3. Un nouvel élan imputable à la crise des finances publiques que traverse l'UE

La crise économique et financière que connaît l'Union européenne depuis 2008 a mis au jour la nécessité de sécuriser les recettes fiscales des États membres. L'évasion fiscale subie par chaque État membre est devenue un enjeu pour tous, spécialement au sein de la zone euro : ainsi, les rentrées fiscales dans les pays sous assistance financière préoccupent de plus en plus les autres États membres de la zone euro, sollicités pour contribuer au fonds européen de solidarité financière et, bientôt, au Mécanisme européen de stabilité. On peut relever que, le 8 juin 2012, le directeur de la brigade grecque des contrôles fiscaux, M. Nikos Lekkas, a lui-même reconnu 370 ( * ) que l'évasion fiscale en Grèce atteint 12 à 15 % du PIB, soit 40 à 45 milliards d'euros par an et que, « si nous pouvions en récupérer ne serait-ce que la moitié, le problème de la Grèce serait résolu 371 ( * ) ». Le lien entre la stabilisation financière des pays de la zone euro et la lutte contre l'évasion fiscale a également été souligné par le Parlement européen : la député Mme Sylvie Goulard, que votre commission d'enquête a rencontrée, a ainsi enrichi le rapport de M. Jean-Paul Gauzès sur la proposition de règlement relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres en difficulté du point de vue de leur stabilité financière 372 ( * ) , adopté le 13 juin 2012 par le Parlement européen, de deux amendements soulignant que l'évasion fiscale subie par un État sous assistance financière représente un manque à gagner qui peut être égal, voire supérieur, au montant de l'aide financière accordée à cet État . L'un de ces amendements rappelle aussi que la jurisprudence de la CJUE permet de restreindre la libre circulation du capital pour des raisons d'ordre public, parmi lesquelles figure la lutte contre l'évasion fiscale.

a) Le renforcement de la coopération entre administrations fiscales comme réponse à la crise des finances publiques

Conscients qu'une coopération à l'échelle de l'Union est essentielle pour éviter l'érosion fiscale que les seules actions nationales et bilatérales ne pouvaient arrêter, les États membres ont mis l'accent sur la « bonne gouvernance dans le domaine fiscal ». Celle-ci passe d'abord par le renforcement de la coopération administrative. Cette coopération est déjà promue par le programme Fiscalis , instauré en 2003 et destiné à améliorer le fonctionnement des systèmes fiscaux du marché intérieur de l'Union européenne en renforçant la coopération entre les administrations fiscales. Trois types d'initiatives sont soutenues dans le cadre de Fiscalis 2013 : l'échange de bonnes pratiques et la réflexion commune entre États membres sur les différents dossiers fiscaux d'intérêt commun, la conduite de contrôles fiscaux multinationaux et le développement de systèmes automatisés d'échange d'informations. A l'initiative de la France, une structure informelle d'échange d'informations sur la fraude à la TVA dénommée « EUROFISC » a été créée dans le cadre de ce programme : le réseau Eurofisc, désormais actif, permet d'améliorer la coopération entre administrations fiscales nationales lesquelles alimentent un système commun d'alerte sur des sociétés soupçonnées de fraude, pour détecter le plus tôt possible les cas de fraude, notamment les « carrousels TVA » frappant les transactions transfrontières... En outre, les outils législatifs en matière d'assistance au recouvrement des créances fiscales (directive 2010/24 du 16 mars 2010, entrée en vigueur au 1 er janvier 2012 373 ( * ) ), de coopération administrative en matière de TVA (règlement 904/2010 du 7 octobre 2010) et d'accises (règlement 389/2012 du 2 mai 2012) ont été modernisés et renforcés ces deux dernières années .

EUROFISC

Sous la présidence française de l'UE, le principe d'un dispositif baptisé Eurofisc visant à améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA et à renforcer la coopération administrative entre les États membres a été adopté à l'unanimité par le conseil Ecofin du 7 octobre 2008.

Le nouveau règlement de coopération TVA (904/2010) dont le chapitre X est consacré à la base juridique d'Eurofisc a été définitivement adopté le 7 octobre 2010.

