SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE
I. LES PRÉFECTURES : UN REPOSITIONNEMENT À STABILISER
A l'origine d'un resserrement de l'Etat déconcentré autour du niveau régional, la RéATE s'est traduite par un renforcement de l'autorité du préfet de région . Garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans la circonscription régionale, ce préfet dispose d'un pouvoir d'instruction, d'un pouvoir d'évocation et d'un pouvoir de répartition des crédits de nombreux budgets opérationnels de programme (BOP).
A ses côtés, le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) connaît une montée en puissance certaine depuis quelques années. Son champ d'influence a en effet eu tendance à s'étendre, au point que sa fonction première reposant sur une administration de mission se trouve désormais concurrencée par l'affirmation progressive d'un rôle d'administration de moyens.
Dans ce contexte, la place du préfet de département est sujette à question, si ce n'est à redéfinition. Avec encore plus d'acuité, il en est de même pour le devenir des sous-préfets et des sous-préfectures . Afin de répondre à une demande légitime de conseil et d'expertise émanant notamment des collectivités territoriales, le sous-préfet a probablement vocation à demeurer la « porte d'entrée » du réseau de l'administration d'Etat et à intervenir en soutien des initiatives locales.
En provoquant des regroupements de services et de directions, la RéATE a suscité une nouvelle dynamique dans la stratégie immobilière de l'Etat. Les préfectures ont pris leur part dans ce mouvement en commençant à infléchir leur politique immobilière . L'entretien des bâtiments demeure toutefois encore problématique, l'externalisation conduisant à plus ou moins brève échéance à une perte de maîtrise du coût des prestations.
Dans un environnement en mutation, une constante demeure (malheureusement) pour les préfectures : le flot de normes à gérer au quotidien en provenance des administrations centrales. Environ 80 000 pages de circulaires leur sont adressées chaque année, avec pour conséquence une pression continue sur les services mais aussi une certaine forme de dévalorisation de la norme : « trop de normes tue la norme ».
Ces évolutions ont été opérées au cours des dernières années avec en arrière-plan une contrainte forte : la réduction continue des effectifs . Au total, entre 2009 et 2012 et sous l'effet de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 2 582 emplois équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés au sein du programme « Administration territoriale » qui porte les effectifs de l'administration préfectorale. En 2013, les personnels baisseront à nouveau de 450 ETP , soit un niveau moindre que celui anciennement fixé par la RGPP mais encore conséquent.
Les activités de guichet ainsi que le contrôle de légalité sont directement concernés par ces réductions d'emplois, avec le péril d'une dégradation tant de la qualité du service public que des conditions de travail. Dans ce contexte, le besoin d'améliorer la gestion des ressources humaines se fait d'autant plus sentir, l'encouragement à la mobilité des personnels devenant en particulier essentiel.
II. LES GRANDS PROJETS : LA MODERNISATION EN COURS DE L'ADMINISTRATION PRÉFECTORALE
Cheville ouvrière de la mise en oeuvre de la nouvelle génération de titres d'identité sécurisés (passeport biométrique, nouveau système d'immatriculation des véhicules...), l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) exerce une activité en lien direct avec la modernisation des préfectures. Elle s'appuie pour 2013 sur un budget prévisionnel de 205,1 millions d'euros, alimenté par des taxes affectées.
Plusieurs projets ont été menés à bien ou sont en passe de l'être. Après des débuts difficiles, le passeport biométrique et le système d'immatriculation des véhicules (SIV) ont désormais atteint leur régime de croisière. Tel n'est pas le cas en revanche du projet « FAETON » visant à introduire un nouveau permis de conduire . Initialement prévue pour le 19 janvier 2013, son entrée en application a été repoussée au 16 septembre 2013 pour des raisons techniques. Le système transitoire mis en place n'est toutefois pas allé sans poser de sérieuses difficultés aux services des préfectures. Enfin, techniquement prête, la carte nationale d'identité électronique (CNIe) reste en l'attente de décisions.
La sécurisation accrue des titres d'identité a finalement eu une double conséquence : le recul de la falsification et de la contrefaçon des documents, mais aussi le déplacement des tentatives de fraude en amont du processus de délivrance . C'est désormais la faculté de se procurer des documents d'état civil qu'il convient d'encadrer et de sécuriser au mieux.
