II. DE RIO À RIO : DES PAROLES AUX ACTES

Pour qui souhaite dresser vingt ans après un bilan du Sommet de la Terre de 1992, la tâche n'est pas aisée. Peu d'éléments tangibles permettent en effet d'apprécier la portée, l'impact et l'efficacité des principes dégagés alors. Mais plutôt que d'échec, il semble plus pertinent de parler aujourd'hui de déception ou d'insatisfaction au regard de la place prise par le développement durable dans les relations internationales. En effet, si le Sommet de la Terre fut un succès en soi pour les principes qu'il a mis sur le devant de la scène internationale, en revanche, la mise en oeuvre de ces principes semble souvent différée.

A. 20 ANS APRÈS LE SOMMET DE LA TERRE : UN BILAN QUASI-INEXISTANT ET DÉCEVANT

1. Un bilan « sur pièces » délicat

Il est difficile de mesurer les avancées concrètes en matière de développement durable dès lors que les grands principes énoncés à Rio n'ont été assortis d'aucun indicateur de référence précis.

Aucun bilan régulier des engagements pris en 1992 n'a été systématiquement dressé. Deux documents de synthèse ont bien été publiés par les Nations unies mais ils ne contiennent pas de bilan sérieux de chacun des volets recouverts par les différents engagements et conventions de 1992. En premier lieu, le rapport du Secrétariat général des Nations unies du 1 er avril 2010 « Progrès réalisés et lacunes restant à combler au niveau de la mise en oeuvre des textes issus des grands sommets relatifs au développement durable, et analyse des thèmes de la Conférence » 4 ( * ) , propose quatre critères d'évaluation permettant de mesurer les progrès réalisés depuis 1992 en matière de développement durable. Ces quatre critères recouvrent l'évolution des indicateurs concernant chacun des trois domaines relevant du développement durable (économie, social, environnement) ; les efforts visant à faire converger ces dimensions ; la concrétisation des engagements internationaux et nationaux et les progrès réalisés pour relever le défi à plus long terme.

Mais au regard de l'objectif et du défi ultime du développement durable qui, selon ce rapport, est « de faire converger les trois trajectoires de la croissance économique, du progrès social et de la protection de l'environnement » , et « malgré quelques évolutions positives, le résultat global n'est pas à la hauteur » .

Quant au deuxième document-bilan des Nations unies, un rapport du 9 août 2011, il porte principalement sur les aspects énergétiques du développement durable et ne donne pas de vision globale des avancées des principes du développement durable depuis 1992.

Pas de chiffres ni de modélisations précises donc. Parmi les documents adoptés à Rio en 1992, le plus important est peut-être la Déclaration de Rio, qui déclinait sous forme de « principes » les objectifs du développement durable, qui devraient trouver ensuite leur prolongement dans le droit international.

Un rapide bilan des 27 principes de la Déclaration montre que les principes souples ou « sous condition » ont trouvé une pleine application. Ainsi, le principe de responsabilité commune et différenciée, qui fait porter aux pays les plus industrialisés une responsabilité historique accrue en raison de leur développement précoce très émetteurs de gaz à effet de serre, a connu un grand succès, notamment dans les négociations climatiques, justement parce qu'il autorise la modulation des engagements.

Quant aux principes qui auraient conduit à promouvoir à un plus haut niveau la politique de l'environnement, ils ont été freinés, en particulier celui de la responsabilité environnementale - notamment pour les biens publics mondiaux - alors qu'ils auraient pu faire progresser le droit de l'environnement et sont restés presque lettre morte. Par exemple la pollution de la haute mer n'entraîne aucune conséquence financière pour les pays ou les entreprises responsables, alors que, dans le même temps, les plaques de déchets (notamment plastiques) s'accumulent dans les océans, pris dans des gyres océaniques qui menacent la biodiversité.


* 4 Rapport A/CONF.216/PC/2 du Secrétariat général des Nations unies (01/04/2010).

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