AUDITION DE M. JEAN-BAPTISTE CARPENTIER, DIRECTEUR DU SERVICE TRACFIN
(jeudi 27 juin 2013)
L'audition a eu lieu à huis clos.
AUDITION DE M. MARC ROCHE, JOURNALISTE AU MONDE
(jeudi 27 juin 2013)
M. François Pillet, président . - Nous auditionnons M. Marc Roche, journaliste au Monde et auteur de La Banque - comment Goldman Sachs dirige le monde. Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je vous informe qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Marc Roche prête serment.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Merci d'être là. J'ai proposé à notre commission d'enquête de vous recevoir car vous avez développé une grande expertise des questions financières, et parce que j'ai plaisir à lire les articles que vous publiez.
Vous voudrez bien nous présenter la City, que d'aucuns qualifient de grande lessiveuse de l'argent sale du monde, et nous donner votre sentiment sur son fonctionnement, que les scandales de la Barclays ou du Libor ont entaché récemment.
David Cameron a récemment demandé à certaines dépendances de la Couronne britannique comme Jersey, où Yvon Collin et moi-même nous étions rendus l'an passé, de se mettre en règle. Compte tenu de la concurrence effrénée qu'entretiennent nos amis britanniques dans le secteur financier, cette démarche est-elle sincère ?
Vous avez publié un ouvrage sur la banque d'affaire Goldman Sachs, que vous qualifiez de pieuvre. Quel est son rôle et quels sont ses pouvoirs ?
Enfin, qu'est-il advenu des auditions de Starbucks, Google et Amazon conduites avec pugnacité par Margaret Hodge au sein du Parlement britannique en novembre dernier ?
M. Marc Roche, journaliste au Monde . - Merci de m'avoir invité. Je voudrais faire une remarque préliminaire. Concentrer sur les banques les questions que l'on se pose sur le monde financier est une erreur, car les banques ne sont qu'un petit élément d'un réseau de complicités plus vaste dans lequel on trouve des bureaux d'avocats, des cabinets comptables, des conseillers financiers, qui eux ne font l'objet d'aucune attention, ni d'aucune réglementation. Or les schémas d'optimisation fiscale font appel à leurs diverses compétences.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Vous les avez appelés complices.
M. Marc Roche . - Ils sont en effet complices : vous ne pouvez monter un trust sans un avocat, un comptable, un banquier et un paradis fiscal. Or législateurs et régulateurs ne s'intéressent qu'aux banquiers, et ne savent que faire des oligopoles des cabinets juridiques - ils ne sont pas plus de six ou sept dans le monde - et des cabinets d'audits - guère plus de trois ou quatre.
Il faut aussi, et c'est plus difficile, s'intéresser aux produits financiers. La complexité des special purpose vehicle (SPV) utilisés pour les opérations légales mais immorales d'optimisation fiscale les soustrait à la surveillance des régulateurs. La Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd) accepte par exemple, lorsqu'elle signe un contrat de développement avec un partenaire russe, d'installer à sa demande la compagnie idoine dans un paradis fiscal plutôt qu'à Londres où son siège se trouve. C'est inacceptable.
Le phénomène des revolving doors est une autre faiblesse du système de régulation, qui voit des politiciens, des directeurs de cabinets, d'anciens commissaires européens ou d'anciens gouverneurs de banques centrales passer dans le secteur privé. Tony Blair travaille désormais pour JP Morgan, Peter Mandelson pour Lazard, Jean-Luc Dehaene, ancien premier ministre belge pour la banque Dexia, tandis que Romano Prodi et Mario Monti ont travaillé chez Goldman Sachs.
Mme Nathalie Goulet . - Et Nicolas Sarkozy pour le Qatar !
M. Marc Roche . - En effet. Il faut aussi se demander pourquoi chaque pays protège ses propres paradis fiscaux. Si le Delaware a échappé à toute régulation et si personne ne s'y intéresse...
Mme Nathalie Goulet . - Mais si ! Nous !
M. François Pillet, président . - Nous allons nous y intéresser.
M. Marc Roche . - C'est parce que Joe Biden, actuel vice-président des États-Unis, empêche toute réglementation dans l'Etat dont il a été sénateur depuis si longtemps.
