertrand Bocquet, secrétaire de la Fondation Sciences citoyennes, professeur à l'Université de Lille-1, laboratoire SCité. À quoi sert la CSTI ? Pour nous, cette question est identique à celle-ci : à quoi sert la culture ? Il est très important que des scientifiques des sciences expérimentales s'emparent de ces questions .
Cela dit, la Fondation Sciences citoyennes essaie de remettre en démocratie les choix scientifiques et techniques. Elle travaille aussi à la reconnaissance d'un tiers secteur scientifique. Ce point contribue d'une part à la CSTI, mais a aussi besoin de la CSTI, besoin qui se traduit par une nécessaire approche transdisciplinaire. En science et technologie, cette dimension est plutôt mal menée, car de plus en plus spécialisée, disciplinarisée . Il est aussi important de croiser ces secteurs des sciences et techniques par celui des sciences humaines et sociales.
Pour aborder cette question, je souhaite me placer du côté de nouvelles formes de recherche dites collaboratives, participatives ou citoyennes. Je pense à l'émergence de programmes en Ile-de-France, comme le « programme institution citoyen de recherche et d'innovation » (PICRI) ou « chercheur citoyen » en Nord-Pas-de-Calais, qui existe depuis 2010. Ces programmes sont des montages de projet entre une association, une organisation à but non lucratif, et un laboratoire institutionnel académique de recherche. J'ai pu constater un réel engouement de cette approche de recherche contextualisée.
Pour poursuivre ce type de programme, il faut les pérenniser, en mettant en oeuvre des programmes nationaux, et en les installant dans le temps, avec de nouveaux outils d'appropriation des questions scientifiques et techniques, qui pourraient être les boutiques de science - les science shops selon le terme anglo-saxon . Il s'agit d'un magasin de construction de solutions, lieu de médiation, qui constitue le chaînon manquant qui permettrait de relier la science et la société avec une contribution à la culture scientifique et technique, mais aussi des personnes qui soient formées en culture scientifique et technique.
La boutique de sciences se charge de traduire une demande sociale en question de recherche . Elle reformule les questions de recherche et les met en relation avec le monde académique, étant entendu qu'il est important d'associer les étudiants à cette démarche.
En France, une telle démarche a été promue dans les années quatre-vingts. Mais ces boutiques étaient semble-t-il trop proches des centres de culture scientifique et technique, et n'ont pas réussi à se développer. Il serait intéressant de les intégrer au sein des universités, qui ont pour fonction l'enseignement et la recherche, de plus en plus la valorisation, au détriment de la diffusion de la CSTI . Cela permettrait de dynamiser cette dimension de la diffusion des savoirs, étant entendu que la France compte un réseau de 82 universités qui représente une chance pour ces questions.
Cette ambition passe aussi par la formation universitaire en médiation scientifique et technique, en journalisme scientifique, en critique de science, en information scientifique et technique indépendante. Les masters devant être adossés à des laboratoires de recherche, il serait intéressant de développer des laboratoires dans ce champ des sciences en société.
En conclusion, on regrette que ces dimensions ne soient pas reprises dans la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche.
M. Jean-François Cervel, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Ayant travaillé sur ces dossiers de CSTI depuis de très nombreuses années, j'avoue qu'il ne m'était jamais venu à l'idée de me poser la question de l'utilité de la CSTI. Pour moi, elle relevait de l'évidence. Comment cependant manifester cette évidence ?
Cette évidence s'organise autour de deux mots essentiels, le mot « citoyen » et le mot « connaissance ».
En premier lieu, la CSTI est un élément indispensable de la culture générale du citoyen. À l'évidence, aucun citoyen ne peut comprendre le monde s'il n'a pas une dimension de culture scientifique, technique et industrielle même si on peut débattre de la définition, du champ et des frontières de la CSTI et de la relation entre « culture scientifique, technique et industrielle » et connaissances dans les disciplines scientifiques.
En deuxième lieu, il faut faire percevoir à l'ensemble des citoyens que l'histoire de l'humanité est celle de la connaissance, Par-delà les bruits et les fureurs de l'histoire politique, militaire, l'histoire de l'humanité c'est l'histoire de la production, du classement, de la conservation et de la diffusion de la connaissance, c'est l'histoire accumulée des découvertes et des inventions. C'est une vérité qui n'est pas suffisamment perçue aujourd'hui.
En troisième lieu, nous avons encore besoin aujourd'hui, au moins à l'échelle européenne, et sans doute à l'échelle mondiale, d'une réflexion sur ce qu'est cette CSTI. Qu'est-ce que l'histoire des sciences, des techniques ? Qu'est-ce que la relation entre science, technique et société ? Dans le dispositif scientifique, notamment français, nous avons besoin d'un lieu où soit menée une réflexion sur les contenus de la CSTI . Il est intéressant de constater que l'État, au cours des dernières décennies, a fait beaucoup dans ce domaine de la relation entre science, techniques et société. Lorsqu'on crée un comité national d'éthique, c'est un outil déterminant pour le débat citoyen sur la relation entre la science et la société. Lorsqu'on crée une académie des technologies, ou l'Institut des hautes études pour la science et la technologie, on met en place des outils déterminants pour la mise en oeuvre de cette CSTI.
Cela dit, dans la logique de la mobilisation de la communauté scientifique et universitaire, je me suis interrogé sur la section 72 du conseil national des universités (« histoire des sciences, histoire des techniques et épistémologie »), lieu où les universitaires réfléchissent sur la science . Quelles sont les conclusions que cette section porte sur la réflexion de la vision des sciences à l'échelle de la communauté universitaire ? C'est une question qu'il faut se poser.
M. Michel Cabaret, directeur de l'Espace des sciences, Rennes. Nous sommes tous confortablement installés, dans une salle climatisée. Mais le 21 décembre dernier, nous avons eu chaud. Une fois de plus, et par bonheur, nous avons échappé à la fin du monde. Il s'agissait de la 184 ème annonce de ce type, les deux suivantes étant déjà programmées, pour 2017 et 2040.
En se référant à ces croyances d'un autre âge, nous serions en permanence dans la peur de l'avenir et dans l'incompréhension du monde qui nous entoure. Dans un tel stress, comment aurions-nous pu, par exemple, découvrir le boson de Higgs, ou encore envoyer le robot Curiosity sur Mars ? La connaissance balaie rapidement bon nombre de croyances. Encore faut-il correctement la transmettre, car il est hélas plus facile de croire que d'apprendre.
La science et ses applications, les techniques, font partie de notre quotidien et de notre modernité. Dans les débats animés de la société, les enjeux scientifiques et techniques sont présents. Mais les citoyens se sentent à part, et les scientifiques pas écoutés. Qu'il s'agisse de l'atome, de l'énergie, de l'alimentation de demain, des OGM, des ondes, du gaz de schiste, le grand public formule des réserves, des craintes, et parfois du rejet vis-à-vis de la science.
Dans ces conditions, pourquoi être actif dans le domaine de la promotion de l'information scientifique ? J'ai utilisé ce terme, non celui de culture scientifique. Récemment, nous avons travaillé sur l'appellation de CSTI, terme un peu abscons, agréable à prononcer, qui ne doit pas nous faire oublier l'étendue des champs qu'il est censé couvrir. Lors de la dernière réunion de notre conseil scientifique, son président, Philippe Lazard, nous a exposé que ce concept pouvait avoir des effets négatifs, et qu'il valait mieux évoquer distinctement les dimensions culturelles de la science, de la technique et de l'industrie, trois dimensions culturelles qui peuvent être rapprochées. Encore faut-il commencer par bien les distinguer .
En réunissant trois domaines de la culture qui ont en commun le fait de ne pas être considérée comme faisant partie de la culture avec un grand « C » - arts et lettres - ne risque-t-on pas d'affirmer que la CSTI est réservée à des spécialistes, et qu'elle ne concerne ni les lettrés, ni le grand public ?
À quoi sert la diffusion de la culture scientifique ? À mon sens, il faut plus que jamais promouvoir l'exercice d'une pensée rationnelle. Nous ne connaissons pas les limites de la connaissance et, fort heureusement, nous sommes loin de tout savoir. Il est certain que nous progresserons au cours des prochaines décennies sur les grandes questions qui sont les nôtres : d'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? La vie existe-t-elle sur d'autres planètes ? La science est parfois remise en cause, parce qu'il existe un courant de pensée conduisant à une critique fondamentale de la méthode scientifique. Les créationnistes qui réfutent la théorie de l'évolution au nom de l'évolution sont aujourd'hui plus forts et plus nombreux qu'on ne le pense, même en France. Cette menace me renforce dans mes convictions, à l'heure où le monde est de toute évidence à un tournant de son évolution. D'où le rôle primordial que jouent les CCSTI sur l'information scientifique, les questions d'éducation, de laïcité, des rapports de la science avec notre société, et du respect de la liberté de pensée.
En donnant la parole aux scientifiques, en mettant le public en situation de découvrir par lui-même la science à travers des expositions renouvelées, des publications, des conférences, des cafés ou des boutiques des sciences, des planétariums, nous répondons à ceux qui souhaitent s'informer, comprendre, actualiser leurs connaissances et réduire leurs incertitudes et leurs illusions.
À Rennes, tous les scientifiques que nous accueillons connaissent un réel succès, près de 500 personnes venant chaque mardi soir à leur rencontre. Nous donnons à nos publics le plaisir de la découverte, d'être curieux. Nous suscitons de l'intérêt pour la pensée scientifique, rigoureuse, et la démarche expérimentale, qui exige de faire quelques efforts. Nous n'avons aucune prétention de porter un jugement. Le public est chez nous en toute liberté : à lui de se faire sa propre opinion. Nos médiateurs sont là pour être d'utiles passeurs de connaissances, plus que jamais indispensables dans un monde où le virtuel domine.
Cette invitation à la curiosité est notre marque de fabrique. L'éveil de la curiosité se fait durant l'enfance. Nous avons tous eu à répondre à ces belles questions : pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi a-t-on les cheveux blancs ? Les enfants constituent un public privilégié dans nos centres, qui ont un rôle complémentaire de l'Éducation nationale. La diversité de notre public montre qu'on peut être curieux à tout âge.
Néanmoins, la notion de progrès est parfois remise en cause au nom du principe de précaution, alors que celui-ci doit servir à accroître la recherche, et surtout pas à la limiter. Dans son rapport au Premier ministre du 5 novembre dernier, Louis Gallois reprend cette analyse, insistant sur l'importance de la culture scientifique pour l'avenir du pays. Fuir le progrès technique, parce qu'il représente des risques nous expose à un bien plus grand risque, celui du déclin, par rapport à des sociétés émergentes, qui font avec dynamisme le choix du progrès scientifique et technique. L'accélération de la production des connaissances, le degré de spécialisation de la recherche, et l'accroissement du fossé entre la science et la société justifient pleinement le développement de la culture scientifique. Marier science et culture est donc un enjeu déterminant pour le progrès de tous, pour l'éduction et la culture.
Voilà ce qu'avec passion nous sommes convaincus d'apporter aux enfants, aux familles et, plus généralement, au grand public. Les résultats sont là : ils sont assez extraordinaires : 200 000 visiteurs par an à Rennes, dans une agglomération de 400 000 habitants. Cela dit, il ne faut pas se contenter de ces seuls résultats quantitatifs. L'avenir est à la coopération entre les centres de science. Pour conclure, je suis persuadé que le vingt-et-unième siècle sera celui des CCSTI. « La science, a dit un jeune lycéen que j'ai pu entendre à l'Académie des sciences, voilà quelque chose qui me fait rêver, non seulement pour la curiosité jamais assouvie qu'elle suscite, mais également pour son caractère humain. Car la science est bien quelque chose qui touche à la vie même et qui a par conséquent le devoir de se projeter dans toute sorte de domaine afin de trouver la place qui lui revient. La science me fait rêver et je rêve de consacrer ma vie à la recherche. » Lorsqu'on aime la science, on aime la partager. Elle peut nous rendre heureux en nous aidant à faire reculer l'obscurantisme et la violence.
Mme Marie-Pauline Gacoin, responsable de la communication, synchroton SOLEIL. Je suis responsable de la communication, utilisant pour communiquer sur la science, tous les outils du marketing et de la communication pour valoriser des résultats. Mais communication n'est pas culture scientifique et technique. Notre politique de culture scientifique et technique à SOLEIL est donc bien dissociée de la communication stricto sensu et repose sur trois points d'appui.
Premièrement, redonner la parole à la science, là où elle est vivante, là où elle se fait. Pour nous, cela signifie multiplier les occasions du dialogue, sortir du jargon scientifique le plus souvent écrit, passer par l'oralité qui permet bien plus d'échanges . En redonnant la parole à la science à SOLEIL, le mouvement est itératif, associant tous ceux qui développent dialogue et discussion avec le public.
Le deuxième point d'appui consiste à gommer les frontières entre le laboratoire et le reste du monde. En ce sens, nous développons une politique dite « de visite » . Lorsque nous recevons un ministre, nous sommes extrêmement honorés. Nous faisons notre travail de communication et de valorisation. Mais notre politique de visite est surtout le poumon de notre activité de CST. Le flux et le reflux des visiteurs à SOLEIL, chaque jour, nous fait progresser. Un synchrotron est une espèce de hub scientifique, qui reçoit 3 000 utilisateurs scientifiques de tous les domaines tous les ans. Les chercheurs qui les reçoivent ont donc l'obligation d'être à l'écoute de la parole scientifique, de la comprendre, de dépasser leur propre jargon pour entendre celui des autres. Cette politique d'ouverture au grand public est complémentaire et permet aussi aux scientifiques de grandir et d'exercer leur métier.
Le troisième et dernier point d'appui de notre approche de la culture scientifique et technique est la formation pour et par la recherche. Cela suppose d'abord d'intégrer la dimension de l'histoire des sciences, la notion de curiosité, de valoriser le potentiel d'innovation qu'on recherche désespérément en France. Cela suppose aussi de s'adresser en premier lieu aux scientifiques eux-mêmes .
Au passage, et c'est la communicante qui parle, si l'on veut accroître l'innovation, il faut lancer une grande campagne de publicité mettant en lumière les jeunes chercheurs, une campagne de communication qui les reconnaîtra comme les innovateurs dont la recherche et l'industrie ont besoin.
Dans ce contexte, à quoi sert la culture scientifique et technique ? Les interventions précédentes l'ont évoqué : la CST sert à tout, à attiser la curiosité comme à participer au destin de la nation, en passant par l'acceptabilité, même si c'est une notion que personnellement je réprouve. Mais la culture scientifique et technique permet surtout, à mon sens, de gagner en liberté. Je suis pour ma part autodidacte en sciences et je peux témoigner de la force que donne l'envie de savoir : aller vers le savoir scientifique, c'est aller vers soi-même et trouver sa propre parole, au milieu et avec celle des autres.
M. Jack Guichard, professeur des universités, ancien directeur du Palais de la découverte. M. Le Déaut a dit qu'il fallait développer la culture scientifique pour lutter contre les marchands de doute et résister à la mondialisation en formant plus d'ingénieurs. Cela dit, répondre à la question de l'utilité de la culture scientifique suppose, à mon sens, de distinguer trois populations cibles. Les plus jeunes, d'abord, pour lesquels il faut susciter la curiosité naturelle, donner le plaisir des sciences, donner envie de se questionner, en particulier, et fournir les moyens de comprendre, grâce auxquels on développe les vocations scientifiques. La Main à la pâte va dans ce sens, mais les enseignants ne sont pas forcément assez formés. Comment avancer ? Grâce aux médias, à la télévision, aux expositions , les CCSTI et leurs médiateurs qui diffusent leur passion au public, comme le fait si bien le Palais de la découverte. Ces médiateurs et ces scientifiques transmettent leur passion de la science, ce qui est essentiel. Il ne faut pas oublier non plus les associations, qui peuvent mettre les enfants en situation de projet. Une telle démarche favorise la motivation, l'envie de science, et met les enfants en situation de pratique, élément moteur pour développer des vocations. On ne saurait non plus négliger l'école, seul endroit où l'on peut construire un savoir dans sa progressivité et sa globalité.
Une deuxième population cible est celle des préadolescents et des adolescents. Il s'agit d'une population difficile, à qui il faut donner des bases de compréhension et de questionnement à propos des phénomènes scientifiques. Pour cela, il faut multiplier les entrées : expositions, livres, clubs, télévisions, numérique, étant entendu qu'on trouve plus de sites de désinformation que de sites d'informations rigoureuses sur le Net. Pour cela, il faut leur donner un esprit critique et raisonné ouvert aux questions qui relèvent de près ou de loin aux sciences et techniques. Il faut aussi contextualiser, démarche importante à l'école et pour tous les médias qui peuvent parler de sciences et de techniques. Il faut enfin développer du raisonnement, du questionnement, de la pensée rationnelle. Ces démarches intellectuelles leur permettront de résister à la désinformation et aux poussées de l'irrationnel. Elles pourront conduire certains vers des carrières scientifiques.
Quant aux adultes - dernière population cible - ils ont besoin d'information scientifique, qu'ils peuvent notamment trouver dans les médias . Là aussi, il faut contextualiser, pour donner l'envie de comprendre, par la télévision, des expositions, des livres, pour que ces adultes disposent d'éléments pour participer au débat sur les questions de société d'aujourd'hui. Tous les moyens sont utiles et complémentaires, et doivent être utilisés au mieux. Au passage, il faut dire que les chaînes de télévision ou d'information ne laissent pas suffisamment de place aux sciences . Il faut aussi donner toute leur place aux médiathèques, aux lieux d'exposition et de démonstrations comme le Palais de la Découverte.
Les sciences sont des savoirs abstraits. C'est pourquoi il faut toujours les contextualiser, à tous les niveaux, des enfants jusqu'aux adultes. Il ne faut pas oublier que les sciences ne sont pas que des savoirs, mais sont surtout une démarche intellectuelle, qui permet d'atteindre le rationnel et développe l'esprit d'innovation.
Mme Isabelle Attard. Apprendre à apprendre, apprendre à chercher : voilà des notions qu'il faudra intégrer dans tous nos textes de loi.
M. Pierre-Benoît Joly, directeur de recherche, INRA, sociologue. Je souhaite aborder la toile de fond dans laquelle s'inscrit la question de la culture scientifique et technique, les horizons d'attente dans lesquelles les relations entre science et société, et les connaissances scientifiques et techniques prennent sens. Je défends ainsi l'idée que les relations entre science, technique et société sont marquées aujourd'hui plus qu'autrefois par le rôle crucial des promesses technoscientifiques. Elles sont problématiques : elles nourrissent des espoirs, elles suscitent des attentes, mais elles provoquent aussi des illusions et entretiennent la défiance à la science . Ces promesses se retrouvent à différentes échelles, du plus local, lorsqu'un chercheur doit répondre à un appel d'offre, à des niveaux globaux. À ce dernier niveau, on ne saurait ignorer l'Agenda de Lisbonne qui fixait, en mars 2000 l'objectif de faire de l'économie de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici 2010, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une grande cohésion sociale. »
Hélas pour nous et la planète, c'est un échec, échec qui n'a pas fait l'objet de débat public . Il n'empêche que les institutions européennes poursuivent sur la même voie, avec le projet d'Union de l'innovation. L'innovation est tenue comme la seule solution pour résoudre le système de contrainte auxquelles sont confrontées les sociétés européennes . « Que faire, peut-on lire sous la plume de la Commission, face aux problèmes de plus en plus pressants qui se posent à nos sociétés ? Changement climatique, approvisionnement énergétique, raréfaction des ressources ou encore conséquences de l'évolution démographiques. Comment améliorer la santé et la sécurité, et garantir la disponibilité durable d'eau et de denrées alimentaires de grande qualité et abordable ? L'innovation est la seule réponse à toutes ces questions. Elle est au coeur de la stratégie Europe 2020 ».
Cette colonisation des mondes scientifiques et techniques par les promesses technoscientifiques pose plusieurs problèmes. Premièrement, un tel discours est par nature hétérogène. Ces promesses se fondent à la fois sur des connaissances scientifiques et sur l'imaginaire social, sur une vision de la société du futur ancrée dans notre expérience passée. Il faut alors inscrire la promesse dans la continuité de ce qui est démontré, éprouvé, et, en même temps, la rupture. Cela peut conduire à un discours contradictoire concernant les nouvelles technologies, pleines de possibilités nouvelles mais qui ne changent rien du point de vue des risques encourus. De tels discours nourrissent la défiance .
Ensuite, les travaux de management de la recherche ont bien montré que les promesses technoscientifiques se comportent un peu comme des bulles financières. Des effets d'annonce créent des attentes, permettent de mobiliser d'importantes ressources financières. Les résultats ne sont généralement pas à la hauteur , compte tenu que les recherches sont longues et incertaines, ce qui provoque des déceptions et la chute des investissements. Ces cycles d'excitation et de déception ont des effets préjudiciables à la fois pour la recherche elle-même, mais aussi pour les différentes parties prenantes qui ont fondé leurs espoirs sur ces promesses.
Enfin, ces promesses technoscientifiques conduisent à se détourner de problèmes socio-politiques graves. Rechercher des solutions techniques aux problèmes économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux, permet d'éviter de se poser des questions fondamentales sur les modes de développement . Penser que les OGM résoudront la faim dans le monde, que les nanotechnologies sont la clé des énergies renouvelables, qu'ITER est la solution pour les énergies du futur, que la biomédecine résoudra les problèmes de santé, etc . Les promesses technoscientifiques conduisent à reléguer au second plan des questions essentielles, qui concernent la diversité des formes d'innovation, leur caractère plus ou moins redistributif, et la façon dont on les gouverne, afin qu'elles soient dirigées vers les grands problèmes auxquels nous sommes confrontés . Elles conduisent à entretenir l'illusion que la technologie peut résoudre ces grands problèmes. Or l'expérience du vingtième siècle nous a enseigné qu'il n'y a pas de façon technique simple de les résoudre.
M. Etienne Klein, docteur en philosophie des sciences au CEA, membre du conseil scientifique de l'OPESCT. À quoi sert la CSTI ? Je l'entends comme une question politique, épistémologique et presque métaphysique. Si l'on peut juger l'arbre à ses fruits, on voit bien la réponse que l'on peut donner à la question, réponse donnée par Jean-Yves Le Déaut : la CSTI est un agent de cohésion sociale . La science, et sa diffusion dès lors qu'elle est bien faite, peut être la source de joies intellectuelles tout à fait spécifiques qu'on aurait moralement tort de laisser à la marge des esprits.
Tous les organismes de recherche, comme le CEA auquel j'appartiens, ont compris ces enjeux, et font des efforts importants et croissants en la matière, alors qu' il y a 20 à 30 ans, cette activité était quasiment inexistante . Ceux qui s'y engageaient, par tropisme personnel, devaient faire preuve d'une certaine détermination, parfois d'un certain courage, alors qu'ils sont plutôt encouragés aujourd'hui. Une telle évolution doit être saluée.
Cela dit, si chacun autour de cette table est acquis à la cause de la CSTI, je veux dire la difficulté de sa diffusion , tant il est vrai qu'on en parle trop comme si elle allait de soi . Une première difficulté vient de la physique elle-même, une autre, du contexte actuel. Comment dire ce que je sais ? Sur ce point, la physique n'est pas insérée dans la langue commune . Ce qu'elle nous apprend est contradictoire avec ce que le langage dit du monde. Si l'on veut faire de la diffusion de la culture scientifique et technique en matière de physique, il faut commencer par faire une critique du langage, activité qui prend du temps, et qui oblige à faire un travail de traduction entre le langage naturel de la physique et celui de tous les jours. Ce travail de traduction est en fait impossible, étant entendu qu'on ne doit jamais cesser de tenter de le faire. Cela suppose de faire un travail sur le langage, mais aussi défaire les vulgates par lesquelles, dans la culture, on dit ce que dit la physique . Un seul exemple. Dans beaucoup d'ouvrages, notamment de philosophie de Terminale, on trouve une introduction à la physique quantique. On y dit que le principe d'incertitude d'Heisenberg énonce qu'on ne peut pas mesurer simultanément avec une précision arbitraire la vitesse et la position d'une particule. On trouve même cette phrase dans le polycopié de préparation à l'oral de l'ENA.
Lorsqu'on a lu cette phrase, on comprend qu'une particule a une vitesse et une position bien déterminée, que la méchante mécanique quantique nous empêcherait de connaître. C'est un contresens absolu, la physique quantique énonçant qu'une particule n'est jamais un corpuscule. Ce n'est jamais un objet avec une vitesse et une position bien déterminées. Pourquoi de telles vulgates continuent-elles de circuler, sans jamais être critiquées ? Pourquoi présente-t-on la physique quantique comme une évolution, et non comme une révolution ? De tels contresens ont des effets absolument pervers pour la suite.
Quant au contexte, le rapport à la science dans la société est en train de changer. En France, deux courants de pensée cohabitent, alors qu'ils devaient s'annihiler mutuellement. Le premier est le désir de véracité. Nos sociétés ne veulent plus être dupes des discours officiels . Dès qu'un discours est repris par un grand nombre de personnes, on se demande quelle est la raison pour laquelle ces personnes sont tombées d'accord. On imagine que si elles parlent comme elles parlent, c'est parce qu'elles ont intérêt à dire ce qu'elles disent et non pas parce que ce qu'elles disent est vrai. C'est le souci de ne pas être dupe, souci parfaitement légitime en démocratie. Cela dit, il s'accompagne d'un déni de la vérité . Tout se passe comme si le désir de véracité installait dans la société un processus critique tout à fait louable et généralisé, qui vient défaire l'idée qu'il y aurait des vérités assurées. On a beaucoup entendu ces derniers temps que la science serait le doute, phrase qui m'a toujours choqué, car elle nous inviterait à considérer que peut-être la Terre est plate.
M. Thierry Reygades, secrétaire national du SNES-FSU, en charge des enseignements technologiques et de la formation professionnelle. Quelques mots d'abord du lycée Diderot de Paris, où j'enseigne la mécanique. Ce lycée a été créé en 1873 pour fournir à la révolution industrielle les cadres intermédiaires dont elle avait besoin. Ce lycée comportait un lieu d'exposition où l'on exposait les travaux des élèves, et que les délégations qui se rendaient aux expositions universelles venaient visiter. Le proviseur y avait alors une automobile, qui était entretenue dans un atelier du lycée. Aujourd'hui, ce lycée offre un ensemble de formations industrielles qui va du CAP à la licence professionnelle, jusqu'à la classe préparatoire. Dans les faits, cet établissement a du mal à recruter des jeunes, trop peu envisageant de suivre des formations technologiques industrielles .
Cela dit, qu'est-ce que la culture technique, question ancienne, déjà posée par Jack Lang en son temps, via un rapport rédigé par Bernard Decomps pour « Une nouvelle ambition pour la voie technologique » (juin 2001). Celui-ci estimait que « la technologie qualifie l'analyse, la conception et le développement par l'homme de fonctions ou d'objets dont les performances de comportements sont explicitées et maîtrisées, et qu'on intègre pour mettre à disposition un produit ou un service ». Il mettait aussi en garde contre une approche trop abstraite. Il pointait « la nécessité d'assurer la maîtrise d'une base technologique suffisamment approfondie dans un domaine, condition première pour travailler de manière autonome et cultiver un savoir transmissible ».
Pour nous, la culture technique est d'abord une somme de connaissances, de compétences, de savoirs, permettant, par une réalisation, la satisfaction d'un besoin. C'est d'abord une démarche, la démarche de projet, notion qui n'a pas été mise en place, au motif que les élèves que l'on forme auraient des difficultés à appréhender des concepts théoriques. Elle a été mise en place à la fin du XIXe siècle, dans les écoles d'architecture, aux États-Unis, parce que les concepts étaient extraordinairement difficiles à comprendre et à maitriser, et parce que ce n'était que par la mise en action des étudiants qu'on pouvait appréhender ces concepts en passant par la réalisation,
Ces cultures, ces concepts, nous estimons qu'ils peuvent se regrouper autour de grands champs économiques des activités de production : le génie civil, la construction, la production mécanique, la gestion et la production d'énergie, la gestion et le traitement de l'information, les arts appliqués, etc . Nous estimons que l'approche technologique privilégie les démarches liées aux pratiques professionnelles d'un domaine large d'activités : les méthodes, l'acquisition, les capacités générales de connaissances transversales. C'est cette combinaison de réalisation, d'expérimentation, d'activités en ateliers, en laboratoires, en milieux de travail et d'élaboration conceptuelle, de résolution de problèmes pratiques et théoriques, qui est formatrice . C'est dans ce sens que la culture technique et industrielle en particulier est une part à part entière de la culture générale.
Les dernières évolutions en matière de formation ont cependant éloigné les formations industrielles des grands champs économiques des activités de production. Nous proposons de reconstruire les formations technologiques et industrielles autour de ces grands champs, et de redonner un sens à ces formations, de façon à attirer davantage de jeunes et redonner un sens à leurs études.
Débat
Mme Isabelle Attard. Le débat est ouvert.
Mme Pascale Mansier, chercheure à l'INSERM. D'après plusieurs études, la culture scientifique concerne un public très restreint. Aussi je m'interroge sur sa diffusion par la télévision, média le plus utilisé, par 70 % des Français. Pourquoi par ailleurs n'a-t-on pas parlé des polémiques très présentes en science ? La polémique a-t-elle une place dans la culture scientifique ?
M. Etienne Klein. Pour ce qui est de la physique, je ne crois pas que la télévision soit le bon vecteur. On n'a jamais le temps d'expliquer, et l'image n'est pas la bonne solution pour parler des concepts. Dans cette matière, je ne crois qu'au livre.
Mme Isabelle Attard. À mon sens, la télévision peut aider, lorsqu'elle présente des documentaires bien faits.
Mme Maud Olivier. La télévision peut donner envie d'ouvrir un livre. Encore faut-il une communication à la hauteur des enjeux.
Mme Béatrice Cork, Pôle Science et société de l'université de Lyon Je m'interroge sur la nécessité de travailler les définitions, le champ et les enjeux des différents acteurs. Chaque acteur, on le voit bien, ne travaille pas sur les mêmes enjeux, ni sur les mêmes publics. La diffusion de la culture scientifique est une chose, les enjeux science-société une autre, l'implication des chercheurs encore une autre , etc . Cet ensemble d'enjeux mériterait fortement d'être éclairé, comme les présupposés politiques et idéologiques sous-jacents. Car on ne peut travailler clairement sur un champ où il devrait y avoir de la place pour tout le monde.
On a parlé des chercheurs. À Lyon, on a travaillé pendant un an sur la valorisation des actions d'ouverture à la société dans la carrière des chercheurs. Bonne nouvelle : la Commission permanente du Conseil national des universités (CPCNU) crée un groupe de travail sur la question science-société dans les carrières, décision pragmatique s'il en est .
Quant aux boutiques de sciences, la formation des étudiants est fondamentale. Si l'on veut des citoyens plus éclairés, les formations aux enjeux science-société s'impose : une boutique de sciences peut y aider. Comment vous emparez-vous de ces questions de manière concrète ?
M. Bertrand Bocquet. La relation des chercheurs à l'institution est fondamentale. On parle beaucoup de la section 72 du CNU « épistémologie et histoire des sciences ». Cela dit, le champ science et société interroge également les sections adjacentes, 71 et 70, respectivement sur l'information et la communication, et les sciences de l'éducation. J'espère donc que le groupe de travail mentionné s'intéresse à tout ce secteur, pour qu'il y ait une meilleure reconnaissance des chercheurs sur ces questions.
Quant à la mise en oeuvre, j'ai parlé de programmes pratiques, qui fonctionnent très bien. Une boutique de sciences est du même ordre, l'objectif étant de disposer de lieux d'expérimentation. Mais il faut aller plus loin, en créant des équipes de recherche spécifique, issues des sections dont j'ai fait état.
