2. Les travaux de préparation de la nouvelle Constitution
a) La place éminente des travaux constitutionnels dans l'agenda politique
Elue le 23 octobre 2011, l'Assemblée constituante doit préparer, dans le délai d'un an, une nouvelle Constitution pour remplacer l'actuelle loi fondamentale, promulguée en 1959 et suspendue après la révolution.
L'engagement de conclure les travaux dans le délai d'un an avait été pris par onze partis politiques avant les élections, parmi lesquels ne figurait toutefois pas le Congrès pour la République, partie prenante de la troïka (mais ce délai d'un an a été évoqué par le Président de la République Moncef Marzouki, qui dirige le CPR, lors de son entretien avec les sénateurs de la commission des finances). Soucieux de parvenir à un consensus, le Premier ministre Hamadi Jebali a évoqué, pour sa part, la possibilité de délais plus longs, d'une durée totale de dix-huit mois.
b) Vers l'adoption d'une Constitution pleinement respectueuse des droits et des libertés
A part les salafistes, un consensus semble se dégager pour que la Constitution n'évoque pas la Charia - si tel devait être le cas, la troïka irait au-devant d'une grave crise institutionnelle comme l'a clairement déclaré le Président Moncef Marzouki aux membres de la délégation. L'article premier de l'ancienne Constitution de 1959, qui devrait être repris, consacre déjà l'Islam comme religion de l'Etat et l'arabe comme langue du pays.
Sur la question de la nature du régime, parlementaire ou présidentiel, le modèle français semi-présidentiel d'équilibre des pouvoirs pourrait avoir les faveurs des constituants, afin de garantir des pratiques démocratiques qui ne s'éloigneraient pas des principes que consacrait déjà solennellement la Constitution de 1959. En effet, un régime présidentiel rappellerait trop celui du Président Ben Ali, tandis qu'un régime parlementaire (vers lequel pencherait toutefois davantage Ennahda) serait perçu comme un facteur d'instabilité. Elu au suffrage universel direct, le Président de la République aurait un rôle d'arbitre, placé au-dessus des partis.
Enfin, une large place devrait être consacrée à la garantie des droits de l'homme, de la femme et de l'enfant, en conférant un rôle majeur à un tribunal constitutionnel, ainsi qu'aux droits sociaux. Ces préoccupations traduisent les aspirations communes des nouveaux dirigeants tunisiens, dont beaucoup ont milité pour les droits de l'homme et ont été emprisonnés sous l'ancien régime.
Au regard de la longévité de l'actuelle Constitution tunisienne, ancienne de plus d'un demi-siècle, les responsables tunisiens rencontrés par la délégation de la commission des finances ont souligné qu'il s'agissait d'un texte ayant vocation à définir le cadre social et démocratique de la nouvelle Tunisie pour plusieurs décennies.
Comme l'a rappelé aux membres de la délégation le Président de l'Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, il y a une tradition ancienne en Tunisie de consécration du rôle des représentants de la nation, comme le faisaient déjà apparaître les débats sur la place respective du bey et des membres du Grand conseil dans la Constitution de 1861. Cette même Constitution ne faisait d'ailleurs référence ni à l'Islam, ni à l'arabisme, ceux-ci étant considérés comme les fondements naturels de la société tunisienne.