Enfin, il faut s'intéresser de près au shadow banking, où les banques et leurs complices ont tendance à placer tout ce qui doit échapper à la régulation : hors-bilan, paradis fiscaux, hedge funds, capital-investissement, chambres de compensation, négoce et spéculation sur les matières premières... bref tout ce que j'appelle la banque de l'ombre.
Si le capitalisme n'est pas régulé, il connaîtra à nouveau de fortes turbulences, et ce sont encore les peuples qui paieront.
Le Royaume-Uni pratique un double langage : officiellement, David Cameron enjoint les paradis fiscaux à l'échange automatique de données fiscales. Mais simultanément, ceux-ci rabattent des fonds sur la City. Soyez certains que les conservateurs et les travaillistes s'accordent sur la nécessité de défendre les intérêts de la City, dont le poids est majeur dans l'économie du pays.
Je me suis rendu récemment à Jersey : l'île n'est pas troublée outre mesure par les propos de M. Cameron, qui sait que les trusts continueront à générer des recettes pour les cabinets fiscaux. Le Premier ministre britannique est donc à la fois sincère et hypocrite : il a fait de la lutte contre l'évasion fiscale une priorité du G8, et cherche véritablement de nouvelles recettes fiscales, mais il ne peut priver la City des revenus que lui procurent la moitié des paradis fiscaux du globe. Il touche au gras sans attaquer le muscle !
Traduit dans une dizaine de langues, mon livre sur Goldman Sachs ne défend aucune thèse conspirationniste. C'est malheureusement ainsi qu'il a été reçu dans de nombreux pays. En Grèce, il a alimenté les théories du complot juif, allemand, américain ou turc. Or les banques de cette nature n'ont pas la volonté de dominer le monde, mais de faire le maximum de profits. Les réseaux d'influence politique qu'elles entretiennent ne servent à rien d'autre. Prenons donc garde à ne pas alimenter le populisme.
La leçon principale des auditions menées par Margaret Hodge est la suivante : l'optimisation fiscale est devenue inacceptable dans l'opinion publique, en particulier lorsqu'elle est le fait de groupes produisant des biens de grande consommation susceptibles d'être boycottés. Voyez le cas de Starbucks. En revanche, l'optimisation fiscale pratiquée par les grandes sociétés dont l'activité est moins visible échappe à l'opprobre public.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Quel est l'état d'esprit de la population britannique ? Ces comportements de boycott sont-ils répandus, ou sont-ils le fait de la partie la plus consciente de la population ? Celle-ci est-elle plutôt indignée, ou résignée ?
M. Marc Roche . - Le cas de Starbucks montre que l'absence de contribution fiscale des grandes sociétés peut susciter une mobilisation générale. Cela étant, le réflexe est surtout de protéger la City pour son rôle dans l'économie et les velléités de protestation sont étouffées dans l'oeuf. Peu de gens font le lien entre les politiques d'austérité qu'ils subissent le manque de recettes fiscales liées à l'optimisation.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - La City est dirigée par la City of London corporation, dont les membres sont pour la plupart issus du secteur bancaire. Le Premier ministre vient chaque année à Guildhall chercher de l'argent. Quelles sont véritablement les relations entre le pouvoir financier et le pouvoir politique ?
M. Marc Roche . - Un seul non-parlementaire assiste, assis derrière le speaker, à toutes les séances de la Chambre des communes : le représentant de la City. Cela symbolise la proximité entre le pouvoir politique et le pouvoir financier. La City of London corporation est un Etat dans l'Etat et un lobby très efficace. Cette institution ne travaille pas même avec ses homologues européens, elle a son propre bureau à Bruxelles, ainsi qu'à Pékin et à Shanghai. Elle a un patrimoine immobilier et financier colossal, qui sert à défendre les intérêts de la City. Ses membres se cooptent, ils sont tous blancs et mâles, et pour tout dire peu représentatifs de la société britannique. Pour se rendre dans la City, la reine doit demander l'autorisation du Lord Mayor, lui-même coopté et non élu. A côté du Parlement, le vrai pouvoir se trouve à la City.
