2. De nouveaux outils juridiques pour l'administration fiscale
En deuxième lieu, les outils juridiques de l'administration fiscale ont été renforcés, ses moyens humains étant par ailleurs partiellement épargnés (l'effectif des 4500 vérificateurs en charge de la lutte contre la fraude est resté stable depuis 2007, sur fond de réduction des effectifs de premier rang de la DGFIP). 23 mesures ont été prises depuis 2007, dont de nombreuses « votées à l'unanimité du Parlement », a rappelé Mme Valérie Pécresse, alors ministre déléguée au budget, devant votre commission d'enquête 434 ( * ) .
a) Le renforcement des outils d'information de l'administration fiscale
La capacité d'enquête de la DGFIP a été renforcée pour mieux cibler les contrôles et les rendre plus efficaces.
Ainsi, le droit de visite domiciliaire et de saisie a été rendu opérationnel . La remise en cause de la procédure de visite domiciliaire de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) par la jurisprudence européenne a conduit à adapter le droit pour mieux garantir le droit de recours du contribuable.
La procédure de droit de visite et de saisie de l'article L. 16 B du LPF permet à l'administration fiscale, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, de procéder à des perquisitions dans les locaux des entreprises et au domicile de particuliers, et à réaliser dans ce cadre des saisies. C'est un outil essentiel pour lutter contre les fraudes aux impôts professionnels, en particulier les carrousels de taxe sur la valeur ajoutée et les activités exercées de manière occulte sur le territoire.
Le dispositif est désormais opérationnel et a été utilisé 232 fois en 2010.
En outre, plusieurs droits de communication ont été créés ou ont vu leur champ étendu depuis cinq ans au bénéfice de l'administration fiscale. Six mécanismes ont été créés 435 ( * ) pour obtenir des informations sur les opérations de transferts de fonds réalisées par les clients vers l'étranger portant notamment sur : les banques pour les opérations de transferts de fonds qu'elles réalisent à l'étranger pour le compte de particuliers, d'associations et de sociétés non commerçantes, les opérateurs de la téléphonie et de l'Internet sur leurs clients, le secteur des jeux en ligne et des cercles et casinos, les professionnels vendant des biens d'antiquités, de brocante ou d'occasion...
Un exemple de mobilisation du droit de communication auprès des banques Le bilan présenté par la ministre mentionne une « opération à grande échelle » lancée mi-novembre 2010 mobilisant le doit de communication auprès des banques. Ce programme a été décliné dans plusieurs domaines (cellule de régularisation, liste des 3 000, signature d'accords d'échange de renseignements) et a inclus une recherche auprès des banques présentes sur le territoire national des mouvements financiers à destination de l'étranger réalisés par des résidents français afin de découvrir l'existence de comptes détenus à l'étranger. La réalisation de cette action a été encadrée juridiquement par un décret en Conseil d'État visant à définir les modalités de conservation et de transmission des informations par les banques (décret adopté le 30 août 2010 « rédigé en concertation avec les représentants des banques »). Le ministère souligne que « ce droit de communication, jusque-là peu utilisé, a été mis en oeuvre à grande échelle ». Le droit de communication a visé l'ensemble des banques établies sur le territoire français, soit 450 banques. Il a été ciblé sur les transferts de capitaux d'un montant unitaire supérieur à 15 000 euros, réalisés entre 2006 et 2008, à destination de quinze États et territoires considérés comme non coopératifs. Les banques ont disposé de quatre mois pour répondre. Les données, reçues au cours de l'année 2011, font état de 40 000 virements. 8 000 personnes physiques ont été identifiées pour un montant de transferts d'avoirs de 1,11 milliard d'euros. 20 % de ces contribuables correspondent à des personnes physiques considérées par l'administration fiscale comme des dossiers à forts enjeux. 1 000 personnes morales ont été identifiées. Un outil d'analyse risque spécifique a été développé et des enquêtes sont en cours, notamment sur les dossiers à forts enjeux (417 contribuables ont procédé à des virements supérieurs ou égaux à 500 000 euros). Les résultats de ces enquêtes permettront de réaliser des contrôles, d'effectuer des rectifications sur impôts dus et d'appliquer les pénalités correspondantes. |
Concrètement, le fisc peut désormais connaître tout mouvement de fonds réalisé par tout contribuable avec tout État, numéro de compte à l'appui.
Ces données ont contribué à alimenter le fichier des « évadés fiscaux » EVAFISC . Le fichier EVAFISC a été créé par arrêté du 25 novembre 2009 publié au Journal officiel du 5 décembre 2009, après accord de la CNIL. Il a pour objectif de recenser des informations laissant présumer la détention de comptes bancaires hors de France par des personnes physiques ou morales.
Le fichier recense :
- les données d'identification et de résidence des particuliers et entreprises concernés ;
- l'identification des comptes bancaires ;
- le montant des soldes et virements bancaires lorsqu'ils sont connus.
Les données sont collectées dans le cadre des enquêtes et des opérations de contrôle menées par l'administration fiscale. Elles peuvent également être transmises par des tiers tels que l'autorité judiciaire ou d'autres pays lors de la mise en oeuvre de l'assistance administrative internationale.
La présence d'une personne dans le fichier n'implique pas systématiquement qu'elle est en situation de fraude. Les informations constitutives du fichier ne présentent en effet pas nécessairement de caractère d'irrégularité.
Les données validées sont conservées pendant un délai de dix ans, éventuellement prolongé des délais de recours consécutifs aux procédures contentieuses fiscales et pénales. Les données non validées sont effacées.