La participation des États membres est fondée sur le volontariat. La présidence d'Eurofisc est assurée par la Belgique.

Eurofisc est entré en vigueur le 1 er janvier 2011.

Dans le cadre de ce dispositif, les États membres s'échangent instantanément des informations ciblées sur les opérateurs intracommunautaires frauduleux.

Quatre domaines d'activité couvrant l'ensemble de la fraude transfrontalière à la TVA ont été mis en place :

- la fraude carrousel dans tous les secteurs (secteurs de l'énergie compris) ;

- la fraude aux véhicules et aux moyens de transport (y compris la fraude à la TVA sur les yachts) ;

- la fraude à la procédure 42 (respect des conditions d'exonération de TVA d'une importation suivie d'une livraison intracommunautaire) ;

- les nouvelles fraudes à la TVA.

L'animation de chaque domaine de travail a été confiée à un État membre qui en assure la présidence.

La France préside le domaine sur la fraude carrousel.

Depuis ses débuts, plus de 45 000 informations ont été échangées entre les États membres portant sur 16 000 sociétés pour un montant de transactions de 10 milliards d'euros. 1 751 sociétés ont été mises sous surveillance par les États membres suite à ces échanges d'information.

Source : DGFIP

Une nouvelle directive 374 ( * ) a également été adoptée le 15 février 2011 en matière de coopération administrative dans le domaine fiscal , abrogeant ainsi une directive de 1977 375 ( * ) qui prévoyait l'échange d'informations entre autorités fiscales dans le domaine de la fiscalité directe. L'adoption de cette directive est particulièrement décisive pour la France, qui sollicite beaucoup plus les autres États membres qu'elle n'est elle-même sollicitée par eux. Cette nouvelle directive aligne les normes européennes en matière de transparence et d'échange d'informations sur les normes internationales, selon le modèle de convention OCDE. En outre, les échanges d'informations peuvent porter sur des personnes physiques ou morales, sur des associations de personnes ou sur toute autre construction juridique. Elle instaure un échange automatique et obligatoire d'information, à compter du 1 er janvier 2015, pour cinq catégories de revenus 376 ( * ) , mais sous réserve de la disponibilité de l'information. Cette liste pourrait être étendue aux dividendes, aux plus-values et redevances sur la base d'un rapport à remettre par la Commission avant le 1 er juillet 2017. L'échange d'informations est également encadré par des délais maximaux 377 ( * ) . La directive prévoit aussi d'autres moyens pour assurer la coopération administrative : ainsi, les fonctionnaires habilités par l'autorité requérante peuvent être présents dans les bureaux des autorités administratives de l'État membre auquel les informations sont demandées. Les fonctionnaires habilités peuvent aussi participer aux enquêtes administratives réalisées sur le territoire de l'État membre ayant reçu une demande d'informations. Les autres mécanismes sont les contrôles simultanés, les demandes de notification et l'échange de bonnes pratiques. Enfin, la directive contient une disposition comparable à celle de la « nation la plus favorisée » : si un État membre établit avec un autre État une coopération plus étendue que celle prévue par la directive, il ne peut la refuser aux autres États membres.


* 370 Dans un entretien publié par Die Welt cité par le Bulletin quotidien du 11 juin 2012.

* 371 Selon Le Monde du 19 avril 2012, le gouvernement grec travaille à cette fin à l'élaboration d'un vaste fichier électronique recoupant toutes les transactions des contribuables avec les banques, les caisses d'assurance, les hôpitaux ou les services publics.

* 372 Proposition COM(2011)0819, l'un des deux textes du « two pack » en cours de négociation pour renforcer la gouvernance de la zone euro.

* 373 Cette directive doit en principe permettre d'accélérer le recouvrement forcé des créances fiscales par la mise en place d'un titre exécutoire européen et l'application de mesures conservatoires dans l'Etat membre requis.

* 374 Directive 2011/16/UE.

* 375 Directive 77/799/CEE.

* 376 Revenus professionnels, jetons de présence, produits d'assurance-vie, pensions, propriété et revenus de biens immobiliers.

* 377 Transmission des informations dans le mois suivant leur disponibilité et réponse dans les six mois pour l'échange d'informations sur demande.

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