M. Jean-François Cervel. Avec mes collègues, nous avons pu constater que les activités de culture scientifique et technique dans les établissements d'enseignement supérieur et dans les universités en particulier n'étaient pas si importantes que cela. Dans l'ensemble, la transversalité interdisciplinaire qu'est l'université n'est pas beaucoup mise à profit pour diffuser de la culture scientifique et technique , notamment entre les étudiants. Sur ce sujet, il y a une forte sollicitation à destination des établissements ou des groupements d'établissement sur le développement de la CSTI. Dans un rapport fait sur la culture à l'université, j'ai pu noter que le domaine même de la culture scientifique et technique n'était pas abordé. On abordait la politique culturelle de l'université par les champs traditionnels, pas par l'activité de CSTI.
Mme Maud Olivier. L'Assemblée nationale a déjà travaillé sur la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Dans ce cadre, nous nous sommes prononcés pour une valorisation du travail de médiation réalisé par les étudiants-chercheurs.
M. Martin Andler, président de l'association Animath. En France, on compte 10 000 établissements secondaires, et 25 000 écoles primaires. Comment faire pour toucher les élèves qui sont loin des centres universitaires, loin des CCSTI ? Il faut éviter que la culture scientifique souffre des fractures sociales et géographiques. Les professeurs des établissements scolaires doivent être les premiers médiateurs . Pourtant, on constate un vrai problème de contextualisation, l'enseignement des mathématiques étant totalement décontextualisé du rapport avec la société, d'une notion d'utilité sociale . Comment faire pour dépasser cette contradiction ? Le rôle des associations est décisif, comme celui du lien avec les CCSTI . Comment faire très concrètement pour libérer les énergies, pour que dans chaque établissement, il y ait une activité de culture scientifique qui se traduise par des clubs de science ? Comment organiser un tel objectif ? Comment l'organiser dans les établissements et les universités, alors que les enseignants-chercheurs ont déjà un nombre de missions très nombreuses, qu'ils ne peuvent pas toutes remplir ?
Yves Bonnet, institut de recherche de la fédération syndicale unitaire. Dans les propos que j'ai entendus, le travail est le grand absent, le travail au sens des ergonomes j'entends, c'est-à-dire la façon dont les gens au travail réalisent les tâches. Le travail est pour moi le creuset de la mobilisation des savoirs, de la culture technique, scientifique et industrielle, mais aussi celui de la production de savoir et de la véritable innovation. Comment comprendre que la question du travail soit absente ? Pour produire, il faut créer des savoirs. C'est une dimension que je souhaite voir apparaître dans le débat, tant elle paraît essentielle.
Mme Isabelle Attard. Nous aurons l'occasion de l'évoquer au cours de cette journée.
Louis Angouard, membre de l'association science Essonne. Je veux revenir sur les propos de M. Guichard. Diffuser la culture scientifique et technique, ce n'est pas seulement diffuser des connaissances. C'est aussi diffuser l'apprentissage de la méthode scientifique, une méthode d'évaluation et de doute. Aussi, je souhaite questionner l'école. Est-ce que la façon dont on enseigne aujourd'hui dès l'école prend en compte cette façon d'aborder la connaissance ? Celle-ci n'est pas une donnée de toute éternité, mais une acquisition. Face à l'amoncellement de données de toute nature qui tombe sur nous, non hiérarchisées et non questionnées, développer cette approche me paraîtrait une première nécessité . Refonder l'école ? Changer les rythmes scolaires et les vacances d'été ? Sans doute. Mieux former les enseignants reste cependant fondamental. Surtout, modifier la façon d'enseigner me paraît un enjeu considérable.
M. Jack Guichard. En effet. L'évolution des programmes scolaires en primaire y répond, comme au collège . Mais c'est un fait qu'il faut parvenir à faire évoluer les choses concrètement. Pour le lycée, la question n'est pas encore résolue.
M. Bertrand Bocquet. Je suis très content d'entendre parler d'école et de la réforme des temps scolaires. Qui peut intervenir durant ces temps scolaires libérés ? Les associations doivent investir le champ, tant dans le domaine de la culture artistique que de la CSTI .
Mme Isabelle Attard. Sur ce sujet, il faudra aborder la question des moyens financiers des associations, lesquelles, en province, n'ont plus les moyens d'exister.
Mme Valérie Schafer, chargée de recherche à l'Institut des sciences de la communication du CNRS. La diffusion de la culture scientifique et technique passe aussi par des outils numériques. Quelle place pour les technologies de l'information et de la communication, et le numérique dans cette diffusion de la CSTI ?
M. Michel Cabaret. La diffusion de la CSTI via le numérique est en effet très importante. Encore faut-il souligner qu'on y trouve tout et son contraire . Nous travaillons activement sur ce sujet, avec nos collègues de Caen, Grenoble, Bordeaux, Toulouse et d'Universcience.
Mme Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, directrice de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST). Ma question porte sur notion de recherche responsable mise en avant par la Commission européenne dans le nouveau programme Horizon 2020. Depuis une trentaine d'années, on a assisté à un glissement des projets de la Commission, d'abord orientés vers des dimensions culturelles, puis la science et société, et aujourd'hui sur la recherche responsable. Comment la Commission considère-t-elle notre réflexion sur l'utilité de la culture scientifique et technique, et les quelques orientations qui se dégagent du paysage français ?
M. Marc Fellous, INSERM. Je veux vous décrire mon expérience de l'enseignement de la recherche scientifique en lycée. Cette année, j'ai participé à trois conférences dans trois lycées parisiens. À chaque fois, j'ai pu constater l'enthousiasme du public. Mais dès que je demande aux jeunes s'ils veulent s'engager dans une carrière scientifique, ils me répondent par la négative. Tous veulent faire de l'économie. Voilà qui pose la question de l'image du scientifique dans notre société . De fait, le nombre d'étudiants en science dans nos universités est à la baisse.
M. François Bujon de l'Estang, chargé de communication, CEA Saclay. La CSTI est une obligation démocratique , et je suis étonné de ne pas avoir entendu parler de cet aspect. L'État organise à travers la Commission nationale du débat public (CNDP) des rencontres et des réflexions autour des nanotechnologies. On sollicite l'avis du citoyen, sans jamais se demander comment il est arrivé à se forger un avis. C'est un vrai problème, l'État n'ayant pas pris en compte le fait que le citoyen n'a pas les moyens de se forger l'avis qu'on lui demande d'avoir .
Mme Isabelle Attard. Je vous invite à entendre à la troisième table ronde, « Un accès plus démocratique au savoir ».
M. Jack Guichard. Il ne faut pas que les citoyens réduisent la science à des savoirs. Ils doivent comprendre que la science suppose un certain nombre de démarches. C'est pour moi l'essentiel.
M. Jean-François Cervel. Faire bien l'homme et dûment, disait Montaigne... Le citoyen, par définition, est un objet imparfait. Aussi faut-il faire en sorte qu'il soit le moins imparfait possible, objectif, selon moi de la CSTI .
M. Fabrice Andreone. Pour répondre à Mme Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, il faut savoir qu'une discussion a toujours lieu sur le programme de recherche de la Commission pour les sept années à venir. La discussion a lieu entre le Parlement, la Commission et le Conseil sur deux aspects. Le premier a trait au budget. Le Conseil européen de février a fixé les plafonds maximums de dépenses de l'Union. Aussi les plafonds des politiques scientifiques ont-ils été diminués par les États membres par rapport aux propositions de la Commission. Le deuxième a trait au règlement du Conseil et du Parlement pour Horizon 2020. Pour nous, il y a deux aspects, un premier politique, à savoir la recherche et l'innovation responsables. C'est un concept qui devrait être intégré dans l'ensemble du programme cadre, tant pour le changement climatique, les nanotechnologies ou le développement de l'avion du futur. En appui, un programme spécifique fait suite à celui sur « la science et la société » qui va s'appeler « science with and for society » . Quel sera le budget dédié à ce programme ? Il est aujourd'hui proposé que les États membres y consacrent 0,4 % du montant maximum sur sept ans qui sera dédié à ces questions. Ce programme devra alimenter la réflexion sur l'avenir des relations entre la science et la société, et la culture scientifique. Mais les discussions sont toujours en cours, et les avis ne sont pas forcément les mêmes entre le Parlement, les groupes politiques qui le composent, la Commission et les États membres. Nous attendons une réponse pour le Conseil européen du 28 juin prochain.
II. DEUXIÈME TABLE RONDE : LE DÉBAT PUBLIC ENTRE MÉDIAS ET MÉDIATEURS
Présidence de Mme Dominique Gillot, sénatrice du Val-d'Oise, membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, membre du groupe d'études sur l'éducation populaire et la culture
Mme Dominique Gillot, sénatrice du Val-d'Oise, membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, membre du groupe d'étude sur l'éducation populaire et la culture. Les acteurs de la CSTI ont déjà été évoqués. Ce sont les enseignants, les associations, les médias traditionnels ou spécialisés, les musées et les centres. À mon sens, il y manque l'université ou les lieux de formation, qui peuvent être des lieux de médiation, de diffusion et de partage. J'ai beaucoup entendu parler culture scientifique et technique. Or, je crois qu' il faut aller vers le partage, la construction d'un savoir partagé, exigence démocratique essentielle, pour que la connaissance puisse être au service de la société et s'appuyer sur elle pour préparer les débats sur les grands enjeux et éviter les controverses stériles.
M. Cédric Villani, mathématicien, directeur de l'Institut Henri-Poincaré, médaillé Fields 2010. De nombreux acteurs s'impliquent dans la médiation scientifique : enseignants, associations, journalistes, animateurs d'émissions, médiateurs d'institutions de culture scientifique, professionnels de la communication scientifique. Tout cet écosystème réalise un travail admirable. Pour autant, tout cela n'est pas suffisant, la société attendant aussi une implication directe des scientifiques. On attend du scientifique qu'il puisse témoigner sur son activité, incarner la science qu'il représente, donner un témoignage direct, sans filtre, sur son métier . On lui demande aussi parfois de participer à des débats publics, un peu comme un intellectuel légitimé par sa compétence sur une certaine spécialité, mais autorisé à s'aventurer sur d'autres spécialités.
Autrefois, l'acticité de médiation était plutôt considérée comme un pensum par les scientifiques. Aujourd'hui, elle est plutôt considérée comme un devoir, voire un plaisir . Depuis trois ans, j'ai beaucoup investi dans de telles activités, à la fois par devoir et par goût. J'ai essayé de nombreuses formules, de nombreux médias. Quelles sont mes conclusions ? D'abord, je constate que la demande est très forte. La société est très demandeuse, sous des formes très diverses . Personnellement, je reçois une à deux sollicitations par jour. Je suis invité par des écoles primaires, des collèges, des lycées, des universités, des entreprises , des associations, des clubs culturels, des partis politiques, des think tank, des clubs de patrons ou d'anciens élèves, des festivals artistiques, des émissions de radio, de télévision, des talk-shows. J'ai une liste d'au moins 130 établissements en attente. La demande est donc très forte, et il est important qu'il y ait un nombre suffisant de scientifiques qui s'engagent .
Ensuite, les publics sont très variés. En fonction de l'auditoire, le médiateur peut jouer des rôles différents. Auprès des jeunes, on peut tenir le rôle de témoin, qui peut évoquer son métier, répondre à des questions, des inquiétudes, compléter aussi le travail de l'enseignant, en redonnant du sens au cours ou en se demandant « à quoi ça sert' » - question qui désarçonne bien souvent un professeur de mathématiques ou plus généralement de sciences. Ce rôle du médiateur doit rester modeste, ne pas venir en remplacement de l'enseignant, mais en appoint, en lui donnant du sens, qui permettra à l'enseignant de mener son cours à bien.
À quoi servent les mathématiques ? C'est la question qui exaspère souvent les chercheurs, mais il faut bien se résoudre à y passer du temps, pour toutes sortes de public. Lorsqu'on veut évoquer le sens du métier, il faut aussi évoquer des aventures, se faire conteur et raconter de belles histoires. Cette activité a été l'essentiel de mon action de médiation au cours des trois dernières années. Il s'agit de replacer les sciences dans l'histoire des progrès humains , de raconter des histoires individuelles ou collectives, des projets scientifiques, des choses qui font rêver. Au passage, la dénomination de culture scientifique et technique a une dimension un peu perverse, pouvant laisser entendre qu'elle est à part de l'ensemble de la culture. Pour moi, les sciences sont partie intégrante de la culture. Elles accompagnent les progrès de l'humanité et entrent sans arrêt en résonance avec l'histoire, la société et la géopolitique, les arts ou la littérature .
Un scientifique peut d'ailleurs se retrouver invité à intervenir dans des contextes non scientifiques . Par exemple, j'ai ainsi été invité à des émissions musicales, où l'animateur me demandait de commenter des morceaux de musique, les questions scientifiques étant abordées subrepticement. Certains se demandent si un scientifique est légitime dans ce genre de contexte. À mon sens, il faut s'y engager. La compétence acquise sur un domaine ne doit pas vous décourager d'intervenir sur des questions plus générales . Beaucoup de gens qui s'expriment dans ces contextes n'ont, après tout, pas de compétences d'expertise sur un domaine technique particulier. En outre, intervenir sur des questions culturelles qui sont en dehors de votre domaine de spécialisation est important pour tisser des liens avec les auditeurs, qui seront ensuite beaucoup plus réceptifs au discours scientifique.
On peut aussi jouer le rôle de passeur, d'accompagnateur pour aller d'un milieu dans un autre. Parmi les plus importants, j'ai ainsi eu à jouer un rôle dans la transition entre le lycée et l'université . Les enseignants de lycée nourrissent des sentiments ambivalents face à l'université, voyant les universitaires sur un piédestal, et les universités comme des endroits pas toujours bien gérés. Ce double ensemble de préjugés contribue à faire de l'université un lieu mal perçu du côté du lycée. J'ai ainsi été amené à faire des interventions pour des lycées dans un contexte universitaire, notamment à Strasbourg. Mes collègues strasbourgeois m'ont dit que cette expérience, convenablement exploitée par l'université, s'était soldée par une augmentation de 50 % des chiffres d'inscription dans les filières locales de L1.
Pour tout ce genre d'activités, rien n'est plus efficace que le contact direct, étant entendu qu'on ne saurait s'en contenter. Vous allez toucher quelques milliers de personnes - quelques dizaines de milliers sur trois ans, de mon côté. Cela ne suffit donc pas à répondre à la demande. Alors il faut aussi utiliser d'autres formes de communication. Il faut donc faire appel à des intermédiaires : animateurs de télévision, éditeurs, journaux, livres...
Par exemple, avec l'institut Poincaré, nous avons parrainé la réédition d'une série de vulgarisation sur les mathématiques, initiée en Espagne, Le monde des mathématiques . Le premier exemplaire s'est vendu à 65 000 exemplaires, dépassant largement les prédictions du Monde. Au total, près de 200 000 ouvrages de la série ont été vendus, et nous ne sommes pas encore à la moitié de la collection.
Le contact « de masse » avec le grand public peut être extrêmement fertile. Je dois à l'initiative de professionnels certaines de mes plus belles expériences en la matière : des cartes blanches dans Le Monde, des chroniques sur France Info, et l'expérience inattendue de mon ouvrage grand public, « Théorème vivant », initié par un contact avec l'éditeur Grasset, qui a bouleversé certains codes, et mériterait une analyse approfondie sur la thématique du contact avec le lecteur.
L'interface des médias peut être très fertile, mais aussi parfois dangereuse. D'abord parce que le chercheur n'est pas forcément habitué à la prise de parole en public ou à faire face à un plateau télévision . Cela dit, cela se travaille, grâce à de bons coaches, des professionnels qui savent amener les scientifiques à exprimer le meilleur d'eux-mêmes : si j'avais un conseil à donner aux scientifiques qui veulent se lancer dans l'aventure, ce serait de suivre des stages, j'ai pour ma part suivi une formation de deux jours qui m'a été d'une utilité considérable . Ajoutons que le public est très prompt à pardonner la gaucherie des scientifiques, voire à y trouver un certain charme quand elle n'est pas outrée !
Ce qui est souvent bien plus délicat, par contre, ce sont les petites trahisons, les imprécisions, les déformations, les coupures et des petits détails qui peuvent tout changer. Tout compte dans un article ou une communication qui évoque des sciences : la mise en paragraphe, le titre, la mise en scène, la ponctuation ou même l'intonation ! Aussi je conseille vivement aux journalistes, aux politiques, ou à quiconque est amené à relayer un message scientifique, de faire relire les textes par le scientifique concerné ou cité. Tant que l'on se met d'accord sur les règles du genre (par exemple le journaliste est souverain dans le choix des sujets traités, dans sa conception du titre, dans la longueur attribuée aux réponses, etc. mais le scientifique a le droit de corriger les erreurs factuelles, de vérifier que son affiliation indiquée est conforme aux besoins de son institution, de suggérer des clarifications ou des reformulations), on élimine ainsi, dans mon expérience, le plus souvent en quelques minutes de discussion, quasiment tous les problèmes qui se posent entre personnes de bonne foi.
M. Michel Alberganti, journaliste scientifique, producteur de l'émission « Science Publique » (France Culture). Je vais vous parler du débat public, sujet d'actualité, qui pose un vrai problème en France. À Bure, lors de la dernière tentative de créer un débat public sur le sujet des déchets radioactifs, des opposants ont d'entrée de jeu réussi à bloquer le processus et à empêcher la tenue de la première réunion. C'est un bon exemple des problèmes qui peuvent exister entre la société, la science et la technologie.
Un tel blocage n'est pas le premier du genre. Dans les années 2009-2010, lors du précédent débat public national, sur les nanotechnologies, on avait assisté au même blocage, qui était le fait d'une « association », Pièces et mains d'oeuvre , qui avait réussi à bloquer l'ensemble du processus national. Aussi bien, les grands médias commentent-ils peu le fait que le débat public, sur les sujets scientifiques, devient impossible, alors que de tels évènements remettent en cause la notion même de débat public . Si le débat public sur les nanotechnologies a été bloqué et, si sur les déchets nucléaires radioactifs, il risque de l'être aussi, c'est parce qu'il y a un problème sur la définition même de ce débat. Lorsqu'on dit « débat », on attend que chacun apporte sa contribution, pour que, au terme du débat, émerge quelque chose qui n'a pas été prévu à l'avance . Tel n'est pas le scénario des débats publics, tels qu'ils sont organisés par la commission nationale du débat public. Les opposants, en particulier, estiment qu'il ne s'agit pas d'un débat, mais d'une information donnée au grand public, avec l'objectif de le convaincre que le sujet traité ne pose pas de problème à la société . Aussi faudrait-il accepter les développements des nanotechnologies et l'enfouissement des déchets nucléaires.
La société considérerait donc qu'il n'y a pas de débat, que les décisions sont prises à l'avance ou ailleurs, et que la notion même de débat est faussée . Peut-être faudrait-il changer de nom et parler de campagne d'information, notion qui serait plus juste. Quoi qu'il en soit, un tel blocage est très grave, car l'information du public ne passe plus . À Bure, par exemple, l'endroit où l'enfouissement peut avoir lieu, où l'issue du débat semble plus ouverte, contrairement aux nanotechnologies, le blocage est patent. Les journalistes se retrouvent ainsi dans une situation paradoxale. Je suis en train d'essayer d'organiser une émission sur le sujet des déchets radioactifs. Une association nous a répondu que cela n'allait pas de soi pour elle, le fait de participer à une émission sur le débat étant une façon de participer au débat. Voilà qui pose un vrai problème d'explication au public .
Bref, le débat public est sur la sellette. Il faudra revoir sa définition, ses procédures, pour faire en sorte qu'une communication entre le public et la science soit possible en France, alors que les situations de blocage sont de plus en plus fortes . J'ajoute que la dimension politique échappe à l'organisation de ces débats. Croire que la science est un problème de connaissance est une erreur grave. Car dans les faits, les choix scientifiques sont des choix politiques. Pour les nanotechnologies, la notion de progrès de la société associé à la science n'est pas perçue de la même façon selon les sensibilités politiques. Pire pour les déchets, sujet non prospectif, où le débat est totalement bloqué. Il faut donc sérieusement se pencher sur ce sujet, tant il a une influence sur le grand public de ce qu'est la science et de ce que la technologie peut apporter à la société.
Mme Dominique Gillot. La question de la décision politique, qui doit être éclairée par la connaissance scientifique et celle de la confiance des citoyens dans l'organisation du débat démocratique sont en effet essentielles.
M. Michel Alberganti. La communication entre politiques et scientifiques est certes indispensable, mais le sujet aujourd'hui est celui de la place du public, qui n'a plus confiance .
Mme Florence Belaën, responsable de l'observation, Office de coopération et d'information muséales (OCIM). Quels sont les acteurs de la CST ? Vaste sujet, tant les sciences ne sont pas le fait d'un seul corps professionnel et qu'elles dépassent les cloisonnements. Des acteurs, on peut en compter jusqu'à 1 600, lorsqu'on y intègre les acteurs professionnels qui relèvent du patrimoine : musées, parcs zoologiques, aquariums, centres de science, monde de l'éducation populaire, universités, médias.
Ce champ est donc très varié. Pour le public, il s'agit tous d'acteurs de la culture scientifique et technique. Ces institutions ont des fonctions d'éducation. Ce sont des lieux d'apprentissage, qui aiguisent la curiosité des enfants comme des adultes. Elles traitent d'éducation, de mise en culture des sciences, d'histoire des sciences et d'épistémologie. De telles structures sont aussi de plus en plus perçues comme des lieux de potentiel touristique.
Dès lors, comment mettre en valeur l'actualité des sciences ? Les citoyens s'intéressent aux sciences, on le sait, dès lors qu'elle a un rapport avec leur vie quotidienne . Un seul exemple : la campagne de vaccination lancée à l'occasion de la grippe aviaire. En la matière, chacun reconnaîtra qu'il y a eu un raté. À qui s'adresser ? Comment dialoguer ? Les acteurs de la médiation scientifique ne sont pas forcément les premiers sollicités dans ce genre de discussion avec la société civile. Aussi faudrait-il utiliser tous les acteurs que j'ai cités pour construire des sociétés de dialogue autour des enjeux science et société, et ne pas les mobiliser uniquement dans des situations extrêmes . Certaines expériences vont en ce sens, tendant par exemple à intégrer l'actualité des sciences dans une exposition scientifique.
De nombreux débats sont également organisés par la Commission européenne, sur de nombreux sujets. Où trouver la synthèse de ces débats ? Sur ce point aussi, je crois utile de mobiliser les acteurs de la CSTI, pour capitaliser tous ces travaux. Car si de nombreuses institutions, notamment médiatiques, font l'objet d'une vraie défiance, c'est beaucoup moins vrai pour les musées ou les centres culturels, qui bénéficient toujours d'une bonne image auprès du public .
Une réflexion pour une plus grande mobilisation de ce champ est donc à lancer, ainsi que de leurs médiateurs. Il faut leur donner les moyens de dépasser le stade de l'éducation informelle, pour qu'ils puissent s'engager sur l'actualité .
Mme Dominique Gillot. Dépasser le stade de l'éducation informelle est aussi une manière de construire plus largement la connaissance.
Mme Mathilde Michel, secrétaire générale des programmes, France Télévisions. Permettez-moi de faire une introduction rapide sur l'ensemble de nos programmes scientifiques. Notre cahier des charges nous impose de diffuser à des heures de large audience des programmes de connaissance et de décryptage, qui permettent de vulgariser la science. C'est ce que nous faisons très largement à travers l'ensemble de nos chaînes nationales et de nos réseaux régionaux et d'Outre-mer. On le fait à travers des rendez-vous réguliers et bien identifiés, comme C'est par sorcier , émission vieille de vingt ans, On n'est pas que des cobayes, les documentaires de France 5 ou encore des événementiels à des heures très bien exposées. Je pourrais citer aussi des docufictions, comme le Cerveau d'Hugo , sur le fonctionnement des cerveaux d'autiste, diffusé l'an dernier, et un grand projet autour de Marie Curie en 2014.
La télévision publique considère donc qu'il est au coeur de ses missions de disséminer la culture scientifique et de le faire en prenant des chemins de traverse qui permettront au plus large public de mieux appréhender la science. Nous le faisons avec des modes de narration qui peuvent être ceux de la fiction, pour replacer la science dans l'histoire des hommes. Une attention toute particulière est portée aux jeunes enfants, à la fois sur les sciences et les mathématiques.
Mme Elodie Buronfosse, directrice des actions éducatives, France Télévisions. Depuis deux ans, nous avons eu à coeur de traiter le sujet de la culture scientifique et technique, en faisant en sorte de sortir de l'écran familial, pour apporter de l'interactivité et des opérations de terrain. Sur France 5, on propose ainsi aux enfants, dans l'émission On n'est pas des cobayes , de reproduire des expériences, de se filmer, les meilleurs films étant diffusés pendant l'émission. Cette offre numérique a rencontré un vrai succès, puisque nous avons reçu 200 vidéos convaincantes. On a également organisé un master-class avec des collégiens qui ont participé à l'émission.
On essaie de développer des opérations de terrain avec C'est pas sorcier. Un Science Tour va être organisé dans quinze jours. Ce sont quinze camionnettes qui vont se lancer sur les routes de France pour proposer des ateliers aux jeunes, l'objectif étant l'échange d'expériences. France TV Éducation, lancée en novembre dernier, propose de nombreux contenus scientifiques, 20 % des contenus de la plate-forme éducative. Des web séries ont été coproduites avec Universcience. Des expérimentations sont en cours en matière de serious game , en particulier un jeu qui s'appelle 2020 Énergie.
Pour finir, France Télévision et le Centre national de la documentation pédagogique sont partenaires d'un GIE, lesite.tv , qui propose des vidéos pédagogiques pour les enseignants, et pour un usage en classe. Plus de 700 vidéos pour les collèges et les lycées, autant pour l'école, sont disponibles.
M. Francis Duranthon, directeur du Muséum de Toulouse. Merci de me permettre de porter la voix d'institutions anciennes que sont les muséums de France. Il s'agit d'acteurs historiques de la culture scientifique , la plupart étant nés dans la foulée de la Révolution française, au XIX ème siècle. Ce sont des acteurs particulièrement actifs sur le territoire, accueillant plus de 4 millions de visiteurs à travers l'ensemble des régions françaises .
Ces muséums sont pourtant des oubliés de l'État, notamment en matière de financement, n'émargeant sur le programme 150, que sur 0,71 % des crédits. L'essentiel de l'effort repose sur les collectivités territoriales . Certaines sont extrêmement actives, comme à Toulouse ; dans d'autres, l'aide est réduite au strict minimum. Pourtant, les problématiques scientifiques développées dans ces établissements sont au coeur de notre société actuelle : biodiversité, exploitation des ressources naturelles, brevetage du vivant ou bioéthique . Ils en sont des médiateurs non exclusifs, mais des médiateurs parfaitement légitimes.
De tels établissements étaient considérés comme dépassés il y a une trentaine d'années. Ils ont été remis en selle par les acteurs de la société, le public les considérant comme des lieux de médiation naturelle et privilégiée sur les questions d'environnement, de société et de développement durable.
J'en viens au médiateur. La culture scientifique et technique n'est pas l'agrégation de savoirs disciplinaires, aussi pointus soient-ils. Ils sont nécessaires, mais non suffisants. La culture, quelle qu'elle soit, ne se construit que par la mise en résonnance des différents champs disciplinaires, avec l'apport des sciences humaines et sociales. Il n'y a pas d'un côté la science, de l'autre, la société . Si l'on veut que les citoyens de demain et d'aujourd'hui soient à même de comprendre les enjeux de la recherche et de les discuter, bref, si l'on veut qu'ils soient en mesure d'effectuer les choix raisonnés, il appartient à l'État de leur donner les moyens pour pouvoir les discuter, que ce soit à travers les cursus d'éducation formelle, mais aussi informelle. Comment aujourd'hui imaginer mettre en débat la science , développer une expertise citoyenne, si l'on ne maîtrise pas les concepts et les outils développés par les sciences humaines et sociales, qui permettent de comprendre les enjeux, donc d'y participer ? Ce doit être le coeur du travail des médiateurs de la culture scientifique.
Cette notion de médiateurs est cependant un terme fourre-tout, qui regroupe toute une palette de métiers liés à l'éducation informelle . Cette diversité ne facilite pas la prise en compte des spécificités des uns et des autres, ni la reconnaissance de leur savoir-faire. Concepteurs d'exposition, chefs de projet, muséographes, webmasters, animateurs, bibliothécaires, documentalistes, chargés de multimédias, tous ces gens sont des acteurs de la culture scientifique, et j'en oublie. Chacun de ces métiers exige des savoir-faire. Quelles sont les formations qui intègrent la dimension des sciences humaines et sociales au cours du cursus que suivent ces différents acteurs de la médiation scientifique ?
Pour conclure, je souhaite évoquer le statut des personnels, en particulier dans les collectivités territoriales. Si les mots ont un sens, il est symptomatique de noter qu'au sein des filières de l'Administration, et même au sein de la filière culturelle, le terme de « culture » n'apparaît pas. Les grades de la Fonction publique font référence au patrimoine, aux bibliothèques, à l'enseignement artistique, et si l'on résume de manière caricaturale cette vision, on pourrait dire que la culture est l'art et le patrimoine, ce qui me paraît être une vision totalement surannée de la culture. On confond les fondations et l'édifice que nous devons bâtir ensemble. Faut-il aussi parler du maquis auquel doivent faire face les jeunes qui souhaitent s'engager dans une vie professionnelle de médiation de culture scientifique ? Dans les filières de la Fonction Publique, c'est totalement incompréhensible : il est grand temps de ré-harmoniser des cadres posés il y a une vingtaine d'années, aujourd'hui bien dépassés.
En conclusion, l'objectif principal que doivent poursuivre les médiateurs est de mettre la science en culture par tous les médias possibles, et par la gestion de la controverse citoyenne. Pour cela, il me semble indispensable d'intervenir dans l'ensemble des cursus de formation scolaire et universitaire des citoyens comme des médiateurs, en y intégrant davantage les apports des sciences humaines et sociales , pour que la confiance et le respect des choix collectifs soient assurés, dès lors que le débat est engagé et que les choix sont réellement collectifs. Quant à la Fonction publique, il est grand temps qu'elle envisage de réformer les cadres dans lesquels nombre de métiers de la médiation scientifique ne sont pas intégrés.
Mme Dominique Gillot. Voilà des questions précises, adressées aux responsables et au législateur...Nous sommes en train de travailler sur la définition des filières dans l'enseignement supérieur et la recherche, et nous nous heurtons à ces barrières entre les responsabilités territoriales et nationales. C'est un débat interministériel qui devra aboutir.
M. Gérald Bronner, chercheur en sociologie, Université Paris Diderot (Paris 7). Comme vous tous, je suis un supporter de la diffusion de la culture scientifique et technique. Cela dit, il ne suffit pas d'augmenter le volume de diffusion de l'information pour constater une progression mécanique dans le grand public d'une perception raisonnable d'un certain nombre de questions scientifiques . Qu'on songe simplement à la réception difficile de la théorie de l'évolution, 150 ans après la publication du grand livre de Darwin. Nos concitoyens se déclarent être darwiniens, alors qu'ils sont intuitivement finalistes ou crypto-lamarckiens.