Du point de vue de la fraude, le SIV constitue un cas particulier avec deux séries de difficultés rencontrées : les verbalisations indues et l'usurpation du numéro d'immatriculation . Ces failles du dispositif appellent un perfectionnement et un renforcement en cours du processus de sécurisation.
I. LES PRÉFECTURES : UN REPOSITIONNEMENT À STABILISER
La RéATE a profondément redessiné les contours de la carte administrative déconcentrée en opérant des fusions et en redéfinissant les rôles des uns et des autres. Les préfectures ne sont pas restées en marge de ce processus. Elles y ont, bien au contraire, pleinement participé. Ainsi, une nouvelle articulation se fait jour entre le niveau régional et départemental . Dans le même temps, le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) s'impose aux côtés du préfet comme un interlocuteur essentiel, symbole de la prééminence croissante de l'échelon régional.
Face à une inflation normative non maîtrisée et plus encore dans un contexte de réduction des moyens humains, une demande de plus en plus pressante des personnels en préfecture et en sous-préfecture (toutes catégories confondues) émerge désormais : qu'attend-on dorénavant de l'administration préfectorale ? Quelles seront ses missions demain ? Et avec quels moyens ? C'est au final une quête de sens qui irrigue l'ensemble de cette administration en proie aujourd'hui à une inquiétude, pour ne pas dire à une angoisse, sur son avenir.
A. LA PLACE DU PRÉFET À L'ÈRE DE LA RÉATE
La RéATE s'est accompagnée d'un mouvement général de resserrement de l'administration déconcentrée au niveau régional . Un tel mouvement n'est pas sans incidence sur la répartition des rôles et des compétences entre le préfet de région, celui de département et le sous-préfet.
1. Le resserrement de l'Etat déconcentré autour du niveau régional
Entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2010 , la RéATE a suscité une profonde évolution des relations et des méthodes de travail entre l'Etat, les collectivités territoriales et les administrés.
Elle s'est traduite par une régionalisation de la plupart des services déconcentrés de l'Etat, le niveau départemental étant celui d'une organisation administrative plus légère . Le nombre de directions a été réduit par le regroupement de services.
Ainsi, au niveau régional, l'organisation des services de l'Etat a été recomposée autour de huit grandes entités administratives intégrées (contre vingt auparavant). Dans chaque région métropolitaine (à l'exception de la région Ile-de-France qui présente une organisation spécifique), les nouvelles directions régionales déconcentrées sont les suivantes :
- la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ( DIRECCTE ) ;
- la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ( DRAAF ) ;
- la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ( DREAL ) ;
- une direction régionale des affaires culturelles ( DRAC ) ;
- la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ( DRJSCS ) ;
- la direction régionale des finances publiques ( DRFiP ) ;
- les services du Rectorat ;
- l'agence régionale de santé ( ARS ).
Le tableau suivant présente un récapitulatif des directions avant et après la RéATE.
Les services déconcentrés régionaux avant et après la RéATE
Avant la RéATE |
Après la RéATE |
Direction Générale de la Comptabilité Publique (DGCP) |
Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) |
Direction Générale des Impôts (DGI) |
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Direction régionale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) |
Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) |
Directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) |
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Mission "concurrence" de la Direction régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DRCCRF) |
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Division développement industriel des DRIRE |
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Services de métrologie des DRIRE |
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Direction Régionale du Commerce Extérieur (DRCE) |
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Délégation Régionale du Tourisme (DRT) |
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Service du Délégué Régional au Commerce et à l'Artisanat (DRCA) |
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Chargé de Mission Régional à l'Intelligence Economique (CRIE) |
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Direction Régionale de l'Equipement (DRE) |
Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) |
Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) |
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Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) |
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Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt (DRAF) |
Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) |
Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) |
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Direction Régionales des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS) |
Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS) |
Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports (DRJS) |
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Direction Régionale de l'Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l'Egalité des Chances (ACSé) |
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Agences Régionales de l'Hospitalisation (ARH) |
Agences Régionales de Santé (ARS) |
Rectorat |
Source : commission des finances |
La nouvelle administration départementale de l'Etat s'organise, pour sa part, autour d'un schéma plus resserré.
