2. Des restructurations d'établissement innovantes à l'initiative des collectivités territoriales
La situation des zones rurales n'est pas partout aussi tendue que dans l'arc de pauvreté de l'Est girondin. Confrontés à des pertes d'effectifs d'élèves et menacés de fermeture d'établissement, certains territoires sont aussi devenus des foyers d'innovation pédagogique , qui peuvent inspirer de nouvelles organisations des collèges et des réponses originales aux problèmes de carte scolaire. Des zones urbaines pourraient aussi bénéficier des leçons des expérimentations menées en milieu rural.
La mission a été particulièrement intéressée par l'exemple du collège de Puisaye issu de la fusion de trois établissements à l'initiative du conseil général de l'Yonne. Les collèges de Bléneau, Saint-Fargeau et Saint-Sauveur dont les effectifs étaient faibles et dont la fermeture menaçait, ont été regroupés en une seule entité administrative et pédagogique. La fusion avait pour objectif de diminuer les coûts élevés pour l'éducation nationale et pour le département, d'améliorer les résultats scolaires et de développer l'ambition des élèves par une stimulation pédagogique.
Cependant, la particularité de cette fusion est qu'elle n'a pas abouti à la concentration sur un seul site, puisque le nouveau collège né de la fusion en septembre 2009 se déploie sur les trois anciens sites qui ont été maintenus, réhabilités et modernisés par le conseil général. Un seul principal, auquel sont associés deux adjoints, afin de garantir une présence permanente sur chaque site, pilote la structure. Les enseignants sont nommés sur le collège fusionné de Puisaye et leur service est mutualisé sur l'ensemble des sites. Les 487 élèves sont également affectés sur l'établissement unique et ils sont ensuite répartis sur chaque site par le principal en respectant les secteurs scolaires des anciens collèges. Les nouveaux équipements permettent l'utilisation d'environnements numériques de travail et de tableaux blancs interactifs. La visioconférence et le visioenseignement sont régulièrement utilisés.
Afin d'éviter toute forme de compétition entre les sites, qui ruinerait la dynamique de fusion, l'offre éducative est la même partout. Auparavant, les trois collèges ne proposaient pas le même choix d'enseignements optionnels, ce qui suscitait une forme de concurrence et des demandes de dérogations malgré les faibles effectifs scolarisés. Dans le collège fusionné, chaque site propose l'allemand et l'espagnol en LV2, ainsi que du latin et la DP3. Sont proposées partout des sections sportives et des options culturelles. Une classe orchestre commune a été montée avec l'appui de l'école de musique locale, ainsi qu'un groupe théâtre. Ces activités, complémentaires des enseignements obligatoires, permettent de tisser un lien entre les élèves des différents sites et jettent les bases d'une culture d'établissement commune.
Les résultats du collège se sont nettement améliorés. Le taux de réussite au brevet est de 90 % ce qui place le collège en tête des établissements de l'Yonne. De même, le taux de passage en seconde générale a progressé de 4 points en un an, même s'il reste inférieur à la moyenne départementale, comme c'est souvent le cas en milieu rural.
Votre rapporteure salue cette initiative originale, soutenue par les investissements importants consentis par le conseil général, qui a permis de maintenir un maillage scolaire adéquat en zone rurale sans sacrifier la qualité de l'encadrement éducatif, mais au contraire en l'améliorant. Il faut également souligner l'accompagnement de la fusion par le rectorat de Dijon, qui a su maintenir les dotations à des niveaux adéquats pour assurer la mise en place de la nouvelle structure. Ce type d'innovation pourrait essaimer dans d'autres territoires confrontés aux mêmes difficultés d'aménagement.
En conclusion, il est intéressant de comparer la situation de la carte scolaire en Puisaye et dans la ville de Sens dans le même département. De facto et en l'absence d'offre d'enseignement privé, la carte scolaire est rigoureusement respectée dans le pays de Puisaye puisque le chef d'établissement refuse toute demande ponctuelle de transfert d'un site sur un autre. A Sens, en revanche, deux collèges sont installés très proches l'un de l'autre mais leurs profils sociologiques et leurs réputations sont très différents, ce qui encourage les stratégies de contournement de la sectorisation selon un modèle classique. Le conseil général de l'Yonne avait souhaité préparer une fusion de ces deux collèges dont les effectifs ne sont pas très importants afin de brasser davantage les publics et de dynamiser des établissements dont les performances scolaires n'étaient pas satisfaisantes. Il a dû reculer devant la crispation des parents d'élèves et d'une partie du corps enseignant, alors que le même type de réactions défensives a pu être surmonté en milieu rural.