Mais je partirai d'un exemple plus parlant. Lorsqu'on demande à nos concitoyens si le soleil tourne autour de la terre ou l'inverse, près de 30 % d'entre eux affirment que le soleil tourne autour de la terre, 7 % déclarant ne pas savoir. Certes, le problème du géocentrisme intuitif de notre esprit n'est pas forcément le plus grave. Mais il pointe une difficulté essentielle pour réfléchir à la question de la médiation de la connaissance scientifique. La question essentielle, le passager clandestin de toutes nos discussions, c'est celle de la perception du risque . Un problème de négociation entre les propositions orthodoxes de la science et celles de l'opinion publique porte sur toute une série de questions ayant trait au risque. Est-il dangereux de vivre près d'une antenne relais ? Jusqu'à preuve du contraire, aucun lien de dangerosité de développement de cancer à proximité d'une antenne relais n'a été relevé de façon épidémiologique. Pourtant, en 2005, 49 % de nos concitoyens considéraient qu'il y avait un tel risque, contre 69 % en 2010, soit un bond de vingt points spectaculaire. Et pourtant, ce ne sont pas les informations qui manquent, ni les controverses.
La seule disponibilité de l'information ne suffit donc pas à faire émerger des avis qui soient conciliables avec l'orthodoxie de la science . D'un point de vue sociologique, cet écart me paraît intéressant, en même temps qu'inquiétant. Dans ce dédale cognitif, l'orthodoxie de la science ne sert plus de fil d'Ariane. On le constate sur la sphère Internet comme dans les médias traditionnels.
Notre cerveau n'est pas bien équipé pour concevoir raisonnablement le risque. On a pu montrer expérimentalement que nous multiplions intuitivement les faibles probabilités par dix ou quinze. Nous tenons systématiquement beaucoup plus compte des coûts que des bénéfices . Voyez les deux colonnes vertébrales qui enserrent tous les débats publics autour de l'innovation technologique. Ce n'est pas pour rien que le centre de gravité de ces débats se déplace vers la question d'un risque souvent surestimé, du moins difficilement estimable, vers une polarisation des coûts plutôt que vers les bénéfices technologiques. On est face à une balance déloyale dans les débats publics .
Mettre autour d'une table des citoyens pour débattre de ces questions implique aussi une grande technicité. Il ne suffit pas d'aller vers ces sujets avec une éthique de conviction ; encore faut-il beaucoup d'éthique de responsabilité .
M. Lionel Larqué, directeur adjoint de l'association « Les Petits Débrouillards », Alliance sciences-société. Pourquoi des politiques de culture scientifique et technique ? Les attendus de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France du 15 juillet 1982 énoncent qu'il s'agit et avant tout « de contrebalancer et de contenir les penchants irrationnels et les dynamiques antisciences du corps social ». Voilà qui déterminera les investissements que la nation a consacrés depuis trente ans aux rapports entre science et société. C'est, on le voit, une politique de défiance par rapport au corps social, qui a structuré un agencement institutionnel tout à fait adapté à cette vision, à savoir une déclinaison de modèle linéaire. Il y aurait des lieux de production, de diffusion et de réception. Tout l'agencement institutionnel a été adapté à ce schéma. Les rétroactions n'y sont pas intégrées. Ce schéma fonctionne. On constate une explosion de l'offre, à telle enseigne qu'il n'y a jamais eu autant d'expositions, de livres, d'émissions de télévisions sur les enjeux science et société . Cela fonctionne d'autant mieux que le niveau de confiance est très élevé. Aussi je ne partage pas la névrose collective. L'institution qui relève, en France, des plus hauts standards de confiance dans notre pays, c'est l'institution scientifique, très loin devant les partis, les syndicats et l'institution juridique.
Quelle est donc notre psychose ? De quoi avons-nous peur, alors que le niveau de confiance est très fort, comme le niveau d'appétit et de goût pour la science ? Bref, la politique publique fonctionne depuis 1982. Le problème, c'est son inadéquation. On dit qu'il y a défiance, alors qu'il y a montée de la critique, sujet qui ne relève pas des rétroactions des politiques publiques et des acteurs. Qu'observe-t-on en matière d'OGM, de nanotechnologies ou de biologie de synthèse ? Une critique en amont des programmes métaphysiques de recherche. Or, on ne sait pas en débattre. Pourquoi les nanotechnologies ? Pourquoi la biologie de synthèse ? Aucune société contemporaine ne sait aborder ces innovations, d'autant que nous n'avons jamais vécu un aussi grand flux de production de nouvelles connaissances. En France, ce sont 350 000 personnes qui sont payées à produire de la connaissance tous les jours. Pour un corps social, c'est indigeste.
Nous sommes confrontés à ce problème. Nous avons développé des canaux de diffusion. En retour, les réactions de la société perturbent le jeu de l'innovation. C'est ce défi qui nous est posé. La situation actuelle pourrait se rapprocher de ce que nous avons connu dans les politiques culturelles et artistiques des années soixante-dix, où nous étions les promoteurs d'une vision malrucienne de l'art. Cela ne fabrique pas des acteurs, mais des consommateurs de livres. Comment transformer cette vaste entreprise de vulgarisation et de diffusion de l'information en direction de jeunes, d'enfants et d'adultes ? C'est une question qui exigerait d'être au coeur des politiques publiques à venir. On l'a fait dans les politiques culturelles et artistiques, où l'on a créé le métier de la médiation culturelle et artistique, qui a contribué à l'excellence artistique . Il n'y aurait pas d'art de la rue de si haut niveau, de cirque contemporain, de retour de la dance moderne, de hip hop, sans articulation entre lieux d'excellence et acteurs populaires du terrain. Même phénomène dans les politiques sportives. Pour celui-là, il a fallu quarante ans d'effort, pour celles-ci, soixante ans.
Une politique bien pensée devrait être bâtie sur quatre piliers. D'abord sur les interactions entre science, recherche et société, notion qui devrait être au coeur de votre rapport. Celui-ci devrait être centré sur la démultiplication des efforts des lieux de pratique, et non de diffusion . Il n'est pas aberrant de disposer, dans vingt-cinq ans, de trois ou quatre lieux de pratiques mathématiques, biologiques, numériques, etc . dans toutes les régions françaises. Cela ne nécessite pas de moyens colossaux au regard des politiques culturelles artistiques et de sport. Il devrait y avoir dans les stratégies nationales de recherche et d'innovation la déclinaison de l'apport sur le contrat et le pacte social sur les recherches participatives, citoyennes et coopératives . À force de ne pas vouloir le quantifier, on va continuer à passer des années à ne pas savoir de quoi on parle. Cela peut se décliner aussi dans les contrats de site des universités, dans des stratégies de savoirs vécus à l'attention des étudiants, qui doivent permettre d'incorporer les savoirs en phase d'acquisition, par des services rendus à la société, en même temps qu'ils sont en train de les acquérir à l'université. Beaucoup de présidents d'université, j'en suis convaincu, seront enchantés de décliner ces politiques dans leur prochain contrat de site.
M. Marc Lipinski, directeur de recherche au CNRS, fondateur des Partenariats institutions-citoyens pour la recherche et l'innovation (PICRI), Conseil régional d'Ile-de-France. La question de la CSTI ne peut pas se limiter aux approches par voie de diffusion, même s'il s'agit de la terminologie consacrée. Le caractère unidirectionnel et descendant lié au concept de diffusion en limite d'emblée l'efficacité. Afin que les citoyens de notre pays soient mieux au fait des enjeux de la science et des technologies, il faut compléter les approches purement informationnelles par des approches basées sur la pratique. Pratiquer, c'est la meilleure façon de s'approprier . Lorsque vous apprenez à conduire ou à lire, et même lorsque vous êtes élu pour la première fois au Parlement, la théorie et l'information sont une chose, mais c'est par la pratique que vous vous appropriez le sujet en profondeur. Pratiquer les sciences, c'est s'approprier leurs méthodes, leurs problématiques. Je vous propose ainsi les termes de science participative et de science coopérative , deux modalités différentes mais complémentaires d'implication du public dans les activités scientifiques, deux façons de déployer des activités de science citoyenne. Les sciences participatives s'inscrivent dans une tradition ancienne, par laquelle des scientifiques professionnels sollicitent des profanes pour des tâches qui, pour être utiles à l'avancement des connaissances, requièrent beaucoup d'observateurs et de collecteurs de données. Toutes les sciences naturalistes, l'archéologie, l'astronomie et bien d'autres disciplines ont été et restent concernées.
Quoi de neuf sous le soleil ? Ce qui a changé aujourd'hui, c'est la disponibilité des outils numériques, des Smartphones, d'internet . Dans cette ère désormais numérique, les chercheurs amateurs qui collectent des données sur le terrain les transmettent en temps réel et de façon géo-localisée aux scientifiques qui coordonnent les recherches. Le muséum national d'histoire naturelle est particulièrement concerné par de tels programmes, avec son dispositif Vigie Nature qui implique des milliers de bénévoles pour observer les indices d'évolution de la biodiversité .
À l'échelle internationale, les scientifiques, surtout anglo-saxons, ont compris depuis plusieurs années l'immense intérêt qu'il pouvait y avoir à solliciter la multitude pour faire avancer leur programme de recherche. En biologie, en astronomie, en sciences humaines, ils ont créé des sites internet ad hoc qui ouvrent les données scientifiques à qui le souhaite . Bien pensés, souvent ludiques, ces sites accueillent des dizaines de milliers de contributeurs amateurs, qui aident à l'avancement des connaissances, tout en prenant du plaisir devant leur ordinateur. Je vous renvoie aux sites Fold It , pour la biologie, ou Galaxy Zoo pour l'astronomie. Un site, Zoonivers, comprend toutes sortes de projets de science citoyenne, y compris des projets en sciences humaines.
Grâce à ces volontaires mobilisés, des dizaines d'articles ont déjà été publiés dans des revues scientifiques. En France, où l'on produit d'excellents développeurs de jeux vidéo, il semble que, pour le moment, nous soyons restés absents de ces pratiques de recherche participative en plein essor.
J'en viens maintenant aux recherches coopératives. En la matière, les chercheurs professionnels ne sont plus seuls dans la définition de leur projet de recherche. Ils les définissent en coopérant avec des personnes issues de la société civile, le plus souvent rassemblées autour d'intérêts spécifiques portés par des structures associatives. Durant mon mandat de vice-président du conseil régional d'Île-de-France, j'ai créé le dispositif PICRI pour encourager ces pratiques coopératives. Les projets de recherche sont conçus et menés en partenariats étroits entre des chercheurs académiques et des associations. Les disciplines concernées sont très diverses : environnement, droit, santé, technologie, urbanisme, culture, migration, etc .
Il vous revient aujourd'hui de faire preuve d'esprit novateur, pour favoriser cette participation citoyenne aux questions et aux débats liés à l'avancement des sciences et des technologies. Vous pourriez inciter les organismes nationaux de recherche, comme les établissements d'enseignement supérieur, à proposer des dispositifs par lesquels leurs chercheurs s'ouvriraient à la société, aux citoyens réellement désireux de s'engager. Certains le feront en réponse à des propositions émanant de chercheurs. D'autres voudront coopérer dans une relation plus équilibrée avec le monde de la recherche. D'autres encore viendront avec leur propre questionnement vers des « boutiques de sciences » à créer sur les campus. C'est une nouvelle phase qui doit s'ouvrir dans les relations entre science et société. Les objectifs sont simples : accélérer l'avancement des connaissances, diversifier les sujets abordés, mais aussi satisfaire à une demande qui, pour être latente, n'en est pas moins réelle parmi les citoyens . Cela permettra aussi de développer l'intérêt pour les sciences dans le grand public, ainsi que sa capacité à se saisir de questions complexes. Celles-ci, on le sait, ne manquent pas dans notre société.
Faisons donc preuve d'optimisme, faisons confiance aux citoyens qui n'ont jamais été aussi éduqués. Donnons-leur l'opportunité de se mêler de science : ce jeu sera gagnant-gagnant, gagnant pour la science, et gagnant pour la société, donc pour l'intérêt général.
Mme Laurence Monnoyer-Smith, vice-présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP). J'interviendrai non seulement comme vice-présidente de la CNDP, récemment nommée, mais aussi comme professeure de science de l'information et de la communication à l'université de technologie de Compiègne, université qui a joué un rôle important dans la communication scientifique et technique, en nous permettant de développer une formation en communication des connaissances technologiques, pour les élèves ingénieurs.
À ces deux titres, je souhaite revenir sur plusieurs points touchant au débat public. Tous les débats publics, quels qu'ils soient, comportent une très forte dimension scientifique et technique , qu'il s'agisse des éoliennes, d'un terminal méthanier, des déchets nucléaires. À chaque débat public, nous sommes amenés à évoquer et à revenir sur un certain nombre de questionnements scientifiques et techniques.
Lorsque ces sujets arrivent dans le débat public, peuvent se cristalliser des conflits qui sont liés à la manière dont les sujets scientifiques et techniques ont été socialement construits au préalable par tout un ensemble d'acteurs : politiques, chercheurs, citoyens, médias, médiateurs, etc . Force est de constater qu'un grand nombre de ces sujets n'ont qu'imparfaitement été traités collectivement, abordés ou socialement construits. Tant et si bien que lorsqu'on arrive dans le débat public, on se retrouve face à des revendications et des formes extrêmement violentes de contestation .
De sorte que, relativement en aval du développement de la recherche, on constate, à l'occasion d'un projet spécifique, que les choix sociétaux restent particulièrement conflictuels . Ils le sont d'autant plus que le terme d'acceptabilité, qui est dans la lignée de la loi de 1982, reste encore très souvent utilisé pour décrire cette phase d'échange, de discussion, que nous souhaitons délibérative, vers la recherche de solutions souhaitables, pas forcément consensuelles, avec un certain nombre d'accords sur les désaccords qui structurent la société .
Dans ce cadre, la CNDP plaide pour la reconnaissance d'un continuum, qui va de l'amont, la recherche coopérative, à l'aval, à la réalisation de projets, en passant par un certain nombre de temps forts, de prise de responsabilité, qui actent l'accord sur les désaccords, soulignés dans ces temps forts. Ceux-ci doivent s'appuyer sur une culture du débat public, qui doit pénétrer plus profondément la société. Nous l'avons institutionnalisée. Force est de constater que cette culture du débat public reste encore très superficielle. Elle se réduit parfois à des moments dégradés, des formes de mini publics, ou de gouvernance à cinq, dans des lieux restreints, qui évacuent le grand public . De telles formes de débat peuvent cependant avoir, à certains moments, une certaine pertinence.
Les débats sur les questions générales doivent pouvoir permettre au grand public une discussion sur les mondes possibles, allant avec les technologies qui sont en train d'être développées dans le cadre de la recherche coopérative, suffisamment en amont des choix techno-industriels pour rendre crédible cette discussion . Ces débats doivent sans doute prendre des formes différentes et alternatives que celles des grands rituels publics qui ont été justement critiqués, et se réaliser en coopération avec tous les médiateurs de la CSTI. La CNDP s'est engagée dans une réflexion de ce type, pour varier ces méthodologies d'intervention et de discussion plus en aval. Les débats publics sur les projets permettent aussi de revenir sur des équilibres, ou des accords sur certains sujets scientifiques, puisque le monde change, comme la sensibilité des populations. Certains débats aéroportuaires nous en ont donné un certain goût.
Pour conclure, la continuité du débat public est une condition de son existence et de sa pérennité, pérennité aujourd'hui discutable . La mise en discussion des sujets scientifiques est un impératif dans une société réflexive et critique, qui a intégré que la démocratie est un système politique, qui doit permettre l'expression de la critique.
Débat
Mme Dominique Gillot. Le débat est ouvert.
Question. Monsieur Villani, vous avez dit être souvent sollicité par les médias. Lorsque vous ne pouvez pas répondre positivement, renvoyez-vous l'invitation à vos collègues ?
M. Cédric Villani. Bien sûr, et systématiquement. Lorsqu'on est invité dans des émissions, on est les premières fois un peu gauche et on peut se laisser piéger. Bien souvent, les médias ont tendance à miser sur une personne qui a une longue expérience. Mais il est essentiel qu'ils fassent confiance à quelqu'un de moins expérimenté .
Aliette Geistdoerfer, CNRS SHS. Monsieur Lipinski, de quelle mission avez-vous été chargé au CNRS ?
M. Marc Lipinski. Le président du CNRS m'a chargé d'étudier comment alimenter un meilleur dialogue entre scientifiques et citoyens, notamment en développant la science participative ou coopérative.
Questions. La France a une vraie difficulté en matière de débat public dès qu'il s'agit de faits scientifiques et techniques . Comment améliorer les remontées et les descentes d'informations ? D'aucuns parlent de science participative et collaborative, démarche qui passe par les associations. D'autres proposent de rapprocher des citoyens sur un fait scientifique et technique, de les former pendant plusieurs mois, leurs conclusions pouvant valoir pour l'ensemble de la population, comme cela se fait dans les pays du nord. Ne pourrait-on cependant pas avoir des démarches plus intégrées, via France Télévisions, pour informer le public ? Nous parlons tous du débat sur le mix énergétique de la France, débat éminemment scientifique et technique. Combien d'heures de télévision consacre-t-on à ce sujet du point de vue scientifique et technique ? Aucune... Or, la population doit comprendre ce sujet, d'autant qu'elle sera bientôt interrogée dessus. Il est donc indispensable de former le public, comme le décisionnaire, pour qu'il prenne une décision . On a parlé antenne de téléphonie. Comment comprendre qu'un juge puisse interdire à un endroit l'implantation d'une antenne à proximité d'une école, et qu'un autre juge, à un autre endroit, le permette ?
M. William Rostène, directeur de recherche à l'INSERM. Nous avons lancé il y a plusieurs années la semaine du cerveau, bien relayée par les médias, bel exemple de la science participative ou associative. Par ailleurs, parce que certaines émissions de télévision n'avaient pas de rigueur scientifique, nous avons été obligés de créer des télévisions sur le web, idée reprise par des universités pour faire de l'e-learning. Mais les ministères n'ont pas suivi ces grandes idées, notamment financièrement.
Jean-Yves Le Déaut a rappelé qu'on fêtait le tricentenaire de la naissance de Diderot. On fête aussi le bicentenaire de la naissance de Claude Bernard, dont je coordonne les manifestations. Or de nombreux scientifiques n'étaient pas d'accord avec les propos de la Cité des sciences, lorsqu'elle a posé la question suivante : « l'expérimentation animale, est-ce encore nécessaire ? », question où le débat est bien souvent impossible.
Questions. Mes questions s'adressent au législateur que vous êtes. Comment comptez-vous harmoniser les différentes démarches qui composent ce vaste champ de la culture scientifique et du débat, étant entendu que chacun a sa place ? Comment parvenir à ne pas opposer les démarches et à prendre en compte les complémentarités ?
Question. Ma question porte sur les médias et leurs impacts. Nous connaissons le succès des séries qui décrivent les aventures d'un service d'urgence médicale, de la vie d'une caserne de pompiers, les exploits des experts scientifiques de la police. Pour accompagner le projet de ré-industrialisation de notre pays, je propose la création de séries qui mettraient en scène l'industrie, ses richesses technologiques, ses métiers et les voies de la formation technologique, qui permettent de réussir. Ce serait un moyen pour pallier le faible flux des élèves qui s'engagent vers la technologie. À mon sens, une des raisons est la très faible présence du monde de la technologie et de l'industrie à la télévision.
Mme Dominique Gillot. Question très intéressante, qui rejoint le propos de M. Villani, rappelant qu'il fallait raconter des histoires pour partager une aventure. Il faut que le législateur se saisisse de toutes ces opportunités pour redonner du sens aux fondamentaux de la formation et de la société avec ses évolutions. Nous sommes en train de discuter la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche. Hier, en commission, nous avons adopté plusieurs amendements qui nourrissent ce projet de rapprochement avec la science participative. Nous en sommes au début d'une démarche, dont la première étape avait été la refondation de l'école, avec la volonté d'introduire une culture informelle à l'école, intégrant la science comme une part de culture. Quoi qu'il en soit, France Télévisions devrait être très sensible à votre proposition.
Mme Elodie Buronfosse. Personne ne pensait qu'être expert scientifique à la police attirerait autant le public. France Télévisions est un média de masse : le moyen de la série est forcément un moyen de sensibiliser à ce type de questions. Cela dit, toutes les filières, tous les métiers, souhaiteraient qu'on se penche sur leur cas.
DEUXIÈME PARTIE : QU'EST-CE QUE LA SOCIÉTÉ PEUT ATTENDRE DE LA CSTI ?
PROPOS INTRODUCTIFS PAR MME MAUD OLIVIER, DÉPUTÉE, CO-RAPPORTEURE, ET M. JEAN-PIERRE LELEUX, SÉNATEUR, CO-RAPPORTEUR
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteure de l'OPECST. Ce matin, nous avons examiné les particularités et les modalités de diffusion de la CSTI. Cet après-midi, nous allons aborder plusieurs questions, défis majeurs et récurrents sur ce que la société peut apprendre de la CSTI.
La première question touche à la démocratisation de l'accès au savoir. Condorcet disait qu'il n'y avait pas de démocratie du pouvoir sans démocratie du savoir. Certes, la démocratisation de l'enseignement est un fait incontestable, et le développement des centres de CSTI et des diverses actions de médiation des uns et des autres ont permis à davantage d'habitants, y compris ceux des régions reculées, d'accéder au savoir scientifique et technique. Pour autant, les études les plus récentes dressent un constat sévère qui montre que la démocratisation de l'enseignement n'a nullement entraîné la démocratisation de l'accès au savoir . Antoine Prost, historien de l'éducation, parle de démocratisation ségrégative du fait du rôle joué par les filières. Il est vrai, mais cela n'est guère réconfortant, que la France n'a pas le monopole des inégalités. Ainsi, un hebdomadaire allemand réputé a-t-il déploré que le système éducatif de l'Allemagne soit l'un des plus inégalitaires au monde.
Mais la France est l'un des pays de l'OCDE où le milieu social exerce la plus grande influence sur le niveau scolaire des enfants. 18 % des élèves issus de classes sociales défavorisées obtiennent ainsi un bac général, contre 78 % de ceux issus de classes sociales favorisées. Comment faire en sorte que chacun, quelle que soit son origine sociale, ait la possibilité de choisir son parcours professionnel ? Comment faire en sorte que tous les citoyens, quels que soient leur territoire de vie, leur niveau d'étude, puissent comprendre les enjeux scientifiques contemporains qui font débat, et qu'ils puissent eux-mêmes en débattre ?
Comment remédier à la sous-représentation des femmes dans les études et les carrières scientifiques ? Nous voudrions croire que l'école de la République ne fait pas de différences entre les garçons et les filles. Mais ne serait-ce que sur l'orientation, les chiffres ne trompent pas. Les filles représentent 10 % des élèves de Terminale science et technologie de l'industrie (STI), et 79 % des élèves de filières littéraires. Faute à « pas de chance » ? Évidemment non... La société française a toujours eu du mal à regarder en face les discriminations qu'elle génère . Une éducation et une société qui assignent des rôles à chaque sexe y sont sans doute pour beaucoup. Si notre objectif est de tendre vers l'égalité, alors il faut permettre la déconstruction de ces stéréotypes qui destinent encore aujourd'hui les filles et les garçons à des avenirs différents .
Quoi qu'il en soit, cette question de la parité peut être vue comme un objectif prioritaire de la CSTI. L'égalité femme-homme est aussi une question de performance économique . Elle a d'ailleurs fait l'objet en octobre dernier d'une conférence réunissant les ministres chargés de l'égalité des chances et les ministres des finances en marge de la conférence de la présidence de l'Union européenne Appuyée par une étude menée par une université suédoise, cette rencontre a fait état de l'effet positif de l'égalité femme-homme sur la santé des entreprises et la croissance. Il serait donc regrettable pour les femmes, et au-delà pour l'ensemble de la nation, que leurs compétences demeurent méconnues ou inexploitées.
Je n'ignore pas que des mesures ont déjà été prises. Mais les discussions qui se dérouleront dans le cadre de cette table ronde permettront de voir si elles sont ou non suffisantes.
M. Jean-Pierre Leleux, sénateur des
Alpes-Maritimes,
co-rapporteur de l'OPECST.
Cette table ronde a
pour objectif de savoir si la diffusion de la culture scientifique, technique
et industrielle poursuit une nouvelle finalité en étant au
service de l'économie. Un blog de Laurent Chicoineau, qui interviendra
plus tard dans ce débat, s'intitule précisément
«
La culture scientifique et technique : un investissement
d'avenir
», titre d'autant plus justifié que la CSTI
bénéficie d'une dotation d'un montant de 100 millions d'euros
dans le programme des investissements d'avenir.
Aussi les projets « Estim » (298 ( * )) et « Inmédiats » (299 ( * )) , qui ont été lauréats du programme des investissements d'avenir, touchent-ils au domaine stratégique du numérique. Or indépendamment du fait qu'il existe un débat important sur le rôle que le numérique doit jouer à l'école, ce domaine ne concerne pas seulement la France, comme nous avons eu l'occasion de le dire lors de notre déplacement à Berlin . En effet, le ministère fédéral de l'éducation et de la recherche d'Allemagne envisage en 2014 de consacrer l'année de la science à la société numérique. C'est pourquoi j'ai appelé l'attention du ministère sur la nécessité dans laquelle se trouve l'Europe de définir une stratégie commune face aux géants américains sur ces sujets, sous peine d'être à terme complètement dominée par ces mêmes géants. Une telle perspective serait préjudiciable, alors même que l'Europe dispose de réels et importants atouts.
Il importe d'observer que les investissements d'avenir financent aussi des institutions qui produisent du savoir scientifique et technologique, et qui peuvent contribuer à la diffusion de la CSTI, comme les Labex (Laboratoires d'excellence) ou les Idex (Initiative d'excellence). De tels mécanismes sont particulièrement significatifs de l'objectif d'excellence assigné aux instituts de recherche et aux universités, du fait de la concurrence de plus en plus vive à laquelle se livrent les différents États dans le cadre de la mondialisation. Pour se convaincre des liens existant entre CSTI et économie, on notera qu'il y a trois ans, un rapport des académies nationales américaines avait eu pour objet d'identifier les causes qui, selon elles, étaient à l'origine de la perte de leadership des États-Unis dans les domaines de l'économie, de la science et de l'innovation. Parmi ces causes figurait la stagnation du nombre de doctorats décernés dans les mathématiques et les sciences physiques par les universités américaines au cours des années 2000 à 2010.
De même est-il remarquable, fût-ce de façon laconique, que le rapport Gallois ait pu évoquer le rôle de la CSTI parmi les outils propres à améliorer la formation des salariés. Pour autant, la question soulevée par certaines personnalités que nous avons entendues avec Maud Olivier demeure posée de savoir si la composante industrielle de la CSTI n'a pas été négligée jusqu'à présent .
Certes, la visite de travail que nous avons effectuée au CCSTI de Grenoble nous a permis de voir que ce centre entretenait des liens très forts avec le tissu industriel riche de Grenoble. Mais est-ce le cas de tous les centres ? Il conviendra d'en débattre, surtout à l'heure où l'objectif de ré-industrialisation est érigé en impératif.
Il reste le problème très délicat de la gouvernance auquel sera consacrée la cinquième table ronde. Sa configuration sera très sensiblement modifiée par la loi que nous sommes en train d'examiner au Parlement, qui confère un rôle important aux régions dans l'enseignement supérieur, et par le futur acte III de la décentralisation.
Les auditions que nous avons menées ont fait apparaître que les acteurs de terrain tout en approuvant le rôle croissant des régions, souhaiteraient qu'il y ait un État stratège qui indique les grandes lignes de la stratégie nationale, voire contribue à une stratégie européenne . Peut-être les débats permettront-ils de mieux discerner les contours de cet État stratège ainsi que les relations qu'Universcience, l'opérateur national, peut entretenir avec les régions.
Mais il existe un autre problème auquel nous sommes très sensibles comme élus locaux. Je veux parler des outils de culture scientifique, technique et industrielle, dont les élus locaux, en particulier les maires, pourront disposer lorsqu'ils auront à régler la question des activités périscolaires pouvant être exercées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Il y a là un créneau dans lequel la culture scientifique peut s'insérer.
Comme on le voit, les thèmes qui vont être abordés cet après-midi soulèvent des questions cruciales. Il ne faut pas s'en étonner, tant la culture scientifique, technique et industrielle est une construction continue, dont la diffusion doit être considérée comme une ardente obligation par tous les acteurs.
I. TROISIÈME TABLE RONDE : UN ACCÈS PLUS DÉMOCRATIQUE AU SAVOIR ?
Présidence de Mme Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire, membre de l'OPECST
Mme Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire, membre de l'OPESCT. Nous étions hier en commission de la culture pour étudier la loi Fioraso, où la question de cette table ronde a été évoquée. En matière de diffusion de la CSTI, nous sommes attachés au vocable de partage, thème que je porte à votre réflexion.
M. Sylvain Baby, adjoint au responsable du dispositif « Une grande école, pourquoi pas moi ? », École polytechnique. Je m'occupe depuis quatre ans du programme d'égalité des chances de l'École polytechnique. Depuis 2006, ce programme accompagne des lycées scolarisés en Essonne, des lycées de zone d'éducation prioritaire, vers des études supérieures ambitieuses. La genèse du programme repose sur le constat que, pour réussir, il faut être bon académiquement, mais pas uniquement. Il faut aussi disposer d'une culture qui, en général, est diffusée au sein du cercle familial. Il faut aussi avoir confiance en soi, confiance qu'une place pour vous est possible dans les études supérieures et la société.
C'est sur cette dernière dimension que nous travaillons le plus, puisque nous sélectionnons des élèves qui ont un potentiel scolaire qui les arme a priori suffisamment pour affronter des études supérieures.
Comment a-t-on mis en place ce programme ? Nous accueillons les jeunes à l'école chaque semaine pendant leurs trois années de lycée, où ils sont encadrés par des élèves ingénieurs. Cette communication entre jeunes est très importante, les étudiants et les lycéens ayant un écart d'âge très faible. Ils ont énormément de choses à se dire, bien au-delà de la CSTI. C'est par tous ces à-côtés que le message passe le mieux.
Le dispositif est gagnant-gagnant. Pour les étudiants, c'est la possibilité de transmettre, d'être dans une position nouvelle. Ils ne sont pas professeurs, mais animent un petit groupe de jeunes . Leur implication personnelle est très importante, au-delà du fait qu'ils vont aussi se familiariser avec nombre d'enjeux sociétaux, le social learning . Les étudiants sont du coup acteurs de l'orientation des plus jeunes . Ce sont les mieux placés pour évoquer les cursus scientifiques ou non. Un étudiant en droit ou en école d'ingénieur sera le mieux placé pour parler de sa propre école, et donner envie aux jeunes de s'y projeter.
Ce facteur humain va se retrouver dans d'autres aspects. Lorsqu'on déplace les jeunes vers des laboratoires de recherche, ils sont accueillis par des chercheurs, des ingénieurs, des chercheuses, des doctorantes, des directrices de laboratoire . Ce rapport humain est essentiel. Le locuteur transmettant la proximité, il permet l'identification, chose totalement inconnue si vous évoluez dans une zone périphérique et si, autour de vous, aucun adulte n'a fait d'études supérieures ou non. Impossible d'apprendre une langue sans un locuteur de la langue maternelle. Un chercheur qui parle de sa démarche scientifique éveillera autant d'étincelles dans les yeux d'un jeune qu'un comédien.
J'ajoute que l'accompagnement proposé à ces jeunes est essentiel. Les jeunes qui ont besoin de l'égalité des chances et de l'ascenseur social sont en position fragile . Pour eux, beaucoup d'accidents peuvent survenir, et les éloigner encore plus d'un parcours auquel leur milieu ne les a pas préparés. Il est donc très important qu'ils puissent être accompagnés et trouver des relais lorsque leur situation s'avère défaillante. La proximité des centres de recherche des établissements me paraît donc très importante, ce public n'ayant pas pour habitude de s'éloigner de son lieu de vie.
