N° 372

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 février 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les collectivités territoriales et le développement économique : vers une nouvelle étape ,

Par MM. Jean-Luc FICHET et Stéphane MAZARS,

Sénateurs.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Stéphane Mazars, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau et Alain Richard .

INTRODUCTION

À l'aune d'une nouvelle étape de la décentralisation, vos rapporteurs ont souhaité jeter un coup de projecteur sur les interventions des collectivités territoriales et de leurs groupements dans un domaine qui touche au plus près l'ensemble des Français : le développement économique.

Les collectivités y jouent désormais un rôle majeur. Leur connaissance et leur proximité des acteurs du terrain assurent une réactivité et une plus-value certaines à leurs interventions.

Ce foisonnement d'initiatives n'est toutefois pas sans soulever quelques interrogations, liées à la multiplication du nombre d'acteurs, et qu'avait déjà relevées notre collègue Patricia Schillinger au sujet des politiques de l'emploi 1 ( * ) . Comment les entreprises peuvent-elles s'y retrouver entre les mesures prises par les différentes catégories de collectivités, les services de l'Etat, les chambres consulaires, les organisations professionnelles... ? Il a dès lors semblé nécessaire de faire le point au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la manière dont les interventions des uns et des autres peuvent être davantage coordonnées entre elles.

Toutefois, et en guise de préambule, vos rapporteurs sont attachés à souligner l'influence des politiques d'aménagement du territoire sur le développement économique : sans infrastructures de transports et de communication adéquates, par exemple, il est difficile, voire impossible d'attirer nombre d'activités économiques sur le territoire. Partant de ce constat, vos rapporteurs ont souhaité dresser un rapide bilan des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Une nouvelle impulsion doit être donnée à ces derniers afin de promouvoir un aménagement équilibré et durable des espaces régionaux.

La question de la répartition des rôles entre les différents acteurs dans le domaine spécifique du développement économique est abordée dans un second temps. Dans ce cadre, vos rapporteurs ont notamment souhaité revenir sur l'expérience des schémas régionaux de développement économique (SRDE), initiée en 2004 pour une durée de cinq ans et non renouvelée. Ses enseignements peuvent en effet constituer un élément du débat dans la perspective de la nouvelle étape de la décentralisation.

I. ASSURER LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

A. LES SRADDT : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

Le développement économique des territoires dépend d'une multiplicité de facteurs. Le développement de la sphère productive, par exemple, est facilité par la desserte du territoire en matière d'infrastructures de transports et de communication, la présence en son sein d'une main d'oeuvre répondant aux besoins des entreprises, la proximité d'activités relevant du même secteur ou complémentaires...

Le développement économique ne se résume toutefois pas au développement des activités industrielles, comme l'ont souligné les travaux du professeur Laurent Davezies sur la sphère de l'économie résidentielle 2 ( * ) . Le développement économique étant aussi influencé par les revenus des personnes résidant dans l'espace considéré ou à proximité, les facteurs d'attractivité du territoire (qualité de vie, proximité de services publics, activités culturelles, environnement et paysage...) jouent également un rôle important.

Dans ce cadre, les problématiques liées à l'aménagement du territoire revêtent une importance primordiale dès lors que sont abordées les politiques de développement économique. Vos rapporteurs ont ainsi souhaité dresser un rapide bilan des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable des territoires (SRADDT) élaborés par les régions, en préambule et de façon complémentaire à leur réflexion sur le développement économique.

1. Un outil destiné à favoriser une approche globale, intégrée et prospective du territoire

Les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable des territoires (SRADDT), anciennement appelés schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire 3 ( * ) , constituent, à l'échelle régionale, le document de référence qui retrace les orientations stratégiques prises en matière d'aménagement du territoire.

Le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT)

Créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, le SRADDT fixe les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.

Il veille à la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'Etat et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional.

Le SRADDT comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional. Il intègre le schéma régional des infrastructures de transports (SRIT).

Il est élaboré et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique, social et environnemental régional (CESER). Les départements, les agglomérations, les pays, les parcs naturels régionaux et les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement, les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme, ainsi que les représentants des activités économiques et sociales, dont les organismes consulaires, sont associés à son élaboration.

Avant son adoption motivée par le conseil régional, le projet de schéma régional, assorti des avis des conseils généraux des départements concernés et de celui du CESER ainsi que des observations formulées par les personnes associées à son élaboration, est mis, pour consultation, à la disposition du public pendant deux mois.

La révision du SRADDT intervient en tant que de besoin, suivant la même procédure que celle de son élaboration.

La loi prévoit qu'une conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire (CRADT), coprésidée par l'Etat et la région, se réunit au moins une fois par an pour examiner les conditions de mise en oeuvre du SRADDT.

Elle prévoit également que les contrats de projets Etat-régions (CPER) contribuent à la mise en oeuvre des orientations du SRADDT.

Source : article 34 et suivants de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dans leur version en vigueur.

Ces schémas sont destinés à favoriser une vision stratégique globale, intégrée et prospective du territoire . En couvrant l'ensemble de l'espace régional, chaque schéma doit permettre de prendre en compte les problématiques auxquelles sont confrontés ses territoires les plus en retrait.

L'approche intégrée permet de sortir d'une logique sectorielle et de tenir compte des interdépendances entre les politiques publiques, afin d'assurer leur cohérence. Enfin, le caractère prospectif des schémas permet une certaine anticipation des évolutions susceptibles d'affecter le territoire.