Depuis sa mise en service en décembre 2010, de nombreuses données ont d'ores et déjà été reversées dans ce fichier, notamment à partir de la liste des contribuables détenant des comptes bancaires dans la banque HSBC Genève et les informations issues du droit de communication généralisé auprès des banques françaises.
Mis en place il y a à peine plus d'un an, ce fichier comporte plus de 95 000 informations sur des comptes bancaires permettant de présumer la détention de comptes bancaires hors de France par des particuliers ou des entreprises. Notamment, la DGFIP identifie désormais les achats effectués avec des cartes bancaires étrangères , ce qui contribue à l'identification de résidents français qui détiennent des comptes non déclarés. Ce fichier EVAFISC donne à l'administration fiscale une importante capacité de programmation de contrôles fiscaux, d'autant plus que le délai de prescription en matière d'avoirs détenus à l'étranger et non déclarés a été porté de 3 à 10 ans 436 ( * ) , permettant à l'administration fiscale de déployer ses contrôles dans la durée nécessaire pour débusquer les fraudes complexes.
L'opération « cartes bancaires étrangères » L'opération poursuit un double objectif : à partir d'une analyse des transactions réalisées en France au moyen de cartes de crédits étrangères, il s'agit d'identifier : - des particuliers qui utilisent les fonds dont ils disposent dans les paradis fiscaux, non déclarés à l'administration fiscale, pour effectuer des achats en France et, - des professionnels qui occultent tout ou partie de leur activité en France et dissimulent les fonds correspondants sur des comptes détenus dans des pays limitrophes (Belgique, Luxembourg, Suisse, Grande Bretagne, par exemple), comptes non déclarés à l'administration fiscale. La DGFIP a effectué des droits de communication auprès de groupements de cartes bancaires et de terminaux de paiement et des commerçants avec lesquels certaines transactions ont été réalisées. Ces opérations ont permis de connaître l'identité de certains porteurs de cartes bancaires étrangères et de valider si le compte étranger auquel était adossée la carte était déclaré à l'administration fiscale. A ce jour, l'exploitation des données obtenues a permis d'engager 97 contrôles fiscaux, de soumettre au juge 26 propositions de L16B (droit de visite et de saisie) et de transmettre trois dossiers à la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). Sur les 37 premiers contrôles fiscaux achevés, le total des droits et pénalités s'élève à 8,7 millions d'euros. |
Source : DGFIP
Cette pression croissante sur les « évadés fiscaux » s'est accompagnée en parallèle de la mise en place , pour ceux préférant se mettre en conformité avec le droit plutôt que d'être rattrapés par le contrôle, de la possibilité de le faire : une cellule de régularisation a autorisé ces contribuables, d'avril à décembre 2009, à déclarer leurs actifs et mettre fin à leur illégalité sous réserve de payer les impôts et pénalités afférents. Ses opérations ont été poursuivies au-delà.
La cellule de régularisation La DGFIP a mis en place le 20 avril 2009 une « cellule de régularisation ». Ce dispositif s'inscrivait dans le cadre des mesures adoptées par l'administration fiscale en 2009, en matière de lutte contre l'évasion fiscale internationale et plus particulièrement contre les paradis fiscaux. Elle visait les personnes résidentes en France et possédant des actifs ou des revenus hors de France et non déclarés à l'administration fiscale. L'objectif poursuivi était de convaincre ces personnes qu'une régularisation de leur situation était possible à un coût fiscal non prohibitif, mais qu'une régularisation tardive se traduirait in fine par un coût financier, voire par des répercussions pénales croissantes. Ce guichet unique a ainsi accueilli jusqu'au 31 décembre 2009 les contribuables qui détenaient des avoirs à l'étranger, qui ne les avaient pas déclarés et qui souhaitaient régulariser leur situation. La régularisation a porté sur les années pour lesquelles l'action de l'administration n'était pas prescrite. En pratique, et selon sa situation, le contribuable a été redevable : - de l'impôt sur le revenu (IR) et des contributions sociales s'y rapportant au titre des revenus générés par ces avoirs ou des autres revenus perçus depuis 2006 ; - de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) depuis 2003 ; - des droits de succession s'il a hérité des avoirs après le 1er janvier 2003 ; - des droits de mutation à titre gratuit exigibles à la date de révélation à l'administration d'un don manuel. Les droits dus ont été assortis de pénalités, les contribuables ayant sciemment dissimulé les avoirs et les revenus concernés. Mais compte tenu de la démarche spontanée du contribuable, aucune poursuite pénale pour fraude fiscale n'a été engagée, les amendes pour non-déclaration des comptes à l'étranger n'ont pas été appliquées, et le contribuable a bénéficié d'une modulation des pénalités. La modulation des pénalités a été appliquée en distinguant entre : - les fraudeurs « passifs ». Il s'agit des contribuables qui ont hérité d'avoirs à l'étranger et les expatriés qui ont constitué un capital maintenu à l'étranger après leur retour en France ; - les fraudeurs « actifs ». Il s'agit des contribuables qui ont eux-mêmes constitué les avoirs à l'étranger à partir de revenus français dissimulés. 4 700 contribuables sont venus régulariser leur situation à raison d'avoirs s'élevant à 7 milliards d'euros représentant 1,2 milliard d'euros de droits et de pénalités. |
Source : DGFIP
* 434 Cf. audition du 12 avril 2012.
* 435 Articles L.96A, L. 96G, L. 84B, L. 84C, L.85-0 B, L. 96H du livre des procédures fiscales.
* 436 Par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 .En 2008, ce délai avait été porté à 10 ans uniquement pour les ETNC.