La télévision a été évoquée lors des précédentes tables rondes. Je rappelle qu'un pays européen a perdu l'ensemble de ces chaînes de télévision publique et de radio, donc toute possibilité de diffusion de la CSTI via les médias publics.
M. Pierre Chirsen, président de la Fédération nationale des étudiants en sciences exactes, naturelles et techniques (FNEB). Les étudiants, notamment en licence, sont à la charnière entre les scientifiques qu'ils seront demain et les lycéens qu'ils étaient. Les étudiants sont demandeurs de transmettre leur savoir, leur plaisir à apprendre les sciences. C'est pourquoi il y a beaucoup de travail à faire par les pairs . À l'université, peu d'initiatives vont dans ce sens. Je crois qu'il y a une vraie demande des étudiants de devenir acteurs de la transmission et de leur connaissance auprès des lycéens et des collégiens. Ils ont soif d'apprendre à diffuser. Cela, il faudrait l'inclure dans la formation des scientifiques . Avec cet apprentissage dès la licence, on sera amené tout naturellement à transmettre ce savoir auprès du grand public.
Il me paraît aussi important de revaloriser le statut du doctorat , sujet d'actualité, avec l'examen de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Le statut de docteur est très mal reconnu par la société. Il souffre d'une image péjorative, auprès des lycéens, notamment. Nos voisins ont fait un vrai travail sur le doctorat, le diplôme le plus élevé de la société. Il faut redonner au doctorat tout le prestige qui lui est dû.
Les « thésards » ne s'investissent pas dans la société . Aujourd'hui, la haute fonction publique française est marquée par un déficit de scientifiques : c'est pour cela qu'on se retrouve dans la situation actuelle. Dans les débats publics, les scientifiques n'ont pas pris toute la mesure de leur influence. Ils communiquent relativement mal et sont moins impliqués que d'autres professions dans la société.
Pour la démocratisation du savoir, on revendique l' open access . Nous avons besoin de disposer d'éléments d'information scientifique, qui n'est pas la communication scientifique. On a besoin de l'accès à l'information scientifique. C'est un sujet auquel il importe de réfléchir très rapidement.
M. Olivier Las Vergnas, directeur de la Cité des métiers, délégué à l'insertion, la formation et l'activité professionnelles de la Cité des sciences et de l'industrie, Universcience. La question de l'orientation a été évoquée à plusieurs reprises. Lorsqu'on évoque l'accès au savoir, il faut avoir des chiffres présents à l'esprit. Aujourd'hui, le système scolaire produit pour chaque classe d'âge 25 % de jeunes qui n'auront que le brevet ou moins, 50 % qui quitteront tout enseignement des sciences avant le bac. Restent 25 % qui disposeront d'un bac S ou assimilé, dont 15 % quitteront tout enseignement des sciences avant le master, et 10 % qui produiront des médecins, des ingénieurs ou des chercheurs.
Une fois qu'on a pris connaissance de ces chiffres, il faut séparer quatre problèmes systématiquement articulés les uns aux autres. Premièrement, la question de l'attractivité des métiers de chercheurs, en y incluant les sciences humaines et sociales. Il n'y pas de problème d'attractivité autre que celui qui est lié au numerus clausus des doctorats, aux bourses de doctorat, aux rémunérations à la sortie du doctorat, au post -doc et à l'insertion sociale et professionnelle des chercheurs. Nombre de publications le démontrent. Deuxièmement, on constate une pénurie d'ingénieurs spécialisés. Le troisième problème est celui de la formation technologique des techniciens supérieurs. Aujourd'hui, tous les métiers sont techniques et technologiques, et utilisent des éléments numériques. Une culture technologique est indispensable dans tous les métiers. Ceux qui ne sont pas dans les 25 % du bac S n'acquièrent pas forcément la culture scientifique et technologique souhaitable. Le quatrième problème est celui de la culture scientifique du plus grand nombre, ce qui est tout à fait différent.
Lorsqu'on mélange ces quatre problèmes, on mélange des effets collatéraux. La sélection par le bac S ou le renforcement de l'entrée en bac S produit ainsi une sorte de prophétie auto-réalisatrice, à savoir ne plus être capable de faire de l'algèbre chez 75 % de la population. Partager la culture scientifique, cela veut dire aussi s'occuper de la compétence scientifique et de la représentation des sciences de cette catégorie qui n'a pas le bac S. Systématiquement, on confond intérêt pour la science et intérêt du métier de chercheur. Or, parler de la science, ce n'est pas la même chose que parler de la recherche . Tenter de faire une thèse en astrophysique et s'intéresser à regarder les cratères de la lune pour le plaisir sont deux choses différentes. Pourtant, ces deux activités entrent dans l'activité de culture scientifique et technique. Dire qu'il faut encourager les vocations produit en général un effet de renforcement de la sélectivité des bac S et augmente l'obstacle motivationnel . Un rapport très préoccupant de l'inspection générale de l'éducation nationale de 2005 dit que l'enseignement des sciences en L se fait sur les mêmes modèles qu'en S, et qu'on accroît la sélection.
Lorsqu'on parle en général de la mise en culture des sciences, je crois qu'on ne poursuit pas le bon objectif. La réalité ? Nous construisons tous ensemble la représentation sociale de ce qu'est la science. Il n'y a pas un objet existant, qui serait la science, mais un fait social, qui est la recherche. La science est un « construit » social. C'est nous qui, en le définissant par les filières scolaires, par la façon dont elle est présentée à la télévision, par la façon dont on en parle, construisons les représentations sociales de la science. Demandons-nous donc quelle image nous voulons de ce que nous appelons « scientifique ». Dans un certain nombre de lieux, nous répétons que le « scientifique » ne se résume pas à une catégorie de personnes, mais qu'il doit rester une perspective accessible à tous.
M. Jean-Pierre Ledey, président de Planète Sciences. Il s'agit de discuter de ce que Jean-Marc Lévy-Leblond appelle la pédagogie informelle, qui contribue à donner le goût et la passion des sciences aux jeunes, que ce soient des garçons ou des filles . Comment nos associations d'éducation populaire ont-elles permis d'ouvrir des pistes ? D'abord par leurs capacités à aller sur le terrain . Les petites associations, contrairement aux grands musées ou aux grands centres de science, permettent aux jeunes, dans leur milieu, d'accéder aux sciences. Dans les faits, les jeunes des quartiers difficiles ou les publics empêchés ont peu de possibilité d'aller dans les grands centres. Les associations sont une façon de leur apporter la science, gage d'un accès plus démocratique .
Ces associations ont ensuite une vraie capacité à former des animateurs , que ce soit pour des publics empêchés, qui savent adapter les pédagogies, ou les publics des quartiers difficiles, en créant de la co-animation avec des animateurs qui connaissent les codes du milieu.
Enfin, les associations permettent d'assurer une continuité de plusieurs années de l'action de terrain. Cela permet de fidéliser les publics, de créer des clubs et des associations locales, qui serviront de relais à nos actions.
Mais nos associations s'intéressent aussi à l'innovation . Elles mettent en oeuvre des projets innovants, qui donnent le goût aux jeunes. Elles cherchent à dialoguer avec les chercheurs, pour que ceux-ci aillent vers eux, pour faire de l'information et de la sensibilisation, mais pour qu'ils transcrivent aussi dans des projets une partie de leur recherche. Nous avons des exemples de belles réussites dans ce domaine. Il s'agit pratiquement de sciences participatives, puisqu'on augmente facilement le nombre d'expérimentations avec nos publics de jeunes.
En conclusion, les actions que mènent nos associations sur le terrain sont relativement nombreuses. Elles sont une part prépondérante de ce qui se passe sur le terrain. Le rapport coût-efficacité est plutôt bon, lorsqu'on le compare à d'autres structures qui ont des charges beaucoup plus lourdes. La demande est considérable. Malheureusement, nos moyens ne nous permettent pas de répondre à l'ensemble de ces demandes : nous aimerions faire encore plus, car nous savons qu'il y a du grain à moudre en la matière .
Mme Florence Rochefort, présidente de l'Institut Émilie du Châtelet. L'institut Émilie du Châtelet (IEC) a pour objectif le développement et la diffusion des études sur les femmes, le sexe et le genre - genre qui est un concept, et non une théorie - permettant d'interroger la construction sociale du masculin et du féminin et de la hiérarchie des sexes. Cet institut a été mis en oeuvre à l'initiative de la région Ile-de-France, un soutien dans un domaine émergent dont il faut souligner l'originalité et l'importance. L'IEC agit sur le développement de la recherche, en particulier par l'attribution de bourses de doctorat et de post-doctorat - près de 70 bourses ayant été financées dans vingt disciplines différentes depuis 2006 - la transversalité étant de mise entre toutes les disciplines de sciences humaines et sociales, et même de sciences dites « dures ». L'aide à l'acquis du savoir scientifique est une première étape décisive.
L'institut a aussi un objectif de diffusion de la recherche et affiche une volonté de dialogue avec la société civile et les associations féministes . L'IEC a la volonté d'enrichir le débat social, mais aussi de faire émerger des sujets que le monde scientifique n'a pas encore suffisamment mis en évidence, comme cela a été le cas de la question de la violence, par exemple. La diffusion est assurée par des conférences, des colloques, des journées jeunes recherches, des assises, des traductions... Les activités publiques sont en grande partie filmées et mises à disposition sur notre site dans un but scientifique, pédagogique et citoyen.
Comment améliorer et approfondir encore la diffusion, vers le secondaire notamment ? On s'aperçoit qu'il y a une vraie nécessité de pédagogie autour des études de genre pour que les acteurs politiques et sociaux et les enseignants puissent s'emparer des résultats de recherche et manier eux-mêmes cet outil conceptuel qu'est le genre. La confrontation des expériences s'impose.
Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'association Femmes et Maths. L'association a été créée en 1987, au moment où les écoles normales supérieures sont devenues mixtes . Il était alors prévisible que beaucoup de filles entreraient en mathématiques et en physique. Dans soixante-dix ans, on prévoit même qu'il y aura plus de femmes en maths, professeurs des universités, maîtres de conférences ou chercheuses au CNRS. Dans les autres sciences, d'aucunes disent qu'on parviendra à la parité dans 250 ans, si aucune action n'est mise en oeuvre.
Nombre de gens se posent beaucoup de questions sur le pourquoi et le comment. En ce qui concerne les jeunes filles, et les jeunes de milieux socialement défavorisés, beaucoup passe par l'école. Le rôle de l'école est absolument fondamental. La rencontre avec la CSTI se fait bien souvent grâce aux enseignants. Le rôle des enseignants et des enseignantes est essentiel à l'école primaire. Ce sont essentiellement des femmes qui sont passées par la filière littéraire, qui ont laissé tomber les sciences depuis longtemps, voire les ont détestées. Comment espérer que, sans formation adéquate, ces jeunes femmes puissent transmettre le plaisir de faire des sciences alors qu'elles ne l'ont pas rencontré ? Telle est la réalité du terrain. Il est donc de la responsabilité de la société de les former davantage.
Les élèves n'ont pas peur des sciences. Ils ne les considèrent pas comme responsables de dangers. Ce sont les adultes qui ont cette perception . Nos élèves ne s'estiment pas forcément compétents pour faire des sciences, non par peur. L'important est l'écoute toute particulière qu'ils ont lorsqu'on leur parle d'histoire des sciences ou des mathématiques.
Quant à la CSTI, elle doit jouer sur la visibilité des femmes . Il y a des femmes dans l'histoire des sciences, qu'on ne voit jamais. Sans doute faut-il les chercher, mais il y en a. Lorsqu'on programme une exposition ou une émission télévisée, il faut toujours penser à la place des femmes, à féminiser les noms.
Mme Corinne Bouchoux. Le débat est ouvert.
M. Thierry Reygades. Ce matin, j'ai évoqué la réforme des séries technologies et industrielles menant au bac, marquées par une forte ségrégation de genre. Pour la rompre, les acteurs de cette formation se sont dit qu'il fallait déconnecter ces formations du monde industriel, qui est ségrégatif. La section «génie civil » est ainsi devenue « architecture et construction ». Cela dit, cette évolution n'a pas plus attiré de jeunes filles, ni de garçons qui voulaient s'engager dans le génie civil. La question du traitement des discriminations est donc extraordinairement difficile . Pour la réforme que j'ai évoquée, force est de constater que nous n'avons pas réussi. Et je ne vois pas de solutions...
M. Ahlam Ramri, université de Lorraine. J'anime depuis une douzaine d'années un cycle de conférences « science et société ». La démocratisation du savoir passe beaucoup par les enseignants, par la formation à partir du L1. Les futurs chercheurs sont les futurs formateurs, les futurs communicateurs. Les enseignants chercheurs ont aussi besoin d'être formés à communiquer et à divulguer leur savoir. Car il n'est pas toujours facile de vulgariser la recherche et de faire une conférence grand public . La formation s'impose pour tous. À mon sens, il est indispensable que la formation à la vulgarisation et à la diffusion de la culture scientifique et technique ait lieu à partir du L1.
Yves Bonnet, FSU. Il y a de multiples accès au savoir. L'un d'entre eux est le travail, dans ses aspects créatifs. Entre le travail prescrit et le travail réel, il y a toujours une part de créativité. Le travail n'est pas seulement un creuset de mobilisation des savoirs : c'est aussi un lieu de production des savoirs, reconnu par la loi, avec la validation des acquis de l'expérience. Or, force est de constater que ce chemin d'accès est mal reconnu . Pourquoi ? Sans doute du fait que les acteurs sociaux, y compris politiques, portent sur le travail. On voit d'abord le travail comme l'exécution d'une tâche, en faisant fi de sa dimension créative. Avoir un regard anthropologique sur le travail permettrait de changer beaucoup de choses. Un chômeur est privé d'emploi, mais aussi de travail, donc de la capacité à créer des savoirs dans son activité professionnelle. Les 10 000 suppressions d'emplois annoncées par un journal du soir, ce sont autant de suppressions de travail, soit un patrimoine de savoirs rayé de la carte.
Mme Florence Rochefort. Raison de plus pour mettre en commun des retours d'expérience, comme nous le faisons à l'institut Émilie du Châtelet. L'objectif doit rester celui d'un meilleur équilibre de genre et de la lutte contre les stéréotypes . J'ajoute que le genre est un outil de lutte contre les discriminations qui concernent aussi les garçons. Mettre la science dans la culture, mettre la culture dans la science ? Cela passe par le rééquilibrage des stéréotypes, qui sont aussi défavorables à des hommes fragiles, discriminés socialement.
M. Olivier Las Vergnas. La réflexion sur le travail rejoint celle sur le « i » d'industriel et de la différence entre recherche scientifique et science, le sens du scientifique dans la société. Des gens qui ne sont pas des chercheurs, qui ne produisent pas des savoirs académiques, des connaissances innovantes académiques, co-construisent des savoirs qu'on peut qualifier de scientifiques et des méthodologies. La vie professionnelle, le loisir sont des lieux où tout un chacun peut s'approprier des savoirs à leur échelle, voire participer à de la production de connaissances innovantes .
Questions. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire d'envisager l'épistémologie et l'histoire des sciences comme un point commun dès le collège à enseigner à côté de la discipline scientifique, qui forme à la pratique scientifique ? N'est-ce pas une solution à vos questions ?
Mme Valérie Schafer, chercheure au CNRS. On pourrait tout autant évoquer la sous-représentation de l'histoire des techniques, notamment de l'informatique. À quand des postes et une reconnaissance des historiens des sciences et des techniques ? Cette discipline prouve bien qu'on peut être à la fois littéraire et scientifique. Par ailleurs, quelle progression de carrière pour les femmes ? Qu'en est-il de la faible reconnaissance des sciences humaines et sociales dans la progression des carrières scientifiques ?
Mme Valérie Lallemand, chercheuse à l'INSERM. La mixité n'est-elle pas un facteur de progrès ? Comment, avec la culture scientifique, créer du mélange et du rapprochement, et éviter de s'adresser à des publics séparés ?
M. Olivier Las Vergnas. Le littéraire ? Cette catégorie ne veut plus rien dire. Le scientifique ? Cette catégorie veut dire ce qu'on veut qu'elle dise. Le bac S va-t-il conserver son rôle social dans vingt ans, alors qu'il est totalement désuet ? Il n'est que l'instrument - par un poids particulier de l'algèbre - d'un modèle de méritocratie qui se voulait démocratique. Il joue certes ce rôle, certainement pas celui de formation de l'esprit scientifique ou de l'esprit des ingénieurs . Comment gérer la transition vers un autre modèle de l'enseignement secondaire, ce qui supposera de régler la question de la formation des enseignants ? Quoi qu'il en soit, il faut avoir le courage de reconnaître qu'il s'agit de la question principale, lorsqu'on veut avancer sur la place des sciences dans le système éducatif : comment gérer la transition vers un modèle post-bac S ?
M. Jean-Pierre Ledey. La mixité géographique peut être atteinte lorsque les jeunes ont créé des projets qu'ils pourront partager par clubs interposés. Pour la mixité entre les garçons et les filles, je constate que plus de filles participent à nos activités. Ce n'est pas à ce niveau de la pratique des sciences que la différence apparaît, mais bien plus tard.
S'agissant du travail, les jeunes adolescents sont souvent très fiers lorsqu'ils parviennent à construire un robot ou une fusée. Ils ressentent réellement la valeur du travail à cette occasion, quand bien même ils sont en échec scolaire. Construire quelque chose leur donne une voie pour entrer dans le système . Ces jeunes se construisent avec des objets concrets qu'ils peuvent réaliser.
M. Thierry Reygades. Avec la réforme Chatel des lycées technologiques, on constate que les filières technologiques ont perdu leur sens en perdant leur dimension de mise en oeuvre et de pratiques. Les bacs STI2D (Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable) sont devenus des bacs généraux technologiques, avec un déclassement des professeurs. Dans les faits, il n'y a plus de différence avec un bac S. C'est oublier que la culture technique et industrielle existe à part entière. On en a un très grand besoin, alors qu'on fait tout pour la faire disparaître, au profit d'un format unique, pseudo-scientifique. Nombre d'élèves réussissent le bac S sans être performants ni en mathématiques, ni en physique.
II. QUATRIÈME TABLE RONDE : LA CSTI AU SERVICE DE L'ÉCONOMIE : UNE NOUVELLE FINALITÉ ?
Présidence de M. Michel Berson, sénateur de l'Essonne, membre de l'OPECST
M. Michel Berson, sénateur de l'Essonne, membre de l'OPECST. Cette quatrième table ronde nous invite à répondre à une question qui place la CSTI dans un champ nouveau : en quoi la CSTI doit-elle se mettre au service de l'économie, des mutations nécessaires de notre système productif, au service aussi de la stratégie économique d'un pays ?
En guise de première réponse, je veux, après Jean-Pierre Leleux, faire référence au rapport Gallois. Il est en effet très significatif que ce rapport cite expressément la culture scientifique et technique comme l'un des moyens par lesquels les citoyens pourront s'adapter au changement, retrouver leur capacité d'initiative, et prendre des risques pour que notre pays redevienne compétitif et attractif. Je n'en citerais qu'une seule phrase : « la reconquête de la compétitivité prendra du temps et nécessite un fort consensus au sein de la communauté nationale. Sur la nécessité de cette reconquête et de l'effort nécessaire, le pays doit nouer avec lui-même un pacte de confiance . »
La CSTI, qui a pour objet de faire évoluer les rapports des citoyens aux sciences, peut en effet contribuer à l'acceptation sociale des nouvelles technologies sur lesquelles se fonde aujourd'hui la croissance économique. Elle peut contribuer à faire reculer le désintérêt à l'égard des carrières scientifiques, ainsi qu'une certaine méfiance à l'égard des sciences et du progrès technique.
C'est ce type de questions qu'il faut se poser.
M. Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI de Grenoble, professeur associé à l'Université Stendhal. Votre invitation me donne l'opportunité d'exprimer un point de vue collectif, porté par un nombre croissant de centres de science, engagés dans un mouvement profond de rénovation. Je parlerai du point de vue de nos organisations, et non de celui, général, de la CSTI, car différentes approches coexistent. Cette diversité est nécessaire, personne n'ayant encore trouvé la recette miracle, si tant est qu'elle existe.
J'irai à l'essentiel. Oui, nous sommes convaincus que nous jouons un rôle nouveau dans la stratégie économique nationale, même si ce rôle n'est pas encore bien reconnu pour l'instant. Ce rôle, nous ne le jouons pas en nous transformant en publicitaires de l'industrie française sous couvert de culture scientifique . Nous agissons comme acteurs du développement, par une approche inclusive des connaissances et des innovations. Et cela grâce à notre ancrage dans le territoire , en nous transformant en plateformes créatives, en incubateurs de projets culturels, sociétaux, éducatifs et, pourquoi pas, d'entreprises.
Nous agissons donc comme acteurs du développement par une approche inclusive des connaissances et des innovations. Dans notre démarche de R&D sur les nouvelles formes de la médiation scientifique et culturelle, nous focalisons réellement sur le public, les jeunes, en particulier les adolescents et les jeunes adultes. D'où de nombreux projets, articulant cultures numérique et scientifique. Le numérique, on le sait, est éminemment structurant du rapport à la culture et à la connaissance .
De notre point de vue, la médiation n'a pas pour objectif d'être une sorte d'intermédiaire entre des mondes vus comme séparés. Nous voyons la médiation comme création d'un espace public social, qui permet la rencontre et le dialogue, la confrontation, l'action entre divers acteurs, dont les acteurs économiques. Concrètement, c'est l'idée qu'il n'y a pas d'un côté des scientifiques qui savent tout, de l'autre, des industriels motivés uniquement par l'argent, de l'autre encore des populations ignorantes . Nous soutenons l'idée qu'il faut absolument se départir des visions caricaturales, et offrir des opportunités aux uns et aux autres d'échanger, de dialoguer et de co-construire.
Sur le terrain, cette ambition se traduit par l'évolution de nos expositions en laboratoires vivants, où les visiteurs participants contribuent à tester, débattre, co-concevoir des dispositifs ou des scénarios avec des chercheurs, mais aussi des designers et des créateurs . Aussi je vous invite à vous rendre à l'exposition Risk Lab à Dublin ou Cervorama à Bordeaux, pour avoir une vision plus concrète de ces nouvelles approches.
En parallèle, d'autres structures du champ du développement économique ont développé ce type de pratiques, qu'on qualifie d'innovations ouvertes. C'est ainsi que nous sommes en train de nous rapprocher des pôles de compétitivité, des incubateurs et des organismes de transfert et de valorisation des universités ou des organismes de recherche pour articuler nos actions, et enrichir par une pratique démocratisée une véritable culture de l'innovation pour tous .
Par ailleurs, nous agissons comme acteurs du développement grâce à notre ancrage historique dans les territoires . Là aussi, nous envisageons les choses différemment. Il ne s'agit plus de nouer des alliances ici ou là, pour organiser des conférences publiques, ou monter une exposition, ni même de constituer des réseaux thématiques, mais bien de changer de paradigme, et de considérer le territoire comme un écosystème culturel, économique et social. Avec les écoles, les universités, les centres de recherche, les entreprises, les associations, les collectivités, les centres de science contribuent à la bonne santé et au développement de leur écosystème . C'est pourquoi nous nous positionnons comme des centres de profit, au sens de l'intérêt général, car nous générons une dynamique positive de fertilisation croisée entre différents acteurs locaux qui ne se croisaient que très peu jusqu'ici .
En favorisant la transversalité entre les disciplines, entre les pratiques, comme par exemple entre le milieu de la culture scientifique et celui de l'économie créative ou de la culture numérique, en mettant en rapport des élèves des écoles de la deuxième chance avec des jeunes designers et ingénieurs, notamment des jeunes femmes, comme nous l'avons fait récemment à Grenoble, en mobilisant les structures d'insertion sur des projets d'innovation ouverte avec la participation d'entreprises locales, nous contribuons activement à redonner l'estime de soi à des jeunes en situation d'échec scolaire, à leur ouvrir l'esprit sur des domaines et des processus professionnels qu'ils ne soupçonnaient même pas. Nous développons une ambiance, un environnement, un état d'esprit, des outils et des méthodes propices à la curiosité, la créativité, à l'imagination, à l'engagement et à l'envie d'entreprendre.
Nous agissons enfin comme acteur du développement en nous transformant en plate-forme créative et incubateurs de projets . Depuis une dizaine d'années, nous élaborons un nouveau concept de centres de culture scientifique, technique et industriel, qui arrivent aujourd'hui à maturité grâce au coup d'accélérateur des investissements d'avenir. Ce concept de centres de science de nouvelle génération peut se définir comme le passage de centres de diffusion de contenus scientifiques à des plateformes d'innovation sociale, culturelle, et de développement personnel et territorial . Pour cela, nous avons changé radicalement nos approches des publics et des experts, les considérant tous dans une même communauté d'intérêts. Nous nous intéressons à leurs pratiques, leurs attentes, leurs représentations, et nous construisons avec eux des programmes d'actions et de développement.
Notre approche de la CSTI est inclusive, souvent construite en démarche de projet. La création des Fab Lab, ces espaces de fabrication numérique, avec imprimantes 3 D , est l'un des meilleurs exemples de notre évolution vers de nouvelles pratiques qui articulent partage des savoirs entre pairs, valorisation du geste technique, les communautés en ligne et l'économie de la contribution. Tout cela forme un même système.
En conclusion, les centres de science de nouvelle génération ont un rôle dans le développement social et économique de nos territoires, donc dans le redressement productif et créatif de notre pays. C'est un rôle qu'il faut soutenir et encourager. Oui, nous agissons tous les jours auprès des jeunes, des habitants, des établissements d'enseignement supérieur et de recherche , des entreprises, des associations, des structures d'insertion et de développement, pour aider chacun à mieux vivre sa vie, en trouvant sa place dans une société de la connaissance.
M. Michel Berson, sénateur. Je vous remercie vivement pour cette approche, qui a su dépasser une réflexion bien connue, celle d'un rapprochement des échanges entre les chercheurs et les citoyens. Vous avez su mettre en évidence la dimension d'ancrage territorial, de projets créatifs et productifs, le lien avec la société productive, champ tout à fait nouveau.
M. Yves Lichtenberger, directeur du programme « Emploi, égalité des chances », Commissariat général à l'investissement. On peut considérer la CSTI comme un support d'activité économique, directe ou dérivée. Le patrimoine STI est un élément fort d'identité des territoires, de plus en plus valorisé comme un levier de leur attractivité . À un moment où l'Europe interroge chaque région, chaque territoire sur sa smart specialization , cela n'est pas à négliger. C'est pourtant en partant d'une autre préoccupation que l'action « Culture scientifique et égalité des chances » a été initiée en 2010 comme Investissements d'avenir, sur proposition d'abord de la commission Juppé-Rocard, retenue par le Gouvernement et le patronat.
Cette action a été justifiée au nom d'une prospective de développement de l'emploi : nous manquons de jeunes, principalement au niveau BTS et licence dans les filières qui conduisent aux métiers scientifiques, techniques et industriels , il y a donc un besoin quantitatif de futurs travailleurs attirés par ces métiers, capables et qualifiés pour les exercer ; mais il y a surtout besoin de jeunes capables d'évoluer en même temps que ces métiers en pleine évolution, et surtout capable de faire évoluer leurs emplois et leurs métiers, leurs entreprises et leurs organisations. Cela conduit à une deuxième préoccupation : celle d'un besoin qualitatif de jeunes mus par un esprit de projet et d'entreprise, et familiarisés avec des pratiques d'innovation et de création propres aux pratiques de recherche scientifiques et techniques.
Telles sont les attentes de l'économie, qui peuvent aider la CSTI à faire valoir ses atouts dans le paysage.
Cette action a été lancée en attendant de la CSTI deux apports. Le premier est de développer largement une culture du faire , une culture au sens sociologique et ethnologique d'un ensemble de pratiques. Non des connaissances, mais des savoirs, au plein sens du terme où il n'est pas de savoir qui ne soit en même temps un savoir-faire.
Le deuxième apport attendu de la CSTI est sa capacité à diversifier nos élites, dont nous constatons constamment combien elles sont trop homogènes, trop formatées par le calcul et la récitation, trop peu ouvertes à une culture de la recherche, à une culture de projets et d'entreprise, et, sûrement aussi, trop masculinisées. Il n'est pas d'occasions d'innover sans qu'il n'y ait de brassages, sans qu'il n'y ait de chocs de cultures, y compris de cultures - au pluriel - scientifique et technique .
Ces objectifs se rejoignent. Il s'agit d'attirer vers ces métiers scientifiques et techniques des jeunes qui ne penseraient pas aujourd'hui y arriver. Il s'agit aussi de leur en ouvrir l'accès en accompagnant leur cheminement par des parcours de formation laissant autant de places aux connaissances qu'au faire. Il s'agit de sortir du « apprends d'abord, et tu feras ensuite », qui nécessite une solide confiance en soi pour faire l'effort de franchir les premières étapes et aller jusqu'au bout, confiance dont nous savons combien elle est socialement inégalement répartie.
Il faut faire, de ce point de vue, attention à deux extrêmes, celui d'une culture privilégiant les belles histoires de quelques prix Nobel, qui en aiguillonnent quelques-uns mais qui peuvent en décourager autant, celui à l'inverse d'une culture de masse qui risque de masquer, derrière l'attrait du jeu et du divertissement, le vrai intérêt d'une fierté de l'effort qui est le fondement d'une culture professionnelle.
Cette action « Culture scientifique et égalité des chances » du Programme d'investissement d'avenir comprend trois axes : un sur les pédagogies expérimentales, un autre sur la structuration de l'offre et des acteurs de la CSTI sur un même thème ou un même territoire en y incluant les associations, les établissements d'éducation et de recherche et les milieux économiques. Un dernier axe enfin, transversal aux précédents, porte sur l'égalité des chances, plus précisément l'égalité d'accès à la CSTI pour s'orienter vers des emplois et des métiers d'avenir.
L'appel à projets reste ouvert jusqu'en fin 2014 et portera une attention particulière aux futurs projets valorisant le patrimoine industriel des territoires et les partenariats entre mondes économiques et acteurs de la CSTI.
M. Michel Berson sénateur. Il est en effet essentiel de souligner que la présence de cette ligne budgétaire dans le grand emprunt consacrée à la CSTI est tout à fait novatrice. Au-delà de la CSTI, il faut parler davantage de la culture de l'innovation et du faire, apprendre à évoluer, à faire évoluer, et son métier et son entreprise. Ce sont là des notions essentielles au coeur des mutations économiques d'aujourd'hui et de demain.
M. Gérard Pignault, directeur de l'École supérieure de chimie physique et électronique de Lyon, président de la commission Recherche et de la Conférence des grandes écoles. La conférence des grandes écoles, ce sont 240 établissements, qu'on peut qualifier de PME et d'ETI de l'enseignement supérieur. Ils forment aujourd'hui 15 % des étudiants français, et ont connu un fort taux de croissance ces vingt dernières années, période au cours de laquelle cette filière de l'enseignement supérieur a connu le plus fort taux de croissance de toutes les filières. J'ajoute qu'ils sont naturellement proches de l'industrie, un certain nombre de grandes écoles ayant été créées par des milieux industriels , et qu'ils ont une activité de développement de CSTI. Nous venons d'ailleurs de lancer, à la CGE, un groupe de travail sur les CCSTI, l'objectif étant de faire circuler les bonnes pratiques.
Depuis ce matin, je suis à la fois enchanté et effaré. Comme citoyen, j'ai été enchanté par les réflexions sur la culture scientifique. Je n'imaginais pas qu'on ait en France autant de bons professionnels et de gens qui avaient des choses intelligentes, appuyées sur une pratique réelle, à dire sur la culture scientifique. Par contre, je n'ai entendu parler que de culture scientifique, jamais de culture industrielle. Or, je pense que nous manquons de culture industrielle dans ce pays, pour un certain nombre de raisons historiques . Cette faiblesse explique nombre de nos difficultés, y compris des difficultés de définition de stratégie industrielle. Où sont ainsi le MEDEF, la CGPME, l'UIMM, les différents syndicats professionnels ?