Mme Corinne Bouchoux . - Merci d'être venu. Et bravo pour votre ouvrage sur Goldman Sachs, encore meilleur qu'un roman policier.
Le pantouflage est un problème central. Lorsque l'on travaille dans l'administration ou le monde politique, on connaît parfaitement tous les mécanismes, toutes les normes que l'on a créés. On peut d'autant mieux s'en jouer une fois passé du côté de ceux qui doivent les respecter. Comment cela est-il perçu dans l'opinion publique britannique ? Des solutions sont-elles envisagées ?
Votre ouvrage met l'accent sur l'appétence de Goldman Sachs et d'autres entreprises pour les oeuvres d'art. Pouvez-vous revenir sur la proximité qui existe entre le monde financier et le marché de l'art, source formidable de spéculation ?
M. Marc Roche . - Le pantouflage est l'un des plus grands problèmes auxquels sont confrontés les systèmes démocratiques. Il fausse complètement les règles du jeu. Tony Blair conseille JP Morgan car il connaît les coulisses de l'administration, les chefs d'entreprises, les procédures de signature de contrats, il a des amis à Bruxelles.... Cet entrisme lui rapporte deux millions de livres par an. Cette pratique de la revolving door est courante aux États-Unis et se généralise en Europe. En France, elle est absente chez les hommes politiques, mais courante dans la haute administration.
Les banquiers sont en effet de grands collectionneurs d'art. Plus largement, ce sont de grands philanthropes. Cela leur donne bonne conscience. Je passe mon temps à les mettre devant leurs contradictions : ils aident les enfants victimes du sida en Afrique et, simultanément, provoquent les dérèglements des marchés de matières premières en spéculant. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils ne font pas le lien entre les deux ! Ils ont créé un système d'aide au développement parallèle à celui des Etats - occasion de bien comprendre le fonctionnement des pays cibles. Je leur conseille de payer plutôt des impôts ! Les banques sont aussi des agences de renseignement. Le phénomène de revolving doors tire son importance de la capacité des personnes bien informées à aider la conclusion de contrats.
Mme Nathalie Goulet . - Nous avons tous nos marottes. La mienne, ce sont les conflits d'intérêts. Dominique Strauss-Kahn, que j'ai interrogé hier, y voit un des problèmes principaux auxquels nous sommes confrontés.
Nous venons d'adopter un texte sur la séparation des activités bancaires. En introduisant dedans, après les obligations faites aux banques, des obligations faites aux grandes entreprises, l'Assemblée nationale l'a vidé de sa substance. Dans les semaines prochaines, le texte sur l'évasion fiscale nous offre une session de rattrapage. Nous souhaitons notamment y introduire l'obligation pour les entreprises et les banques de produire les schémas d'optimisation fiscale, nouvel outil offert à l'administration fiscale. La distinction entre la fraude et l'optimisation fiscale est toutefois incertaine, et les conditions de publicité de ces schémas ne sont pas arrêtées. Que pensez-vous de cette mesure, et dans quelles conditions faudra-t-il une publication de ces schémas ? En outre, quelles préconisations feriez-vous pour compléter le dispositif ?
M. Marc Roche . - L'argument principal des entreprises est de dire que les montages sont légaux, qu'elles paient l'impôt que les pouvoirs publics ont décidé, que la balle est dans le camp du fisc : à lui de donner un tour de vis s'il souhaite lutter contre l'optimisation fiscale. Argument imparable ! Le seul à opposer est que certains comportements, pour être légaux, n'en sont pas moins immoraux. Les opinions publiques sont sensibles à ce sujet depuis qu'il a fallu payer pour sauver les banques. Le sentiment d'impunité - aucun banquier n'a été condamné - a même conduit la commission parlementaire britannique à préconiser la création d'une infraction pénale d'incompétence. Mettre en exergue la dimension morale en s'appuyant sur l'opinion publique me semble le seul moyen de limiter l'optimisation fiscale. Sinon, les entreprises se défendent facilement en invoquant la volonté de leurs actionnaires, comme on l'a vu avec Starbucks.