Outre les services de la préfecture et des sous-préfectures, tous les départements sont dotés de directions départementales interministérielles (DDI) , au nombre de deux ou trois selon l'importance démographique des départements. A vocation interministérielle, ces directions sont placées sous l'autorité du préfet de département.
La direction départementale des territoires (DDT) est commune à l'ensemble des départements. Elle regroupe, en reprenant leurs missions en matière de politiques d'aménagement et de développement durables des territoires, les anciennes directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF), de l'équipement (DDE) et les services « environnement » de la préfecture. Dans les départements littoraux (soit 22 départements), la DDT englobe également l'ancienne direction des affaires maritimes dont elle reprend les missions : la DDT prend alors le nom de direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).
La direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations ( DDCSPP ) reprend les compétences des anciennes directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS), des affaires sanitaires et sociales (DDASS) en matière d'affaires sociales, des unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (UDCCRF) et des services vétérinaires.
Dans les départements dont la population est supérieure à 400 000 habitants (soit 42 départements) ou dont les circonstances locales en matière de cohésion sociale et de politique de la ville le justifient, les missions de la DDCSPP sont confiées à deux structures :
- une direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) , dont la mission est d'affirmer le rôle d'animateur de l'Etat dans les domaines de la cohésion sociale, de la jeunesse, des sports, de la vie associative et de l'éducation populaire. Elle rassemble les personnels de l'ancienne DDJS, une partie de ceux des DDASS et les personnels des préfectures intervenant en matière d'accès au logement, de politique de la ville ou de droits des Femmes ;
- une direction départementale de la protection de la population (DDPP) , qui rassemble les compétences techniques, scientifiques, juridiques et économiques dont dispose l'Etat pour assurer ses fonctions d'information, de prévention et de contrôle dans le domaine de la protection des populations. Elle est issue du rapprochement des personnels de la direction départementale des services vétérinaires et ceux en charge de la répression des fraudes.
Les unités territoriales (UT) Aux deux (ou trois) DDI s'ajoutent trois unités territoriales (UT) de directions interministérielles régionales. Elles remplacent certaines anciennes structures départementales : - l' UT de la DIRECCTE , composée essentiellement de l'ancienne direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) ; - l' UT de la DRAC , qui succède au service départemental de l'architecture et du patrimoine (SDAP) ; - l' UT de la DREAL , composée de l'ex-subdivision de la direction régionale de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Leur existence permet aux ministères concernés de conserver un réseau départemental qui leur soit propre et de maintenir plus d'autonomie vis-à-vis du préfet de département. Elles dérogent ainsi à la règle générale d'intégration des services départementaux au sein des nouvelles directions départementales intégrées que sont les DDI. Ces structures se superposent, dans les départements chefs-lieux de région, aux directions régionales dont elles dépendent. |
Enfin, chaque département comprend une délégation départementale de l'ARS, une inspection d'académie, une direction départementale des finances publiques (DDFiP) et les services chargés de la sécurité intérieure (police, gendarmerie).
2. Le renforcement de l'autorité du préfet de région
La RéATE peut ainsi se résumer en quelques grands principes :
- une recherche de clarification des rôles entre le niveau régional et départemental ;
- la mission confiée à l'échelon régional de définir les modalités d'application des directives nationales dans la région et de répartir les moyens alloués par les ministères ;
- l'identification de la région comme le niveau de pilotage des politiques publiques ;
- l'attribution à la circonscription départementale de la mission de contact avec les usagers et de mise en oeuvre des politiques publiques de proximité .
Le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 , modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, a tiré les conséquences de cette nouvelle organisation concernant l'architecture préfectorale.
Déjà conforté en 2004, le rôle du préfet de région dans la conduite des politiques publiques a été renforcé par l'autorité qui lui est désormais reconnue sur les préfets de département 3 ( * ) .
