C. LES COMPORTEMENTS DE SANTÉ DES ÉTUDIANTS
1. L'accès aux soins
La LMDE et l'OVE estiment qu' un tiers des étudiants ont déjà renoncé à des soins . Les raisons du renoncement sont hiérarchisées de la même façon dans les deux enquêtes. L'insuffisance des ressources financières constitue le troisième motif, derrière le manque de temps et la volonté de se soigner soi-même.
Les deux études divergent en revanche quant à l'appréciation du pourcentage d'étudiants ayant renoncé aux soins par manque d'argent : pour l'OVE, les raisons financières expliquent le renoncement dans près de 12 % des cas ; ce pourcentage est de 29 % selon la LMDE.
L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a estimé pour sa part qu'en 2008, 15,4 % des personnes âgées de dix-huit ans et plus avaient renoncé à des soins pour des raisons financières 14 ( * ) .
La santé n'étant bien souvent pas une priorité pour les étudiants, il est possible d'estimer que le budget qui pourrait lui être consacré est d'autant plus facilement sacrifié en cas de difficultés financières . Tout comme pour la souscription à une complémentaire santé, un étudiant peut choisir de ne pas consulter parce qu'il préfère prendre le risque d'une dépense future, peut-être importante mais hypothétique, plutôt que d'une dépense immédiate plus limitée.
Les données globales sur l'accès aux soins doivent être évaluées de façon plus fine , notamment au regard de la part qu'occupe la sécurité sociale de base dans le remboursement. Les renoncements risquent d'être d'autant plus importants pour les soins dentaires ou d'optique ou de gynécologie. Selon la LMDE, seules 53 % des étudiantes ayant eu des rapports sexuels ont déjà effectué un frottis vaginal. Les consultations gynécologiques, en particulier pour la demande de contraceptifs, occupent une place importante dans l'activité de soins des Sumpps. Sans doute les difficultés financières pour accéder à l'offre de soins libérale contribuent-elles à expliquer cette situation.
A ces facteurs s'ajoute la complexité du parcours de soins pour les étudiants . En particulier, le choix du médecin traitant peut être difficile lorsque l'étudiant a quitté le domicile familial mais rentre régulièrement dans sa famille ou qu'il est amené à changer fréquemment de lieu d'études.
Résumé Le niveau des ressources financières joue un rôle indéniable mais diversement apprécié dans la décision des étudiants de se soigner ou non. Il doit être analysé de façon fine au regard de la part qu'occupe la couverture maladie de base dans les différents types de consultations. La complexité du parcours de soins contribue également dans une certaine mesure à expliquer le phénomène de renoncement aux soins. Propositions Aménager les contraintes du parcours de soins à la vie étudiante, par exemple en ce qui concerne la désignation du médecin traitant. Appliquer aux étudiant-e-s les tarifs opposables pour certaines consultations (généraliste ou spécialiste, notamment la gynécologie). |
2. La souscription à une complémentaire santé
Les organisations et mutuelles étudiantes mettent fréquemment en avant le fait qu' un étudiant sur cinq ne serait pas couvert par une complémentaire santé . Plus précisément, la LMDE estime que 69 % des étudiants déclarent avoir souscrit à une complémentaire santé, que 19 % ne l'ont pas fait et que 12 % ne savent pas s'ils sont ou non couverts.
L'OVE estime en revanche que moins de 10 % des étudiants ne disposent pas d'une couverture complémentaire .
Selon les données de l'Irdes, 94 % de la population française dans son ensemble disposait d'une complémentaire santé en 2008 15 ( * ) .
Au-delà de ces divergences d'appréciation, il apparaît clairement que les étudiants sont insuffisamment informés sur la part qu'occupent les couvertures obligatoire et complémentaire dans le remboursement des soins, ainsi que sur les dispositifs d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé.
Ces derniers sont en outre peu adaptés aux spécificités de la population étudiante . En effet, un étudiant ne peut accéder à la CMU-c ou à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) qu'à partir du moment où il n'habite plus chez ses parents, n'est plus rattaché à leur domicile fiscal et ne perçoit pas de pension alimentaire de leur part ouvrant droit à une déduction fiscale.