Les banques sont trop puissantes, il faudrait revenir à une sorte de Glass Steagall Act séparant banque de détail et banque d'investissement. Mais il serait difficile de déterminer de nos jours ce qu'il faut mettre dans l'une ou dans l'autre. Il faut donc travailler encore pour élaborer un nouveau type de séparation : c'est un chantier essentiel. Bien sûr, les banquiers s'y opposent en disant que la banque de détail finance la banque d'investissement... Les lobbies bancaires sont trop puissants et les contrepoids, ONG, journalistes, analystes financiers, désarmés face à leur pouvoir.
M. Yvon Collin . - Merci pour votre présentation. Nous avons auditionné M. Strauss-Kahn hier, qui nous a dit que ce n'était pas le système qui posait problème, mais l'usage qui en est fait. Qu'en pensez-vous ? Quelle est votre analyse des révélations baptisées offshore leaks ?
M. Marc Roche . - Je ne suis pas d'accord avec M. Strauss-Kahn. La crise de 2008 a bien montré que ce n'est pas l'utilisation du système, mais bien le système lui-même, qui est en cause : faiblesse du régulateur, cupidité des opérateurs démultipliée par des bonus pousse-au-crime, banques devenues des casinos et faisant leurs profits sur les activités spéculatives opaques, rôle négligeable des responsables du risque... Souvenez-vous de l'ancien patron mégalomane de la Royal Bank of Scotland, que personne n'osait provoquer ou contester ! C'est bien du système qu'il s'agit. Les cabinets d'avocats, les banques, les conseillers financiers sont à la recherche, bien légitime, de profits . Si nous ne changeons pas le système de contrôle et d'organisation des acteurs, tous continueront comme auparavant.
A ce jour, aucune des personnes mentionnées dans les offshore leaks n'a été poursuivie. La presse financière anglo-saxonne (Wall Street Journal, Financial Times...) ne leur a pas fait écho. Leur publication a été le fait de journaux de gauche, tel s le Gardian ou, en France, Le Monde, dont le lectorat est hostile aux pratiques mises en cause. Les journaux conservateurs britanniques, comme le Daily Telegraph ou le Times, n'en ont pas pipé mot.
M. François Pillet, président . - Quel rôle joue le marché de l'art dans les pratiques dont nous parlons ? Il n'échappe pas, que je sache, à la législation obligeant à régler par chèque au-delà d'une certaine somme...
M. Marc Roche . - Les plus belles collections d'art privé sont celles des propriétaires de hedge funds, qui les gardent secrètes. Ils ne disent rien non plus de leur motivation : investissement, vrai plaisir de collectionneur ? Quoi qu'il en soit ces opérations sont secondaires par rapport au problème de l'éthique dans les banques, où des masses énormes d'argent sont affectées à la spéculation sur les matières premières ou les taux d'intérêt. Je critique souvent les banquiers mais pas sur leur goût pour l'art...
M. Yvon Collin . - Le football est un sport populaire outre-Manche. Les clubs y attirent les convoitises de milliardaires de tous les pays, qui sont sans doute mus par l'amour du ballon rond, mais aussi peut-être par un intérêt plus direct, qui serait de recycler des sommes acquises de manière plus ou moins légale... Qu'en pensez-vous ?
M. Marc Roche . - C'est une excellente question, qui n'a jamais été posée par la presse anglo-saxonne. Quand Roman Abramovitch a racheté Chelsea en 2003, personne n'a demandé d'où venait l'argent, alors même que des procédures contre le blanchiment étaient en vigueur depuis deux ans déjà, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. De nombreux oligarques ont racheté des clubs de football. Manifestement, c'est un moyen de blanchir de l'argent, mais cela n'émeut pas les autorités : aucun propriétaire de club de football n'a fait l'objet d'une vérification de l'origine des fonds avec lesquels il avait fait son acquisition, alors qu'au-dessus de 10 000 livres, la déclaration de l'origine des fonds est obligatoire.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Le Qatar est très investi, dans tous les sens du terme, au Royaume-Uni. Lui pose-t-on des questions sur l'origine de ses fonds ?