Il ne s'agit pas de nier la culture scientifique. 30 % du PIB américain, je vous le rappelle, repose sur la mécanique quantique. Lorsqu'on développe les satellites Galileo, projet européen extraordinaire, les calculs doivent prendre en compte des corrections liées à la relativité générale. L'industrie et la science entretiennent donc de nombreux liens, mais les deux ont leurs exigences.
Comment avancer ? À mon sens, il est extrêmement important d'en discuter avec les organisations industrielles, patronales et syndicales. Au même titre que nous disposons d'un Institut des hautes études de défense nationale, d'un Institut des hautes études pour la science et la technologie, la France devrait se doter d'un Institut des hautes études industrielles, sans doute en lien avec l'Académie des technologies . Il aurait pour objectif de travailler pour la redéfinition, l'élaboration et la diffusion d'une culture industrielle qui nous serait propre.
Il faut absolument favoriser l'échange. En France, par exemple, on prend garde à ce que le corps enseignant, du primaire comme du secondaire, soit formé en dehors du reste de la société, de façon à ce qu'il en soit le plus possible séparé. Dans les faits, ils ont une très faible culture industrielle, non pas par incompétence, mais par organisation . Les classes de première ou de terminale sont ainsi toujours sidérées d'apprendre que des ingénieurs travaillent sur des jeux vidéo, les enseignants en étant encore plus surpris.
La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche va développer les relations entre les classes préparatoires et la recherche. C'est une très bonne idée. Encore faudrait-il également développer les liens entre les classes préparatoires et l'industrie, liens encore bien plus nécessaires.
La conférence des grandes écoles a récemment enregistré une demande surprenante, et magnifique, de l'association des compagnons du devoir, anciennement compagnons du tour de France. Cette association forme des ouvriers, des contremaîtres - peut-être un jour des scientifiques, des ingénieurs, des scientifiques - par le voyage. Voilà des gens qui ont développé une pédagogie du faire, du voyage , du collectif, que vous gagneriez à auditionner, tant ils véhiculent une réelle culture artisanale, une véritable culture de métier. Ils nous ont ainsi récemment demandé d'intégrer la conférence des grandes écoles.
M. Michel Berson, sénateur. Vous avez eu raison d'insister sur le « T » et le « I » de CSTI. Mais vous avez été quelque peu sévère à l'égard des membres de l'Office. Au sein de l'OPESCT, je peux vous le garantir, la culture scientifique comme la culture technique, industrielle et la culture de l'innovation sont très présentes, ainsi qu'en témoignent nos rapports.
M. Gérard Roucairol, président de l'Académie des technologies. L'Académie des technologies se considère comme partie intégrante du dispositif français de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Dans ce contexte, nous occupons une place tout à fait à part, dans la mesure où l'on trouve des membres d'origines très diverses au sein de notre académie. Ce sont des gens qui, en majorité, ont eu des carrières industrielles, mais on y trouve aussi des chercheurs, des médecins, des pharmaciens, des agronomes, des architectes, des urbanistes, des sociologues, des économistes et même des philosophes, comme Étienne Klein.
Cette diversité nous permet d'aborder les problématiques technologiques aussi bien sous l'angle sociétal, environnemental, économique et industriel, pour remplir notre mission de référent en France auprès des pouvoirs publics ou privés et du grand public.
Au-delà des passions et des idéologies qui marquent régulièrement le domaine des technologies, nous cherchons à mettre en oeuvre notre devise « pour un progrès, raisonné, choisi et partagé », qui, finalement, par l'indépendance de ses acteurs, permet d'apaiser les débats.
Un bon exemple est le rapport que nous avons soumis sur les risques liés aux nanoparticules manufacturées, où nous avons développé des arguments pour et contre, de façon totalement indépendante et raisonnable.
Au-delà de notre travail interne sous forme de débats, d'édition de rapports, d'avis et de recommandations, nous sommes attentifs à étudier les conditions d'usage et d'application des techniques avec le plus grand nombre. Cela se traduit par des partenariats avec le conseil économique, social et environnemental, le partenariat avec les régions, comme la Champagne-Ardenne, avec laquelle nous menons une expérimentation de télémédecine concernant 10 000 patients, où encore avec l'association des maires de grandes villes de France, pour mener une vaste étude sur la ville du futur.
Nous savons tous que l'innovation technologique est un élément majeur pour que notre pays puisse maîtriser son futur, l'emploi, le bien-être de ses citoyens, dans un contexte mondialisé. C'est par l'innovation technologique que l'on fait atteindre à notre pays et à nos entreprises une compétitivité hors coût. Nous avons largement milité, notamment dans le cadre de la préparation de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, pour l'existence d'une recherche technologique au bon niveau, en masse, en valeur et en qualité, se dotant des outils adaptés pour son évaluation.
Mais la technologie n'est pas seulement un métier ni une profession. C'est aussi une culture pour tous, pas seulement de l'ingénieur et du technicien. C'est une culture pour le financier, le journaliste, le travailleur, le commerçant et l'artisan . D'abord parce que la technologie est avant tout la rencontre d'une technique et d'un usage. Lorsqu'on construit un pont, ça n'est pas pour examiner les conditions de la gravité, mais pour traverser une rivière. L'innovation ne peut être déclenchée que dans un contexte prédisposé au changement, d'ouverture, de comparaison à l'échelle mondiale, de prédisposition culturelle à regarder ce qui se passe ailleurs .
Or si l'on regarde notre système d'enseignement général, il est avant tout structuré sur l'enseignement de vérités considérées comme immuables, au moins pendant la durée de vie d'un élève. Les sciences sont enseignées de cette façon, dans un système par ailleurs fermé, notre système d'enseignement général privilégiant largement le quoi sur le comment. Or si l'on veut être innovant, il faut valoriser le comment et être prêt à considérer que les vérités techniques peuvent devenir obsolètes.
Cela nous a amenés à remettre un avis sur la place de la technologie dans l'enseignement général, notamment au lycée, tout ce qui se passe dans la vraie vie étant le contraire de ce qui se passe dans l'enseignement. Il nous semble donc important que, dès la classe de seconde, soit mis en place un enseignement de sensibilisation à la technologie. Dans un cours d'histoire, de géographie, de littérature, de physique ou de mathématique, il nous paraît ainsi indispensable de parler de technologie, ou qu'on sensibilise les élèves à des caractéristiques, des besoins, des propriétés qui vont changer. Enseigner la technologie, c'est enseigner à des élèves des états de fait qui ne seront plus vrais ou dignes d'intérêt dans le futur .
Il est donc essentiel que la culture générale passe par l'apprentissage de la technologie le plus tôt possible, comme l'une des clés de la compréhension, ignoré par chacun, de l'univers et de son avenir.
Mme Françoise Roure, présidente de la section « Technologies et société », Conseil général de l'économie, de l'industrie et des technologies (CGEIET). Ce conseil général est présidé par le ministre de l'économie. Il est issu de la fusion du conseil général des mines et du conseil général des technologies de l'information en 2009. À cette occasion a été créée une innovation sociétale, à savoir une structure qui, au coeur d'un ministère économique et financier, se préoccupe des relations entre technologies et société, au sens du déploiement le meilleur possible des avantages et des bénéfices du progrès économique, scientifique et technique dans la société.
Les travaux que nous menons dans ce cadre visent ainsi, sur la base de retours d'expérience, à mettre en valeur les mécanismes qui font qu'à un moment donné, la compréhension de l'état de l'art en matière scientifique, technique et industrielle, peut permettre un niveau de dialogue entre les chercheurs, les innovateurs, l'industrie et les différents compartiments de la société civile, qui soit un dialogue informé, riche et porteur d'avenir, transcendant les blocages du passé.
L'important, dans la culture scientifique, technique et industrielle, c'est le « I », la partie industrielle qu'il faut mettre en avant, plus que par le passé . De ce point de vue, on ne peut que se féliciter que le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche améliore remarquablement cet aspect, puisqu'il met en avant l'industrie. La relation entre l'industrie et le savoir technique devrait bénéficier de cet ajout .
Je veux également souligner l'importance de la responsabilité des médiateurs de savoirs, entre la recherche, l'innovation et la société civile. Cette médiation scientifique doit se déporter aussi sur la médiation industrielle, et ne pas rester seulement dans le domaine scientifique . Des propositions sont à développer dans ce domaine, en particulier en appui avec les régions, le local. De ce point de vue, sans doute faudrait-il mobiliser plus avant les chambres de commerce et d'industrie, de façon à ce qu'elles puissent faire participer, en liaison avec leurs connaissances du terreau industriel local, les petites entreprises, jusqu'aux grands groupes implantés localement, de façon à pouvoir diffuser ou participer de ce passage de savoirs et de culture.
Je veux également mettre en avant la gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle, qui devrait associer davantage les industriels à la définition des cheminements de la CSTI, et je pense en particulier à Universcience .
Les métiers et l'apprentissage constituent une opportunité très importante de rapprocher la science, la technique et l'industrie, et de les faire connaître aux différents compartiments de la société . Au ministère du redressement productif, nous programmons une semaine de l'industrie, qui s'est déclinée en mars 2013 dans 2 700 évènements sur un mois. C'est une belle opportunité pour consolider l'action publique dans ces domaines.
La technique compte autant que la science. Parfois, elle peut même précéder la science. C'est ainsi que les technologies permettent d'améliorer les connaissances scientifiques, puis d'accélérer le transfert à l'industrie. Celle-ci, il faut le déplorer, reste en France le parent pauvre de l'emploi, l'emploi industriel étant en chute libre depuis 1973 en France, à moins de 10 %.
L'osmose entre la population et l'industrie a du mal à se faire et à se pérenniser par l'emploi industriel et les cultures familiales ou locales. À un moment donné, il faut redonner un coup de pouce pour rendre plus attractifs les métiers industriels, un pays comme la France ne comptant que 27 % de femmes ingénieurs.
Les nouvelles technologies, mais aussi la conviction d'un certain nombre d'organisations très importantes de la démocratie et de l'accès au savoir par le mouvement open data , les MOOCs, et la recherche coopérative en ligne, sont importantes pour les médias . Lorsqu'il s'agit de faire une recherche documentée pour produire un article à caractère scientifique, technique et industriel, cette démocratisation de l'accès au savoir permettra une accélération des passages vers la société civile de la CSTI.
À l'occasion d'un séminaire de l'Académie des sciences sur la biologie de synthèse, Sheila Jasanoff disait qu'on a le public qu'on mérite. Investir dans l'intelligence de la population dès le collège, c'est probablement aller vers des dialogues plus informés, plus constructifs, qui donneront leur chance au développement d'activités industrielles responsables et de meilleures chances d'attractivité des métiers et de déploiement industriel sur les territoires des technologies émergentes.
M. Michel Berson, sénateur. Je vous remercie d'avoir insisté sur le va-et-vient entre les sciences, la technologie et l'industrie, point essentiel, qui méritait d'être souligné. Et vous avez aussi bien souligné que le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche en cours de discussion n'avait pas occulté ce volet, pour que les CCSTI connaissent un nouvel âge, en phase avec notre société.
Débat
M. Louis Sangouard, association Science Essonne. J'ai été très surpris, voire choqué par le titre de cette table ronde. Il me semble pour le moins dangereux de laisser entendre que la CSTI pourrait être au service de l'économie. C'est laisser entendre que la recherche a pour finalité le développement économique. Le débat n'a pas lieu d'être, la recherche ayant vocation d'accroître la connaissance et les possibilités données au corps social de les transformer en produits et services. L'enjeu majeur est d'améliorer le passage de l'un et l'autre, mais il ne faut pas les confondre. J'ajoute que la culture n'a pas pour finalité un développement quelconque au sein de l'économie, même si, en formant des citoyens mieux éclairés, elle peut être un formidable levier de développement économique.
M. Jean-Pierre Leleux. Je veux défendre le titre de la table ronde, précisant que nous faisons état d'une nouvelle finalité, parmi d'autres. À l'heure où les ressources publiques vont pour longtemps se raréfier, il n'est pas inintéressant de se poser la question du lien entre la CSTI et l'économie. Sur quels leviers pouvons-nous agir pour que l'économie soit activée ?
M. Goéry Delacôte. Je suis membre de l'Académie des technologies, et président d'un petit centre de science, l'Exploradôme. J'ai été aussi dirigeant d'un musée des sciences en Californie, l'Exploratorium, expérience que j'ai poursuivie en Angleterre. Aussi je souhaite apporter mon témoignage. À l'Exploratorium, on a trouvé des jeunes gens, des explainers , qui avaient pour fonction de faciliter les visites. Nous avions aussi des industriels. J'ai voulu réunir tous ces explainers . J'en ai réuni un millier, et je leur ai demandé ce qu'ils étaient devenus. Trois cents étaient devenus chefs d'entreprise. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient reçu le choc à l'Exploratorium, dans ce milieu de culture scientifique. On ne leur faisait pas des cours sur la culture d'entreprise, mais on leur faisait confiance. Ce climat avait engendré un appétit pour créer quelque chose. En créant un milieu dans lequel il y a une vraie culture scientifique, une culture de fonctionnement, on doit pouvoir arriver à engendrer des vocations auprès des jeunes. Je propose donc que cette dimension qu'on ne prend pas assez en compte dans la culture scientifique et technique, qui est celle de la création de richesse et de l'émission de questionnements, soit explicitement présente dans toute notre pensée. Or, jusqu'à présent, on n'en a pas trop parlé.
Mme Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, directrice de l'IHEST. Je veux faire référence à ce choc des cultures, évoqué par Yves Lichtenberger, choc que je vis au quotidien à l'IHEST. Lorsqu'on aborde la question de l'innovation, d'autres cultures sont extrêmement présentes. J'en veux pour preuve tous les gens qui demandent à venir à l'Institut : cultures syndicale, juridique, médiatique, etc . C'est dans l'articulation qui se fait bien dans la plupart des CCSTI que peut surgir la créativité nécessaire pour l'innovation. Or, on vit tous, on le constate, dans des mondes séparés. Il faut donc garantir une pluralité de structures, gage de décloisonnements.
M. Yves Lichtenberger. L'interpellation de M. Sangouard mettait l'accent sur le fait que la recherche peut servir l'industrie, sans pour autant que ce soit sa vocation. Ces deux questions doivent être dissociées, toute la question étant celle de la chaîne. Il faut concevoir cette chaîne comme une boucle. À défaut, chacun ne sortira pas de la bataille de territoire. Comment donc la culture scientifique, technique et industrielle s'enrichit-elle de la science vivante, de la technologie vivante, de l'industrie vivante ?
M. Sébastien Soubiran, Université de Strasbourg, Jardin des sciences. À Strasbourg, nous avons la chance de collaborer à un projet financé dans le cadre des investissements d'avenir, à savoir les maisons pour la science. Nous faisons partie des maisons pilotes. Cette notion de science vivante, au coeur du projet, a pour objectif de développer des formations continues auprès des enseignants du primaire et du collège, pour se familiariser avec une culture scientifique, technique et industrielle. De tels projets incluent bien, au-delà de l'ensemble des acteurs de la recherche, l'industrie.
Mme Laetitia Stagnara, Universcience. Pourquoi, compte tenu du thème de cette table ronde, aucune entreprise n'est-elle présente ? À aucun moment, je n'ai entendu parler de la notion de modèle économique, alors qu'il faut plus que jamais réfléchir à des modèles qui permettent de pérenniser les projets des acteurs de la CSTI, dans un contexte de baisse des aides publiques.
M. Michel Berson, sénateur. Je ne suis pas le porte-parole des tables rondes, mais je reconnais volontiers que le monde de l'entreprise, à travers des chefs d'entreprise ou des organisations professionnelles, ne sont pas présents. On peut le regretter, et vous avez eu raison de le souligner. Nous essaierons de corriger le tir.
M. Laurent Chicoineau. La question du modèle économique fait pleinement partie des réflexions et des expérimentations que nous menons dans le cadre des investissements d'avenir. Nous sommes au courant de la baisse annoncée des finances publiques. Cette réflexion sur le modèle économique est liée à une réflexion plus générale, inspirée par l'économie du numérique, de la contribution, où l'on a à la fois un autre rapport au savoir, un autre rapport à l'expertise et à l'économie. Notre conviction, c'est qu'il faudra aussi changer de modèle économique . Le rôle des entreprises n'est pas simplement de sponsoriser ou de financer des campagnes de communication pour faire venir de nouveaux ingénieurs ou les jeunes dans les entreprisses, mais plutôt d'ouvrir les processus industriels, de créativité. Lorsqu'on organise des workshops créatifs avec de jeunes designers et des jeunes en situation d'échec scolaire, c'est avant tout pour leur montrer les pratiques professionnelles en cours dans beaucoup d'entreprises et de domaines axés sur l'innovation. Pour nous, c'est typiquement de la culture industrielle , l'objectif étant de partager les processus et d'associer des jeunes à cette culture du faire, pour laquelle nous sommes convaincus qu'il faut passer à l'action.
M. Olivier Las Vergnas. J'ai piloté il y a une vingtaine d'années la création de la première cité des métiers au sein de la cité des sciences et de l'industrie. Il s'agissait de profiter de cette structure pour aider les personnes à mieux comprendre comment les évolutions scientifiques, technologiques et des savoir-faire industriels modifiaient les métiers, les qualifications. Au-delà de l'information sur les métiers qu'on pouvait considérer comme scientifiques et techniques, nous avons développé, en partenariat avec plusieurs organisations, une plate-forme pour choisir son orientation, organiser son parcours de formation, trouver un emploi, changer sa vie professionnelle, créer son activité. Près de 39 sites « cités des métiers » sont désormais labellisées sur ce modèle dans le monde. On nous demande très souvent pourquoi on ne se limite pas aux métiers scientifiques. L'important, répondons-nous, c'est de montrer, dans des lieux comme des CCSTI, que science, technologie et savoir-faire industriel sont bouleversés, et que toutes les qualifications sont concernées. Avec le recul, on s'aperçoit que les Cités de Paris et des Côtes-d'Armor sont les seules à être dans un CCSTI . Toutes les autres Cités sont dans des lieux plutôt marqués par l'insertion, les pépinières d'entreprise, l'économie sociale et solidaire. En France, la plupart des CCSTI n'ont pas développé transversalement cette fonction d'orientation, au-delà d'une représentation des métiers scientifiques, stricto sensu , au seul sens des métiers de la recherche et de l'innovation.
Je crois qu'on gagnerait à rapprocher ces fonctions d'orientation, de compréhension des évolutions de toutes les qualifications, de Validation des acquis de l'expérience (VAE), de création d'activité, avec les CCSTI, et à développer ce type de centres, en partenariat avec les grands acteurs économiques de l'insertion et de l'orientation de concert : Cités des métiers et CCSTI. La loi du 24 novembre 2009 a créé le service public de l'orientation. L'acte III de la décentralisation confiera aux régions une responsabilité très importante sur le service public de l'orientation. Bref, je crois qu'on devrait assumer mieux encore ce lien très fort entre « orientation tout au long de la vie » et CSTI .
Question de la salle. L'un des objectifs des CCSTI est bien de parler des métiers. Je représente le CCSTI « La maison de la mer », basée à Lorient, qui travaille sur les métiers de la marine, faisant toujours intervenir la marine de pêche, mais aussi la construction navale. Un tel objectif est rempli par nombre de CCSTI.
M. Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à l'Université de Paris IV. Je veux pointer la difficulté de la position de la CSTI par rapport à la culture humaniste et artistique, difficulté qui a trait au statut de la vérité. On a beaucoup parlé de la culture du faire, en occultant la culture du vrai. Or, on a pourtant posé un certain nombre de jalons qui mettent en évidence un certain nombre de difficultés. Gérard Roucairol s'est félicité du fait que les professeurs de l'enseignement technique avaient la chance de n'enseigner que des choses provisoires, comme si la vérité qu'ils enseignent était appelé à se révéler erreur. Un intervenant a souligné la nécessité d'introduire très tôt dans l'enseignement l'histoire des sciences et des techniques, et l'épistémologie. J'ai entendu cette demande comme une façon d'inviter rapidement à ce qu'on enseigne aux jeunes le sens de la relativité, l'histoire des sciences permettant de mettre en perspective le vrai. J'ai enfin entendu Olivier Las Vargas soutenir l'idée que la science était le résultat d'une construction sociale. Toute la difficulté, à mon sens, est d'articuler ce risque d'un relativisme, avec le risque d'un dogmatisme. Pour échapper au dogmatisme, va-t-on tomber dans un relativisme ? Voilà la difficulté, que le terme même de culture porte. On peut en effet entendre la culture comme l'ensemble des pratiques sociales d'un groupe à un moment donné, ce qui renvoie à un savoir forcément historique et relatif. Mais l'on doit aussi entendre par culture ce qui fait lien entre les membres de l'espèce humaine tout entière, la culture renvoyant à l'orientation vers un universel commun. Comment faire pour tenir les deux choses en même temps ? C'est toute la difficulté des acteurs de la CSTI.
M. Yves Lichtenberger. Si la question du modèle économique se pose, c'est que le modèle économique actuel - subventionnel - est en crise. L'un de ses inconvénients majeurs, c'est de conduire à un autopilotage, donc à un isolement, qui est l'inverse même d'une culture vivante . Cette question du modèle économique pose d'abord la question des partenariats, raison pour laquelle les investissements d'avenir co-investissent toujours à moitié pour obliger à ce que les projets soient conduits avec des partenaires qui trouvent intérêt à les pérenniser. Or, il me semble qu'on arrive à trouver l'équilibre de ce modèle non pas projet par projet, mais sur l'ensemble d'une chaîne. C'est la raison pour laquelle les territoires sont aussi importants : ce sont des lieux où l'on peut regarder avec une réelle pertinence ce que sont les flux entre partenaires, et les valeurs ajoutées pour chacun. Lorsque les collectivités subventionnent, elles ne le font pas du tout comme l'État, mais en ayant un regard sur l'ensemble de la chaîne, et l'apport pour le dynamisme territorial, exigence difficile, mais particulièrement stimulante.
Mme Marjolaine Vernier, ENS Cachan. On a parlé formation par le voyage, recherche, innovation. Pour être au service de l'économie, la CSTI n'aurait-elle pas intérêt à élargir sa réflexion en y intégrant une dimension internationale ?
M. Serge Waszak, directeur du CCSTI de Bourgogne. D'aucuns ont dit de façon péremptoire que les CCSTI n'interviendraient pas dans la culture scientifique, technique et industrielle. Pour notre part, depuis onze ans, nous avons initié avec le rectorat et les filières professionnelles, un groupe « Découverte de l'innovation et des métiers en Bourgogne. » C'est la preuve qu'il y a du partenariat entre des laboratoires, des entreprises et des enseignants sur le territoire. Par ailleurs, nous avons réalisé avec nos deux pôles de compétitivité des DVD sur la présentation de ce qu'est un enjeu d'un pôle de compétitivité, à savoir la relation du transfert, de l'innovation, et la manière dont le lien se fait entre la recherche, l'entreprise et le territoire. Nous avons également dans notre projet de développement la culture de l'innovation, et intégré la maison régionale de l'innovation.
Bref, prenons garde à une vision trop macroéconomique, qui ne prendrait pas en compte les milliers d'initiatives qui se concrétisent sur les territoires, pour les jeunes, les adultes qui vont réinventer un projet. Soyons donc très prudents, et examinons les choses avec des lunettes plus fines.
M. Michel Berson, sénateur. Cette table ronde nous a permis de mesurer combien les CSTI évoluaient, que les structures d'aujourd'hui ne pouvaient plus se comparer à celles qu'on a connues il y a une trentaine d'années. Les cultures scientifique, technologique et industrielle sont fortement présentes, cette table ronde ayant mis en perspective cette réalité, par rapport aux mutations de l'économie.
III. CINQUIÈME TABLE RONDE : COMMENT GOUVERNER LA CSTI ?
Présidence de M. Thierry Mandon, député de l'Essonne
M. Thierry Mandon, député de l'Essonne. Nous en venons inévitablement à la question de la gouvernance de la CSTI, non pas pour respecter l'adage selon lequel on aborderait les questions qui fâchent à la fin, mais parce qu'il s'agit du point logique d'aboutissement de cette journée de travail. Il s'agit de réfléchir à l'articulation et aux interactions entre les cinq acteurs clés que sont Universcience, les régions et les collectivités territoriales, les CCSTI, les associations, mais aussi les acteurs industriels.
Chacun a à l'esprit la toile de fond mouvante qui fait que ces questions se posent de manière particulière aujourd'hui, principalement à la suite du vote de plusieurs textes de loi. Je parle du celui sur la refondation de l'école, qui confie à l'enseignement primaire et à la formation des enseignants un certain nombre de responsabilités dans ce domaine. Je pense aussi à celui sur la réforme des universités, et celui sur l'acte III de la décentralisation et des responsabilités que les régions pourraient se voir confier en matière de gouvernance de la culture scientifique et technique.
Comment donc pourrait s'organiser le pilotage ? Selon les mots d'un rapport récent du Sénat, la politique mise en oeuvre en la matière devrait trouver un équilibre entre le pilotage national et le respect des fonctionnements des différentes initiatives mises en place par les acteurs.
Mme Claudie Haigneré, ancienne ministre, présidente d'Universcience. Universcience est un établissement public, d'envergure nationale, qui a pour mission de rendre accessible à tous la culture scientifique, technique et industrielle. Il exerce ses activités sur deux sites, le Palais de la découverte, et la Cité des sciences et de l'industrie. Il a été créé en janvier 2010.
Quelles missions complémentaires ont-elles été proposées à Universcience, et comment avons-nous essayé d'y répondre ? Au moment de la création de l'établissement en 2010, le constat a été fait d'une dispersion des acteurs et des ressources de la CSTI . Cela engendrait un manque de visibilité et d'efficacité optimale des actions entreprises dans ce domaine, et par là même, de rayonnement et d'audience dans les politiques publiques.
En tant qu'établissement public de CSTI d'envergure nationale, Universcience s'est donc vu confier une mission de réflexion pour proposer une nouvelle structuration du champ de la CSTI, qui puisse rassembler les acteurs sans logique de compétition ou d'exclusion, et dans le respect du principe de subsidiarité. Deux inspecteurs de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et des affaires culturelles ont accompagné l'établissement dans cette mission pour laquelle Universcience a souhaité une concertation très large et a mis en place à cet effet un Groupe de travail (le Groupe national de référence composé d'une vingtaine d'acteurs représentant la typologie des familles de la CSTI). Les recommandations émises allaient toutes vers le même sens : structurer régionalement les acteurs en créant des espaces de dialogue entre eux, participer au maillage et au décloisonnement des territoires, et impulser des orientations nationales.
Cette réflexion a duré deux ans et a abouti à la création des instances de gouvernance par décret en avril 2012. Nous n'en sommes donc qu'à la première année d'expérimentation. Le conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle a été constitué avec pour objectif de coordonner l'action des différents acteurs nationaux et locaux intervenant en matière de CSTI et de formuler des recommandations pour ce secteur auprès des ministères de la culture et de la communication et de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Au niveau territorial, des pôles territoriaux de référence fédèrent et animent le réseau des acteurs de la CSTI sur leur territoire.
Entre ces deux niveaux, un comité opérationnel assure le lien entre les territoires, via les Pôles territoriaux de référence, et avec le Conseil national.
Le conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle s'est réuni à quatre reprises depuis sa création. Il a proposé des orientations stratégiques, des recommandations aux ministères de tutelle. Les pôles territoriaux de référence (PTR) ont été constitués, et l'on en compte à ce jour vingt-et-un .
L'élaboration d'un dialogue effectif et constructif entre l'échelon national et régional est bien en marche grâce à ces instances. La dynamique et les outils mis en place pour la structuration du réseau ont d'ores et déjà porté leurs fruits. Les instances de gouvernance ont notamment montré qu'elles pouvaient être forces de mobilisation et de propositions à l'occasion des consultations nationales pour la définition de grandes politiques publiques (ministère de l'éducation nationale, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministère de la culture et de la communication).
C'est ainsi que nous venons de réaliser avec le ministère de l'éducation nationale un vade-mecum des ressources dans le champ de la culture scientifique et technique, à disposition de l'ensemble du monde enseignant .
Au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche, plusieurs recommandations ont été émises par les instances de gouvernance pour une meilleure visibilité et articulation des actions de CSTI (renforcement des liens entre universités et centres de science, meilleure prise en compte de l'activité de diffusion de la CSTI dans l'évaluation des carrières des chercheurs...) et je me réjouis que certaines d'entre elles aient été prises en compte dans le projet de loi. Avec le ministère de la culture, nous avons participé à la réflexion sur le parcours de l'éducation artistique et culturelle.
Voilà quelques éléments mis en oeuvre à partir des recommandations du conseil national. Au-delà des propositions concrètes des acteurs qui animent et partagent l'expertise en matière de culture scientifique, ces mobilisations attestent de la forte aspiration des acteurs à participer ensemble à la définition et à la mise en oeuvre des stratégies relatives à la CSTI et permettre un changement d'échelle.
Quelles que soient les nouvelles orientations qui pourraient être prises concernant la gouvernance de la CSTI, cette dynamique doit être maintenue L'impulsion portée par les PTR pourra d'ailleurs servir les futures stratégies régionales.
S'agissant des ressources financières qui peuvent être dédiées à ces actions, Universcience s'est mobilisé avec les acteurs pour faire intégrer la CSTI dans les appels à projets des Investissements d'avenir. J'ai travaillé notamment avec Yves Lichtenberger sur ce sujet.
Une première enveloppe de 50 millions d'euros a ainsi d'ores et déjà permis le financement de douze projets, parmi eux, le projet Estim, sur lequel Universcience a été retenu, en tant que porteur et en partenariat avec l'AMSCTI. Une seconde enveloppe de 50 millions d'euros est aujourd'hui encore ouverte. Les projets financés sont en bonne voie avec une dynamique portée là encore par l'ensemble des acteurs regroupés dans différentes configurations. Il s'agit de projets innovants et démultiplicateurs d'impact.
J'en viens à quelques recommandations d'évolution. Nous appelons de nos voeux davantage d'inter-ministérialité , les sujets relatifs à la CSTI et aux relations entre science et société faisant intervenir un grand nombre de champs ministériels. Nous appelons également à une représentation plus importante des collectivités, qui représentent les territoires, et du monde associatif. La question que nous avons eu à résoudre reste toutefois posée : comment trouver la bonne articulation entre une stratégie nationale portée par un État stratège et les initiatives locales, issues de la réflexion des schémas régionaux ?
Mme Isabelle This Saint-Jean, vice-présidente du Conseil régional d'Île-de-France, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis également vice-présidente de la commission ARF (Association des régions de France) sur l'enseignement supérieur et la recherche, association qui a demandé à l'occasion du débat sur la recherche et l'enseignement supérieur, peu de compétences supplémentaires. En revanche, nous avons été en pointe sur la problématique du dialogue science-société. Une institution régionale est en effet dans une situation de proximité avec les acteurs. Aussi, dans un domaine comme celui du dialogue science/société, sommes-nous en capacité de mobiliser des énergies plus facilement qu'à l'échelon national. Dans les faits, la problématique du dialogue science/société est très souvent portée par des initiatives d'échelon régional, voire infrarégional . C'est pour cette raison que nous avons défendu une position ambitieuse, d'une revendication d'une compétence sur cette problématique.
