N° 785

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative à la biologie médicale ,

Par M. Jacky LE MENN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 30 mai 2013 1 ( * ) , issue d'une initiative sénatoriale, poursuit deux objectifs : garantir la qualité des examens de biologie médicale et limiter la financiarisation du secteur. Le rapport de la Cour des comptes permet de définir les conditions de mise en oeuvre de ces deux objectifs.

Ainsi que le rappelle le rapport de la Cour, 60 à 70 % des diagnostics à l'hôpital et en médecine de ville dépendent des analyses de biologie médicale. Cette proportion devrait se maintenir sinon augmenter en raison des innovations techniques constantes au sein de cette discipline. Elles constitueront la base de la médecine individualisée dont nous connaissons déjà, en cancérologie, les premières applications. Dans ces conditions, le choix de la médicalisation de la biologie médicale s'imposait comme un moyen de garantir que les actes de biologie ne soient jamais considérés comme une simple prestation de service mais bien comme une part intégrante de la prise en charge médicale. L'ordonnance de 2010 2 ( * ) portant réforme de la biologie médicale, confortée par la loi du 30 mai, a fait le choix ambitieux de faire reposer la médicalisation sur l'accréditation obligatoire d'ici 2020 des laboratoires pour l'ensemble des examens qu'ils pratiquent.

Ce choix, dont la Cour des comptes montre qu'il est une spécificité française, entend imposer le plus haut niveau d'exigence pour assurer à tous les patients une prestation du plus haut niveau de qualité sur l'ensemble du territoire. L'accréditation est le moyen par lequel sera scellé le pacte de confiance entre patients et biologistes médicaux mais aussi entre les biologistes eux-mêmes et l'ensemble du corps médical. Notre système de soins ne peut plus se satisfaire des écarts de niveau entre laboratoires. Celui-ci est liés au retard de certains à s'engager dans les démarches de qualité, en raison notamment de leur coût, spécialement pour les petites structures.

Incontestablement l'engagement dans la démarche qualité au travers de l'accréditation, mais déjà avant elle du contrôle national de qualité, contribue, en l'état actuel des techniques, au regroupement des laboratoires. Ceux-ci ne semblent pas s'opérer pour le moment au détriment du nombre de sites de prélèvement, c'est-à-dire de la proximité avec les populations. Néanmoins, le fait, relevé par la Cour, qu'un laboratoire puisse compter aujourd'hui soixante-six sites de prélèvement doit conduire à une vigilance accrue sur la création de monopoles sur les territoires de santé.

C'est l'un des apports majeurs du rapport de la Cour de montrer la faiblesse du pilotage actuel de la biologie médicale et la nécessité de le renforcer dans la période cruciale de transition qui doit aboutir à l'accréditation complète des laboratoires. Le manque de données et de vision de moyen terme, ainsi que l'absence de coordination effective entre les administrations de tutelle, auxquels s'ajoute le manque de moyens des agences régionales de santé ne permettent pas de garantir le succès de la réforme voulue par le législateur, le Gouvernement et, surtout, par les professionnels eux-mêmes. Sans vision stratégique d'ensemble de la place de la biologie médicale dans le système de soins et sans instrument de régulation de l'offre permettant la couverture effective des besoins de l'ensemble des territoires, le risque de créer des situations de rente au détriment des patients n'est pas négligeable.

La mise en place d'un comité de pilotage réunissant l'ensemble des acteurs publics (administrations centrales et déconcentrées, Cnam, Cofrac) et présidé par le directeur général de la santé apparaît donc comme une nécessité, et le Sénat souhaite que celui-ci puisse se mettre en place dans les meilleurs délais.

L'autre point essentiel pour la réussite et la pérennisation de la réforme est l'adaptation du comité français d'accréditation (Cofrac) aux besoins de la biologie médicale. Unique organisme chargé de l'accréditation, conformément au droit européen, le Cofrac s'est doté d'une section en charge de la santé humaine dont le Sénat, conformément à l'analyse de la Cour, souhaite qu'il soit renforcé. La Cour relève la nécessité de tripler les effectifs de l'association pour faire face au calendrier de l'accréditation tel qu'il figure dans la loi du 30 mai. Or le recrutement de biologistes médicaux susceptibles de conduire les inspections nécessaires s'avère difficile. Ici encore, il convient que les mesures nécessaires soient prises sans délai.

Le Cofrac doit être accompagné dans son action par un pilotage précis, conduit par le comité dont le Sénat souhaite la mise en place. Il faut en effet inciter voire accompagner les laboratoires pour qu'ils s'inscrivent le plus en amont possible des échéances fixées par le législateur. Ceci afin d'éviter un encombrement des dossiers qui rendrait plus difficile encore le travail d'accréditation. Tout report des dates d'accréditation et plus encore toute dérogation accordée seraient profondément contraires aux intentions du législateur.

Votre rapporteur a toujours été particulièrement attaché à la mise en oeuvre de la réforme de la biologie médicale tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Il a pu noter la forte mobilisation des équipes des hôpitaux publics. La Cour des comptes note cependant la grande hétérogénéité de la situation des laboratoires publics et le manque de visibilité sur le coût lié à la biologie médicale au sein des hôpitaux. Ces éléments expliquent le retard d'organisation de la biologie médicale hospitalière relevé par la Cour des comptes. La commission des affaires sociales partage le constat et les préconisations de la Cour en matière de réforme de la tarification hospitalière de la biologie médicale, qui rejoignent celles formulées par la Mecss dans son rapport de 2012 « Refonder la tarification hospitalière au service du patient ».

Un aspect non directement lié à la réforme mais qui constitue une part importante et particulièrement utile du travail de la Cour est la question du coût de la biologie médicale pour l'assurance maladie. Sans rentrer dans le détail de préconisations déjà commentées par la presse mais qui devront être discutées lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales note le constat de carence dressé par la Cour à l'égard de l'assurance maladie.

Sur un total de sept milliards d'euros de remboursement, des économies structurelles doivent pouvoir être dégagées au-delà des simples ajustements conjoncturels. La forte rentabilité des laboratoires de biologie médicale augmente leur prix de vente et fonde l'intérêt que leur portent les investisseurs financiers au détriment des jeunes biologistes qui souhaitent exercer une activité libérale. Une gestion concertée des tarifs entre les professionnels et l'assurance maladie est donc de nature à limiter le risque de financiarisation de ce secteur essentiel pour la médecine et pour son avenir.


* 1 Loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale.

* 2 Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.

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