5. Des infrastructures nécessaires
Si la condition de la lutte contre la pauvreté est le niveau de croissance économique, ce dernier apparaît aujourd'hui bridé par le manque d'infrastructures. Certains rapports estiment que la médiocrité des infrastructures est la principale contrainte à l'activité économique et la responsable d'une perte de productivité d'environ 40%.
Pour la Banque africaine de développement le diagnostic est clair : « Les économies africaines sont peu compétitives, en raison du manque d'infrastructures, de compétences, d'institutions et de technologies. Le mauvais état des infrastructures conduit à des coupures de courant, à des problèmes de communication et à des retards sur le plan logistique qui entraînent une augmentation sensible des coûts supportés par les entreprises africaines. Dans certains pays, l'énergie représente 6 % du coût total des entreprises, chiffre six fois plus élevé que dans les économies émergentes telles que la Chine. ».
Le continent noir manque cruellement d'électricité. C'est le continent le moins électrifié au monde, avec une consommation qui s'élève à seulement 3% de la consommation mondiale et une capacité de production électrique équivalente à la production espagnole qui dessert 45 millions d'habitants.
Le quart de cette production est indisponible, en raison de la vétusté des centrales et du manque de maintenance du réseau. Répondre aux besoins électriques de l'Afrique exigerait, selon nos interlocuteurs, 40 milliards de dollars d'investissement tous les ans pendant 20 ans, soit quatre fois plus que la somme actuelle.
En moyenne, 20 % de la population dispose de l'électricité courante.
L'Afrique aborde sa phase de développement rapide avec une production électrique la plus chère et la plus polluante puisque composée à 80 % d'énergie fossile. « Il n'y a cependant pas de fatalité » nous a dit Jean-Marc Châtaigner, Directeur général adjoint de la Mondialisation, du développement et des partenariats auprès du ministère des Affaires étrangères, « la production d'électricité par personne était en Chine et en Inde inférieure à celle de l'Afrique subsaharienne à la fin des années 1960, ce qui n'a pas empêché le décollage de ces deux pays. »
L'Afrique ne mobilise que 10 % de son potentiel hydroélectrique. 90 % des sites sont à cheval sur plusieurs pays. Certains États sont pilotes comme le Ghana à 100 % hydraulique. Le potentiel géothermique de l'Afrique est lui aussi considérable dans la vallée du Rift.
Le coût du transport à l'intérieur des pays est au moins le double des coûts similaires en Asie et en Amérique latine. En conséquence, les entreprises africaines de moindre envergure sont incapables se soutenir la concurrence sur la scène internationale. La capacité des infrastructures portuaires souvent très en deçà des besoins (les ports de Bissau, San Pedro en Côte d'Ivoire ou de celui de Dakar au Sénégal, par exemple, reçoivent aujourd'hui environ 30 000 conteneurs par an alors qu'ils ont été initialement construits pour en recevoir 5 000).
L'insuffisance d'infrastructures prive chaque année l'Afrique subsaharienne de deux points de croissance.
Le manque de routes est patent. L'Afrique subsaharienne compte 204 km de routes par millier de kilomètres carrés, alors que la moyenne mondiale est de 944 km par millier de kilomètres carrés. Les voies de chemins de fer sont obsolètes. De ce fait les connexions sont difficiles entre les lieux de production et les marchés de consommation. Le mauvais état des infrastructures explique le coût élevé des échanges que l'Afrique, et en particulier les pays africains enclavés, subit par rapport aux autres régions. Le mauvais état des infrastructures représente 40 % des coûts de transport pour les pays côtiers et 60 % pour les pays enclavés. Cette situation explique que le commerce intra africain ne représente de fait qu'environ 10 % à 20 % des exportations totales des pays.
Au total, la Banque mondiale estime que l'insuffisance d'infrastructures, notamment de transports routiers, de télécommunications et d'électricité, prive chaque année l'Afrique subsaharienne de deux points de croissance. Mais comme l'a observé devant le groupe de travail Jean-Marc Châtaigner, Directeur général adjoint de la Mondialisation, du développement et des partenariats auprès du ministère des Affaires étrangères: « Il n'y a pas là de fatalité : la production d'électricité par personne était en Chine et en Inde inférieure à celle de l'Afrique Subsaharienne à la fin des années 1960, ce qui n'a pas empêché le décollage de ces deux pays. »
Actuellement, gouvernements africains et acteurs privés investissent au total 72 milliards de dollars par an dans de nouvelles infrastructures sur le continent.
Les besoins sont toutefois encore loin d'être intégralement couverts, en particulier en matière d'approvisionnement en électricité et en eau, ainsi que de transports, qui nécessiteront au moins 46 milliards de dollars de dépenses supplémentaires par an.
Un objectif atteignable à la faveur d'un accroissement des dépenses des gouvernements, des entreprises privées et des investisseurs, ainsi que de réformes réglementaires qui viseraient à accroître sensiblement l'efficience opérationnelle de ces infrastructures.
L'ensemble des bailleurs de fonds y participe au premier chef desquels la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l'Union européenne via le FED. La France y apporte sa contribution à travers sa participation aux financements de ces institutions, mais également directement à travers son aide bilatérale.
Dans le domaine énergétique, par exemple, la France concentre ses activités autour deux axes d'intervention : le renforcement de l'intégration énergétique régionale et la promotion des énergies renouvelables.
Plusieurs projets de lignes de transport et d'interconnexions électriques programmés dans le cadre du pool énergétique d'Afrique de l'Ouest (WAPP) et différents projets d'infrastructures d'énergies renouvelables ont été financés par l'AFD au cours de ces dernières années (plus de 200 millions d'euros pour le financement de l'interconnexion électrique entre le Ghana et le Burkina Faso).
Le Ministère des Affaires étrangères a par ailleurs apporté un important soutien au développement de politiques d'accès à l'énergie : financement d'un livre blanc sur une politique régionale relative à l'accès aux services énergétiques, et la mise en place du projet pour la promotion de l'accès à l'énergie dans les stratégies et programmes nationaux (MEPRED).
La France participe également au développement de l'énergie verte en Afrique de l'Est.
Principal bailleur du secteur énergétique au
Kenya, l'AFD apporte depuis plusieurs années un soutien important
à la valorisation de la géothermie avec plus de 230 millions
d'euros de financements apportés pour le développement du
potentiel géothermique du site d'Olkaria. D'autres projets de
développement de la géothermie sont à l'étude dans
la sous-région (Rwanda, Ouganda). La coopération française
travaille par ailleurs sur de nouveaux mécanismes de financement des
énergies renouvelables et de l'efficacité
énergétique, en partenariat avec des
banques commerciales.