Pour autant, il faut un échelon national. Au-delà des initiatives locales, il faut mutualiser les initiatives . Il faut développer ailleurs les actions qui réussissent en Île-de-France et vice-versa. Comme élus politiques, nous avons un certain nombre de grandes priorités politiques. Nous avons souligné à quel point le dialogue science et société était essentiel dans le fonctionnement de notre démocratie. Il m'apparaît donc indispensable qu'un certain nombre de grandes priorités soient portées.
Je vois un danger poindre aujourd'hui, à savoir un calage entre les problématiques d'horizon 2020 et la stratégie nationale stricto sensu . Par ailleurs, il faut absolument laisser la liberté l'initiative aux acteurs, et laisser les choses fonctionner . En fonction de cette stratégie nationale, on voit bien comment le dialogue science-société doit tenir compte de ces enjeux, ambition qui relève du niveau national.
En revanche, il faut donner compétence aux acteurs régionaux, lesquels feront le lien avec les autres collectivités territoriales, où l'on parviendra à impulser un certain nombre de choses avec les CCSTI, les universités, les chercheurs. Sur ce dernier point, il faut inciter les chercheurs à aller vers le dialogue science-société, et le reconnaître dans les carrières. À Paris XI, initiative formidable, les allocataires de recherche, les moniteurs, ont un semestre dédié au dialogue science-société, encadré par les enseignants . Une telle expérience a vocation à être diffusée nationalement, tout comme des opérations particulièrement originales, comme on le fait en Île-de-France avec la maison d'initiation et de sensibilisation aux sciences, pour des enfants de huit à treize ans.
Il faut donc un échelon national, un échelon régional, mobilisant tous les autres partenaires, de manière à ce que l'on avance tous ensemble sur ce sujet majeur. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a un problème majeur de financement, et je crains qu'il ne soit pas réglé par la reconnaissance du rôle des régions . Les associations ont besoin d'un effort appuyé de financement pour la diffusion du dialogue science-société. Elles ne peuvent pas fonctionner sans moyens, sujet qui s'inscrit dans une problématique générale des moyens pour l'enseignement supérieur et la recherche. Nous avons besoin, aujourd'hui, de plus de moyens pour l'enseignement supérieur et la recherche. Des pistes existent pour que des financements soient affectés à ce secteur majeur pour notre avenir et notre jeunesse. Les investissements d'avenir, je le sais, ont financé cette dimension et devront continuer sur cette voie, dans l'optique d'une deuxième vague d'investissements. L'Europe est aussi un interlocuteur et un partenaire sur lequel on peut compter. Les régions doivent agir, comme les autres collectivités. On ne peut pas demander aux universités d'investir massivement, compte tenu de leur situation financière. Par contre, on peut les inciter à mettre une partie du personnel à disposition. En revanche, il faut un effort de financement national.
M. Jean-François Balaudé, président de l'Université Paris X Nanterre . La CSTI doit-elle entrer dans la stratégie des établissements d'enseignement supérieur et la stratégie de site, en associant divers acteurs ? La réponse est oui, dans le cadre d'une compréhension renouvelée et élargie du rôle et des implications sociétales des universités. Cela engage une compréhension globale de la place des universités dans un projet de société assis sur l'effort de démocratisation du savoir, auquel les universités doivent répondre par leurs formations diplômantes, mais pas seulement - un projet de société qui engage toute une conception de l'émancipation par le savoir, toute une conception de la démocratie participative.
C'est pourquoi la CSTI ne devrait pas être traitée comme une question séparée, mais entrer dans une réflexion globale sur le savoir, sa production, sa transmission, son partage et ses modes multiples de valorisation . Du point de vue des universités, on peut penser à l'implication des universités dans la CSTI selon trois types d'ouverture. 1) Ouverture des données scientifiques, pour commencer. Une partie des actions et des capacités des universités passera par l'engagement fort dans l'open data. 2) Ouverture à tous publics, ensuite, car il est essentiel pour la viabilité des implications de l'université dans la démarche de CSTI qu'elle ne se pense pas comme se destinant à prendre seulement en charge des étudiants en formation initiale ou continue . 3) Ouverture enfin au contemporain, aux questions émergentes et complexes qui agitent la société, et qui réclament un travail interdisciplinaire, voire transdisciplinaire, où les Sciences humaines et sociales en particulier doivent prendre toute leur plac e.
L'ouverture de l'université doit donc se faire vers des publics élargis, des écoliers aux retraités. En direction des collégiens, des lycéens en particulier, un certain nombre d'actions peuvent être développées par les universités ; je veux parler d'actions d'initiation, de sensibilisation, qui peuvent être le fruit de collaborations menées avec les établissements, les villes et bien sûr les rectorats. En direction des plus jeunes aussi : à la faveur de l'organisation d'activités périscolaires liées à la réforme des rythmes scolaires, de belles possibilités s'ouvrent. Il peut encore s'agir d'actions dans les quartiers, hors établissements scolaires. Nombre d'initiatives peuvent être développées avec des associations, par exemple dans une démarche d'intégration, voire de réinsertion de jeunes en difficulté . Sur tous ces volets, les partenariats avec les collectivités territoriales, le conseil général et le conseil régional constituent des appuis nécessaires, pour aider les universités dans ces démarches innovantes, qui s'appuient aussi de plus en plus sur la pédagogie numérique.
Nous devons de fait diversifier nos outils pédagogiques. Mon sentiment est que les universités numériques thématiques (UNT) vont sans doute, en élargissant progressivement leur public, se révéler très précieuses. Et si des MOOCs collaboratifs et interuniversitaires émergent, avec les immenses possibilités d'apprentissage qu'ils ouvrent, ils pourront eux-mêmes largement contribuer à servir la cause du partage du savoir .
Un autre plan important est celui du partenariat avec les associations . Les universités peuvent ainsi valoriser dans les cursus l'engagement des étudiants dans les mouvements associatifs. Elles sont aussi susceptibles de nouer des partenariats avec des associations relevant de la CSTI, que cela se fasse en lien avec des programmes d'équipes de recherche, ou avec des programmes d'action des universités elles-mêmes. Sur ce point, je veux souligner les enjeux qui ont trait au développement durable, et qui conduisent certaines universités, dont la mienne, à développer des projets d'éco-campus, lesquels comportent une dimension sociétale très forte. Et il faut mentionner encore en prolongement l'enjeu de l'économie sociale et solidaire, comme domaine d'étude, d'implication et de partenariat, comme bassin d'emploi enfin. Évidemment, l'accompagnement financier de ces projets par les collectivités locales, les Régions, l'État et l'Europe est à même de faire progresser de façon spectaculaire le nombre des concrétisations, et contribuer ainsi à faire progresser l'émancipation par le partage et la diffusion des savoirs.
Je souhaiterais insister aussi sur l'enjeu de l'implication des enseignants-chercheurs dans les débats sociétaux. Activités d'expertise, de médiation : la multiplication des liens et interactions des chercheurs et équipes universitaires avec la société civile doit être favorisée. Encore faut-il que ces activités trouvent une pleine reconnaissance dans les cursus et les carrières des enseignants-chercheurs . Les universités doivent mettre en oeuvre ce principe à leur niveau, mais cela doit être également porté au niveau national. Les sections CNU doivent se persuader que ce champ d'activité est important, et n'est pas quantité négligeable. Sans doute faut-il, à terme, espérer des dotations ministérielles consistantes aux universités, pour soutenir ces implications.
Enfin, je suis personnellement heureux de la nouvelle rédaction de l'article 10 de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. En retenant cette idée d'une valorisation de la recherche au service de la société, elle permet une interprétation riche et intéressante de l'idée de valorisation et de transfert . Les universités sont prêtes à s'engager pour développer des objectifs dans cette direction. Cela sera fait par les bénéficiaires des investissements d'avenir, mais pas seulement. C'est pourquoi l'inscription des objectifs CSTI dans les contrats d'établissement et de site pourra être encouragée et le sera avec une grande persuasion , s'il existe une perspective pour les universités d'un soutien par l'État de tels engagements. C'est ainsi que nous ferons bouger les choses, car nombreuses sont les énergies prêtes à se mobiliser sur cet élargissement des missions des universités.
Mme Sylvane Casademont, directrice de cabinet de la Direction générale pour la recherche et l'innovation (DGRI). Merci à l'OPESCT pour l'organisation de cette journée fort intéressante, et sans doute décisive pour le domaine.
Les interventions de l'ensemble de cette journée ont souligné plusieurs choses. D'abord, l'importance des enjeux sociétaux, économiques, mais aussi politiques, au sens étymologique - à savoir la vie du citoyen dans la cité, et surtout l'exercice de la responsabilité du citoyen .
Importance des enjeux, donc, et complexité du champ. Nous n'avons pas résolu la question de savoir s'il fallait parler de culture scientifique, technique et industrielle, d'innovation, de science et société . Un complément d'étude épistémologique sur le champ pourrait être utile. Multiplicité des acteurs, aussi, dont nous sommes tous témoins. Diversité des cibles à toucher, les jeunes, les professeurs, les industriels, les citoyens. Multiplicité des objectifs et foisonnement des actions.
Du coup, comment gouverner la CSTI ? Quel modèle de gouvernance ? Faut-il un orchestre classique, avec un chef d'orchestre, des musiciens qui jouent une partition écrite, dont la liberté consiste à l'interpréter selon la direction du chef ? Choisit-on plutôt l'orchestre de jazz, où les musiciens ont une grille qu'ils connaissent, et qui leur permettent d'improviser, jouant leur propre morceau tout en jouant un morceau commun ?
Nous faisons le pari de prendre la deuxième option, de la coordination, de l'animation, dans le sens d'un État stratège . Cette réflexion sur une gouvernance qui tend à l'association de tous les acteurs a été élaborée au cours des trois ou quatre derniers mois où nous avons travaillé avec l'ensemble des représentants et des acteurs du champ. Nous sommes partis sur la définition de quelques principes de fonctionnement. Complémentarité des acteurs, d'abord. Tous les acteurs de la CSTI sont indispensables au fonctionnement et à la réalisation des objectifs que nous nous fixons . Subsidiarité, ensuite. Comment laisser à chaque niveau la responsabilité des actions qu'il mène et que chaque action soit menée au bon niveau ? L'interdisciplinarité : la science, ce n'est pas seulement les sciences exactes : c'est aussi les sciences humaines et sociales, indispensables pour atteindre des objectifs qui sont de l'ordre de la culture, donc de l'humain. Inter-ministérialité : nous avons recensé dix ministères concernés, dont ceux de la recherche, de la culture, de l'éducation nationale, du redressement productif, pour ne citer que les principaux. Le partenariat enfin. Un seul acteur n'a plus les moyens de financer complètement le champ. Il faut donc s'allier avec les autres, trouver des partenaires qu'ils soient publics ou privés.
La gouvernance est à trois niveaux. Le premier, c'est le maillage du territoire par les acteurs eux-mêmes. Le témoignage de M. Balaudé explique bien comment, au niveau d'une université, on peut organiser une gouvernance locale. Cela permet de répondre aux besoins locaux, d'aller partout dans les territoires, et de respecter le foisonnement des initiatives.
Le deuxième niveau est celui de la région, échelon central de la gouvernance de la CSTI, reconnu par la loi, qui gouvernera les initiatives locales de culture scientifique et technique sur son territoire. Il sera demandé aux régions d'élaborer des stratégies régionales. La région assurera la coordination de l'ensemble des actions, et aura la charge du financement, via une décentralisation des crédits actuellement délégués via Universcience par le ministère de la culture, pour 3,6 millions d'euros.
Le troisième niveau est l'État stratège. Comme le dit Louis Gallois, comment impulser le mouvement et fédérer les initiatives ? Pour cela, il faut donner la direction, le cap, une stratégie nationale de CSTI, en lien avec la stratégie nationale de recherche, incluse dans l'agenda de la recherche, en lien avec l'Europe . L'objectif est d'assurer une coordination nationale et une animation des acteurs. L'État, je l'espère, se réservera toutefois la possibilité de lancer des mesures incitatives, comme la Fête de la Science.
Nous voulons réaliser l'élaboration de la stratégie nationale en coordination avec un groupe de travail, composé d'un ensemble d'acteurs, associant les ministères concernés. Ce travail devra s'achever en septembre. Nous allons maintenir un comité national, qui devrait avoir des missions plus opérationnelles que celles de conseil et de capacité à donner des avis . Le système d'animation sera maintenu, et il faudra organiser un secrétariat exécutif, pour assurer le fonctionnement du système, sous pilotage du ministère de la recherche. Toutes ces options ne sont pas encore totalement fixées.
M. Louis-Jean Gachet, directeur de l'Office de coopération et d'information muséales (OCIM - Université de Bourgogne). Je veux insister sur le fait qu'une réflexion sur la gouvernance de la CSTI doit porter une attention toute particulière à la sociologie des personnels qui la font. Il faut absolument les soutenir, les conforter, développer leur professionnalisme, veiller à renforcer le tissu conjonctif coopératif, qui est une des caractéristiques de ce milieu professionnel étonnant, mode coopératif dont l'origine est à trouver dans l'éducation populaire .
Ce paysage professionnel de la culture scientifique est une marqueterie d'acteurs, d'institutions d'une extrême diversité. Il met en oeuvre des familles professionnelles, que nous avons tous citées au cours de cette journée. Ces familles professionnelles développent chacune une identité et une culture propres : c'est un facteur de richesse indéniable . C'est à cause de ce caractère identitaire que le paysage de la culture scientifique a encore la configuration qu'il a aujourd'hui, ce qui n'exclut pas des mécanismes de complexité : mécanismes associatifs, statuts territoriaux, personnels des universités, gestion patrimoniale, etc .
Dans le cadre de sa mission d'observation, l'OCIM a entrepris d'équiper les principales familles de la CST de bases de données coopératives : sont d'ores et déjà réalisées celles qui concernent les muséums, les jardins botaniques et les universités. À l'automne sera également disponible un document relatif aux CCSTI et aux centres de science. Dans ce travail d'observation, nous veillons naturellement à développer des indicateurs transversaux, de manière à ce que nous puissions effectuer à terme une lecture analytique qui transcende ces identités de familles institutionnelles et professionnelles.
Le paysage professionnel de la CSTI est aussi organisé de manière concentrique. Car il ne faut pas oublier qu'au-delà des acteurs traditionnels du premier cercle, d'autres acteurs, qui n'émargent pas aux mêmes tutelles, développent souvent une activité significative, telles les institutions du registre de l'écologie, par exemple. Aussi j'appelle de mes voeux une véritable démarche de gouvernance interministérielle, qui permettrait de réunir tous nos collègues et toutes les institutions qui contribuent de près ou de loin à la diffusion de la CST. Je pense notamment à certains musées, qui ont une importance indéniable, notamment dans le registre des disciplines scientifiques historiques et anthropologiques.
À mon sens, les termes clés dans cette approche de la gouvernance sont ceux d'identité, de sociabilité, de territorialité et de transversalité.
M. Philippe Guillet, président de l'Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMCSTI). Les muséums, je veux le rappeler, sont très impliqués dans tous les enjeux environnementaux et ont un poids très important dans les villes. Je préside une association pour le développement. J'insiste sur cette notion, Jean-Marc Lévy-Leblond y ayant fortement insisté dans les années quatre-vingts, la jugeant préférable à celle de diffusion de la CSTI.
L'AMCSTI se veut représentative de toutes les familles de la CSTI, des associations d'animation scientifique, des centres de science, des CCSTI, des musées techniques, des muséums. On pourrait parler de biodiversité systémique, réunissant une fédération d'acteurs, d'individus et d'organismes maillant le territoire, pour une valorisation de leurs actions. En matière de CSTI, il n'y en a pas de meilleures que d'autres, pour autant que l'on s'intéresse à tous les publics. À mon sens, le vingt-et-unième siècle sera celui de la CSTI. La valorisation des actions doit se faire en les relayant, voire en les primant, comme le fait l'Association.
J'en viens à la gouvernance. Quels sont les besoins du terrain, des associations, des organismes et des musées ? Nos organismes veulent une meilleure lisibilité de leurs actions, en partenariat éventuel avec des médias nationaux. Ils veulent évidemment une mutualisation des moyens, une aide à la recherche de financement, à la recherche de coproduction . Ils veulent une représentativité nationale, pour des actions de lobbying, être informés, avoir des relais européens, une formation continue. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, je le rappelle, assure la tutelle technique et scientifique des musées de science en région. L'État doit assurer pleinement son rôle, l'articulation entre le national et le local.
L'Association porte la connaissance du terrain, raison de notre implication dans le programme Estim Gouvernance. Nous y mettons en avant le rôle de l'État, y compris dans l'esprit de la décentralisation, la nécessité d'une coordination forte des acteurs, et la mise en place de projets communs et concrets, à destination de tous les publics, pas seulement des associations, pour aller dans les zones défavorisées, de fracture, les quartiers et les milieux ruraux.
Quels que soient la gouvernance et les changements qui se mettront en place, il faut souligner dès maintenant les difficultés des organismes dans leur budget de fonctionnement . Là encore, il faut trouver comment faire entre un financement de fonctionnement et un financement sur projet. Le gros problème est qu' il y a actuellement des associations qui sont en grande difficulté , et l'on sait que lorsqu'une association disparaît, des compétences disparaissent également.
M. Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). La France compte 36 000 communes de moins de 3 500 habitants, chiffre qui diminue régulièrement avec la densification progressive du pays. Ce sont 3,5 millions d'habitants en plus qui sont venus en trente ans habiter dans ces territoires et ces espaces. Bref, près d'un tiers de la population vit dans ces communes. Aussi je remercie l'Office d'avoir pensé que l'approche des territoires ruraux pouvait avoir un intérêt dans votre questionnement. Je remercie aussi l'IHEST, qui a largement contribué à ma présence.
L'objectif pour nous est une adresse aux scientifiques, publics ou privés, pour qu'ils pensent au monde rural comme un champ d'études possible. Nous souffrons manifestement d'un manque de caractérisation du monde rural. Aussi invitons-nous les chercheurs à penser au monde rural pour tester leurs hypothèses. Toute la société y gagnera.
Comment peut-on nous aider à améliorer la question de la gouvernance ? Pour nous, le message est très simple : penser à tous les habitants, où qu'ils se trouvent. Les jeunes, comme les personnes âgées, vivent aussi dans les territoires ruraux. Qu'on pense donc bien aux 36 000 petites cellules de notre organisme collectif .
Votre mission doit aussi intégrer le rôle des élus en territoires ruraux, lesquels disposent de peu d'ingénierie pour aider à la décision. C'est important, notamment dans nos discussions avec les opérateurs privés, dont les intérêts peuvent aller à l'encontre de l'intérêt de la collectivité. Il faut former les élus à mieux développer leur mission d'intérêt général .
La question des rythmes scolaires nous concerne directement, notre association s'étant prononcée en faveur de cette prise de responsabilité . Sur ce sujet, nous rencontrons des difficultés particulières, d'ordre financier, développer du périscolaire de qualité ayant ses exigences.
En conclusion, tous les dispositifs ne peuvent aller sur tous les territoires, sauf à utiliser un certain nombre d'outils technologiques. D'où l'importance du plan national France-Numérique. Ce plan est aujourd'hui sur la table : il mettra des décennies pour que l'ensemble de la connaissance universitaire puisse arriver à tous les foyers du territoire .
S'agissant de la gouvernance régionale, nous n'avons pas de religion sur la question de la CSTI. En la matière, la régionalisation n'est pas un univers de proximité, mais plutôt d'éloignement .
J'ai entendu un appel à la responsabilité de l'ensemble des niveaux de collectivité et de l'État. Les collectivités rurales veulent bien faire l'effort de partager et d'avoir l'ambition que l'ensemble de leurs habitants accèdent à une culture scientifique et technique, au même titre que ceux du monde urbain. Sur cet enjeu majeur, il n'y a plus de justification à ce que l'État considère un habitant du monde rural comme valant deux fois moins qu'un habitant du monde urbain en termes de dotation aux collectivités.
En conclusion, l'objectif pour nous est de vous inciter à oser le rural.
M. Thierry Mandon, député. Merci pour vos réflexions, centrées sur la gouvernance et qui s'est achevée sur la question des moyens, preuve de l'imbrication des deux sujets.
Débat
M. Philippe Lazard. Je veux appeler l'attention sur deux erreurs majeures, associées au caractère globalisant du concept de CSTI, qu'on a appelée au cours de la journée « la » CSTI, comme si cela allait de soi, sans jamais la définir. Certains ont parlé de CS, d'autres de CST, d'autres de TI. Or, on mélange bien souvent trois dimensions culturelle, scientifique, technique et industrielle, en passant à côté de la réalité historique de l'industrie, qui débute avec le début de l'humanité, de la technique , qui a quelques milliers d'années, et de la science, qui a une histoire récente. Les dimensions de la science existent, comme celles de la technique et de l'industrie. En faire un bloc me paraît donc extrêmement superficiel. Comme la République, la CSTI est peut-être indivisible, mais elle n'est pas une.
Par ailleurs, nous savons tous que la plus grande partie de nos dirigeants sont plutôt de culture littéraire que de culture scientifique, technique et industrielle. Ce faisant, nous nous enfermons dans le monde de ces trois cultures, et nous leur tendons la perche pour rejeter l'ensemble de ces trois dimensions.
J'ai donc deux solutions à vous proposer. La première - la meilleure - consisterait à se décider de parler des dimensions culturelles de la science, de la technique et de l'industrie. À défaut, parlons des CSTI au pluriel .
Questions. Est-il possible d'envisager une gouvernance à stratégie dynamique, et d' avoir de manière annuelle une forme de séminaire, permettant d'associer l'ensemble de la représentation nationale et le gouvernement ? Ce faisant, l'ensemble des décideurs participera à la stratégie. Cela suppose aussi d'enclencher de manière volontariste et réelle une stratégie d'évaluation par niveau. À ces conditions, nous pourrons avoir une vraie stratégie de développement, qui respectera la subsidiarité, les acteurs dans les territoires, les grands enjeux nationaux et européens.
M. Goéry Delacôte. En écoutant les intervenants, on s'aperçoit que la question des moyens, en particulier publics, est essentielle. Les idées ne manquent pas, mais l'argent reste le nerf de la guerre. En matière de finances, c'est de l'ordre de 250 millions d'euros qui sont dépensés dans la culture scientifique et technique en France . Chacun des centres gagne un peu d'argent. La différence entre ce qu'ils gagnent et ce qu'ils dépensent est abondé par des crédits d'État. Malheureusement, on n'explore pas suffisamment une dimension en France, le privé pouvant être invité à faire un effort . Des fondations privées s'intéressent à la CSTI, comme la fondation Bettencourt, la fondation pour la recherche médicale, qui dépense 40 millions par an. À mon sens, il faudrait parvenir à trouver de l'ordre de 50 millions d'euros par an pour compléter les 250 millions d'euros dont j'ai fait état, soit recueillir de l'ordre du milliard d'euros d'argent privé. Cela exige une initiative auprès du Premier ministre, et que nos parlementaires de droite et de gauche puissent convaincre nos autorités politiques de mettre en place une opération consistant à créer une ou deux fondations privées, dont le capital serait de l'ordre du milliard.
Mme Anne Hervé-Minvielle, direction de la culture de l'UPMC, Université Pierre-et-Marie-Curie. À mon sens, il est indispensable de mettre la culture en politique dans les universités. Combien d'universités ont un vice-président chargé de la culture ? Peu... Combien d'universités ou de fédérations se soucient-elles vraiment de professionnaliser et d'accompagner les chercheurs dans leurs missions ? Sur ce point, le mouvement d'impulsion de l'État est important.
M. Olivier Las Vergnas. Les réseaux nationaux d'éducation populaire sont acteurs des dimensions culturelles scientifiques, techniques et industrielles. Aussi faut-il pouvoir conserver des moyens d'animation nationale pour les têtes de réseau. Je suis président de l'association française d'astronomie, autofinancée à 90 %. Pour piloter des opérations nationales comme la « nuit des étoiles », nous avons besoin d'un minimum de financement, pour assurer une promotion dans tous les clubs d'astronomie. Si ce financement était délégué à des pôles territoriaux de référence, contrôlés par des politiques régionales, on fera disparaître un niveau d'animation nationale. Il ne s'agit pas seulement de financer des programmes voulus par l'État, mais de laisser respirer des réseaux nationaux d'éducation populaire et d'autres réseaux associatifs.
M. François Bugeon. Tout n'est pas fonction de moyens, mais aussi de volonté politique. Arte diffuse une vingtaine de documentaires scientifiques français, une vingtaine de documentaires étrangers. Arte est une chaîne unique, France Télévisions en comprenant cinq. Or, France Télévisions ne produit que six documentaires scientifiques français par an... Dans les faits, les journaux télévisés de France Télévisions consacrent 1 % de temps aux informations scientifiques. Une chaîne comme TF1 en consacre davantage. Consacrer du temps à la science ne coûterait pourtant pas beaucoup de temps aux chaînes publiques. Encore faut-il une réelle volonté politique. Mme Casademont a mis en avant un rapprochement des ministères. Comment se rapprochement va-t-il s'opérer ? Les ministères en charge de la culture et de la recherche vont-ils se rapprocher pour impulser des actions en direction de France Télévisions ?
Mme Sylvane Casademont. S'agissant de la gouvernance, du forum et d'une stratégie d'évaluation par niveau, la réponse est positive. Ces propositions font partie de la feuille de route.
Quant aux documentaires télévisés, il est dommage que la question n'ait pas été posée lorsque la chaîne était présente. Mme Fioraso a clairement exprimé une volonté politique d'aller vers les chaînes de télévision, et de promouvoir des émissions scientifiques. Des programmes investissements d'avenir (PIA) sont mis en oeuvre à cette fin. Je reconnais que ce dossier n'avance pas aussi vite qu'on aurait voulu, mais il faut rester positif.
Comment s'organisera enfin l'interministériel ? Comment fonctionne-t-on en interministériel sur un sujet comme la biologie de synthèse ? Nous allons organiser un groupe avec l'ensemble des ministères concernés, sur lequel on travaille sur le sujet et sur le forum. Le travail ne fait que commencer.
SYNTHÈSE DE M. PATRICK BARANGER, PRÉSIDENT DU RÉSEAU HUBERT CURIEN DE NANCY
M. Patrick Baranger. Dresser une synthèse de cette journée est une gageure. Il n'y aura donc pas de prétention à l'exhaustivité dans mon propos. Cela dit, je commencerai par insister sur les données factuelles qui cadrent nos pratiques et nos réflexions.
Du point de vue des données factuelles qui justifient nos débats et qui fondent notre questionnement, tout en le contraignant, la science, la technique et l'industrie constituent l'essentiel de notre quotidien. Jamais dans l'histoire de l'humanité, science, technique et industrie n'ont été aussi présentes dans tous les objets qui sont les nôtres, dans toutes les situations de vie qui sont les nôtres . Cette omniprésence fait qu'on ne peut pas ne pas la prendre en compte, la prendre en charge, l'interroger, et agir sur elle.
La CSTI est l'essence même de notre civilisation. L'histoire de nos connaissances, l'histoire de nos techniques, de nos industries, c'est l'histoire de la civilisation humaine.
On constate par ailleurs, une grande hétérogénéité, une grande biodiversité, a dit un intervenant, des publics visés par la CSTI. Les chercheurs, a-t-on dit, peuvent eux-mêmes être des publics cibles. Une grande diversité aussi des acteurs de la médiation scientifique, et une grande diversité des enjeux, à la fois pour ces publics et ces acteurs.
Du point de vue des valeurs et des principes que nous partageons et qui émergent transversalement à nos débats, tout se tient autour du couple conceptuel savoir et pouvoir. Le savoir nous donne d'abord un pouvoir sur le monde, sur l'environnement. Le savoir se double de pratiques techniques et industrielles. De ce fait, nous nous libérons des contraintes et des peurs que nous pouvons ressentir dans nos quotidiens, la science et la technique pouvant, d'après Descartes, nous rendre comme « maître et possesseur de la nature ».
Paradoxe. Si tout cela est censé nous libérer des peurs et des contraintes, nous avons constaté que des peurs surgissent vis-à-vis de la science et la technique dans nos sociétés contemporaines, alors qu'elles étaient censées nous en libérer. C'est un paradoxe qu'il faudra prendre à bras-le-corps.
Mais le savoir et le pouvoir sont liés au sens non plus d'un pouvoir sur le monde, mais sur les autres. Le savoir, par son partage, sa diffusion, sa confiscation, nous libère de la tyrannie, du despotisme, du totalitarisme. Tous les régimes totalitaires se caractérisent par une haine de la culture, pas spécifiquement scientifique et technique. Le savoir est donc intrinsèquement lié à la démocratie, qui est le modèle politique que nous avons choisi. De ce point de vue, nous avons beaucoup insisté sur ce lien entre la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, et la démocratie .
Pouvoir sur le monde, pouvoir sur les autres, tout cela se mélange pour optimiser notre organisation économique et politique, raison pour laquelle nous avons fortement insisté sur les liens qui pouvaient exister entre CSTI et relance d'une économie actuellement malade.
Dans les objectifs poursuivis, on n'a pu que donner aux citoyens les moyens de faire des choix éclairés faisant consensus, en connaissance de cause et de conséquence. Tel est l'objectif de la diffusion de la CSTI. Cet objectif principal est lié à un espoir, celui de voir la CCSTI être un des leviers, via l'innovation, pour relancer l'économie nationale. Cela nous amène à formuler des objectifs opérationnels plus immédiats, à savoir mettre la CSTI au service de l'économie. De ce point de vue, la manière dont a été construit le programme des investissements d'avenir sur ces sujets nous l'a clairement illustré.
D'autres objectifs sont connexes, comme renforcer l'attractivité vers les carrières ou les formations scientifiques et techniques, ou lutter contre le néo-obscurantisme.
J'en viens aux axes de travail, aux stratégies et aux outils. Ce matin, nous avons abordé le débat en mettant en avant qu'il était intrinsèquement lié à notre préoccupation démocratique et à nos valeurs. Nous avons fondé beaucoup d'espoir sur le débat public, même si nous n'avons pas clairement défini ce que nous entendions par-là, cette notion ayant été restreinte à un processus de descente, de remontée et d'échange d'informations . Certaines déceptions sont apparues. Il y a eu des blocages, l'utilisation du débat public dans une véritable guerre de communication parfois très dure. Tout cela faisait au mieux écran, au pire obstacle à la possibilité d'un réel débat démocratique.
Bien sûr, nous savons que le consensus est impossible sur ces questions. Mais nous continuons quand même de rêver d'une possible arrivée, miraculeuse, du consensus. Pour certains, le débat est aujourd'hui perçu avec une impression de piège. Certains, qui luttent contre le débat, ont l'impression d'être piégés, et ont le sentiment que les décisions sont déjà prises. Ils ne seraient là que pour avaler la pilule. Pour ces gens, la défiance est la règle . Défiance à l'égard de qui ? Non pas des chercheurs, qu'ils voudraient voir de visu . On n'a plus confiance dans le médiateur, le journaliste, encore moins dans l'institutionnel, le politique ou l'industriel .
Surtout - sujet qu'il faudra bien un jour prendre à bras-le-corps - quelles sont les raisons de cette défiance ? Pouvons-nous nous contenter de la critiquer, de la rejeter, de la qualifier d'un retour à un inconscient néo-obscurantiste ?
Enfin, deux conceptions différentes sont convoquées par la notion de débat public. D'un côté, la démocratie représentative, qui est le modèle dominant de notre société française. De l'autre, un espoir de démocratie plus participative, qui caractérise les pays du nord de l'Europe ou certains pays anglo-saxons.
Il faudra donc resituer la question du débat public dans le modèle de démocratie que la société française veut promouvoir.