M. Marc Roche . - Encore moins ! Les fonds souverains sont de gros investisseurs. Le Qatar, comme le Koweit ou d'autres pays du Golfe, a un fonds souverain, qui n'a pas à justifier l'origine de ses capitaux. Les monarchies pétrolières du Golfe jouissent de surcroît d'une sorte d'immunité diplomatique auprès de la Couronne britannique, justement parce que ce sont des royautés.
Mme Nathalie Goulet . - Le Qatar a fait de la France un paradis fiscal : la convention fiscale bilatérale qui nous lie est totalement exorbitante du droit commun, à tel point que les Émirats arabes unis et le Koweit en ont pris ombrage. Quelles dispositions fiscales régissent les investissements du Qatar au Royaume-Uni ?
M. Marc Roche . - On ne pose pas de question : le Qatar achète ce qu'il veut, sans être interrogé sur l'origine des fonds.
Mme Nathalie Goulet . - Nous n'en posons pas non plus...
M. Marc Roche . - Les capitaux du Golfe sont accueillis à bras ouverts, sans aucune transparence fiscale.
Mme Nathalie Goulet . - Quelles sont les dispositions fiscales pour les plus-values ou bénéfices réalisés sur le territoire britannique ? Le Qatar crée-t-il des sociétés de droit britannique, ou de droit mixte ? En France il crée des sociétés de droit français qui sont exonérées d'impôts.
M. Marc Roche . - Je ne connais pas les détails, mais je suppose que des avocats, des comptables ou des conseillers financiers de la City peuvent créer un special purpose vehicle (SPV) dans un paradis fiscal, généralement aux îles Caïmans, pour échapper à l'impôt britannique. A mon avis, ils utilisent plutôt ce procédé.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - La Banque d'Angleterre est-elle physiquement localisée au coeur de la City ?
M. Marc Roche . - Oui.
M. Éric Bocquet, rapporteur . - Quel est son rôle ? Quels sont ses liens avec la City ? Les propos ambivalents de M. Cameron que vous avez évoqués ne sont-ils pas l'illustration du fait que l'optimisation fiscale peut être encouragée par les États eux-mêmes ? Au nom de l'attractivité des territoires, on crée des niches fiscales, comme le crédit d'impôt recherche en France, qui nous coûtera cher... En ces temps difficiles, chaque pays cherche à être concurrentiel. Les déclarations finales du G8, pleines de bonnes intentions, sont loin de la réalité. N'y a-t-il pas là une sorte de schizophrénie ?
M. Marc Roche . - La Banque d'Angleterre fixe les taux d'intérêt : un comité composé de directeurs de la banque et de personnalités extérieures se réunit à cet effet une fois par mois. La Financial Service Authority ayant été démantelée, elle est aussi responsable, depuis janvier, de la régulation bancaire et de la protection du consommateur. Elle vit en symbiose avec la City. Le nouveau gouverneur, M. Mark Carney, prend ses fonctions ce vendredi. Canadien, il est le premier étranger à la tête de cette institution. Il sera intéressant de voir ce qu'il fait. Ah ! J'oubliais : il est un ancien banquier de Goldman Sachs ! Il y aura donc un ancien banquier de Goldman Sachs, Mario Draghi, à la tête de la BCE, un autre à la tête de la Banque d'Angleterre... Situation remarquable.
Mme Nathalie Goulet . - La réalité dépasse la fiction.
M. Marc Roche . - Il ne manque plus que d'en avoir un à la tête de la Fed... Pour les Britanniques, l'attractivité de la City compte plus que l'éthique. Le Chancelier de l'Échiquier a réduit de 50 % à 45 % l'impôt sur les gros revenus. Le régime de résident non domicilié, qui n'impose que les sommes rapatriées au Royaume-Uni, remporte toujours le même succès. Et le parti travailliste de MM. Blair et Brown protège aussi la City qui, à mesure de la désindustrialisation du pays, est devenue plus essentielle que jamais à l'économie.
M. François Pillet, président . - Merci pour cet éclairage.