2. La coopération judiciaire en panne ?

Outre la coopération fiscale utilisée en matière d'échange d'informations, il convient de mentionner également le canal judiciaire. Ces deux voies sont distinctes 461 ( * ) : « L'entraide judiciaire s'appuie sur des conventions ou des traités bilatéraux ou multilatéraux. Elle a pour objet l'échange d'informations, ou plus exactement en matière judiciaire, l'obtention de preuves : par exemple, des documents d'ouverture de compte bancaire, des relevés bancaires, des déclarations de témoins - aller interroger untel dans un pays - faire des saisies et - ce qui est très difficile - des écoutes téléphoniques. Concrètement, cela consiste, pour un juge d'instruction, à faire travailler un collègue étranger, procureur ou juge d'instruction. »

S'agissant de l'entraide judiciaire , celle-ci se heurte à de nombreuses difficultés lorsque les infractions réprimées concernent la fiscalité ainsi que l'a souligné, M. Guillaume Daieff 462 ( * ) : « ...l'entraide judiciaire en matière fiscale n'existe pas  avec les paradis fiscaux ».

Mais des difficultés paraissent exister avec des pays non qualifiés de tels ce qui réclame de la part des services du ministère de la justice en charge de ces affaires, mais sans doute aussi de nos ambassades, une action plus résolue.

a) Les obstacles juridiques

La première cause des difficultés rencontrées dans le cadre de la coopération judiciaire peut tout d'abord résider dans l'absence de convention d'une part ainsi que dans l'exclusion des infractions fiscales de leur champ d'application 463 ( * ) , comme l'a illustré M. Guillaume Daieff devant votre commission : « si j'adresse une demande d'entraide à la Suisse, par exemple, pour obtenir des documents bancaires relatifs à M. X pour les besoins d'une enquête pénale française pour fraude fiscale à l'impôt sur le revenu ou sur les successions, la Suisse ne répondra pas. De la même façon, si j'adresse une demande aux Bahamas, à Singapour, à Panama, au Qatar, à Israël ou aux Channel Islands - Jersey, Guernesey - ou l'Île de Man - ils ne répondront pas.

Jersey représente toutefois une exception au sein des Channel Islands 464 ( * ) . L'application des conventions judiciaires relève du pointillisme, mais Jersey s'est théoriquement engagée à répondre aux demandes d'entraide dans des enquêtes pour fraude fiscale. En revanche, ce n'est pas le cas de Guernesey [...] ».

Les entraves à la coopération peuvent également résider dans la mise en oeuvre des procédures , ainsi qu'en a témoigné M. Renaud Van Ruymbeke 465 ( * ) : « J'ai envoyé il y a six mois une commission rogatoire aux Bahamas. Il a fallu six mois pour qu'elle arrive. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de convention directe. Je ne peux donc pas l'envoyer directement à l'attorney général [...] » .

Je la transmets au procureur de la République, qui l'envoie au procureur général, qui l'envoie au ministre de la justice, qui l'envoie au ministère des affaires étrangères, qui l'envoie à l'ambassade de France, qui l'envoie au ministère des affaires étrangères des îles Caïmans : il faut des mois avant qu'elle n'arrive ! Et le circuit est le même dans l'autre sens ! »


* 461 M. Guillaume Daieff a en effet précisé que : « Les conventions et les traités qui ont été signés récemment avec les Bahamas, par exemple, sont des traités d'entraide fiscale. Moi-même, en tant que juge d'instruction, et mon collègue, en tant que procureur, nous ne pouvons pas demander à ces États, sur la base de ces traités, des informations pour une enquête. Ces traités ne peuvent être mis en oeuvre que par l'administration fiscale française . »

* 462 Cf. audition du 23 mai 2012.

* 463 Cf . audition de M. Daieff du 23 mai 2012 : « Avec certains États, il n'existe pas de convention d'entraide judiciaire et c'est donc au titre de la réciprocité que les États peuvent s'entraider, mais ce n'est qu'une faculté. Si je m'adresse aux Îles Vierges britanniques, avec lesquelles nous n'avons pas de convention d'entraide judiciaire, il se pourrait qu'elles me répondent, mais elles n'ont aucune obligation sur ce point . Pour en revenir à la fraude fiscale, elle est le plus souvent exclue du champ des conventions d'entraide judiciaire. [...] Dans toutes ces conventions, en effet, il y a toujours un article 2 ou un article 3 qui dispose que « sont exclues du champ d'application de cette convention l'entraide militaire et l'entraide fiscale ». »

* 464 M. Guillaume Daieff a en effet rappelé que : « le Royaume-Uni a déclaré que le premier protocole du 17 mars 1978 à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de 1959 serait applicable à Jersey, mais pas à Guernesey, ni à l'Île de Man. Ce premier protocole dispose que les États ne pourront pas refuser d'accorder leur entraide au motif que l'infraction poursuivie relève de la fraude fiscale . »

* 465 Cf . audition du 22 mai 2012.

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