Face à cette relative impasse du travail sur le débat public, qui donne parfois des résultats très intéressants, ont été promues des modalités d'action engageant plutôt la pratique, la participation, la culture du faire. Il faudrait inventer des modalités d'action plus en prise sur cette notion de démocratie participative, et dépasser la diffusion d'information, pour aller vers des modèles de partage, de recherche participative, coopérative, des lieux de pratique de science et technique par les citoyens. Le concept de diffusion est donc aujourd'hui beaucoup trop limité aux yeux de certains d'entre nous .
Certains ont souhaité engager le citoyen dès le début dans le processus de recherche. De façon moins explicite, enfin, on a entendu, notamment dans les questions, qu'il était temps de changer l'image que les professionnels, enseignants et chercheurs, ont de leur métier et du rapport qu'ils ont avec le grand public. Comment former les futurs chercheurs ? En la matière, je vous signale que nos collègues américains ont repris la notion française de tour d'ivoire. Qu'on songe aussi au rôle social que jouent les sciences dans le cursus scolaire, qui rentrent frontalement en conflit avec ce que nous espérons de la CSTI ? De ce point de vue, il faut engager une réflexion sur l'enseignement des sciences . Au lieu de promouvoir la culture scientifique, n'est-il pas en train de vacciner un certain nombre de jeunes contre cette culture ?
Diversité des publics et des acteurs, donc. Il faut aujourd'hui parler des cultures scientifiques, non de la culture scientifique, technique et industrielle au singulier. La notion de diffusion est une notion très partielle et partiale, et probablement archaïque, qu'il faut abandonner et dépasser . Faut-il parler de médiation, de communication publique, de partage, de formation de l'esprit scientifique, comme Bachelard le faisait ? La formation se centre sur le sujet, la diffusion sur des objets à diffuser.
Autre conclusion : la construction sociale d'une image des sciences et des techniques. Y a-t-il une intervention politique volontariste possible sur ce point ? Cette construction sociale va-t-elle rester indéfiniment autonome ? Quel est notre pouvoir ?
Le pilotage national a été clairement exprimé. Il est conforme à la tradition culturelle française, même si nous avons exprimé qu'un relais devait être pris par les régions, et qu'une opérationnalisation territoriale, locale, devait être mise en oeuvre.
Jean-Yves Le Déaut nous a dit, citant Diderot, que les passions élevaient l'âme aux grandes choses. Nous espérons que notre passion pour la science, la technique et l'industrie élèveront les âmes. Mais nous sommes bien obligés de constater que certaines passions irrationnelles de quelques-uns nous gênent beaucoup aujourd'hui.
Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteure. Merci à tous pour vos interventions. Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin, et nous allons poursuivre notre travail.
ALLOCUTION DE CLÔTURE PAR MME GENEVIÈVE FIORASO, MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie de cette invitation sur un sujet qui me passionne.
À rebours des discours moroses ou déclinistes, je souhaiterais, de retour d'un G8 sur la recherche à Londres, porter un message positif et optimiste. Au cours de ce G8, il s'agissait de mettre en exergue les grands enjeux auxquels la recherche de ces pays devait faire face. Dans quelle mesure les hiérarchiser ? Nous nous sommes aperçus que l'approche scientifique, technologique nous limitait. Nous lui avons préféré une approche par enjeu sociétal, comme nous l'avons fait pour l'agenda stratégique de la recherche, que nous sommes en train de mettre en place. Du coup, on a pu décliner toutes nos idées, avec une entrée compréhensible par tous. On a pu parler des maladies neuro-dégénératives, de médecine régénérative, du système économique, sanitaire, social, du problème de l'isolement, des questions liées à la robotique, des questions liées au traitement, à la recherche sur de nouvelles molécules, à la caractérisation des protéines sur les grands équipements, à la mise à disposition et la confidentialité de données.
Bref, nous avons réussi à relier tous ces sujets autour d'une même thématique. Sans doute est-ce la bonne approche pour la culture scientifique, technique et industrielle : avoir un point de vue le plus diversifié possible, avec des entrées toujours compréhensibles pour le plus grand nombre, qui correspondent à des préoccupations sociétales. Nous nous sommes retrouvés autour de cette approche globale, et plus pertinente.
Cela dit, la science et la technologie sont des ressorts du progrès qui, plus que jamais, contribuent à notre qualité de vie et nourrissent nos espoirs de l'améliorer. Nous ne sommes pas condamnés à un futur décliniste. Ces convictions, la plupart des Français les partagent, comme en témoigne la troisième version de l'enquête annuelle Ipsos, « les Français et la science », du 23 mai dernier. Dans cette enquête, on apprend que les deux-tiers des Français considèrent que la science et la technologie procurent plus d'avantages que de dommages, et qu'elles permettront aux générations futures de vivre mieux demain qu'aujourd'hui.
Depuis deux siècles, un des socles sur lequel se fondent nos sociétés développées a été la démarche scientifique, la rationalité, la rigueur méthodologique et l'esprit critique, considéré comme une valeur à cultiver, aussi bien pour elle-même que pour les progrès qu'elle peut amener dans tous les domaines de l'existence.
Mais il faut aussi constater qu'une certaine frilosité se manifeste vis-à-vis de la science et de la technologie, et que 77 % des Français nous disent que nous en devenons trop dépendants. Chez certains, cela peut aller jusqu'au rejet du lien entre progrès des connaissances, progrès humain et social.
Ne nous voilons pas la face. Malgré un accès facile, démocratique et gratuit aux connaissances scientifiques, grâce à internet et aux solutions de mobilité, la distance entre la science et le grand public reste grande, pour des raisons diverses. La rapidité des progrès scientifiques et techniques rend pratiquement impossible la capacité à maîtriser une culture scientifique solide dans tous les champs. La différence des conditions sociales fait que, malgré l'excellence de nos musées scientifiques, la qualité des ouvrages de vulgarisation, l'effort constamment accompli par les journaux scientifiques, le public est principalement celui pour qui la culture scientifique est déjà considérée comme une valeur, au même titre qu'une culture musicale, artistique ou historique.
Malgré le dévouement des enseignants de science, les disciplines scientifiques paraissent à une très grande majorité de jeunes trop ardues, trop ingrates, trop sélectives pour pouvoir les motiver dans leurs choix professionnels. Cette curiosité scientifique naturelle que nous devrions avoir a parfois été brouillée par les sciences perçues et utilisées comme un vecteur de sélection. Aussi vois-je toujours avec déplaisir un certain nombre de nos concitoyens se déclarer allergiques aux maths, oubliant qu'elles peuvent susciter la curiosité.
Se préoccuper de ces tensions, les résoudre, constitue pour mon ministère, comme pour beaucoup d'entre vous, un défi majeur. C'est ce à quoi toute la communauté des scientifiques, des médiateurs, des associations et des élus et des journalistes s'attèle depuis quelques mois, en organisant un vaste mouvement de réflexion. C'est ce qu'on a engagé à l'occasion des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est ce qu'engage l'OPESCT. Ces derniers mois, la direction de la Recherche et mon Cabinet ont consulté directement de très nombreux acteurs. Il en est déjà résulté un chapitre dans l'agenda stratégique de la recherche, et des articles dans le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR).
En quelques mots, permettez-moi de présenter ce projet de loi, avant de présenter l'agenda stratégique.
Le projet de loi ESR pose deux objectifs principaux : élever le niveau de qualification de notre jeunesse, pour atteindre 50 % d'une génération diplômée de l'enseignement supérieur ; donner une nouvelle ambition à notre recherche, pour faire face aux grands défis économiques, sociétaux et culturels. Je suis fière de présenter une loi qui, pour la première fois, associe enseignement supérieur et recherche, deux domaines qui avaient toujours été traités différemment, et toujours de façon séparée, alors que l'on voit bien qu'ils sont indissociables. Je souhaite remercier les parlementaires qui ont permis ces avancées. La loi inclut dans les missions du service public de l'enseignement supérieur la diffusion de la culture humaniste, en particulier au travers du développement des sciences humaines et sociales et de la culture scientifique, technique et industrielle. Celui-ci doit aussi « favoriser les interactions entre science et société, et promouvoir au plan européen et international un meilleur partage des savoirs, et leur diffusion auprès des sociétés civiles ». C'est un point qui a été ajouté par amendement, ce point devant à l'origine figurer dans la loi sur la décentralisation.
Les organismes de recherche ont quant à eux mission de viser « à la valorisation de la culture scientifique, technique et industrielle ». L'innovation est aussi reconnue comme un service à la société, pas seulement dans sa dimension technologique. La CSTI est affirmée comme « faisant partie intégrante de la stratégie de la recherche ». À ce titre, il vous revient de contribuer à son évaluation.
La loi s'efforce aussi de lever deux freins majeurs à la nécessaire implication des scientifiques dans la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Le premier s'attache à la question du temps, dont les chercheurs nous disent qu'ils n'en disposent pas pour réaliser des actions d'échange, de dialogue ou de pédagogie scientifique. Ils peuvent pourtant mobiliser une main-d'oeuvre toute désignée, qui a acquis les connaissances scientifiques suffisantes, qui a un intérêt professionnel à s'impliquer dans les actions de la CSTI et qui, par sa proximité d'âge, constitue un médiateur intéressant particulièrement crédible pour s'adresser aux jeunes, à savoir les étudiants de niveau master et doctorat, encadrés par les enseignants chercheurs.
Encore faut-il les y inciter. Pour cela, le projet de loi demande aux conseils académiques des universités d'adopter des mesures « visant à promouvoir et à développer des interactions science et société, initiée ou animée par des étudiants et des enseignants chercheurs, ainsi qu'à permettre aux étudiants de développer des activités de diffusion de la culture scientifique et technique. »
Le second frein réside dans la non reconnaissance de l'implication des chercheurs en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle, dans l'évaluation de leurs travaux, et dans le déroulement de leur carrière. Nous avons confié au haut conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur le soin de s'assurer, au moment des évaluations, de la valorisation des activités de diffusion de la CSTI dans la carrière des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est un élément majeur, réclamé par les acteurs de la CSTI depuis longtemps. Ce que l'AERES n'a pas fait, le haut conseil le fera.
Cette culture scientifique, technique et industrielle ne se fait pas seulement à Paris, au sein des organismes de recherche. Les actions de culture scientifique, technique et industrielle s'effectuent bien au niveau des établissements, des écoles, des lycées et des territoires. C'est pourquoi, en plein accord avec le gouvernement, les députés ont tenu à intégrer dans le projet de loi un article préparé dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, qui confie aux régions la mission de coordonner, sous réserve des missions de l'État, les initiatives visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès du jeune public.
D'aucuns me diront que ces dispositions ne sont pas suffisantes. Tout ne relève cependant pas de la loi. Elles seront donc complétées par des mesures d'organisation et des circulaires, que des débats comme ceux d'aujourd'hui ne manqueront pas d'alimenter.
Le projet de loi prévoit aussi de doter notre pays d'une véritable politique de recherche, sous la forme d'un agenda stratégique, conçu autour des grands défis sociétaux que nous devons relever, en nous appuyant sur les avancées de la connaissance. Dans les faits, la stratégie nationale de recherche avait été beaucoup trop déléguée à des opérateurs, qui assuraient aussi la fonction de programmateur, voire de préconisateur. Nous n'avons pas le droit de déléguer une stratégie de la recherche à des agences extérieures. Nous devons nous réapproprier cette stratégie, en lien avec les alliances et un conseil stratégique de la recherche, qui se mettra en place dès que la loi sera définitivement votée. La CSTI fait partie intégrante de ces défis, notamment parce qu'elle en détermine la compréhension et l'appropriation par le plus grand nombre. Comme nos voisins européens, nous avons établi un agenda de la recherche, avec des entrées sociétales et intelligibles par tous. Comme élue, j'ai trop souvent souffert de présentations faites d'acronymes, seulement connus des initiés. Pour être compréhensible, il faut donc partir des préoccupations de la société : c'est le meilleur moyen d'être compris par tous.
C'est pourquoi la CTSI constitue la sixième proposition de l'agenda stratégique de la recherche, en nous inscrivant dans une perspective délibérément européenne, autour de neuf enjeux sociétaux : la gestion sobre des ressources et l'adaptation au changement climatique, les sciences expérimentales associées aux sciences sociétales, nécessaires à la construction de réponses, l'énergie du futur, la santé, le bien-être, la sécurité alimentaire ou l'essor du numérique. Tous ces défis nous conduisent naturellement à l'affirmation du rôle incontournable de la recherche fondamentale, à la promotion de la recherche technologique, pour transformer en emplois toutes ces inventions et ces recherches, et du transfert inscrit dans la loi, transfert culturel, de connaissances, vers la société et les élus, etc . Car nous ne nous appuyons pas suffisamment sur la recherche pour prendre des décisions stratégiques, qui engagent la société et le pays. Aussi je souhaite que nous nous appuyions sur la CSTI pour avancer dans cette direction.
Cultiver le goût des sciences et l'esprit critique à travers la promotion de la démarche scientifique est un objectif prioritaire que nous nous sommes fixé. Un tel objectif n'est pas inné. D'ailleurs, nous ne sommes pas habitués en France à intégrer les connaissances scientifiques à la culture générale. On n'apprend pas l'histoire des sciences, ni au collège, ni au lycée . La culture générale est davantage sur les arts, alors que lorsque, avec ma collègue ministre de la culture, nous accompagnons le Président de la République, nous voyons comment art et science sont liés à l'étranger, de façon tout à fait naturelle. C'est bien la preuve que la culture est un vecteur très puissant de lien, d'adhésion et de rassemblement autour d'enjeux divers.
Il y a donc nécessité à construire des ponts plutôt que d'élever des murs entre les disciplines, avec la conviction que science et culture inspirent le citoyen, conviction défendue depuis des années par nos scientifiques. C'est une conviction que je partage avec la ministre de la culture et le ministre de l'éducation. C'est ainsi que nous annoncerons bientôt une série d'actions de formations des professeurs à la culture scientifique, technique et industrielle. Je souhaite en particulier amener chaque laboratoire de recherche à s'associer à une classe ou un établissement scolaire pour des activités intégrées au temps scolaire aussi bien que périscolaire, à l'image de ce qu'a fait l'Académie des sciences. Ce faisant, on pourra faire tomber bien des barrières, pour attirer davantage de jeunes, en particulier de jeunes filles vers les carrières scientifiques.
Les actions de culture scientifique et technique aborderont également les questions d'orientation professionnelle, par des actions menées en partenariat avec les acteurs économiques et de l'innovation, valorisant les filières technologiques et les carrières dans l'industrie. Il ne sert à rien d'être incantatoire quant au retour de l'industrie, au maintien de nos emplois industriels et à la montée en gamme de nos services et produits à l'industrie, si nous ne valorisons pas davantage l'industrie dans notre pays et les formations technologiques et professionnelles.
Dans le même sondage Ipsos, j'ai été très frappée de constater que les Français doutaient de l'impartialité des scientifiques. Près d'un Français sur deux interrogé considère ainsi que les scientifiques défendent des intérêts financiers privés, information pour le moins alarmante. C'est pourquoi notre second objectif visera à rétablir un climat de confiance entre les chercheurs et les citoyens, préalable indispensable à la fluidité du dialogue entre la science et la société.
Une cellule de veille sera mise en place au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les questions des controverses scientifiques, en même temps que sera engagée une réflexion sur les liens entre expertises et déontologie, débat citoyen et gestion des dissensions ou des dialogues avec nos partenaires européens ou internationaux, dont les expériences peuvent nous instruire. De ce point de vue, le Royaume-Uni a engagé des démarches très intéressantes entre des citoyens formés, des experts et des journalistes, pour participer à des débats, notamment sur la biologie de synthèse . Ils en ont tiré des préconisations, en train d'être appliquées au plus haut niveau. Les Britanniques ont aussi développé une expérience intéressante avec les médias. C'est ainsi que la Royal Society accueille régulièrement les journalistes pour faire part de l'état de l'art le plus récent de l'ensemble des découvertes scientifiques, dans un état d'esprit partenarial. L'information et le dialogue avec les médias doivent être renforcés, par des colloques ou des séminaires, comme le fait le Science Media Center.
Je vous propose donc d'établir un certain nombre de propositions et d'initiatives dans ce sens.
Cet ambitieux plan d'action illustre l'affirmation d'un État stratège, qui invite à l'action l'ensemble des acteurs, tous ceux qui souhaitent s'investir dans ce domaine. Plus l'approche est diversifiée et plurielle, plus elle échappera au soupçon. La culture scientifique et technique est aussi une source d'emploi, un acteur économique qui créé de l'emploi, et pas seulement de l'emploi public. Si des jeunes scientifiques voulaient créer des start-up pour innover dans ce domaine, je les y encouragerais vivement.
Tous les acteurs sont utiles, voire nécessaires : il n'est pas question de procéder par exclusion. Ce sont pour moi les principes majeurs sur lesquels doivent reposer à la fois la gouvernance et l'initiative que nous souhaitons encourager et soutenir en matière de culture scientifique, technique et industrielle. Comme l'énonce la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, l'État stratège doit donner le cap à suivre, définir en concertation les grandes priorités nationales, mais il doit aussi les proposer aux acteurs, dont l'autonomie sera renforcée.
Favoriser l'ouverture et la coopération, décloisonner, assurer la complémentarité et la coordination des acteurs, faire en sorte que le dialogue soit le plus fluide possible - on apprend toujours des gens qui ne partagent pas votre point de vue - telle est la mission que le ministère dont j'ai la charge veut confier à l'ensemble des acteurs de la CSTI. Mon rôle sera d'organiser la gouvernance selon quelques grands principes : l'interministériel , d'abord, de la défense à l'environnement, pas un seul ministère n'échappant au caractère transversal de la CSTI. La coopération des acteurs , ensuite, des établissements d'enseignement supérieur et de la recherche, les médiateurs, les associations, les fédérations professionnelles. La subsidiarité, enfin, avec les régions . Il faudra articuler harmonieusement les rôles sur le plan local, avec des missions très concrètes de développement des actions sur le terrain, aux plans national et européen, où vont s'élaborer, avec les acteurs la stratégie nationale et européenne, les modes de pilotage, l'animation et la promotion, ou la réalisation d'actions à forte visibilité. Cela passera par une modification du décret d'avril 2012, qui révisera la notion de pôle national de référence, du domaine de l'État stratège . Il définira les missions des différences instances de gouvernance : le conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, le comité opérationnel, les pôles territoriaux, à la lumière des dispositions de la loi et des principes que je viens d'évoquer.
À cette fin, les travaux parlementaires de cette journée viennent à point nommé, pour enrichir ces propositions.
* (1) Voir en Annexe I, la liste de ces rapports.
* (2) Entretien avec Knowtex Blog , 22 août 2012.
* (3) Académie des sciences, Remarques et propositions sur les structures de la recherche publique en France, 25 septembre 2012, p. 35.
* (4) Est significatif de cette démarche le colloque organisé par Libération à Lille le 29 juin 2013, intitulé : « La culture, une valeur ajoutée », dont le programme ne comportait aucune référence aux cultures scientifique, technique et industrielle.
* (5) Audition publique organisée par les rapporteurs à l'Assemblée nationale sur « Quelles perspectives pour la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, »
* (6) Commission européenne, Programme d'éducation et de formation tout au long de la vie, 2007-2013.
* (7) Adam Blauken Bicker, Informal science education in museums - Learning by accident.
* (8) Elisabeth Caillet, L'exposition, le musée, Apprendre à l'ère numérique, p. 137.
* (9) L'exposition du British Museum - Life and Death in Pompei and Herculaneum - prévue pour durer six mois, a accueilli 250 000 visiteurs en trois mois, au premier trimester 2013.
* (10) Trandel Weber, du Deutsches Museum de Munich, Museen und Schulen : Blick auf eine Beziehung.
* (11) Par exemple, en Allemagne, les collections détenues par les muséums d'histoire naturelle et les universités comportent 140 millions d'objets.
* (12) Intervention lors de l'audition publique du 13 juin 2013, « Quelles perspectives pour la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle ? ».
* (13) Intervention à l'audition publique du 13 juin 2013.
* (14) Philippe Solal, Contribution de l'Insa de Toulouse aux travaux d'expertise du Haut conseil de la science et de la technologie sur le sujet « Science et société », 2010, p. 25.
* (15) Contribution du CRAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire), en vue de la réunion du Conseil national de la CSTI du 16 mai 2013.
* (16) Le binôme est destiné à établir un lien entre le 1 er et le 2 ème cycles.
* (17) En 2012-2013, ce thème a porté sur la biologie de synthèse.
* (18) Ce cahier des charges impose à France Télévisions de diffuser à des heures de large audience des programmes de connaissance et de décryptage qui permettent de vulgariser la science.
* (19) Le présentateur principal de cette émission a été nommé membre du Conseil national de la CSTI.
* (20) Annexe II : Les médias, la science et la technologie en France, au Royaume-Uni et en Allemagne.
* (21) Cf . l'Annexe II : Les médias, la science et la technologie en France, au Royaume-Uni et en Allemagne.
* (22) Littéralement, ce terme désigne la communication de la science. On peut y voir aussi l'équivalent de nos CSTI.
* (23) Jean-Yves Le Déaut, La place des biotechnologies en France (Assemblée nationale n° 2046, 27 janvier 2005 - Sénat n° 158, 2004-2005)..
* (24) Jack Guichard et Guy Simonin, La science ? Un plaisir !, p. 280.
* (25) Idem, op. cit. p. 294.
* (26) Étienne Guyon et Bernard Maille, Le partage des savoirs scientifiques, La revue pour l'histoire du CNRS, 22, 2008.
* (27) Étienne Guyon et Bernard Maitte, article précité.
* (28) Intervention de M. Bruno Dosseur, directeur de Relais d'Sciences de Basse-Normandie, Forum territorial de la CSTI, Cité des sciences et de l'industrie, 28, septembre 2010.
* (29) Ainsi, M. Bruno Dosseur, directeur de Relais d'Sciences, déclare-t-il que près de 100 % de la recherche publique est représenté dans le conseil d'administration du CCSTI. Cet exemple n'est toutefois pas isolé.
* (30) Intervention d'Hélène Jacquet, chargée de stratégie et des grands projets, PRES de Bordeaux, Forum territorial de la CST, 28 septembre 2011.
* (31) Mike Cassidy, A comparison of UK science museums and visiter attraction, University of Warwick, 2010.
* (32) Le Wellcome Trust est une fondation créée en 1936, dont l'objectif est notamment de promouvoir l'excellence de la recherche et l'application de la recherche et de la médecine dans la culture britannique.
* (33) Science Wise est un organisme qui repose sur un partenariat entre le Département de l'Innovation, la British Science Association et une association d'utilité publique, Involve. Il joue le rôle du centre national pour le débat public au Royaume-Uni, dans les domaines touchant aux questions technologiques et scientifiques.
* (34) Science Center in Deutschland, site internet : science-museum.de.
* (35) Paolo Brenni, Keine staubigen Aufbewahrungsorte.
* (36) Gabrielle Gramelsberger, Science Center - Informale Bildungs orte.
* (37) Dominique Cardon, Comment s'auto-organise la production des savoirs sur Wikipédia, in Les Sciences, ça vous regarde, p. 268.
* (38) Colloque organisé par l'Institut Pasteur le 25 septembre 2012, Communiquer la science via Internet .
* (39) Interview de M. Nicolas Loubet, fondateur du réseau Knowtex, L'observatoire des pratiques culturelles, été 2012, p. 71.
* (40) Interview de M. Nicolas Loubet, L'observatoire des pratiques culturelles, été 2012, article précité.
* (41) Discipline émergente, la biologie de synthèse est l'objet de multiples définitions. M. Thomas Heams, chercheur à Agro Paris Tech, a proposé la suivante : « Discipline qui s'ancre dans la biologie, fait appel à l'informatique et à l'ingénierie et vise à intervenir massivement sur les organismes en utilisant des règles rationnelles pour les comprendre ou les transformer », Médecine et Sciences, Hors-série n° 2, mai 2013, p. 71.
* (42) La biologie de synthèse recèle de nombreuses potentialités. Les rapporteurs renvoient sur ce point au rapport de Mme Geneviève Fioraso, établi au nom de l'OPECST, Les enjeux de la biologie de synthèse, n° 4354.
* (43) Le concours IGEM, organisé chaque année par le MIT et dont sont issus plusieurs biologistes de garage, insiste beaucoup sur cette idée.
* (44) Voir le rapport de Mme Geneviève Fioraso précité.
* (45) Thomas Landrain, le Do-it-yourself biology : défis et promesses, Médecine et sciences, numéro hors-série n° 2, mai 2013, p. 34 et 35.
* (46) Morgan Mayer, Bricoler la biologie, Les politiques et les enjeux de la Do-it-yourself biology, Médecine et Sciences, hors-série n° 2, mai 2013, p. 37.
* (47) Pascale Santi, Acteurs de leur maladie, Le Monde Science et médecine, 19 juin 2013.
* (48) C'est sans doute sur ce point que réside la transformation introduite par la révolution numérique puisque, dans le passé, on a pu considérer que les médias étaient des vulgarisateurs, dépourvus de « feedback » avec le public, Philippe Roqueplo, Le partage du savoir.
* (49) Voir l'Annexe III ; le projet INMEDIATS.
* (50) Les centres CCSTI sont : Cap Sciences (Bordeaux), Espace des sciences (Rennes), Relais d'sciences (Caen), Science Animation (Toulouse), La Casemate (Grenoble).
* (51) Centre d'analyse stratégique, Le fossé numérique, note de synthèse n° 218, 18 avril 2011.
* (52) Les jeunes sont sélectionnés par Exploradôme.
* (53) Luc Ria, chercheur à l'Institut français de l'éducation, Libération , 13 mai 2013.
* (54) Entretien croisé avec M. Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale, Libération , 10 juin 2013 .
* (55) Entretien précité de M. Luc Ria avec Libération , 13 mai 2013.
* (56) Jack Guichard et Guy Simonin, La science ? Un plaisir ! p. 270.
* (57) Site Eduscol.
* (58) Le succès dépasse le seul domaine des systèmes scolaire et universitaire. Les serious games deviennent un outil utilisé pour la formation continue des entreprises.
* (59) Henri Isaac, L'université numérique, rapport remis à Mme Valérie Pécresse, janvier 2008.
* (60) Selon d'autres sources, ce chiffre s'établirait à 329.
* (61) Entretien avec Le Monde, 30 mai 2013.
* (62) Entretien précité, Libération , 10 juin 2013.
* (63) Jack Guichard et Guy Simonin, La science ? Un plaisir ! p. 263.
* (64) Entretien avec Le Monde , 21 juillet 2013.
* (65) Le multitâche est la possibilité de regarder simultanément la télévision, jouer avec une tablette ou discuter avec des amis par SMS ou sur Facebook.
* (66) Mohammed Noor, professeur à Duke University, Super-professor's and the MOOC pushback, Science, Food, Etc;, Blog , 7 juin 2013
* (67) Dominique Boullier, professeur de sociologie à Sciences Po, cours en ligne massifs et ouverts : la standardisation ou l'innovation, blog, Le Monde , 1 er mars 2013.
* (68) Dominique Boullier, blog précité, Le Monde , 1 er mars 2013.
* (69) Nathalie Brafman, Tous diplômés d'Harvard, le fantasme des MOOC, Le Monde , 30 mai 2013.
* (70) Dominique Boullier, blog précité, Le Monde, 1 er mars 2013.
* (71) M. Pierre Léna a indiqué que seulement 3 % des classes faisaient des sciences.
* (72) M. Pierre Léna a rapporté que, selon leurs déclarations, les professeurs avaient peur d'enseigner les sciences.
* (73) Jack Guichard et Guy Simonin, La Science ? Un plaisir !, ouvrage précité, p. 291.
* (74) Par exemple, il organisait des soirées et des démonstrations publiques où il tenait des tubes fluorescents que ne reliaient aucune source de puissance et qui s'éclairaient quand il les touchait.
* (75) En Allemagne, les années thématiques de la science s'inspirent du principe de la Fête de la science.
* (76) Le service de communication de l'INRA compte 80 personnes, dont 30 à Paris et 50 en province.
* (77) Communication de Mme Sylvaine Casademont, colloque de l'Institut Pasteur, Communiquer la science via Internet, 25 septembre 2012.
* (78) Mais ce sont davantage, a priori , les jeunes de 25 à 35 ans qui ont été touchés, d'après Mme Séverine Klein, colloque de l'Institut Pasteur, Communiquer la science via Internet, 25 septembre 2012.
* (79) Intervention au colloque de l'Institut Pasteur, Communiquer la science via Internet, 25 septembre 2012.
* (80) A l'Université de Tübingen, 5 000 enfants ont participé, en 2003, pendant un semestre et demi, et 13 000 en Rhénanie-Palatinat.
* (81) Michael Seifert, Epidemie Kinder-Uni.
* (82) Sandrine Cabut et David Larousserie, Savoir- Un bien public convoité, Le Monde, Science et Techno, 2 mars 2013.
* (83) Communication de la Commission européenne : Pour un meilleur accès aux informations scientifiques - dynamiser les avantages des investissements publics dans le domaine de la recherche, 23 juillet 2012. D'après ce document, seuls 25 % des chercheurs rendent leurs données librement accessibles.
* (84) Audition par l'OPECST des membres de son Conseil scientifique, 9 juillet 2013.
* (85) Audition par l'OPECST des membres de son Conseil scientifique, 9 juillet 2013.
* (86) François Ailleret : Vers un engagement du public pour la science : expositions interactives et éducation informelle, Cahiers du MURS n° 69, 2009.
* (87) Voir les critiques formulées par M. Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS, lors de l'audition publique de l'Opecst du 19 novembre 2012, sur les leçons à tirer de l'étude du professeur Séralini sur le maïs NK 603, rapport de l'OPECST n° 759 du 7 mars 2013.
* (88) Haut conseil des biotechnologies, Bilan et propositions d'évolution à mi-parcours du premier mandat, 2012.
* (89) Voir le rapport AN n° 2005 - Sénat n° 84 du 3 novembre 2009 établi au nom de l'OPECST par M. Alain Gest sous la précédente législature.
* (90) Dans son rapport d'octobre 2011, L'apport des sciences participatives à la connaissance de la biodiversité , M. Gilles Boeuf estime que les frontières entre cette expression de sciences participatives et celles de sciences collaboratives ou de sciences citoyennes sont floues.
* (91) Rapport précité de M. Gilles Boeuf, L'apport des sciences participatives à la connaissance de la biodiversité , p. 3.
* (92) La recherche sur la connaissance en 3D des protéines nécessite d'importantes capacités de calcul.
* (93) Après plus d'un siècle suivant l'expédition, à l'Université d'Oxford, d'un demi-million de papyrus extrait du désert égyptien, seulement 15 % environ de cette collection auraient été déchiffrés.
* (94) M. Gilles Boeuf, L'apport des sciences participatives dans la connaissance de la biodiversité, rapport précité, p. 18.
* (95) Mis en place à la suite du Grenelle de l'environnement, le programme REPERE vise à être une plateforme de dialogue et de projets explorant les voies de la participation de la société civile au pilotage de la recherche et de l'expertise.
* (96) Programme REPERE, séminaires des 10 et 11 avril 2013, synthèse, p. 8, juin 2013.
* (97) Gareth Cook, The Boston Globe , 1 er mars 2012.
* (98) La Commission européenne procède très souvent à une consultation de l'opinion publique des États-membres lorsqu'elle a rédigé un Livre vert, prélude à un projet de réglementation.
* (99) C'est la voie qui a été choisie par le Nuffield Council on Bioethics, équivalent britannique de notre CCNE (Comité consultatif national d'éthique), pour demander, en 2011, l'avis du public sur les technologies émergentes.
* (100) Marseille : forum sur l'embryon, les cellules souches et le diagnostic prénatal et préimplantatoire ; Rennes : forum sur l'assistance médicale à la procréation ; Strasbourg : forum sur les prélèvements et greffes d'organes, de tissus et de cellules ; la médecine prédictive et l'examen des caractéristiques génétiques.