Le préfet de région dans le nouveau schéma préfectoral mis en place par le décret du 16 février 2010 Le nouveau schéma préfectoral mis en place par le décret précité du 16 février 2010 vise d'abord à assurer la cohérence de l'action de l'Etat dans la circonscription régionale. Le préfet de région , garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans la région, est responsable de l'exécution des politiques nationales et communautaires, sous réserve des compétences de l'ARS et du Rectorat. A ce titre, il a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques par le biais d' un pouvoir d'instruction . Il dispose par ailleurs d' un pouvoir d'évocation , pour une durée limitée, de tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale : dès lors, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département. Cette faculté ne peut pas être déléguée. Dans une instruction du 13 décembre 2010 du Premier ministre, il est précisé que « l'autorité reconnue au préfet de région ne remet pas en cause la responsabilité première des préfets de département devant les ministres. A cet égard, les recours hiérarchiques contre les décisions des préfets de département continueront à être portés directement devant les ministres compétents . ». Le préfet de région n'est donc pas une « instance d'appel » des décisions du préfet de département. Du point de vue budgétaire , le préfet de région arrête la répartition des crédits des budgets opérationnels de programme (BOP). Ce pouvoir lui confère ainsi la capacité d'adapter les moyens mis à sa disposition aux enjeux territoriaux. |
Cette régionalisation du cadre d'action de l'Etat territorial se situe dans la logique de la décentralisation. Ainsi par exemple, Yvon Ollivier, préfet honoraire, qui fut responsable en 2007 et 2008 d'un groupe d'audit au ministère de l'intérieur dans le cadre de la RGPP, considère la région comme « le niveau pertinent de l'administration territoriale de l'Etat (...) car c'est celui notamment de la problématique de l'aménagement du territoire » 4 ( * ) .
3. Le devenir du préfet de département
Dans le nouveau schéma préfectoral mis en place par le décret précité du 16 février 2010, le préfet de département est confirmé dans sa responsabilité de mise en oeuvre des politiques publiques auprès des citoyens.
Le champ de compétences du préfet de département Le préfet de département est chargé de la mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires dans le cadre fixé par le préfet de région tout en conservant ses missions propres. Dépositaire de l'autorité de l'Etat dans le département, il a seul la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité des populations étendue au champ de la sécurité nationale, du contrôle de légalité et de la police des étrangers . Ces missions régaliennes ne peuvent pas être l'objet du pouvoir d'évocation du préfet de région, non plus que les matières relevant de la compétence légale du préfet de département. Désormais, le préfet de département a autorité sur le commandant du groupement de gendarmerie départementale dans le domaine relevant de ses compétences (ordre public et police administrative). Cet élargissement s'inscrit dans le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Par ailleurs, le préfet dispose des moyens de l'ARS dans l'exercice de ses compétences sanitaire, de salubrité et d'hygiène publiques . En cas d'événement sanitaire pouvant constituer un trouble à l'ordre public, les services de l'agence sont placés pour emploi sous son autorité. |
Certes, le mode de gouvernance retenu au niveau régional peut parfois renforcer le rôle opérationnel du préfet de département . Ainsi, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont été constitués certains « pôles experts régionaux » confiés 5 ( * ) :
- au préfet des Hautes-Alpes s'agissant de l'aménagement et du développement rural ;
- au préfet des Alpes de Haute-Provence sur l'énergie photovoltaïque ;
- au préfet du Var pour la gestion des déchets inertes et du bâtiment travaux publics (BTP) ;
- au préfet de Vaucluse sur l'exploitation du gaz de schiste ainsi que sur les questions de sûreté nucléaire ;
- au préfet des Alpes-Maritimes concernant les questions relatives au loup.
Pour autant, au cours de sa mission de contrôle, votre rapporteure spéciale a pu constater les interrogations suscitées par ce nouveau schéma d'organisation auprès des préfets de département et de leurs équipes . Il ressort de ces échanges un doute, presque un désarroi, sur le devenir des préfectures de département et de leurs missions. Ce sentiment doit être mis en relation, d'une part, avec l'impression de n'être plus qu'une simple courroie de transmission sans prise véritable sur le cours des choses, et, d'autre part, avec une inquiétude relative au manque de moyens pour assumer les missions restantes. Votre rapporteure spéciale reviendra infra sur ce dernier point.
