C. LES DÉGRÈVEMENTS ET CRÉDITS D'IMPÔTS
Les avantages fiscaux accordés aux contribuables ont a priori le caractère d'une perte de recettes qui peut donc être gagée . C'est ainsi que les amendements proposant ou étendant une exonération d'impôt, une réduction d'impôt ou une déduction d'impôt sont recevables au titre de l'article 40, à condition d'être gagés au profit de la personne publique subissant cette perte de recettes.
Néanmoins, deux sortes d'avantages fiscaux posent des questions particulières : il s'agit des dégrèvements d'impôt et des crédits d'impôt.
1. Les dégrèvements d'impôt
Le montant des dégrèvements d'impôt apparait à l'article d'équilibre du projet de loi de finances en minoration des recettes fiscales brutes, mais également en crédits - évaluatifs 109 ( * ) - sur la mission « Remboursements et dégrèvements », traduisant ainsi leur positionnement à la frontière des recettes et des dépenses.
Les effets des dégrèvements en termes de trésorerie varient selon qu'ils portent sur des impôts d'Etat ou sur des impôts locaux. Dans le premier cas, ils constituent une perte de recettes pour l'Etat ; dans le second, ils signifient une perte de recettes pour les collectivités territoriales, automatiquement compensée par l'Etat 110 ( * ) .
La question qui intéresse le juge de la recevabilité est donc celle du caractère de cette compensation par l'Etat : faut-il l'interpréter comme une diminution de recettes (gageable) ou comme une charge ?
La jurisprudence de la commission des finances considère que l'intention de la mise en place ou de l'extension d'un dégrèvement est bien de réduire l'impôt dû et non de créer une dépense nouvelle. Dès lors, les initiatives parlementaires en ce sens sont considérées comme des opérations sur les recettes, et donc recevables, à condition d'être gagées .
2. Les crédits d'impôt
Les crédits d'impôt se trouvent également dans cette situation particulière, entre recettes et dépenses, puisqu'ils constituent des « dépenses fiscales » qui, d'un point de vue budgétaire, viennent minorer les ressources de l'Etat.
Ils se distinguent néanmoins des dégrèvements par le fait qu' ils peuvent donner lieu à un décaissement .
En effet, tant que le montant du crédit d'impôt reste inférieur à l'impôt dû, ils fonctionnent comme une réduction d'impôt et peuvent donc être vus comme une perte de recettes. En revanche, si le montant du crédit d'impôt est supérieur à l'impôt dû, il appartiendra au Trésor de verser la différence au contribuable, ce qui constitue dès lors une charge.
De plus, la nature de l'intention est également différente. Le choix du crédit d'impôt plutôt que de la réduction d'impôt implique la volonté de verser une aide ou une incitation, en utilisant un outil fiscal, plutôt que de minorer l'imposition. L'outil du crédit d'impôt peut donc se rapprocher d'une subvention et, consécutivement, d'une charge.
La commission des finances considère donc que l'extension ou la création d'un crédit d'impôt constitue une charge ; elle propose néanmoins systématiquement aux auteurs, afin de respecter l'initiative parlementaire, une modification de leur amendement afin de le rendre recevable . Celle-ci consiste à préciser que le crédit d'impôt « ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû », c'est-à-dire en fait de prévoir qu'il fonctionnera comme une réduction d'impôt.
Certes, l'ajout de cette mention modifie le sens de l'amendement ; il en permet cependant la recevabilité. En séance, il appartient, le cas échéant, au Gouvernement de lever ce « quasi-gage ».
* 109 Les crédits évaluatifs, prévus à l'article 10 de la LOLF, ont la particularité que les dépenses auxquelles ils s'appliquent s'imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts.
* 110 En application de l'article 1960 du code général des impôts.