* (101) Ainsi, l'Abbé Grégoire, le fondateur du Conservatoire national des arts et métiers, avait-il assigné à ce dernier les missions suivantes : « éclairer l'ignorance, augmenter la somme des connaissances et le nombre des connaisseurs ».
* (102) LSN, Tackling the NETTS problem, 2009.
* (103) The Norway Post , 13 aoùt 2013.
* (104) Rapport de Mme Carole Delga et de M. Xavier Breton, au nom de la mission commune sur la politique d'éducation prioritaire (n° 1295), Annexe, rapport de diagnostic, p. 51.
* (105) Eric Maurin, À quoi sert l'école, in L'école, une utopie à reconstruire, p. 12.
* (106) C'est ainsi que la Cité internationale universitaire de Paris à accueilli, depuis 2001, plus de 620 lycéens issus des milieux défavorisés en s'associant à de grands établissements comme Sciences Po ou le lycée Henri IV.
* (107) En 2011, 55 % des établissements publics locaux d'enseignement ECLAIR et 25 % du réseau RRS étaient inscrits à une ou plusieurs cordées.
* (108) Audition publique organisée par les rapporteurs : Quelles perspectives pour la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle ?
* (109) Selon le rapport de l'Inspection générale, à Sourdun (Seine-et-Marne), la dépense de fonctionnement est de l'ordre de 10 000 euros par interne (hors masse salariale).
* (110) Marie Gaussel, Se former tout au long de sa vie d'adulte, Institut français de l'éducation, avril 2011, p. 6.
* (111) La validation des acquis de l'expérience permet à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d'études ou son statut de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une certification professionnelle. Trois ans d'expérience en rapport avec la certification visée sont nécessaires.
* (112) Renaud Descamps, Le DIF : la maturité modeste, 2 mai 2012.
* (113) Mathilde Bourdet, Le DIF est mort, vive le compte personnel de formation ?, Le Blog de la formation professionnelle et continue, 30 juin 2013.
* (114) Il y aurait 300 000 ingénieurs qui ont accédé à ce titre par promotion interne contre 700 000 diplômés d'une école d'ingénieurs, Blog d'Olivier Rollot, Le Monde , 12 février 2013.
* (115) Sarah Dreyer, Der deutsche Bildungsstand im internationalen Vergleich, Bildungsexperten, janvier 2011.
* (116) Le pacte 2020 pour les universités prévoit des investissements de l'État fédéral et des Länder destinés à mettre en oeuvre les moyens supplémentaires requis par l'accroissement du nombre d'étudiants.
* (117) Clotilde de Gastines, Les enjeux de la formation « à vie » en Europe, Metis, 26 février 2010.
* (118) Pour Mme Catherine Moisan, « la France se caractérise toujours par une faiblesse de la formation continue diplômante, malgré les efforts répétés pour son développement, notamment par la validation des acquis professionnels. Si l'on compare, par exemple, avec le Canada, la proportion de diplômés du secondaire atteint 91 % parmi les 25-34 ans, alors que 20 % sont titulaires d'un diplôme ou d'une qualification. En France, 83 % des jeunes de la même tranche d'âge ont un diplôme du secondaire et ils l'ont acquis presque tous en formation initiale », Comment en finir avec l'échec scolaire : les mesures efficaces , OCDE, juin 2011.
* (119) Ces élèves - entre 4 500 et 10 000 dans chacun des pays participants - sont censés être statistiquement représentatifs des jeunes de 15 ans des systèmes concernés.
* (120) Bruno Suchant, PISA à l'épreuve des notes, mai 2013.
* (121) Les notes dans la communauté française de Belgique peuvent aller de 1 à 100 et en Suisse de 1 à 6.
* (122) Rapport de l'Académie des sciences. Remarques et propositions sur les structures de la recherche publique en France, 28 septembre 2012, p. 13.
* (123) Ce tropisme n'est guère étonnant puisque l'ambition du président de l'Université Tia Tong était de pouvoir envoyer ses étudiants dans les meilleures universités, ce à quoi devait contribuer le premier classement en 2003.
* (124) M. Joël Bourdin, sénateur, a indiqué que Mme Valérie Pécresse avait plusieurs fois réaffirmé son souhait de profiter de la présidence française de l'Union européenne pour jeter les bases d'un classement sur des critère communs européens, Joël Bourdin, Enseignement supérieur, le défi des classements, rapport d'information, Sénat, n° 442 (2002-2008).
* (125) Le Monde , L'insoutenable médiocrité de la lecture à l'école, décembre 2012.
* (126) Rapport précité de M. Joël Bourdin.
* (127) D'après le ministère de l'éducation nationale, la dépense intérieure d'éducation s'est élevée, en 2010, à 134,8 milliards d'euros, soit 7 % du PIB.
* (128) Le prestigieux hebdomadaire Die Zeit traduit bien ce changement : « Longtemps, les Allemands ont cru que leur système éducatif était une réussite, à l'exemple de leur économie. Ils s'attendaient à ce que les élèves allemands puissent, sans difficulté, se mesurer aux autres élèves des pays de l'OCDE. Puis vint PISA, et c'en fut fini du rêve » Die Zeit, 28 novembre 2012, L'Allemagne ne doit pas se cantonner à la médiocrité.
* (129) Annexe IV, Les résultats de l'enquête PISA 2012.
* (130) Die Zeit, Bitte weiniger Pisa, aber mehr Leher, 3 décembre 2013.
* (131) Olivier Rey, PISA : ce que l'on en sait et ce que l'on en fait, Dossiers d'actualité de l'Institut français d'éducation, octobre 2011.
* (132) Annexe IV, résultats de PISA 2012.
* (133) Ce retard est évoqué par le rapport du groupe de travail de l'Académie des sciences sur la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, 1 er février 2010.
* (134) Académie des sciences, Remarques et propositions sur les structures de la recherche publique en France, septembre 2012, p. 19.
* (135) Audition publique du 17 janvier 2012 organisée par Claude Birraux, Investissements d'avenir, un nouvel élan pour la recherche française, rapport n° 4507.
* (136) Présentation par M. Claude Birraux de ses conclusions sur l'audition publique du 17 janvier 2012.
* (137) Interventions de M. Jean-Yves Le Déaut, Mme Geneviève Fioraso, MM. Hervé Chneiweiss et Jean-Pierre Finance lors de l'audition de MM. Thierry Coulhon, directeur de programme « Centres d'excellence », Claude Girard, directeur de programme « Validation de la recherche » au Commissariat général à l'investissement, 15 juin 2011.
* (138) Les Länder ont une compétence principale en matière d'éducation.
* (139) Wolfgang Lieb, Die Exzellenz initiative und die Hierarchisierung des deutschen Hochschulsystems, NachDenkSeiten , 25 avril 2013.
* (140) HEFCE : Higher Education Funding for England ; SHEFC : Scottish Higher Education Funding Council; HEFCW: Higher Education Funding Council for Wales; DELNI : Department for Employment and Learning.
* (141) Futuris, l'espace européen de la recherche et de l'innovation à l'horizon 2020, septembre 2010.
* (142) Pierre-Benoît Joly, Faut-il faire confiance aux promesses technoscientifiques ?, in ouvrage collectif, Les sciences, ça nous regarde, 2013, p. 129.
* (143) IGAENR, La diffusion de la culture scientifique et technique : bilan et perspectives, janvier 2012, p. 14.
* (144) Rapport d'information d'une mission en Finlande de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat (n° 399-2008/2009).
* (145) M. Jean-Pierre Demailly, membre de l'Académie des sciences et professeur à l'Université de Grenoble, observe que « Il est évident qu'un élève de terminale S d'aujourd'hui, avec 5 h 30 de mathématique et 5 heures de physique-chimie par semaine n'a, en ce qui le concerne, aucune possibilité de se hisser au niveau d'un élève de terminale C des années 1970-1985 qui bénéficiait, quant à lui, de 9 heures de mathématiques et de 7 heures de sciences physiques », La refondation d'un système éducatif ambitieux s'impose, AGORAVOX, 28 novembre 2012.
* (146) Intervention lors de l'audition publique du 13 juin 2013.
* (147) Intervention lors de l'audition publique du 13 juin 2013.
* (148) RERS 2012.
* (149) Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, rapport 2013, L'état de l'emploi scientifique en France.
* (150) Il s'agit d'un contact personnel du directeur du Schülerlabor au sein du groupe parlementaire des libéraux FDP.
* (151) Statistisches Bundesamt, Hochschulen auf einen Blick, 2012.
* (152) Se référant aux projections démographiques de la Commission européenne, M. Gérard Cornilleau, économiste à l'OFCE, déclare que : « l'Allemagne devrait perdre plus de 15 millions d'habitants d'ici 2060 et la France en gagnerait un peu moins de 9. Vers 2045, les deux pays devraient avoir des populations identiques (un peu moins de 73 millions d'habitants) et en 2020, la France compterait environ 7 millions d'habitants de plus que l'Allemagne (73 millions contre 60) », France-Allemagne, le grand écart démographique, OFCE, Le Blog, 28 septembre 2012.
* (153) Site de eteach, England faces chronic shortage of maths and science teachers, 20 août 2013.
* (154) HEFCE, Strategically important and vulnerable subjects.
* (155) Jobs and growth : the importance of engineering skills to the UK economy.
* (156) La série Mindstorms est la « gamme robotique programmable » de Lego. C'est une brique intelligente programmable sous Linux qui permet, via des lignes de code, de créer des routines et des interactions avec les différentes briques connectées.
* (157) Formula Student est un concours entre ingénieurs qui se déroule chaque année au Royaume-Uni. Des équipes d'étudiants provenant du monde entier conçoivent, construisent, testent et pilotent une petite voiture de course. Les véhicules sont jugés sur divers critères. Ce concours est dirigé par l'Institut des ingénieurs en mécanique.
* (158) Conformément à ce qui a été souhaité dans les propositions concernant la formation initiale et continue des professeurs.
* (159) L'EIST en 2008-2009 : ressenti et pratique des enseignants, ministère de l'éducation nationale.
* (160) Dans son avis du 1 er février 2013 sur l'introduction de la technologie au lycée dans les filières de l'enseignement général, l'Académie des technologies relève que l'EIST ne concerne qu'une centaine des 8 000 collèges.
* (161) Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques, n° 4214, 2011-2012.
* (162) Isabelle Rey-Lefbvre, À Saclay, les étudiants font les sciences autrement, Le Monde Économie et entreprise , 19 septembre 2013.
* (163) Blog de Jean-Louis Bernaudin, Si, l'enseignement supérieur est grippé : généralistes ou urgences ? Le Monde de l'éducation , 5 décembre 2009.
* (164) 49 % des fils d'ouvriers nés entre 1963 et 1987 sont bacheliers, contre 2 % pour ceux nés entre 1929 et 1948, Massification de l'enseignement, inégalités d'apprentissage et pratiques pédagogiques, in L'école, une utopie à reconstruire.
* (165) Antoine Prost, Quels enseignements tirer de la démocratisation scolaire ? in ouvrage collectif, L'école, une utopie à reconstruire, p. 49.
* (166) Muriel Navarro, Massification de l'enseignement, inégalités d'apprentissage et pratiques pédagogiques, in l'ouvrage collectif, L'école, une utopie à reconstruire, p. 203.
* (167) Une synthèse du rapport public thématique de la Cour des comptes de mars 2011 consacrée aux musées nationaux après une décennie de transformations 1999-2010 montre notamment que 59 % des cadres et des professions intellectuelles supérieures - contre 15 % pour les ouvriers - ont visité un musée en 2008.
* (168) Ouverture sociale des grandes écoles, Livre blanc des pratiques - Premiers résultats et perspectives, 2010.
* (169) Repères et références, statistiques, Édition 2013.
* (170) Voir l'Annexe IV, Les résultats de PISA 2012.
* (171) Ces objectifs sont : 100 % de qualification pour tous ; 80 % d'une génération titulaires du Baccalauréat et 50 % d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur.
* (172) Ce que récuse fortement un sondage récent de l'AFEV (Association française des étudiants pour la ville), sur lequel les rapporteurs reviendront.
* (173) C'est aussi le jugement de M. Arnaud Negri, consultant spécialisé dans les secteurs de l'aéronautique et de la défense, qui, dans une interview de Libération , déclare : « Il y a un vrai déficit de formation qui, au-delà du cas spécifique de l'aéronautique, s'explique par une désaffection pour les métiers techniques », Libération , 14 juin 2013.
* (174) L'hebdomadaire Die Zeit relève que bien que le nombre d'adolescents pauvres ait été ramené de 1,9 million en 2006 à 1,6 million en 2011, ce problème n'est nullement résolu. Die Zeit , Kinderarmut sinkt deutlich, 26 janvier 2013.
* (175) Ingenieur , Soziale Ungerechtigkeit verhindert Stärkung der MINT Fâcher (l'injustice sociale empêche le renforcement de l'enseignement des mathématiques, de l'informatiques, des sciences physiques et de la technologie), 1 er février 2012.
* (176) Keike Solga, Rosiné Dombrowski, Soziale Ungleichheiten in Schulischer und ausserschulisher Bildung, 2009.
* (177) Clarion spiegel, 2013.
* (178) Handelsblatt , Chancengleichheit in der Schule ? Mangelhaft (L'égalité des chances à l'école? Médiocre), 24 septembre 2012.
* (179) Une enquête du journal Süddeutsche Zeitung, dans un lycée de Munich, relève que dans la 10 ème classe, un tiers de la classe a redoublé. Seulement six élèves sont considérés comme ne risquant pas le redoublement, Süddeutsche Zeitung Magazin , 2 août 2011.
* (180) Il en résulte que, comme en France, les familles recourent aux cours particuliers, dont le chiffre d'affaires est estimé à 1,5 milliard d'euros.
* (181) Süddeutsche Zeitung, 2 août 2011.
* (182) Social inequality, can schools narrow the gap?, 2010.
* (183) Cette catégorie désigne les lieux où le taux de participation à l'enseignement supérieur est de 20 % par rapport à celui du Royaume-Uni.
* (184) Le journal Libération a ainsi fait observer que « Les pays valorisant les formations manuelles ont brillé aux Olympiades des métiers à Leipzig », 14 juillet 2013.
* (185) Statistiques du ministère de l'éducation nationale, 2013.
* (186) Ces statistiques ont été communiquées dans le cadre de la consultation écrite organisée par la commission spécialisée de la science et de la technologie de la Chambre des Communes, cette commission a décidé de s'enquérir des causes de la sous-représentation des femmes dans les STEM et les emplois qui y sont liés.
* (187) En 2012, 41 % du corps médical étaient des femmes, ce taux sera de 60 % en 2022, La Croix , 28 février 2013.
* (188) D'après le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce nombre était un record historique. Il y a, au total, 72 présidences d'université.
* (189) Commission européenne, She figures , mars 2013.
* (190) Der Spiegel , 11 juillet 2013.
* (191) Commission européenne, She figures , 2013.
* (192) Marion Scott, Women in SET : new statistics, UK Ressource Centre for Women in SET, 14 mars 2011.
* (193) The Guardian , Why don't more girls study physics, 30 décembre 2012.
* (194) Mme Julia Higgins, membre de la Royal Society, a indiqué aux rapporteurs qu'après la fin de la scolarité obligatoire, les élèves n'étaient plus tenus de suivre un enseignement scientifique.
* (195) Libération , Les formules mathémachistes, 13 mai 2013.
* (196) Why don't more girls study physics ?
* (197) Moss-Racusin C, Dovidio JF, Brescoll VL, Graham MJ, Handelsman J (2012), Science faculty's subtle gender biases favor male students, Proceedings of the National Academy of Sciences.
* (198) En 2009, 17 % seulement des dirigeants de société étaient, en France, des femmes. 10 % des membres des conseils d'administration des sociétés du CAC 40 étaient des femmes.
* (199) D'après l'évaluation intervenue en 2012, deux tiers des universités ont appliqué un programme de promotion des femmes aux fonctions professorales.
* (200) Créé en 2006 et faisant partie des départements de recherches « Hommes, natures, sociétés » du Musée de l'Homme, cet institut est chargé du développement et de la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre.
* (201) Nathalie Pettorelli et Seirian Summer, Public engagement raises the visibility of women in science, theconversation.com, 4 juillet 2013 (extraits).
* (202) S'agissant du gaz de schiste, les rapporteurs renvoient au rapport de Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir du 27 novembre 2013 (Assemblée nationale n° 1581 - Sénat n° 174).
* (203) Reconnaissance institutionnelle des actions « Science-Société dans les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, Journée nationale d'échanges, Université de Lyon, 11 avril 2013.
* (204) Journées nationales d'échanges du 11 avril 2013, Actes, p. 33.
* (205) Sur ce dernier point, les résultats de l'étude de M. Jansen confirment les propos que le professeur Albert Fert a tenus aux rapporteurs. Il a indiqué qu'il conseillait aux jeunes chercheurs de son laboratoire de n'entreprendre des actions de médiation qu'au bout de quelques années de carrière.
* (206) M. Gilles Denis a déclaré que, dans le dossier du chercheur ou de l'enseignant qui souhaite être promu, la dimension science-société apparaît dans le sous-dossier « recherche », dans une ligne qui s'appelle « valorisation de la recherche », mais aussi dans le sous-dossier « pédagogie d'enseignement » sous le terme « diffusion des connaissances ».
* (207) Florian Freistetter, Wissenschaftskommunikation muss sich lohnen, Science Blogs , 30 octobre 2012.
* (208) Science for all, report and action plan from the science for all expert group.
* (209) Science for all, p. 33.
* (210) Alain Kaufmann, L'interface sciences-société et ses enjeux pour les universités, journée nationale d'échanges précitée, Lyon, 11 avril 2013.
* (211) Centre d'analyse stratégique : Comment débattre des nouvelles technologies, 8 novembre 2011.
* (212) Interrogé sur les causes de l'échec du débat sur les nanotechnologies, M. Étienne Klein a considéré que : « L'étourdissant silence des scientifiques sur le sujet finit d'enterrer le débat », L'Usine nouvelle , Pourquoi le débat sur les nanotechnologies tourne-t-il court ?, 13 janvier 2010.
* (213) Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut ont rappelé, dans leur rapport sur l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques que, selon un sondage IPSOS réalisé à la fin du débat national, 88 % du public n'en avait même pas entendu parler.
* (214) Bernadette Bensaude-Vincent, Peut-on résoudre les problèmes sociaux grâce aux nanos, in ouvrage collectif, les sciences, ça nous regarde, p. 245.
* (215) Dans la procédure des débats dirigés par la Commission nationale du débat public, les cahiers d'acteurs permettent notamment au grand public d'avoir accès à des points de vue complémentaires de celui du maître d'ouvrage.
* (216) Le court-noué est une maladie virale. Le virus responsable est transmis au vignoble de cep à cep par des nématodes (vers du sol) qui s'alimentent au niveau des racines. Cette maladie est présente dans la quasi-totalité des régions viticoles du monde. Deux tiers du vignoble français sont atteints, dont 30 % de façon importante. Elle provoque des dégâts considérables : les vignes en meurent et il n'est pas possible de replanter sur les mêmes terrains avant au moins cinq années.
* (217) En l'occurrence, l'INRA avait procédé à une vaste concertation avec les élus locaux de toutes tendances politiques (Vert compris), les viticulteurs, les ONG, des membres de la Confédération paysanne.
* (218) Libération , Les vignes transgéniques de l'INRA à Colmar dévastées, 9 septembre 2009.
* (219) Rapport n° 4354, Assemblée nationale, n° 378 - 2011-2012, Sénat.
* (220) Les thèmes changent chaque année. En 2012-2013, le thème a été celui de la mémoire.
* (221) Rinic Van Est, The broad challenge of public engagement in science and engineering, Ethics , 23 juillet 2011.
* (222) En France, le sociologue Michel Collon l'a qualifié de modèle de l'instituteur.
* (223) En 2012, les OGM étaient déjà le domaine où l'opinion publique faisait le moins confiance aux scientifiques pour dire la vérité.
* (224) Système européen de transfert et d'accumulation de crédits : il permet le transfert d'expériences d'apprentissage entre différentes institutions, ce qui favorise une plus grande mobilité des étudiants.
* (225) Martin Dutrait, État des lieux sur la visibilité de la science dans les médias, Mémoire de master professionnel de 2 ème année, Université de Marseille, 2008-2009.
* (226) Marie-Christine Blandin et Ivan Renar, rapport au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la diffusion de la culture scientifique (n° 392, 2002-2003).
* (227) M. Matthieu Weiss, conseiller pour la science et la technologie près l'ambassade de France à Berlin, estime que la télévision française divertit, à la différence de la télévision allemande qui informe.
* (228) Diffusée à 20h55 par France 3 le 7 janvier 2003, cette émission, qui retraçait en 90 minutes les origines de l'évolution humaine, avec l'appui du paléontologue Yves Coppens, avait battu un record d'audience en rassemblant 8,7 millions de téléspectateurs, soit 34,2 % de parts d'audience.
* (229) Craig Venter a prétendu avoir créé ex nihilo la vie avec une « cellule synthétique », réplicable. En réalité, seule l'information génétique complète a été synthétisée et placée au sein d'une cellule vivante. Le cytoplasme n'est donc pas d'origine synthétique.
* (230) David Shukman, Will synthetic biology become a GM style battleground, BBC News , 12 juillet 2013.
* (231) Sylvestre Huet, Nucléaire ou biologie de synthèse : débats impossibles, Libération , 24 mai 2013.
* (232) François Gosson et Thomas Borand, Le Monde , Science et médecine, 5 juin 2013.
* (233) Claire Truffinet, Controverses, fraudes et impostures : les journalistes scientifiques mènent l'enquête, Blog knowtex , 19 juin 2011.
* (234) Bruno Sido et Jean-Yves le Déaut, Tests d'intoxication des rats : un débat scientifique sur les OGM est-il possible ?, compte rendu de l'audition publique du 19 novembre 2012 (n° 759, Assemblée nationale - n° 409-2012-2013, Sénat).
* (235) Entretien avec le groupe de sociologie pragmatique et réflexive de l'EHESS.
* (236) Les rapporteurs renvoient, sur ce point, au rapport de Mme Geneviève Fioraso, Les enjeux de la biologie de synthèse.
* (237) Cette pratique permet aux journalistes spécialisés en science et accrédités auprès des revues de disposer en avance des articles, afin de les soumettre au regard de scientifiques, qui peuvent être laudateurs ou critiques. En contrepartie, les journalistes s'interdisent de les citer avant leur publication.
* (238) Le sondage IPSOS pour le Forum Recherche-société montre que le public ne connait que fort peu les scientifiques.
* (239) M. Matthieu Weiss, conseiller pour la science et la technologie près l'ambassade de France à Berlin, a fait part de son admiration devant le déploiement important de moyens publicitaires par le ministère de la recherche, au titre de l'Année de la science.
* (240) L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques, rapport précité, janvier 2012.
* (241) Les académies accueillent les lycéens à partir de l'âge de 15 ans. Mais il existe des académies junior qui s'adressent aux élèves âgés de 14 ans.
* (242) D'après la Fédération des ingénieurs et des scientifiques de France, l'effectif total de ses membres effectuant des opérations de médiation est de 400.
* (243) Les douze campus labellisés sont centrés sur des secteurs économiques créateurs d'emplois, comme l'aéronautique (PACA, Auvergne, Aquitaine), les travaux publics (Nord-Pas-de-Calais), la métallurgie et la plasturgie (Picardie), les énergies (Rhône-Alpes, Normandie).
* (244) D'après le sondage IPSOS réalisé en 2012 pour le Forum organisé par Le Monde et La Recherche sur les Français et la science, plus de la moitié des Français comprennent les enjeux du changement climatique, des OGM, du nucléaire et des cellules souches. D'après le même sondage, une majorité supérieure à 80 % souhaite la poursuite des recherches dans de nombreux domaines.
* (245) Intervention au colloque de l'Institut Pasteur, Communiquer la science par le débat, 18 octobre 2013.
* (246) M. Arthur Moi, La recherche agronomique : au-delà de l'agriculture, in numéro spécial des Cahiers du MURS : Vers un engagement du public pour la science : expositions interactives et éducation informelle, MURS n° 60, 2009.
* (247) Cette loi a créé l'étude d'impact, ce qui permet au public de prendre connaissance des conséquences environnementales de l'ouvrage prévu.
* (248) Ce centre a été créé à Angers en 1992.
* (249) Sylvestre Huet, Technologies : le risque de la confiance, Libération , 3 avril 2013.
* (250) Il été rejoint sur ce point par M. Étienne Klein, directeur de recherches au CEA. Dans un de ses articles, il a fait observer que « si l'on voulait que les citoyens participent aux affaires publiques en étant éclairés sur tous les sujets concernés, il faudrait que chacun ait le cerveau de mille Démosthène de mille Aristote, de mille Einstein » , Que peut la science ? , in La science en jeu, ouvrage collectif, p. 189.
* (251) M. Loïc Blondiaux, sociologue, professeur à l'Université Paris I, a indiqué, lors du colloque de l'Institut Pasteur, que ces personnes affectées avaient pris conscience d'un problème les touchant. De ce fait, elles mènent l'enquête, s'informent, auditionnent, produisent des connaissances et prennent des décisions.
* (252) Sylvestre Huet déplore que personne ne se soit ému de la destruction des vignes transgéniques à Colmar en 2009, Technologies : le risque de la confiance, Libération , 3 avril 2013.
* (253) Ces domaines sont les OGM, la téléphonie mobile, les nanotechnologies, le stockage des déchets, le gaz de schiste et la biologie de synthèse.
* (254) Intervention lors du colloque du Conseil d'analyse stratégique « Comment débattre des nouvelles technologies ? », 8 novembre 2011.
* (255) Seuls quelques SHS (Sciences humaines et sociales) avaient pu participer aux travaux.
* (256) Il s'agissait essentiellement de scientifiques qui, à la différence de plusieurs études, avaient affirmé l'existence des effets des ondes électromagnétiques sur la santé humaine.
* (257) Intervention au colloque de l'Institut Pasteur du 17 octobre 2013, Communiquer la science par le débat.
* (258) Cette alliance de recherche regroupe le CNRS, les universités et des grandes écoles.
* (259) Propos recueillis par Sylvestre Huet, Libération, 28 juin 2013.
* (260) Intervention lors du colloque de l'Institut Pasteur du 18 octobre 2013 sur la communication de la science par le débat.
* (261) Thierry Salomon, Fin du débat national sur la transition énergétique : tout ça pour ça, La Gazette , 18 juillet 2013.
* (262) Arthur Moi, La recherche agronomique : au-delà de l'agriculture, article précité, op. cit., p. 200.
* (263) Intervention au Colloque du Centre d'analyse stratégique.
* (264) Alain Gest, député, avait réfuté l'amalgame propagé par certaines ONG sur les risques sanitaires que, selon elles, présenterait la téléphonie mobile avec les risques dus à l'amiante et au tabac. Les incidences éventuelles sur la santé de la téléphonie mobile, rapport fait au nom de l'OPECST : AN n° 2005 - Sénat n° 84 (2009-2010).
* (265) Les titres de certains articles de journaux sont, à cet égard, éloquents, par exemple celui du Parisien du 28 janvier 2013 : Le gaz de schiste, un Tchernobyl à petit feu, à découvrir sur Arte.
* (266) Intervention au colloque du Conseil d'analyse stratégique, Comment débattre des nouvelles technologies ?, 8 novembre 2011.
* (267) Sylvestre Huet, Technologies : le risque de la confiance, Libération, 3 avril 2013.
* (268) Un exemple parmi d'autres est la demande déposée par un groupe de 58 ONG, le 16 décembre 2010, en vue de préconiser un moratoire sur la dissémination et l'usage commercial des organismes synthétiques, jusqu'à ce que soit entreprise une étude approfondie des impacts environnementaux et socio-économiques de la biologie de synthèse.
* (269) Intervention au colloque du Centre d'analyse stratégique, Comment débattre des nouvelles technologies ?, 8 novembre 2011.
* (270) Audition publique du 4 avril 2013 « Économies d'énergie dans les bâtiments : comment passer à la vitesse supérieure ? » ; audition publique du 6 juin 2013 « Recherche et innovation au service de la transition énergétique : quelle place pour les énergies renouvelables ? ».
* (271) Ainsi, à l'audition du 6 juin 2013, un représentant de Greenpeace figurait-il parmi les intervenants.
* (272) M. Francis Chateauraynaud estime que le public dispose de clés du savoir multiples. La question se pose de leur aptitude à utiliser le trousseau de clés adéquat.
* (273) Colloque CNRS-AJSPI (Association des journalistes scientifiques et de la presse d'information) organisé en association avec l'OPECST à l'Assemblée nationale le 17 octobre 2013.
* (274) « Chat » avec les lecteurs du Monde , 11 octobre 2012.
* (275) Berlin constitue un Land.
* (276) Un parlementaire peut être membre de plusieurs organismes.
* (277) Rapport précité de l'IGAENR, Diffusion de la culture scientifique et technique : bilan et perspectives, janvier 2012.
* (278) Rapport de Mme Marie-Christine Blandin et M. Jacques-Bernard Magner n° 412-2012/2013.
* (279) Ce comité, composé de 12 membres désignés pour quatre ans, était chargé de conseiller le Gouvernement en matière de politique scientifique.
* (280) Les crédits de paiement ouverts par le projet de loi de finances pour 2014 au titre de la culture scientifique et technique gérés par Universcience s'élèvent à 109,5 millions d'euros, soit près de 93 % du programme « recherche et culture scientifique ».
* (281) Il faudrait citer une cinquième instance, le Haut Conseil de l'éducation.
* (282) Intervention lors de la table ronde organisée le 27 février 2013 par la commission de la Culture du Sénat sur la gouvernance, clé de la culture scientifique, technique et industrielle.
* (283) En 2010, ils représentaient 20 % des financements, d'après M. Jacques Léglise, chef du département de l'action régionale à la direction générale de la recherche du MESR.
* (284) Intervention à l'audition publique du 13 juin 2013, Quelles perspectives pour la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle ?
* (285) En 2009, deux pétitions contre la fusion avaient réuni 60 000 signatures.
* (286) Audition publique du 12 octobre 2011 organisée par Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut dans le cadre de leur rapport sur l'innovation à l'épreuve des peurs et des risques.
* (287) Rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et du groupe d'études sur l'éducation populaire et la culture par Mme Marie-Christine Blandin et Jacques-Bernard Magner.
* (288) Ce comité opérationnel est composé au moins pour moitié de représentants des pôles territoriaux de référence.
* (289) Les deux autres sont Estim-Numérique et Estim-École de la médiation.
* (290) Voir l'Annexe V.
* (291) Cité des sciences et de l'industrie, 28 septembre 2010.
* (292) Dans son commentaire du programme Estim-Gouvernance, Universcience souligne que 480 acteurs sont d'une taille moyenne de 10 ETP (équivalent temps plein) avec un budget moyen de fonctionnement inférieur à 250 000 euros.
* (293) Intervention au Forum territorial de la culture scientifique et technique, Cité des sciences, 28 septembre 2010.
* ( 294 ) Pierre Léna, Connaître et reconnaître : avec qui donc naître, in Vers un engagement du public pour la science : expositions interactives et éducation informelle, Cahiers du MURS, 2009, n° 60.
* (295) Source : Secrétariat général des programmes de France Télévision.
* (296) Extrait de Science et Technologie au Royaume-Uni, numéro spécial 1, septembre-octobre 2011, source : Service de la science et de la technologie de l'ambassade de France à Londres.
* (297) Source : site internet du MESR, rubrique « Stratégie et organisation.
* (298) Estim : Égalité d'accès aux sciences, aux technologies et au multimédia.
* (299) Inmédiats : Innovation-Médiation-Territoires.