Face à ces interrogations, votre rapporteure spéciale rappelle que le département demeure un échelon de proximité essentiel et que le préfet de département doit rester un interlocuteur indispensable pour les élus locaux ainsi que les acteurs du tissu économique et social de nos territoires (les chefs d'entreprises, les responsables associatifs...) .
4. L'avenir des sous-préfectures en question
Avec le nouveau schéma préfectoral, le sous-préfet a également vu son rôle sensiblement redéfini .
Les missions du sous-préfet Délégué du préfet dans l'arrondissement , le sous-préfet veille au respect des lois et des règlements. Il concourt en outre au maintien de l'ordre public et de la sécurité des populations. Il anime et coordonne l'action des services de l'Etat dans l'arrondissement, tout en participant à l'exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités territoriales . Le préfet de région peut, avec l'accord du préfet du département, lui confier des missions particulières , temporaires ou permanentes, d'intérêt régional. |
La compétence du sous-préfet n'a pas été bouleversée par le décret précité du 16 février 2010 qui a tiré les conséquences du pouvoir hiérarchique du préfet de région sur le préfet de département. Mais votre rapporteure spéciale souligne toutefois que la centralisation du contrôle de légalité en préfecture ( Cf. infra ) a altéré le rôle du sous-préfet . Celui-ci est devenu une simple courroie de transmission des actes prioritaires, avec un rôle plus ou moins bien défini de conseil aux collectivités locales.
Dans ces conditions, deux questions se posent . L'une porte sur le devenir de la fonction de sous-préfet sur le territoire. L'autre concerne une éventuelle redéfinition de la carte des sous-préfectures, avec le débat récurrent sur d'éventuelles suppressions 6 ( * ) . Ces deux interrogations sont d'ailleurs en partie liées. Elles constituent un motif de préoccupation fort dans les départements, aussi bien parmi les agents de l'Etat (au premier rang desquels les préfets et les sous-préfets, bien évidemment) que chez les élus locaux (notamment en zone rurale).
S'agissant du premier volet de ce questionnement, la directive nationale d'orientation des préfectures (DNO) 2010-2015 préconisait la transformation des sous-préfectures en administrations de mission tournées vers le développement des territoires : « « assemblier » des politiques publiques à l'échelle de l'arrondissement, garant de leur cohérence et animateur de la transversalité de l'Etat sur le territoire (...) le sous-préfet aura ainsi à développer ses interventions en matière d' ingénierie territoriale ».
Votre rapporteure spéciale souligne le rôle important du sous-préfet en tant que « tête de réseau » de l'Etat . Au cours de sa mission de contrôle, l'image du sous-préfet comme « porte d'entrée » des services de l'Etat est systématiquement ressortie. Cette fonction est d'autant plus essentielle que nombre d'élus locaux (notamment dans les petites communes, faiblement dotées en moyens humains) ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour conduire seuls certains projets. Ils se tournent alors assez naturellement vers le sous-préfet pour faire avancer les initiatives locales. Dans cette perspective, on passe progressivement d'une administration de guichet à une administration de projet. Le sous-préfet devient ainsi un « développeur ».
Recommandation n° 1 : préserver le sous-préfet comme « porte d'entrée » du réseau des services de l'Etat. |
Ouvrant de nouvelles perspectives au sous-préfet, le développement de cet axe de travail trouve toutefois sa limite les moyens humains sur lesquels peuvent s'appuyer les sous-préfectures . Votre rapporteure spéciale reviendra infra plus en détail sur l'évolution des effectifs au sein du programme « Administration territoriale », mais elle souligne d'ores et déjà le manque de fonctionnaires de catégorie A dans les sous-préfectures. De ce fait, le sous-préfet est « freiné » par la rareté des cadres parmi ses collaborateurs.