Plusieurs initiatives ont été développées par des collectivités territoriales pour pallier les lacunes des dispositifs existants. La région Pays-de-la-Loire a ainsi lancé à la rentrée 2011 un « Pass' complémentaire santé » dont le montant peut s'élever jusqu'à 100 euros pour l'acquisition d'une première complémentaire. 3 500 jeunes en ont bénéficié au cours de l'année universitaire 2011-2012.
La mise en place de ces aides ponctuelles pose cependant la question de l'égalité de traitement des bénéficiaires en fonction de leur lieu d'études . La création d'un chèque santé au niveau national pourrait constituer une solution. Cette préconisation du rapport Wauquiez paru en 2006 16 ( * ) est aujourd'hui reprise par un grand nombre d'acteurs, en particulier par les organisations étudiantes.
Une telle mesure apparaît indissociable de l'engagement d'une réflexion sur les caractéristiques des contrats de couverture complémentaire proposés aux étudiants. Les offres doivent s'appuyer sur une appréciation fine des besoins de la population étudiante et sur la définition de taux de remboursement adéquats. De ce point de vue, l'enquête précitée de l'UFC-Que choisir a souligné que les complémentaires développées par les mutuelles étudiantes présentaient une réelle valeur ajoutée en entrée de gamme mais que les taux de couverture pour certains soins spécialisés des contrats censés offrir une couverture moyenne ou élevée étaient moins souvent adaptés.
Résumé Au-delà des enjeux financiers, les lacunes de la couverture maladie complémentaire des étudiants s'expliquent par un manque d'information sur les dispositifs d'aide à l'acquisition de complémentaires santé ainsi que sur les caractéristiques des contrats susceptibles de leur être proposés. Propositions Créer un label des contrats complémentaires santé à destination des étudiants pour qu'ils couvrent, de manière transparente, leurs besoins spécifiques. Améliorer l'information et faciliter l'accès aux dispositifs améliorant la couverture complémentaire (CMU-c et ACS). Evaluer l'intérêt de la mise en place d'un chèque santé au niveau national. |
3. L'évolution des pratiques à risque des étudiants
De façon générale, les étudiants sont moins consommateurs de substances addictives (tabac, drogue, alcool) que l'ensemble des jeunes de leur classe d'âge.
Vos rapporteurs ont cependant été alertés, notamment par les représentants de la conférence des présidents d'université (CPU) et de la conférence des grandes écoles (CGE) sur la montée en puissance des pratiques d'alcoolisation massive et rapide, parfois dénommées « binge drinking » .
Selon les données fournies par la LMDE, 9 % des étudiants déclarent n'avoir jamais consommé d'alcool au cours de leur vie, tandis que 15 % en boivent plusieurs fois par semaine. 8 % des étudiants disent avoir été ivres au cours des douze derniers mois.
Pour 78 % des étudiants, la principale motivation à la consommation d'alcool est festive. 13 % disent boire pour rechercher l'ivresse et 11 % le font pour vivre une expérience avec l'alcool.
La commission des lois du Sénat s'est récemment penchée sur la question des pratiques de « binge drinking » en la reliant à celle du maintien de l'ordre public 17 ( * ) . Plutôt que de recommander le renforcement d'un arsenal juridique répressif déjà étoffé, elle a insisté sur l'importance d'une politique de prévention adaptée. Selon elle, celle-ci devrait être avant tout centrée sur la communication par les pairs , c'est-à-dire par des étudiants, jugée à la fois moins coûteuse et plus efficace que la communication institutionnelle.
L'importance accordée au rôle que peuvent jouer les pairs en matière de prévention rejoint les témoignages qui ont été recueillis par vos rapporteurs au cours de leurs auditions et déplacements ( cf. infra ).
* 14 Irdes, Questions d'économie de la santé n° 170, « Le renoncement aux soins pour raisons financières : une approche économétrique », novembre 2011.
* 15 Irdes, Questions d'économie de la santé n° 161, « La complémentaire santé en France en 2008 : une large diffusion mais des inégalités d'accès », janvier 2011.
* 16 Rapport d'information n° 3494 de Laurent Wauquiez au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur « La santé et la protection sociale des étudiants », décembre 2006.
* 17 Rapport d'information Sénat n° 95 d'André Reichardt et Corinne Bouchoux, fait au nom de la commission des lois, sur les rassemblements festifs et l'ordre public, octobre 2012.