Récemment, le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté en février 2012 sur le bilan du Grenelle de l'environnement 4 ( * ) a souligné ces potentialités.

2. Une portée relativement limitée

La mise en oeuvre et l'impact de ces schémas ont cependant été variables selon les territoires.

Toutes les régions ne se sont pas dotées d'un SRADDT. Lorsqu'un SRADDT a été adopté, il n'a pas nécessairement fait l'objet d'une révision récente, comme en témoignent les données fournies à vos rapporteurs par la DATAR. Cette dernière ne dispose d'ailleurs d'aucune étude récente à ce sujet.

Une étude réalisée pour la DATAR en octobre 2003 précise que les régions n'ayant pas adopté de SRADT peuvent avoir adopté des documents qui répondent à une logique similaire.

Source : DATAR.

Si l'intérêt des schémas n'est pas remis en cause en tant que tel, leur portée relativement limitée a été regrettée à plusieurs reprises. Comme le soulignait déjà l'étude de la DATAR d'octobre 2003 5 ( * ) , « le SRADT constitue avant tout un cadre de référence, positionné très en amont de l'action régionale. Autrement dit, son « impact opérationnel » passe principalement par sa capacité -au travers des signaux prospectifs ou analytiques qu'il fournit- à « interpeller » les choix de politiques publiques de l'institution régionale, à aider celle-ci à se « poser les bonnes questions [...] En revanche, sa déclinaison plus directe, dans les différents registres opératoires de l'action régionale est à l'évidence plus discrète. » Il s'agit essentiellement d'un document de prospective et non de programmation .

La loi prévoit que les contrats de projets Etat-régions (CPER) contribuent à la mise en oeuvre des SRADDT. Or, comme l'a relevé notre collègue Georges Labazée dans un rapport récemment présenté devant la délégation 6 ( * ) , les CPER ne permettent pas toujours d'en traduire les orientations de façon concrète, dans la mesure où leur négociation peut être déconnectée des SRADDT. Le fait que ces derniers soient révisés en tant que de besoin, et donc non nécessairement en préalable des négociations relatives aux CPER, peut jouer en ce sens.

De la même façon, le calendrier des SRADDT peut être déconnecté de celui des fonds européens, alors que ces derniers pourraient contribuer à leur mise en oeuvre. Le fait que les fonds européens soient gérés par l'Etat n'a pas non plus facilité leur utilisation dans cet objectif.

Les résultats du questionnaire envoyé aux préfets de région dans le cadre du rapport de M. Jean-Jacques de Peretti sur la clarification des compétences des collectivités territoriales sont éloquents à cet égard 7 ( * ) . Sur l'échantillon des SRADDT adoptés, ce document est toujours en vigueur dans 100% des cas, a été utilisé comme base de négociation du CPER dans 20% des cas et comme base de négociation du programme opérationnel européen dans 20% des cas.

S'agissant des autres politiques déployées par la région et par les autres collectivités situées dans son périmètre, l'impact des SRADDT semble très variable. Il revient en effet aux différents acteurs de s'en saisir et de faire le choix d'y articuler leurs politiques.

Or, le degré d'association des collectivités territoriales et de leurs groupements à la démarche est très variable. Le SRADDT apparaît ainsi tantôt comme un document produit par et essentiellement pour le conseil régional, tantôt comme un document ayant vocation à orienter les interventions d'un ensemble plus large d'acteurs. Dans ce cas, la recherche de consensus peut avoir pour conséquence de limiter les ambitions du schéma en matière d'aménagement du territoire.

Par ailleurs, les objectifs du SRADDT sont rarement déclinés de façon détaillée dans les territoires, ce qui a aussi été évoqué comme un frein à leur mise en oeuvre opérationnelle, notamment par l'étude réalisée pour la DATAR. L'absence d'ancrage ou de traduction précise de certains objectifs dans des espaces identifiés ne favorise pas leur appropriation par les acteurs concernés.

De façon générale, l'appropriation des schémas, par les élus notamment, reste très perfectible. Face à ce constat, des réflexions sont en cours pour donner plus d'ampleur aux SRADDT, afin qu'une véritable politique d'aménagement du territoire puisse être déployée à l'échelle régionale.


* 1 « Les collectivités territoriales et l'emploi : bilan d'un engagement », Rapport d'information n°625 de Patricia Schillinger fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (Sénat 2011-2012).

* 2 La République et ses territoires, Paris, Editions du Seuil, 2008.

* 3 Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) fait encore référence à ce terme, à l'article L. 4251-1. Nombre de régions et d'acteurs ont toutefois opté pour la formulation retenue ici, qui met en exergue l'importance de la dimension durable du développement des territoires.

* 4 « Bilan du Grenelle de l'environnement, Pour un nouvel élan », Pierrette Crosemarie, février 2012.

* 5 « Etat des lieux des SRADT », rapport réalisé par Acadie pour la DATAR, octobre 2003.

* 6 « Pour une relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales : vers une nouvelle génération de contrats », Rapport d'information n° 27 de M. Georges Labazée fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (Sénat 2012-2013).

* 7 « La liberté de s'organiser pour agir », rapport de M. Jean-Jacques de Peretti au Président de la République, juillet 2011. Sur 22 régions concernées, 17 réponses ont été reçues.

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