Recommandation n° 2 : afin de satisfaire la recommandation n° 1, doter les sous-préfectures en cadres qui seront la « ressource » pour accompagner les projets locaux. |
Concernant le second volet du questionnement (les suppressions éventuelles de sous-préfectures), votre rapporteure spéciale considère que ce débat mérite d'être éclairé par les travaux actuellement menés . Le 1 er octobre 2012, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, a annoncé la création d'une mission de réflexion sur l'implantation des sous-préfectures. Cette mission avait été confiée à Michel Sappin, chef de l'inspection générale de l'administration (IGA), Jean-Marc Rebière, président du Conseil supérieur de l'administration territoriale de l'Etat (CSATE) et Emmanuel Berthier, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar). S'agissant des sous-préfectures, Manuel Valls avait en outre indiqué que « dans un environnement en évolution, leur rôle, leurs missions, leurs effectifs doivent être redéfinis, en prenant en compte la diversité des situations ainsi que les caractéristiques des territoires urbains, ruraux, montagnards, littoraux, frontaliers » 7 ( * ) .
Ce travail de réflexion sur l'évolution du réseau territorial des sous-préfectures devait initialement aboutir au mois de mars 2013, mais il a été prolongé. En effet, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, a souhaité confier une mission prospective à Jean-Marc Rebière et Jean-Pierre Weiss, directeur de l'établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP), sur l'évolution de l'administration territoriale de l'Etat. Cette mission avait vocation à identifier plusieurs scénarios d'organisation fonctionnelle de l'administration territoriale à un horizon de cinq ans.
En juillet 2013, le rapport de Jean-Marc Rebière et Jean-Pierre Weiss, « La stratégie d'organisation à 5 ans de l'administration territoriale de l'Etat » 8 ( * ) , a fourni une grille de lecture de la conduite de l'adaptation des réseaux infra départementaux des services de l'Etat . Il a recensé quarante sous-préfectures (sur un réseau composé de deux cents quarante au total) ayant actuellement moins de dix agents.
Différents scénarios peuvent être étudiés. Ils vont de l'extension du périmètre de certaines sous-préfectures (avec à leur tête un sous-préfet spécialisé sur quelques missions prioritaires) à la suppression de certains postes de sous-préfets (les sous-préfectures étant alors remplacées par de simples antennes de la préfecture) en passant par la création de « maisons de l'Etat » ou de « cités administratives » notamment en zone rurale (afin de maintenir les sous-préfets en regroupant leurs services avec d'autres directions ministérielles).
Recommandation n° 3 : ne redimensionner la carte des sous-préfectures qu'à la condition nécessaire de tenir compte des temps d'éloignement des usagers par rapport aux services de l'Etat, afin de ne pas désertifier certains territoires (ruraux, montagnards...). |
Au final et d'un point de vue strictement budgétaire, quelles peuvent être les économies brutes attendues de la suppression de certaines sous-préfectures ? Un chiffrage précis est certes, à ce stade, quasi impossible. En revanche, les variables de dépenses peuvent être identifiées. Les charges de personnel ne seraient, au moins à moyen terme, guère impactées, puisqu'il conviendrait d'affecter les agents actuellement en sous-préfectures à d'autres missions. Nombre de sous-préfectures étant situées dans des locaux mis à disposition par des collectivités territoriales 9 ( * ) , la libération de ces immeubles ne laisse guère non plus espérer de substantiels produits de cession. Les gains réalisés porteraient en fait davantage sur les frais d'entretien actuellement à la charge de l'Etat.
* 3 Ainsi que l'a mis en évidence la mission commune d'information du Sénat sur la RGPP et les services publics locaux, ce renforcement constitue « l'aboutissement des réformes conduites au cours des vingt dernières années ». Pour davantage de développements, votre rapporteure spéciale renvoie au rapport d'information n° 666 (2010-2011) - Tome I, « La RGPP : un défi pour les collectivités territoriales et les territoires » de Dominique de Legge.
* 4 Cf . rapport d'information précité de Dominique de Legge.
* 5 Cf . rapport d'information précité de Dominique de Legge.
* 6 Le réseau des préfectures a peu évolué depuis la réforme conduite en 1926 par Raymond Poincaré.
* 7 Communiqué de presse du ministère de l'intérieur, 1 er octobre 2012.
* 8 Rapport au Premier ministre.
* 9 Dans un référé en date du 5 novembre 2010 sur la gestion du parc immobilier des préfectures et des sous-préfectures ( Cf. infra ), la Cour des comptes estimait que 71 % des surfaces des locaux préfectoraux relevaient du régime de mise à disposition.